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2 février 2024 5 02 /02 /février /2024 09:46

Il y a bien longtemps que cette course de Racing the Planet me tente. Mais le Chili, c’est si loin de chez moi… Enfin, ça y est, je me suis décidée.

Le désert d’Atacama se situe dans le nord du Chili, haut plateau à une altitude de 2500m, au pied de l’altiplano de la cordillère des Andes lui-même à 4500m, et où les sommets culminent à plus de 6000m. Ce sont principalement des volcans. Tout pour me plaire. C’est un des déserts les plus secs du monde, près du tropique du Capricorne.

Atacama 2023 – Chili

Le principe de Racing the Planet est immuable : 250 km à parcourir en 6 étapes sur 7 jours, à peu près 4 fois 40km, 80km et 10km, en autonomie. L’organisation fournit la tente, l’eau chaude et l’eau froide. Exceptionnellement cette fois, nous aurons du thé à notre disposition pour leurs 20 ans. Quel cadeau pour alléger mon sac !

Je pars au Chili 2 semaines avant la course, en septembre 2023. Ce pays étant tout en longueur, je me cantonne à la partie nord, où je séjourne plusieurs fois à 4500m, ce qui me permet une bonne acclimatation à l’altitude.

Je rejoins le groupe de la course à l’oasis de San Pedro de Atacama, petite ville touristique du coin avec ses maisons en briques de terre, située à 2500m. Au fond, à une trentaine de km vers l’est, se dresse la chaîne de la cordillère des Andes avec le majestueux volcan enneigé Licancabur, et ses 5916m d’altitude.

Atacama 2023 – Chili

J’y profite d’un jour de libre avant la course pour aller me promener à pied vers les gorges du Diable, me donnant un aperçu de ce qui m’attend dans 2 jours. Une fois sortie de la ville verdoyante où je traverse le rio de San Pédro, tout est très sec. La terre est d’un magnifique grès alezan. Je remonte le lit de la rivière, bordé de petites montagnes toutes plissées, puis je pénètre dans un très étroit canyon sec, avant de grimper sur un petit sommet. J’embrasse une très belle vue sur ces montagnettes environnantes, jusqu’au Licancabur. Quel paysage unique ! On m’avait dit que ce serait beau, et c’est beau !

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

Il fait très chaud la journée, et la piscine de l’hôtel est bien tentante. Pourtant il n’y a personne dans l’eau, ou du moins que moi. C’est qu’elle bigrement froide !

Je partage ma chambre d’hôtel avec Yui, qui vint du Japon. Malheureusement elle ne parle pas anglais, je ne pourrai pas découvrir beaucoup sa culture.

Je prépare mon sac définitif pour la course, avec une liste de matériel obligatoire conséquente, comprenant entre-autre 14000 kcal obligatoires de ravitaillement. Mes repas, minutieusement calculés et pesés, ne seront guère variés : purée déshydratée ou semoule, agrémentées de poudre d’amandes, de soupe déshydratée et de spiruline, soit féculents, lipides, légumes et protéines. Pour optimiser le poids je n’emmène pas de grignotage.

Nous devons porter un sac de couchage, que je prends léger, et nous avons droit à un sac de secours avec un couchage chaud, que nous ne portons pas. J’y mets le sac népalais -15° de mon frère, car la nuit, ça caille.

Je vais courir en collant et manches longues et la tête à l’abri d’une casquette saharienne pour me protéger du soleil ardent de la journée. Sur mes chaussures sont cousues de grandes guêtres pour éviter tout contact de mes petons avec le sable, qui ne demande qu’à pénétrer partout.

Atacama 2023 – Chili

Le lendemain matin est consacré au briefing et au contrôle des sacs. Nous sommes 110 coureurs, venant de 40 nations. S’il y a beaucoup de néophytes, il y aussi des coureurs dont c’est la 9° participation ! Quand je pense que j’aime changer de destination… Nous ne sommes que 2 Françaises, Joelle qui vit à Hong-Kong et moi, de la Réunion.

Nous sommes maintenant en tenue de course, n’ayant plus accès à nos sacs personnels. Puis c’est le départ en bus vers le camp 1, au nord de San Pédro. Le trajet s’élève progressivement dans la montagne jusqu’à 3300m d’altitude. Nous croisons quelques vigognes qui broutent la végétation rase d’altitude.

Je découvre le campement, entouré de petits sommets déchiquetés, tout brun. C’est magnifique. Mais il va faire frais ce soir !

Je fais connaissance avec mes compagnes de tente : Joelle, les Anglaises Lynne, avec qui j’étais en Géorgie, et Abbey, Fien la Belge et Erna la Néerlandaise. Je me cale dans un coin, pour éviter d’enjamber tout le monde en permanence, mais j’aurai plus froid.

La 1° étape est courte, 35km, et va nous faire descendre 800m de dénivelé dans la vallée de l’Arc-en-ciel. Et c’est parti ! Tout de suite je me retrouve avec de l’eau sur les pieds. Très étrange. L’emboût de ma poche à eau toute neuve fuit. Je cogite la meilleure attache pour résoudre le problème. Ce sera sur le cou, ce qui n’est pas très pratique pour boire, mais je ne perdrai pas d’eau.

Atacama 2023 – Chili

Le sac est au plus lourd de la course, 6,5kg sans la boisson. Heureusement je suis un vrai chameau et je n’en ai pas besoin de beaucoup, en plus nous pouvons nous ravitailler aux CP tous les 10km.

Ca part en descente dans les cailloux, puis sur un sentier en encorbellement avant de s’engager dans un beau canyon étroit. Je suis à mon aise. Je me retrouve avec Magdalena, Allemande, et Kabuki Anglaise, que je dépasse rapidement. Et me voilà tout de suite en tête des féminines.

Il fait rapidement chaud, mais cela reste supportable avec l’altitude et l’ombre des parois de la vallée.

Sur le trajet je croise un petit lézard, et moins ravissant, le cadavre d’un âne. Il doit bien se conserver avec ce climat très sec. Puis au détour d’un encaissement, un condor me survole furtivement. Quelle envergure impressionnante ! C’est le plus grand rapace au monde.

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

Le paysage s’élargit au sein des montagnes Domeyko, belles formations aux couleurs multiples, et je caracole toujours dans la descente qui est maintenant régulière et roulante, tout en évitant de gros cactus tout rond, genre coussin de belle-mère géant. Je vois par intermittence quelques gars devant en fonction du relief. Et soudain au niveau du CP3 au pied d’une montagne, ils disparaissent. Ils sont partis par où ? Ah je comprends, angle droit sur la gauche sur une large piste de 4x4. Mais c’est que ça monte maintenant !

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

La piste serpente vers un col. Je suis en 1° posture et je ne sais pas du tout où sont les autres derrière, donc je continue de courir dans la pente. Le col a l’air de se situer après le virage en vue, mais non, il y en a toujours un nouveau. C’est dur dans les jambes avec le sac lourd, mais ça vaut le coup.

Atacama 2023 – Chili

Tiens, les parois qui bordent le chemin sont décorées de pétroglyphes par ici. Ils sont Incas et Aymaras, l’ethnie locale. C’est trop beau. Les plus vieux datent de 1500 ans avant JC, mais je ne sais pas de quelle époque sont ceux-ci. Dommage que je n’aie pas le temps d’en profiter. En fait je suis sur une ancienne route inca commerciale.

Atacama 2023 – Chili

J’arrive enfin au col après 7 km de montée. Davide l’Italien m’y rattrape. On quitte la piste dans des grosses pierres pour une courte descente sur le camp. Mon arrivée est soulignée par les battements du  gros tambour.

Les quelques coureurs déjà là sont affalés à l’ombre d’un barnum car il est 13h et il fait chaud. La chaleur ne me gêne pas. Je suis 8° au scratch, je n’en reviens pas. Kabuki surgit 15 mn plus tard, suivie rapidement de Magdalena, et d’une autre Allemande Tanja.

Atacama 2023 – Chili

Je m’installe donc la première dans ma tente, et j’ai tout l’après-midi pour farniente, ce qui est très agréable. Après avoir mangé, une petite sieste s’annonce, en petite tenue, short et brassière, en ouvrant la tente en fonction de la direction du soleil pour ne pas y cuire. Dehors je ne reste pas au soleil brûlant.

Le camp se remplit au fur et à mesure, le tambour rythmant les arrivées. Joëlle apparaît dans la tente. Il faudra attendre les autres filles plus longtemps. La dernière sera Fien. Elle semble vraiment épuisée. Les premières ampoules apparaissent, et les premiers frottements du sac sur les peaux. Pas pour moi en tout cas, j’y échappe.

Le froid arrive d’un coup à la tombée de la nuit. Je passe du déshabillé à la tenue en Mérinos, chaude et légère. Merci Siloe ! Je n’aurai pas froid du tout de la semaine.

Outre le thé bien chaud, nous avons le droit à un feu le soir. Avec Joëlle et son mari Yunès, nous sommes parmi les derniers à nous restaurer. Tous les autres sont couchés à 19h, un peu tôt pour moi.

Je dors très bien dans ma tente pleine à craquer, qui reste bien calme, à part mon matelas gonflable qui couine quand je bouge, et je bouge beaucoup.

Je suis une des dernières à me lever le lendemain matin. Je suis vite prête, et je n’aime pas spécialement poirauter dans le noir et le froid. Il fait jour vers 7h. Mon petit déjeuner de purée ne demande pas de temps de préparation.

Dès que le soleil arrive sur le camp, la température se réchauffe très vite et il fait bon pour le départ à 8h. Lors du briefing matinal du jour, je reçois un nouveau dossard jaune fluo à porter : LEADER !

Atacama 2023 – Chili

La 2° étape fait 37 km. On redescend l’autre côté du col sur 5 km de piste vers la rivière Salado. Puis succède un sentier serpentant dans le canyon très resserré du cours d’eau. Du coup on est à l’ombre, ce qui est appréciable. Le terrain me convient parfaitement, pierreux à souhait. Je traverse le torrent un nombre certain de fois, avec de l’eau jusqu’à mi-cuisse au maximum. C’est frais et cela fait du bien aux muscles. Je m’amuse beaucoup dans cette partie et je double pas mal de messieurs, Magdalena et Kabuki étant larguées dès le début du sentier.

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

Ce canyon est magnifique, tout en teintes ocres verticales. Il finit par s’élargir à partir du CP1, et je rejoins la vallée de Catarpe, celle où je me suis promenée avant la course. Je passe à côté de la belle petite église de San Isidro, complètement isolée dans sa blancheur. Puis j’oblique vers l’ouest et quitte définitivement la rivière, puisque ça monte sec par une belle piste qui me mène à un tunnel, juste après le CP2.

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

De l’autre côté de la montagne, ô surprise, je domine la vallée de la Mort. C’est magnifique, tous ses petits pics très plissés sont vraiment étonnants. Si mes yeux admirent le bas, mes jambes tricotent vers le haut. Je suis maintenant sur un vrai sentier de cabri, très raide dans les pierres. J’y double allègrement 2 gars. La crête est vite atteinte. J’y croise avec surprise 2 français qui font une pause en VTT. Ils ont dû bien porter leur monture pour arriver là !

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

Le sentier continue de monter en pente beaucoup plus douce et plus facile vers le sommet, le long de la crête surplombant maintenant la vallée de San Pedro. Les cyclistes en profitent pour me doubler, avec des encouragements mutuels. Le point culminant m’amène en haut d’une grande dune, fort surprenante au milieu de toute cette rocaille. Elle vient s’appuyer contre la paroi de la montagne. Les couleurs passent du brun au jaune.

Atacama 2023 – Chili

Je dévale la pente toute molle. Il suffit de se laisser porter par le sable qui glisse sur les longues foulées, c’est un vrai bonheur, même s’il est éphémère. En bas je rejoins le CP 2.

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

Je suis maintenant sur un sentier plat qui serpente de nouveau dans un canyon, mais sec cette fois, et pas très long. Il débouche sur la vallée de San Pédro. Je traverse la grand-route par un tunnel dessous. Puis c’est la dernière section, sableuse à souhait, avec des petites plantes qu’il faut contourner car certaines ont de bonnes épines, et de temps en temps des dunettes à franchir qui coupent l’élan de la course. Il fait chaud, mais ça sent la fin de l’étape. La flore est unique au monde, très adaptée tout à la fois à l’altitude, au climat très sec, très chaud en journée et froid la nuit.

Pourtant je ne vois pas le camp ni n’entends le tambour. Patience, cela viendra, continuons tranquillement notre cheminement trottinant. J’arrive à une dune certes fort modeste mais un peu plus haute que les précédentes, et dans le creux derrière je trouve un bénévole et le battement du tambour retentit. L’arrivée est juste derrière.

Je suis la 1° fille, pour 6 h de course. Magdalena arrive derrière, suivie de Kabuki.

J’ai de nouveau un après-midi de repos, avec la tente pour moi toute seule en attendant les autres. Nous sommes maintenant à 2500m d’altitude, et nous y resterons jusqu’à la fin, il va faire un peu moins froid la nuit. La vue sur le volcan Licancabur est magnifique, avec sa forme parfaite de cône et son chapeau enneigé, alors que j’ai les pieds dans le sable.

Atacama 2023 – Chili

La 3° étape fait 40 km, un peu plus longue que les précédentes mais techniquement plus facile. Je devrais logiquement laisser ma place de leader aux marathoniennes, plus rapides sur terrain plat.

C’est parti plein sud sur un terrain à peu près aplani, sur fond sableux et zigzaguant entre les touffes de plantes piquantes qu’il vaut mieux éviter. Mon collant et mes chaussures de trail me protègent bien. Une grande et solide épine arrive tout de même à traverser la semelle. Je musarde avec le très sympathique groupetto des 3 Taïwanais. Magdalena est partie devant rapidement, Kabuki reste derrière. Je suis aussi doublée par une moto de trail, c’est Dan qui assure notre sécurité sur les parties hors piste.

Atacama 2023 – Chili

Le CP 1 est sous l’unique arbre du coin, immanquable, connu comme étant le dernier vers le sud du désert. Puis je me rapproche du pied des montagnes de la cordillère des Andes vers l’est, d’abord sur une large piste qui traverse la route à l’aide de la maréchaussée locale, puis par une montée régulière, droit vers les volcans et vers l’observatoire astronomique de l’ALMA à Llano de Chajnantor, le plus haut du monde.

Atacama 2023 – Chili

Son emplacement a été choisi pour le ciel sec et pur. Les installations toutes blanches du site se détachent parfaitement sur le fond brun et aride de la montagne. Je croyais naïvement que nous allions passer devant. Or elles sont à 5000m d’altitude, soit 2500m au-dessus de ma tête, et paraissent pourtant proches. Elles doivent être énormes. Ca fait long le détour. J’ai une pensée pour mon cousin féru d’astronomie depuis toujours.

Atacama 2023 – Chili

Je passe le CP3, je laisse l’observatoire sur ma gauche et je poursuis ma progression plein sud en hors-piste, parallèle à la majestueuse chaîne de montagnes des Andes, uniquement guidée par les petits drapeaux roses. Je retrouve les Taïwanais qui commencent à fatiguer, il n’y a plus que Kevin de vaillant. Le terrain est toujours vallonné, tantôt sableux, tantôt rocailleux, tantôt boueux. La boue est très sèche et présente une surface très irrégulière comme un tas de petites ornières. Tout cela demande de l’attention et de l’énergie pour continuer à courir, ce dont je ne manque pas.

Je croise quelques creux bien prononcés, puis une courte descente vers un canyon encaissé au fond duquel coule une petite rivière. Tout de suite, je suis dans la verdure. Cela ne dure pas car je remonte sur la berge opposée.

Pour finir je me retrouve dans le sable avec quelques dunettes, jusqu’à longer une toute petite oasis bordée d’une dune plus conséquente. Bonne descente très raide suivie d’une bonne montée tout aussi raide, et l’arrivée est au sommet, avec le volcan Lascar en toile de fond qui nous domine de ses 5600m d’altitude.

Atacama 2023 – Chili

Il est 15h, je suis 2° féminine derrière Magdalena. Je lui abandonne mon beau dossard jaune de leader. Et ô, belle surprise, nous avons accès à un bassin de baignade dans l’oasis privée de Zapar. Il faut juste refranchir la dernière dune dans l’autre sens. Après la purée rapidement engloutie, je pousse le portail de la plantation de vigne pour un plouf fort apprécié. Oui oui, on fait du vin en plein désert à 2500m d’altitude, et les petites grappes de raisin de l’hémisphère sud sont déjà formées en septembre. Je me baigne tout habillée, ce qui permet un rinçage complet de moi-même et de ma tenue de course, qui sera sèche en un rien de temps après. Beaucoup de coureurs n’auront pas le courage de se retaper la dune aller-retour ou arriveront trop tard pour ce rafraichissement bienfaisant.

Le soir les échanges avec les autres coureurs et les bénévoles sont toujours enrichissants. Il y a les joyeux Taïwanais Kevin, Macca et David, Louisa l’Australienne qui aime courir la nuit pour voir les marsupiaux, Eyal l’Israélien avec son petit livre de prières en hébreu, Dolores l’Argentine toute menue et pétillante. D’ailleurs elle penche fort sur le côté, certainement dû à un déplacement du bassin, ce qui arrive fréquemment sur les efforts longs. Il y a aussi Anka l’Allemande qui tient le bar à thé dans la bonne humeur. Et tous les autres bien sûr.

Atacama 2023 – Chili

Place maintenant à la 4°étape de 44km. On nous a promis de la chaleur.

Après une petite partie ascendante très rocailleuse, la descente s’amorce vers la vallée de Jerez, canyon verdoyant enserré dans de hautes parois rocheuses, la route et le village de Toconao aux maisons en pierre blanche volcanique, qui a l’air assez pauvre, pour trouver le CP1.

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

Une fois la tranquille localité traversée, je prends un cap plein ouest pour visiter le plateau d’Atacama de part en part, vers la cordillère de Domeyko et tournant le dos aux grands volcans. Je me dirige vers un peu de verdure après une plaine saline, la forêt de Tambillo composée de tamarugos, grands arbres appréciés des chèvres.

Atacama 2023 – Chili

Je découvre le fameux Salar de l’Atacama, un immense marais salant composé de dépôt salin très riche en sulfate et chlorure de potassium, ainsi qu’en lithium. Un peu de géologie s’impose. Ces minéraux proviennent de la dissolution par les eaux des précipitations sur le sol volcanique de la chaîne andine toute proche. Ces dernières s'infiltrent et s'accumulent dans le sol, se chargeant de sels. Puis ces eaux souterraines affleurent dans la dépression d’Atacama. Elles s'évaporent avec la chaleur très sèche du coin et les sels apportés s'accumulent, formant une croûte solide, qui est cimentée par les poussières amenées par le vent du désert. Sous la surface se trouve un lac salin, caché par la croûte solide de sel. Sa traversée s’avère prometteuse.

Atacama 2023 – Chili

En effet, je rentre dans le vif du sujet qui commence par un changement de degré de forme et d’aspect du terrain, qui perd sa teinte grise et devient insensiblement blanc. La terre se boursoufle et forme d’innombrables petits monticules semblables à des cônes entourés de fentes de dessication. Ils se groupent quelquefois les uns par-dessus les autres et ressemblent à de grosses poires, de toutes tailles. Le résultat se traduit par une succession de surfaces de boue argileuse molle, dure ou croustillante sous le pas, au choix. Ou plutôt, on n’a pas le choix. Bref, Il n’y a pas de trace de sentier, seuls les petits drapeaux roses marquent la direction. C’est très ardu d’y courir, néanmoins j’aime cette difficulté, même si je ne vais pas vite. Les bâtons de Kabuki ne l’aident pas du tout et elle peine derrière moi.

Atacama 2023 – Chili

Au CP2, grande surprise, des chevaux sont attachés à la tente. Eh oui, aucun autre moyen de transport ne permet d’y amener le ravitaillement en eau, et les bénévoles et notre médecin Dr Lisa sont d’éminents cavaliers. Les 4x4 et la moto sont hors course dans cette zone.

Le sel a fait son apparition, immensément blanc, en croûte disloquée en surface. Ca craque sous les semelles. Chaque pas est imprévisible, je m’enfonce à chaque fois de manière différente sur les picots de boue. Il faut une bonne proprioception ! Et c’est très énergivore. Mais c’est unique ! Certains passages sont carrément en plaques de sel. Il est 11h, et je ressens la chaleur de la réverbération du soleil sur cette blancheur immaculée jusque sur mon visage, seule partie non couverte de mon épiderme. Les lunettes de soleil sont obligatoires. Malgré ces conditions brûlantes, je ne souffre pas de la chaleur sous ma grande casquette et la présence d’une très légère brise. Je ne sais pas comment font les coureurs qui sont en short et en manches courtes.

Atacama 2023 – Chili

Je sens bien qu’il y a de l’eau en-dessous, mes chaussures l’atteignent parfois en s’enfonçant. Je ne suis pas lourde et reste suffisamment en surface pour ne pas me mouiller les pieds, ce qui est appréciable car l’eau salée est très créatrice d’ampoules, et je n’en ai pas présentement. Je dois même traverser quelques écoulements en sautant.

Atacama 2023 – Chili

Tout ayant une fin à qui sait être patient, ma foulée me sort de cette peine et m’amène au CP3 sur une belle piste paradisiaque. Elle longe les 2 petits lacs parfaitement ronds des Yeux du marais salant, d’un bleu profond sur fond blanc, formé par une chute de météorite. Puis je serpente jusqu’à une piste privée qui se termine au camp. Ce fut une magnifique et dure étape de 8h. Je suis 3° cette fois, derrière Magdalena et Tanja qui fait une belle remontée, et Kabuki me talonne. Nous sommes toutes les 4 dans un mouchoir de poche.

Atacama 2023 – Chili

Yunès me fait la surprise d’arriver peu après, pour une fois avant sa femme Joëlle. Il est avec tout un groupe qui débarque… en voiture. En effet, Dr Lisa a pris la température au niveau du sol au CP2 à 13h, en pleine journée. Elle atteignait 54°C, et elle a fait neutraliser les coureurs qui restaient à passer, par mesure de sécurité. Ils ont le droit de continuer la course, et seront en tout cas plus frais pour demain, qui est la longue distance.

Atacama 2023 – Chili

Le Camp est dressé près du lac Tebinquinche, peuplé d’oiseaux et entre-autre de flamants roses. 3 espèces y sont présentes sur 6 au monde : le flamant des Andes, le flamant du Chili et le flamant de James. Les lagunes sont riches en vie microscopique et en crustacés, nourriture favorite des flamants. On y trouve aussi des « pierres vivantes » qui affleurent à la surface, stromatolites composés de carbonates de calcium et de sulfate de calcium, dans lesquelles vivent des bactéries. Elles seraient à l’origine de la vie sur la terre. Ce n’est pas tout, les diatomées s’y plaisent beaucoup aussi, algues unicellulaires microscopiques. Quelques plantes halophytes et des graminées salées complètent le tableau. Bref, c’est un milieu de biodiversité très rare.

Atacama 2023 – Chili

Le soir je découvre que le meneur masculin, Scott le Néo-zélandais, est en fait un coureur de trail professionnel. Il est largement en tête du classement. Néanmoins c’est la première fois qu’il fait une course à étapes. Il est très sympa. Il a fait quelques erreurs de matériel par méconnaisse et trimballe des crocs, encombrants et pas vraiment légers. C’est comique.

 

La tension est palpable dans la tente pour celles dont c’est la première fois qu’elles vont courir 72 km le lendemain, épreuve nommée la longue marche. Mon seul problème est mes lunettes. Autant pour celles de vue que celles de soleil, les verres se sont beaucoup dégradés ces derniers temps et je vois de moins en moins bien, surtout la nuit. Or la nuit tombe vers 19h et je vais terminer de nuit, c’est sûr.

Le départ de la 5° étape est donné, direction plein nord, au pied des petites montagnes de la cordillère de Sel, petites à côté des majestueux volcans de l’autre côté du plateau. Le premier ravitaillement est à 14km, ce qui est long.

Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili
Atacama 2023 – Chili

Au début ce n’est que de la piste très roulante autour du lac Tebinquinche que je peux admirer à loisir. Si mon sac s’est bien allégé avec la nourriture engloutie, il en est de même de celui des autres. Aussi ceux qui avaient un bagage plus lourd que le mien sont bien moins gênés maintenant et sont plus véloces, surtout les coureurs de marathon, contrairement à moi qui ne cours pas vite sur le plat, quel que soit le poids à porter, qui reste conséquent de toute manière.

Puis je retrouve rapidement les poires de boue sèche sans chemin tracé, comme je les ai tant appréciées la veille. Je suis une des rares à réussir à y courir. Le CP1 me réconcilie avec la piste. Peu après je retrouve l’arbre isolé que j’ai déjà passé à l’étape 3, dans l’autre sens, sans vraiment le reconnaître. Vous vous souvenez ?

Atacama 2023 – Chili

Au CP2, j’oblique plein ouest pour une belle boucle vers les reliefs de la vallée de la Lune. La piste reste plate au milieu de petites dunes. Au CP3 le bénévole me tend un coca, pensant me faire plaisir. Mais non, je n’en bois pas. Il est plus dépité que moi. Cela devient du hors-piste d’abord pierreux puis de plus en plus sablonneux. Je me dirige droit vers une énorme dune rubigineuse, une beauté. Il va falloir la gravir. Il y a peu de traces des précédents passages et elles montent tout droit. C’est trop raide et je m’enfonce à gogo dans ce sable. Je préfère une trajectoire oblique, un peu plus longue mais bien plus facile. D’ailleurs les quelques coureurs qui me suivent adoptent ma stratégie.

Atacama 2023 – Chili

Au sommet, à ma grande surprise, je suis sur un plateau bordé de pics. C’est magnifique. Au bout je trouve une descente dunale. Là, j’y vais tout droit ! Et de bon cœur ! Le CP4 est juste en bas.

J’y retrouve Kabuki. Elle a les pieds à l’air et est en pleine crise de larmes, le médecin présent lui promettant de la charcuter. De mon côté je fais une pause ravito, mon seul repas prévu du jour. 2 biscuits protéinés pour dénutris me suffisent pour les 30 km restants et je repars en forme.

Atacama 2023 – Chili

Kabuki semble avoir repris du poil de la bête et elle me double un peu plus loin dans une traversée entre de petits monts qui me mène vers le nord à une vallée encaissée entre 2 chaînes montagneuses, et qui finit par déboucher sur une piste. Je passe une antenne de communication, puis une montée. Je pénètre maintenant au centre de la vallée de la Lune. Tout est minéral, dans toute la palette des teintes brunes. Les pics plissés et très érodés par le vent m’entourent. C’est très beau. Je continue de trotter à mon rythme. J’admire tellement le paysage que je suis d’un œil distrait les traces de pas, et soudain je me rends compte qu’il n’y a plus de petits drapeaux roses. Vite, vite, demi-tour. Je les retrouve non loin, j’ai loupé un virage à droite qui quitte la piste. Je dois être dans un coin touristique avec toutes ces empreintes.

Atacama 2023 – Chili

J’arrive au CP6 où on me demande d’allumer ma lampe. C’est pourtant encore un peu tôt, il n’est que 18h30 et on voit encore très bien. Je ne suis pas pressée de me taper la nuit. Je m’enfonce maintenant dans la « petite vallée ». Je passe devant une carcasse de bus, je me demande bien ce qu’elle fait là mais elle a l’air réputée. En tout cas je trouve ça bien dommage.

Atacama 2023 – Chili

La pleine lune apparaît devant moi avec le volcan Licancabur en toile de fond dans la demi-pénombre, c’est magique. Je termine la boucle plein est.

Atacama 2023 – Chili

Je trouve le 4x4 d’un bénévole dans une petite montée qui vire à droite toute. Il me dit que je n’ai plus qu’à suivre cette piste qui va m’amener tout droit à l’arrivée. Il fait nuit désormais, et me voilà dans la descente. Et je ne vois pas les drapeaux roses le long de la piste. Catastrophe. Je remonte jusqu’à les retrouver, et de nouveau ils disparaissent lorsque je redescends. Un 4x4 providentiel arrive, qui va pouvoir m’aider j’espère. C’est le staff chilien qui transporte du matériel et ils ne connaissent pas le parcours. Ils sont très gentils et cherchent pour moi à pied les drapeaux. Ils les dégotent sur un tout petit sentier sur la gauche que je n’avais pas du tout repéré. Muchas gracias les gars !

Atacama 2023 – Chili

Mais je ne suis pas sortie de l’auberge car comme je le pressentais, je n’y vois goutte avec mes lunettes altérées. Je distingue dans le faisceau lumineux de ma lampe la phosphorescence des drapeaux à 3m, pas plus. Pour l’instant je suis à flanc de montagne dans les cailloux et je m’en sors assez bien. Mais voilà que j’atteins une dune à descendre et je ne sais pas dans quelle direction la prendre. Je vais au pif jusqu’à entrevoir le point rose suivant, c’est épuisant, et ça tourne à droite toute. Je longe le pied de la montagne et je rejoins enfin la piste. En fait si je ne m’étais pas posé la question des drapeaux disparus, j’aurais continué tranquillement sur cette même piste.

La descente continue, je ne distingue toujours pas les drapeaux mais cette fois je sais que je suis sur le bon bout. D’ailleurs Macca le Taïwanais et Hannah l’Anglaise me doublent. Eux ils voient très bien me disent-ils. Je n’ai plus qu’à les suivre et ils me montrent là où il faut quitter la piste pour rejoindre l’arrivée et le tambour. Quelle galère ces 5 derniers km ! Je suis bien contente d’en finir avec cette courte partie de nuit, bien trop longue pour moi. Je n’ai malheureusement pas pu profiter de la pleine lune.

Atacama 2023 – Chili

Il est 20h, ce qui me fait 12h de course. Du coup je termine 5° féminine de cette étape. Bilan de la journée : c’est au tour de Tanja de gagner, et elle prend la tête des filles, avec une avance de 2h sur moi, suivie de Magdalena.

J’ai une belle soirée devant moi, en attendant que la tente se remplisse au cours de la nuit. Joelle ne pointe pas trop tard.  Néanmoins il fait froid et je ne me laverai pas ce soir. Je profite de ma purée / noix de cajou, super bonne.

Le lendemain au réveil, tout le monde est là. Il n’y a pas d’abandon dans ma guitoune. C’est super. Une journée de repos s’annonce pour tous. Je profite à max du superbe environnement du campement, en sirotant du thé toute la journée. Nous sommes installés dans une large vallée bordée de longues crêtes escarpées. Je ne tarde pas à me tenir à l’ombre des barnums pour ne pas cuire.

Atacama 2023 – Chili

Le temps limite de l’étape est à midi. Quelques coureurs arrivent encore, au compte-goutte. On attend la dernière, Yui, ma coturne japonaise. Elle est accueillie en triomphe, mais dans quel état ! Elle peut à peine mettre un pied devant l’autre. Elle est pratiquement soutenue par les serre-files. Ses copains japonais prennent le relais. C’est émouvant.

L’après-midi passe doucement, entre sieste et papotage avec les autres coureurs. La plupart sont soulagés d’en avoir terminé avec la longue marche. On fait aussi des échanges des nourritures qui restent, certains en ont trop.

Je prépare mon sac pour les 17 derniers km du lendemain. Tout le monde s’allège. Il y a tout d’abord la caisse de dons au staff chilien. Et on ne se prive pas de mettre tout ce qui est lourd et volumineux dans le sac de secours, même si c’est interdit. J’aurai donc un poids plume demain à porter. Mes guêtres rendent l’âme, elles tiendront bien encore jusqu’au bout.

Un petit bilan s’impose. Tanja a 2h d’avance sur moi et s’octroie le dossard jaune de leader, Magdalena pour sa part 1h, et Kabuki me talonne à 7mn. C’est elle que je crains le plus, car une bonne coureuse de plat me met facilement 7 mn dans la vue sur 17 km. Mais on en a présentement 233 dans les pattes, et j’ai de la ressource. Tanja dit ne pas vouloir forcer, Magdalena est épuisée.

Pour l’instant, partageons les moments de plénitude de la dernière soirée sous ce ciel étoilé si pur, unique, la lune éclairant les sommets.

Pour dormir je n’ai pas froid avec mes 2 sacs de couchage, bon palliatif au dégonflement nocturne et chronique de mon matelas.

 

La dernière étape est lancée pour rejoindre San Pedro de Atacama, plein nord. J’adopte la stratégie suivante : ne pouvant plus rien pour Tanja et Magdalena, je décide de suivre Kabuki à vue, de manière qu’elle ne me devance pas des 7 minutes fatidiques de façon impromptue, et sans l’obliger à forcer pour me résister si cela pouvait se produire, ce qui me contraindrait aussi à me pousser au bout.

Nous partons en 3 groupes échelonnés. D’abord les « lents » à 7h, puis les « moyens » dont je fais partie à 8h, et enfin les « rapides » qui sont les 9 premiers garçons à 8h30. Du coup on sera assez groupé. Tout le trajet est plat et très roulant, sans aucune difficulté.

La piste passe près du site archéologique de Tulor, mais la visite sera pour une autre fois. Je reste donc juste derrière Kabuki, à 30m environ. Je vois Tanja légèrement devant. Magdalena est derrière, dans les choux. L’allure est facile pour moi, j’aurai pu doubler tout ce petit monde, mais je tiens ma position, tranquille.

Scott me double assez vite. Il est vraiment rapide et il a une large avance sur ses poursuivants que je verrai beaucoup plus loin, près de l’arrivée. A mon tour de rattraper les derniers du groupe des « lents ». Yui d’abord. Elle n’est pas la seule à avoir du mal. Ah, voici Yunès, un petit mot d’encouragement mutuel fait plaisir.

J’arrive sur la route goudronnée à un rond-point. Je me demande si c’est déjà San Pedro car je n’ai pas vu les km passer tellement je suis à l’aise. Ca sent vraiment la fin car tout le monde accélère, moi comprise pour rester dans le sillon de Kabuki. La route est ombragée de grands caroubiers pleins d’oiseaux. C’est agréable et ça change des jours précédents. Je reconnais le ruisseau que je longe à présent et la rue que je remonte. Les flammes et le tambour de l’arrivée sont en plein centre-ville, devant l’église.

Atacama 2023 – Chili

Il est 10h et nous avons beaucoup de spectateurs, locaux et touristes. Des Français m’abordent pour me féliciter. Ils ont vu le drapeau bleu blanc rouge sur ma manche. Un groupe de musiciens chiliens nous accueille, l’ambiance est aux congratulations et à la fête. Et c’est pizza party ! D’ailleurs, c’est dommage que ce ne soit pas une spécialité chilienne party, genre de délicieux empanadas, qui sont des petits chaussons farcis. Mais il en faut pour tous les goûts.

Pendant près de 2 heures les coureurs arrivent les uns après les autres. J’ai largement le temps de visiter l’église, entre 2 parts de pizza. Je suis la seule à avoir cette idée. Pourtant elle est très mignonne, toute blanche et bleue, entourée de son muret. Construite en pisé, c’est une des plus ancienne du Chili, datant du 17° siècle.

Atacama 2023 – Chili

La course est finie. Seule Yui n’a pas encore pointé. Je me rends à l’hôtel qui est tout près. Mais là, mon sac que j’ai laissé il y a une semaine n’y est pas. Donc le récurage douche et fringues propres tant désirés se feront attendre. On finit par le dégoter à l’hôtel des bénévoles qui n’est pas le même que le nôtre.

Yui finit par débarquer, soutenue par ses copains japonais. Je n’ai plus qu’à prendre le relais… Elle a une belle entorse depuis 4 jours et sa cheville est énorme. Est-ce vraiment raisonnable d’avoir continué dans ces conditions ? J’espère pour elle qu’elle se remettra sans encombre.

Je vais profiter de la piscine, même si l’eau est toujours aussi fraîche. Il fait tellement chaud ! De nouveau je suis la seule à avoir cette idée. Pourtant qu’elle est bonne ! Et cela fait un bien fou pour se détendre et récupérer.

Atacama 2023 – Chili

Le soir c’est le banquet de remise des récompenses dans un resto réputé. J’ai le bonheur d’avoir couru 39h40 et de finir 3° féminine et 16° au classement général. A presque 60 balais, pas mal ! J’ai le droit à un trophée assiette. Je goutte enfin le vin chilien, avec parcimonie. Le réputé cépage Carmenere y est exempt de phylloxera, la vigne n’a pas besoin de traitement. Je teste le saumon. Le Chili est le deuxième producteur mondial de saumon avec un tiers de la production. Or ce n’est pas un poisson local, il n’y est pas présent naturellement dans ce pays. Malheureusement les nombreux saumons échappés s’y plaisent bien et commencent à bouleverser l’écosystème marin côtier.

Atacama 2023 – Chili

Je n’ai vu qu’une petite partie des spécificités de l’Atacama, je peux désormais jouer la parfaite touriste. Aussi le lendemain, je suis tôt levée pour aller admirer les geysers de Tatio sur l’altiplano à 4500m d’altitude. Ils ne sont actifs que le matin, quand il fait encore froid. Ce sont des sources d’eau chaude qui jaillissent du sol par intermittence à haute température et pression, pouvant atteindre 260°C, au pied des volcans enneigés. Elles produisent de grands jets jusqu’à 6 m de hauteur, la température de l’eau propulsée formant un brouillard au contact de l’air glacé.

Atacama 2023 – Chili

Le dernier bus de l’après-midi me fait redescendre en ville, à Calama, pour le long voyage de retour vers la Réunion.

Que c’est beau, l’Atacama !

 

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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 18:40

Nouvelle destination, nouvelle organisation : je vais découvrir le centre désertique de l’Australie.

Canal Aventure, organisation française, propose une course de 520km en 9 étapes, d’Alice Springs à Uluru, nom local aborigène d’Ayers rock. Une arrivée au rocher rouge mythique, voilà qui me tente beaucoup ! Je suis déjà allée dans la très grande Australie, mais pas dans ce coin.

Australie Le centre rouge Mai 2023

La course comprend des étapes de 30km à 137km, la plus longue étant la dernière. Le principe est une auto-suffisance du coureur, l’organisation fournit la tente et de l’eau froide, c’est tout. Il faut donc porter ses affaires et sa nourriture. Celle-ci est divisée en 2 lots de 5 jours, nous prenons le 2° lot à mi-course, c’est-à-dire que l’on porte au maximum 5 jours de ravitaillement. Cela fera tout de même un sac conséquent.

Il y a une petite liste de matériel obligatoire, certes moins importante que pour certaines autres courses du même principe, mais elle comprend tout même des choses inutiles pour moi comme le réchaud dont je me passe allègrement. Il est demandé 20 pastilles de combustible solide pour le chauffer. Je n’en ai que 12 à la maison, et il est impossible d’en trouver à la Réunion. Heureusement, un copain fait une virée à Paris et m’en ramène. Merci Seb !

 

Une autre contrainte est imposée, alimentaire cette fois : il faut 20000 kcal pour toute la course, divisées en 10000 kcal pour chaque lot, avec une différence de poids admissible entre les 2 de 5% ! D’abord c’est beaucoup trop pour moi, ensuite cela ne tient pas compte de la longueur des étapes. En effet nous allons parcourir 217km les 5 premiers jours et 305km les 5 suivants, dont la longue étape de 137km, et donc y consommer plus de calories.

Il faut aussi savoir que l’Australie est très stricte sur les produits arrivant dans les bagages des voyageurs à l’aéroport. J’avais compris que toute alimentation fraiche ou faite maison était interdite. J’amène donc mon ravitaillement dans les emballages d’origine, pouvant être facilement identifiés par la douane : purée et soupe déshydratées, poudre d’amande, céréales, tucs, spiruline, et 4 sachets de pâtes carbonara lyophilisés. Je ne suis pas fan des lyophilisés, et c’est exceptionnel que j’en prévoie.

A l’aéroport de Perth, sans surprise, les douaniers ouvrent tous les bagages des arrivants de mon avion. Et voilà que les lyophilisés ne plaisent pas du tout ! Ils me sont confisqués. Je vais devoir trouver 4 repas australiens de remplacement.

J’arrive en Australie pour une semaine de tourisme avant la course. Cela me permet de préparer tranquillement mes portions de repas, calculatrice en main, ayant à ma disposition la balance de cuisine de mon neveu de Melbourne. Merci Raphaël !

 

Je ne me suis pas foulée pour substituer les lyophilisés. Ce sera chips et noix de cajou. Pas du tout équilibré, mais calorique.

Me voici arrivée à Alice Springs le soir de la veille du rendez-vous avec l’organisation. C’est la grande ville du centre de l’Australie, une bourgade de 25000 habitants. Je m’installe dans une auberge, située au pied de petites montagnes rouges. Le coin est très beau. C’est dimanche soir et il n’y a qu’un restaurant ouvert au centre-ville. J’y tombe sur une tablée de l’organisation, histoire de faire connaissance, et sur une autre de coureurs germanophones. Brigit et Marco m’y accueillent à bras ouverts. Nous étions ensemble sur la 1200 en Mauritanie il y a 6 mois.

 

Le lendemain matin, dans la cuisine commune de l’auberge, je tombe sur une affiche que je n’avais pas vue la veille : le chat de l’auberge ne suffit pas à éradiquer les souris, ne laissez pas de nourriture dans les chambres. Oups, j’ai 10 jours de ravito dans la mienne et j’ai en plus laissé mon sac ouvert la nuit. Effectivement, le sac plastique qui renferme mes précieux sachets caloriques présente un petit trou bien rongé, et quelques flocons de purée sont éparpillés dans mes affaires… Il y en a une qui s’est régalée. Ca commence bien !

J’ai la matinée libre avant de rejoindre le groupe à 13h. C’est une bonne occasion d’aller au musée ethnique pour renouer avec la culture aborigène, maintenant reconnue par le gouvernement australien. Alice Springs étant une petite ville, je m’y rends à pied. Ma balade croise beaucoup de loriquets, petits perroquets vert, rouge et bleu, et encore plus de somptueux galahs, plus gros et roses. Je suis ravie. Je le suis moins en arrivant au musée qui est fermé le lundi. Je me contenterai des oiseaux.

 

Je finis par rejoindre le groupe de la course. Nous commençons par 1 heure de bus pour atteindre Ellery Creek dans la chaîne montagneuse de MacDonnell Ouest où le campement est installé, planté dans le sable au pied d’une petite montagne de grès rouge. Le coin est boisé. C’est très chouette. Nous allons y rester 2 nuits.

 

Important : les toilettes sont dans une petite tente, c’est un simple trou creusé dans le sable, on y met de la sciure à chaque utilisation. Le PQ doit être mis dans une poubelle spécifique et sera brûlé. Autre point, nous trions nos déchets, ce qui est brûlable et ce qui ne l’est pas.

Nous sommes un petit groupe de 26 coureurs, ce qui est convivial, dont 10 filles, ce qui est une forte proportion. Le gros de la troupe vient de France, Allemagne, Italie et Suisse. 2 Américains, 1 Australien et 1 Irlandais vivant en Australie complètent le tableau.

Je partage ma tente avec Marisa, une Italienne de Milan. Nous nous rendons compte que nous étions ensemble sur la 555 en Egypte il y a 15 ans. Je ne me souvenais que de son prénom, mais pas du tout de sa tête. Elle n’avait alors pas terminé la course.

Avec étonnement je m’aperçois également que je connais pas mal d’autres coureurs : Marco le suisse de la 1200 en Mauritanie, Brigit l’allemande avec qui j’ai couru plusieurs fois, Dominique le français sur la 1000 en Mauritanie, Grégory, autre français croisé en Chine, Mark l’allemand en Géorgie.

Je suis surprise qu’il n’y ait pas de jeunes sur cette course. Toutes les filles ont plus de 50 ans, et la pétillante Anne la doyenne en annonce 70. La jeunesse n’est pas prête à faire 500km avec un sac lourd !

Je fais aussi connaissance avec l’organisation, dont Jérôme est aux commandes. Nous avons le droit à 2 médecins et 2 infirmiers. Quel luxe ! Le staff est français, à part Easer qui est australienne.

Dès que la nuit tombe à 18h30, le froid s’installe. Christelle nous prépare un bon repas, et nous mangeons sur une table et des bancs de l’aire de camping, bien emmitouflés. Je profite de ce dernier confort, car cela ne va pas durer. On a le droit à un feu de camp, mais il faut qu’on le fasse nous-mêmes. Marco en deviendra le spécialiste.

Le lendemain est consacré aux contrôles, ce qui va prendre toute la journée. C’est longuet pour si peu de coureurs. Je passe l’avant-dernière dans l’après-midi. On doit remettre notre sac d’affaires personnelles que nous ne prenons pas pour la course lors de cette vérification, je garde donc à ma disposition une tenue normale et surtout un bouquin pour la journée. Je ne m’en tire pas si mal. Je m’installe dans le sable avec mon livre, un peu à l’écart du camp, sous un arbre particulièrement affectionné par les galahs. Il fait bon dans la journée à l’abri du vent. Je visite aussi le coin, le petit lac de la crique coincé entre 2 montagnes est très joli, mais froid. Des gens s’y baignent, pas moi. Je me contente de m’y laver.

 

Mon tour pour le contrôle vient enfin. Je suis en tenue de course désormais, tout le reste n’est plus disponible à partir de ce moment, le sac personnel étant rendu.

Le matériel obligatoire est passé en revue, Laurianne ira même jusqu’à compter les pastilles de sel ! Il en faut 20, j’en ai 20 juste. Je transpire peu, je n’en ai pas besoin. Les fameuses calories des repas sont pointées, chaque portion doit être repérée par jour. Les 2 lots de nourriture sont pesés. Il y a une différence de 10% entre mes 2 paquets. Je dois revoir ma copie. J’inverse 2 repas, les petits déjeuners du 1° et du 6° jour n’étant pas à porter, je me suis octroyée un gros paquet de biscuits pour chaque. Je m’en tire avec 2,2kg pour 5 jours. Le sac complet est également pesé. Je vais porter 6,4 kg au départ sans l’eau. Puis au fur et au mesure qu’on mange, ça s’allège, jusqu’à reprendre le 2° lot de nourriture le 6° jour.

Côté pharmacie, j’ai confondu bande de compression et de contention. Je n’ai pas la bonne. La mienne est adhésive, c’est ce qu’on demande sur toutes les courses, mais pas cette fois. Il ne faut pas une bande pour strapper une entorse ou une tendinite, mais pour les morsures de serpent. L’Australie compte des serpents parmi les plus mortels de la planète, et je passe pour les araignées. Je ne suis pas spécialiste des morsures de serpent. Je suis autorisée à ramener la bonne bande ultérieurement. Doris m’en prêtera une.

Puis je passe au médical. Je présente mon certificat à Maxime, l’un des médecins.  Il connaît le mien ! Il est venu faire une mission à la Réunion et ils étaient ensemble.

J’ai le droit à un petit cours de première urgence en cas de morsure de serpent.

1° S’arrêter et attendre les secours.

2° Ne pas faire de garrot.

3° Enrouler la bande de compression serrée autour du membre mordu, jambe ou bras, sur toute sa longueur.

Avec ça, je suis parée pour toute rencontre intempestive.

Je vais courir en tenue longue pour me protéger du soleil : casquette saharienne, maillot à manches courtes + manchettes, collant long, chaussettes en mérinos, baskets de trail en montagne de Décathlon, petites guêtres sur les chaussures. Les chaussettes ont prouvé leur efficacité de confort et de protection des pieds sur longue distance dans le sable de la Mauritanie. Les baskets Décathlon suffisent, il n’y a que 2 étapes de montagne sur 9.

Je prends un sac de 35 litres, qui ne sera pas plein mais qui ne me donne pas de frottements, et qui contient : un maillot léger à manches longues, un mini short et des petits chaussons pour se changer au campement, un petit gilet en laine très léger et chaud, une veste coupe-vent, un buff, une seconde paire de chaussettes, une mini serviette de toilette 20x20cm, un vrai mouchoir, un sac de couchage, un matelas gonflable, une poche à eau de 2 litres, 2 lampes frontales et leurs piles, des lunettes de soleil, un petit réchaud Esbit que je n’utiliserai pas et ses 20 pastilles de comburant solide, une barquette qui me servira d’assiette, une cuillère, 10000 kcal de nourriture pour 5 jours, 20 pastilles de sel, un mini tube de crème solaire, un mini tube de crème antifrottement, 2 bandes d’élastoplast, quelques comprimés de paracétamol, un petit couteau et ciseaux, une couverture de survie, une mini boussole. Je n’ai pas de bâtons. Avec ça je suis parée pour 10 jours.

En fin d’après-midi, le froid arrive à grand pas. Je me couvre avec ce qui me reste sous la main : collant, gilet et veste. Nous profitons de chaises et table et Christelle nous régale une dernière fois.

 

L’intérieur de la tente se pare immanquablement de sable. J’en fais la chasse si on ne veut pas en avoir partout. Marisa est moins assidue que moi sur ce sujet.

 

Le départ est donné le lendemain matin à 8h. Marisa et moi n’avons pas les mêmes horaires de lever, mais on s’en accommodera mutuellement. Elle se réveille à 5h30 et se prépare à la frontale dans le froid. Très peu pour moi. Je préfère sortir du sac de couchage à 6h30 au lever du jour, et encore, si tôt parce que l’organisation nous demande de libérer la tente pour 7h, histoire de poireauter 1 heure dans le froid.  Surtout que j’ai des biscuits au petit déjeuner ce matin, donc rien à cuisiner.

Passons aux choses sérieuses.

Nous allons suivre le très réputé Larapinta Trail pour les 3 premiers jours, qui est bien balisé. La première étape est la plus courte et la plus montagnarde : 30km et 700m de dénivelé. Il ne fait pas chaud et j’enlève veste et gilet au dernier moment.

Ca part tout de suite en montée par un petit sentier très caillouteux qui serpente au milieu des herbes et des buissons. Chouette, je suis tout de suite dans mon élément. J’y cours allègrement. Quelques coureurs me distancent lentement devant, le gros de la troupe est derrière. Pour l’instant, c’est cap plein ouest, au pied de la chaîne de Heavitree, à 250m au-dessus de ma tête, culminant à 900m d’altitude.

 

Dans un virage, je vois une pierre plate recouverte de grandes tâches écarlates. Je cherche vainement au-dessus un arbre qui aurait pu donner des fruits rouges à point venant s’éclater sur le sol. Il y a là un mystère de la nature. Je descends vers le CP1 au bout de 15km, dans la gorge Serpentine. Christelle me demande si j’ai vu du sang sur une pierre. Giuseppe a fait une belle chute et s’est profondément ouvert la main. L’énigme est résolue, c’est du sang frais italien que j’ai repéré.

 

Je n’ai pas besoin de prendre de l’eau, j’en ai encore assez, mais comme c’est obligatoire, je n’ai pas le choix que de remplir ma poche à eau pour la vider sitôt le CP dépassé. C’est quand même dommage. Bon, j’arroserai la flore.

J’emprunte une ravine. J’y bondis de pierre en pierre. Je tombe sur Shame, le photographe de l’organisation, qui me serre de près pour me mitrailler. Puis j’oblique sur la droite pour attaquer la montée de la journée. C’est raide mais pas très long, que du plaisir pour moi. Au sommet, je suis la crête. Le sentier n’est que cailloux et je dois bien regarder mes pieds. Ca ne m’empêche pas de profiter du paysage. Je surplombe une vallée de chaque côté, couverte d’une petite végétation de zone sèche, avec la chaîne des MacDonell sur ma droite toute rouge de grès. C’est très beau.

 

Après 7 ou 8 km, un panneau indique un point de vue tout droit. Jérôme nous a bien dit qu’il ne faut pas y aller. Je tourne à gauche pour la descente dans la vallée. J’y double allègrement Grégory. En bas il me talonne une fois le terrain moins escarpé. Nous restons ensemble un petit moment, puis il finit par partir devant. Je cherche désespérément des wallabies, ces petits kangourous, mais je n’en vois aucun.

 

Grégory arrivera 7 minutes avant moi. Marco est loin devant. Giuseppe, Marc et René finissent juste à ma suite. Je les croyais aux avant-postes, mais ils sont allés faire un tour au point de vue par mégarde. Marisa pointe 20 minutes plus tard.

C’est avec une grande surprise que je termine donc 3° de cette étape en 5h02. Je vais avoir tout l’après-midi pour me reposer, ce qui est toujours appréciable dans les courses à étapes. Le campement est près de Serpentine Chalet Dam, dans le sable. Il fait très chaud au soleil, il y a heureusement quelques arbres aux alentours car c’est intenable dans la tente. Le repas purée à l’eau froide est vite englouti. J’ai suffisamment d’eau dans ma ration quotidienne pour me laver, et cela s’avère une vraie gymnastique pour se doucher avec une poche à eau sans se mettre du sable partout. De son côté Marisa est une adepte des lingettes et ne touchera pas une goutte d’eau de toute la course.

Le camp se peuple progressivement tout au long de l’après-midi. Les autres filles marchent. Un groupe a profité du point de vue par inadvertance et débarque bonnes dernières. Quant aux 2 américains, ils jettent l’éponge définitivement, on ne les reverra plus. Il y a déjà des prétendants à la tente médicale. Ampoules et tendinites font leur apparition pour certains, la priorité revenant à Giuseppe qui écope de 5 points de suture à la main.

Marisa et moi n’auront pas non plus les mêmes habitudes le soir. Elle mange tôt et dort tôt, à 18h30 dès qu’il fait nuit. J’attends 19h pour me sustenter, histoire de garder un rythme de vie normal. On se fait de longues nuits, et je dors très bien.

Le lendemain le départ est donné à 7h pour la 2° étape, pour 40km et 1000m de dénivelé. Cela devrait me plaire encore plus. J’ai quelques courbatures dans les cuisses au réveil, certainement dues au poids du sac, ce qui n’est pas gênant. Il faut libérer la tente à 6h, dans la nuit et le froid. Heureusement Marco nous a concocté un feu de grand matin.

Nous partons d’abord sur une piste sableuse. Je me retrouve à l’avant du peloton. Puis nous remontons une ravine, il n’y a plus de sentier, il faut progresser au milieu de gros rochers. J’y caracole à l’aise et je largue mon groupe rapidement. Une petite grimpette s’annonce, vite franchie, et me voilà déjà au CP1 où exceptionnellement il n’y a pas de ravitaillement en eau. J’ai ce qu’il faut pour continuer.

 

J’attaque la grande montée de la journée, toujours dans les cailloux. J’y suis seule et la franchis allègrement, le poids du sac ne me gêne pas. Au sommet, je suis la crête plein ouest. La vue est magnifique, plongeant sur les vallées adjacentes et les chaînes de grès rouge parallèles des 2 côtés. Je dois tout de même rester vigilante au milieu de toutes ces pierres.

 

Je finis par redescendre dans la vallée, parsemée de petits arbustes. Je rattrape et double le groupe des garçons partis vite, Mark, René et Giuseppe. J’arrive au CP2 où je fais le plein d’eau obligatoire. Je n’ai pas besoin de tout ça, et je revide l’excédent après l’arrêt. Les gars en profitent pour pointer et me doubler. Il faut dire aussi qu’ils ont tous des bidons d’eau, plus rapides à remplir que ma poche. Mais je n’aime pas les bidons à porter devant. Bruno le médecin est tout excité de me voir aux avant-postes.

Le sentier est agréable et serpente dans de petites collines. Je croise un petit lézard, mais toujours pas de wallaby en vue.

 

 

Je mets 8h pour cette étape, 20 mn de plus que le sympathique groupe des 3 gars. Filippo et surtout Marco sont loin devant. Gregory, que je n’ai pas vu de la journée, me talonne à 1 mn. Je suis donc 6° cette fois. Bruno est déçu que je n’aie pas coursé les gars. Marisa surgit 50 mn plus tard.

Le camp est superbe, à Finke river camp. Nous sommes bien sûr dans le sable, près d’un petit lac. Il fait encore suffisamment chaud pour une vraie douche fraîche. Je ne me le fais pas dire deux fois.

 

Les abandons se poursuivent, Dominique débarque la tête bandée. A son tour d’avoir chuté dans la première grimpette, ce qui lui vaudra 8 points de suture. Tout le monde repartira le lendemain, c’est autorisé, même quand on ne va pas au bout d’une étape.

Pour la suite, ce sera tout plat, et je serai moins à mon affaire, je le sais bien, et cela surprendra tout le monde. La 3° étape est courte, elle annonce 38km. On rejoint rapidement une route à emprunter sur 4km près d’un village aborigène, suffisamment pour que les coureurs de plat me devancent : Marisa, Doug, Jürgen, Rolf. Sur le bord de la chaussée il y des panneaux : « Attention chevaux », ou du moins un cheval représenté dans un losange jaune, comme toutes les signalisations en Australie de rencontre animalière possible. Il paraît qu’il y a des chevaux sauvages dans le coin. Puis nous reprenons un chemin sablonneux où je rattrape le groupe, sauf Marisa.

On arrive au bord d’un beau lac, entouré de hautes falaises. Les couleurs sont splendides, bleu et rouge. Là un petit bateau gonflable genre grosse bouée nous attend pour franchir l’obstacle lacustre, à défaut de nager. Il navigue, tiré par une corde par 2 personnes de l’organisation, permettant d’aller dans les 2 sens. Je me déchausse pour prendre place la première dans le frêle esquif avec les 3 autres coureurs, et je mets malencontreusement les pieds au milieu de l’embarcation, ce qu’il ne fallait pas faire. Je me retrouve les petons trempés, ce qui n’est pas top en environnement sableux.

 

Après avoir bien râlé, je débarque sur la rive abrupte, je me rechausse, et j’ai le droit à une progression genre escalade pour rejoindre le sable. La suite de la journée sera dans le lit sec de la rivière, dans les gorges de Glen Helen, avec une succession de zones sableuses et pierreuses. A ce petit jeu, je devance mes dalons dans le sable mou et les pierres, et ils me rattrapent dès que cela devient moins technique. Nous passons ensemble le CP1.

Soudain surgissent Mark, René et Giuseppe, qui devraient être loin devant. Ils ont loupé l’embranchement menant au lac et se sont retrouvés dans un camping. Ils s’éloignent rapidement.

Ca y est, j’ai largué mes corrélégionnaires et je me retrouve seule. Pas pour longtemps car Marisa apparaît à l’horizon. Elle a du mal avec le sable mou et les cailloux, alors que j’y jubile. Elle disparaît rapidement derrière.

Je profite pleinement du paysage, fond sec de la rivière Finke avec un peu de végétation, enserrée entre 2 belles parois rouges.  Je croise un arbre couvert de galahs, il y a longtemps que je n’en avais pas vus. Je me régale. Plus loin, un petit lac se présente sur ma droite. Un rapace me survole. Puis je découvre de grands oiseaux genre grue. Je suis aux anges.

 

On quitte la rivière pour reprendre un chemin plus classique et Doug m’y rejoint. Il finira par passer devant sur ce terrain moins technique.

 

Le CP2 est vite avalé. Easer m’y accueille, elle a toujours un mot gentil et est très souriante, c’est agréable. Je comprends facilement son anglais. Il reste 8km sur la route qui mène au village de Hermannsburg, où il n’y a guère de circulation. Elle est goudronnée depuis peu paraît-il. Régulièrement des panneaux annoncent une submersion de la chaussée possible avec une échelle graduée de hauteur d’eau de plus d’un mètre. Il ne pleut pas souvent par ici, mais quand ça se décide, ça y va !

 

Je réalise cette étape en 5h30, en 7° position. Marco et Filippo sont toujours en tête. Mark, René et Giuseppe ne sont qu’à 3 mn devant moi et Doug 1 mn. Bonne journée ! Gregory est juste derrière et Marisa met 15 mn de plus.

Cette dernière apparaît, la tête enturbannée. Elle a fait une chute bête dans un des pierriers.

J’ai de nouveau un après-midi de repos fort agréable dans une tente à l’ombre et à l’abri du vent fort. Il se calmera avec à la tombée de la nuit. Je peux manger tranquillement mes plats vite prêts. On a le temps de papoter avec Marisa qui est très stressée en attendant ses 6 points de suture programmés en soirée.

Le 4° jour compte 49km, ça s’allonge. Comme je prévois de manger une fois arrivée, je modifie l’ordre des menus. Je préfère la purée au petit déjeuner, qui tient mieux au corps que les céréales. Je les garde pour « midi » au campement suivant.

Peu avant le départ, Jacob s’aperçoit qu’il transporte trop de nourriture et me donne un petit paquet de chips. Je les mange tout-de-suite pour ne pas avoir à les porter moi non plus. Et… j’y perds une dent. Je garde précieusement le pivot pour rendre une petite visite à mon dentiste plus tard.

De nouveau quelques km de route avant de reprendre une piste très large. Je me fais rapidement doubler par les coureurs de plat. Il n’y a plus de partie technique, nous sommes sur un bon terrain, à part un peu de sable mou de temps en temps. Je devrai vider mes chaussures en fin de parcours. Mon sac s’allège au fur et à mesure des repas passés, mais je le trouve toujours trop lourd pour courir à l’aise sur le plat, alors qu’en dénivelé cela ne me gêne pas. Direction plein sud maintenant, dans le parc national des gorges Finke pour toute la journée. Dans l’hémisphère sud, cela signifie un max de soleil dans le dos.

 

Dans les parties un peu sableuses, je repère des traces de chameaux sauvages, mais je n’en verrai pas. Ils ont été importés d’Afghanistan et se plaisent beaucoup dans le centre sec de l’Australie. Il y en aurait plus d’un million.

 

Le dernier CP se trouve à la sortie du parc, à Boggy Hole où se trouve un petit étang. Un couple d’australiens pas très jeunes est affalé sur leur chaise, prenant le soleil. Ils m’encouragent et on plaisante un peu. J’y croise un beau lézard. Il ne me reste que 5km avant l’arrivée.

 

Je suis au campement à 15h15, il fait encore bien chaud. Le site est magnifique, grande esplanade de sable blanc, petit lac qui ne se fait pas attendre pour faire trempette et délasser les jambes, gros arbres pour s’ombrager.

 

Il n’y a que les mouches qui viennent m’importuner, comme à chaque halte. Elles sont bien connues dans cette région australienne, et j’ai confectionné une voilette maison avec de la moustiquaire que je pose au-dessus de ma casquette pour m’en protéger.

 

Je suis de nouveau 7°. Marco, Filippo, Mark, René, Giuseppe sont devant, ainsi que Grégory à 15 mn. Suivent Jürgen et Rolf, puis Marisa à 25 mn. Les autres filles sont loin derrière. J’ai maintenant plus de 2 heures d’avance sur Marisa, mais ce n’est pas assez sécuritaire par rapport à ce qu’il nous reste à faire, surtout sur terrain plat.

Le matin, l’organisation nous oblige toujours à libérer les tentes 1 heure avant le départ. Ce matin, le 4x4 de Shame s’ensable. Quand nous partons à 8h, ils sont toujours dessus, ou plutôt dessous. C’est bien la peine de nous presser pour ne pas pouvoir transporter le matériel dans la foulée.

C’est parti pour 59km.

On sort définitivement des gorges, le paysage et l’horizon s’élargissent.

Je cours bien sûr tout le temps, mais à mon petit rythme bien régulier. Maintenant que les étapes s’allongent, je dois casser la croûte en route. C’est le seul moment où je ralentis. Pas facile de manger des céréales écrasées dans le vent en marchant.

 

Aujourd’hui Marisa part tout-de suite en avant. Doug me double rapidement. Il porte en permanence un buff sur le nez et la bouche, en course et au campement, incognito. Bref, on ne connaît pas son visage. Je croise régulièrement Rolf et Jürgen.

Les kilomètres s’étendent au milieu d’une belle et haute graminée qui ondule dans le vent. En milieu de journée sous la lumière ardente du soleil, cette Spinifex prend un reflet bleu doré magnifique. Je ne m’en lasse pas. C’est une herbe très dure qui pousse en grosses touffes. Les aborigènes font du pain avec les graines. Elle est parsemée d’arbres isolés, dont beaucoup de filaos du désert avec leurs longues feuilles effilées. Car je rappelle que les filaos sont des feuillus, et pas des conifères comme on pourrait le croire. Ils sont plus petits que les nôtres à la Réunion. Leur forme juvénile donne des petits arbres élancés qui développent d’abord leur racine en profondeur pour trouver l’eau, avant de s’étoffer plus en boule et en hauteur. Cela donne un paysage très spécifique, sur fond de terre rouge. Leurs fruits sont beaucoup plus gros que les réunionnais, mais on reconnaît bien la forme.

 

 

 

C’est toujours Easer qui tient le dernier CP.  J’y sors mon petit gobelet bleu pliable estampillé Grand Raid de la Réunion. Cela me permet d’étancher ma soif avec une plus grande quantité d’un coup, comme je bois peu en course. Elle le trouve très mignon, et surtout pas comme les autres. Elle me fera bien rire avec ça à chaque CP3 où je le sortirai systématiquement.

 

Mon sac n’a jamais été aussi léger, je ne porte plus que 2 repas pour la journée. Mais il va malheureusement de nouveau s’alourdir comme nous récupérons ce soir la 2° partie de notre ravitaillement. Ce n’est pas pour autant que j’ai des extras alimentaires.

Cette étape me prend 9h, j’y suis 8°. Marisa est passée 20mn avant et Doug 30mn. Rolf et Jürgen me suivent à 3mn, puis Grégory dans la foulée. Ce qui fait que je commence à arriver en fin d’après-midi à ce camp de Palmer River, et que je n’ai plus beaucoup de temps de profiter de la chaleur. Notamment je ne traîne pas pour me laver.

 

Cela fait plusieurs jours qu’il n’y a pas d’accès au réseau téléphonique, donc personne ne peut passer des heures scotché sur son petit appareil, et c’est très plaisant dans les contacts et les échanges entre nous. J’apprécie beaucoup. Marisa arbore maintenant un œil violacé et gonflé, outre son pansement sur le front.

Nous repartons avec un sac lourd chargé de nourriture pour 58km. Rapidement une foule de coureurs me dépasse. Les habituels, Marisa fonce devant, Doug s’avère rapide. Je fais route un moment avec Jürgen et Rolf qui finissent par me larguer. Je ne ressens aucune difficulté, je ne vais pas vite, c’est tout. C’est vraiment tout plat maintenant, sans relief aux alentours.

Je continue sur la même piste jusqu’au CP1, qui en rejoint une autre très large : Ernest Giles Road, plein ouest maintenant.

 

Je traverse une zone de prairies d’élevage extensif. Le CP2 est au niveau d’une « outback station », une dépendance de ferme isolée, avec son éolienne reliée à une station de pompage d’eau. Exactement comme dans les westerns. Néanmoins je ne vois pas la moindre corne à l’horizon.

 

Sur une belle portion toute droite, je croise un long serpent, malheureusement écrasé par un véhicule. J’aimerais bien en voir un vivant, même s’il est dangereux, cela ne me fait pas peur du tout.

 

Un peu plus loin un gros engin de chantier me double. Cela me donne un peu de distraction au vu de la circulation nulle rencontrée, certes agrémentée de poussière. Il repassera dans l’autre sens en fin d’après-midi, rentrant de sa journée de travail dans les pâturages.

Le soleil tape vraiment à partir de 11h, m’obligeant à mettre les manchettes pour m’en protéger.

 

J’arrive en fin d’après-midi au camp. J’ai mis 5 mn de plus qu’hier, et je suis 10°. Jürgen et Rolf sont à 5mn devant et Marisa me met 1h10 !

Et, surprise, Laurianne me fait un contrôle de sac. On s’installe dans le sable et je déballe tout pour vérifier le matériel obligatoire. J’aurais préféré profiter des dernières chaleurs pour souffler, car le froid tombe très vite. Il paraît qu’on retrouve trop de choses à la poubelle dont les coureurs se débarrassent pour s’alléger et l’organisation, qui a l’air de faire les poubelles, donc, veut s’assurer que j’ai encore le matériel obligatoire. Impossible de mettre la main sur ma boussole, qui est très petite et qui a dû s’échapper du sachet ziplock où elle est rangée avec les autres petites choses inutiles que nous devons trimballer. Laurianne me laisse la chercher au fond de mon sac. J’emprunte celle de Doris qui est une grosse boussole et peux la présenter à la contrôleuse du jour. Je retrouverai la mienne peu après traînant dans une poche improbable du sac. Je ne sais pas comment elle a pu se retrouver là.

Je sens un sol un peu dur au milieu de la nuit. Mon matelas serait-il dégonflé, voire crevé ? Il n’est pas totalement à plat en tout cas. J’aviserai demain. En attendant je passe une 2° moitié de nuit plutôt inconfortable. Heureusement que j’ai du sable sous les fesses.

Je retrouve aussi le matin une petite mare sous ma poche à eau. Elle aussi serait percée ? Je ne repère pas de goutte qui perle sur le plastique. Au moins ça ne coule pas à flot.

Je redoute l’étape du jour pour ses 66km. Non pas sur la distance, mais sur le temps limite. Nous avons 11h pour la parcourir, et je ne suis pas rapide rapide sur le tout plat avec un sac lourd sur le dos. Pourtant je cours tout le temps.

La piste rejoint une route goudronnée au CP1, Luritja Road, que j’emprunte sur 1km. Je me fais tout de suite doubler par la plupart de ceux qui courent encore. Néanmoins je vois régulièrement Rolf et Jürgen. Puis je prends la direction plein sud sur une petite piste parallèle à la grand-route, avec de nombreux passages dans du sable plus mou.

 

Je traverse une zone de prairies d’élevage extensif. Un abreuvoir à bétail signale le CP2, avec son éolienne pour la pompe à eau.

 

La distance prenant de l’ampleur, la durée de course également, et je dois me ravitailler en route, à midi pile. Je sors mon sachet de chips écrasés que je mange à la cuillère, en marchant. Et donc si je marche, je suis immédiatement attaquée par les mouches, alors qu’elles ne m’embêtent pas quand je cours. Le repas ne s’avère pas très agréable.

Les CP sont longs, jusqu’à 18km, mais la piste serpente, ce qui rompt la monotonie du trajet. Et peu m’importe puisqu’il faut avancer et les faire. Heureusement le paysage me ravit toujours avec ses filaos et ses spinifex.

 

Je ne vois toujours pas d’animaux. Je cherche vainement les kangourous. Quant aux koalas, il ne risque pas de se pointer, il n’y pas d’eucalyptus en vue.

Après le CP3 je me retrouve même avec Hervé, qui ne court pas beaucoup mais veut arriver dans les temps sur cette étape, c’est son défi du jour, car il a déjà abandonné sur cette course. Il accélère même, et je ne le suis pas.

 

18h s’annonce, et la tombée de la nuit approche. Arriverai-je sans avoir besoin de sortir la lampe ? Que nenni. Me voilà assise par terre au milieu de la piste à fouiller mon sac pour la trouver, car trop optimiste, je ne l’avais pas préparée. Un quart d’heure plus tard, je vois le camp de Angus Downs et j’ai le droit à un comité d’accueil. Car j’ai mis 10h56, ouf ! Passée à temps ! Brigit derrière moi n’aura pas ma chance, elle est encore à 15km de l’arrivée à l’heure fatidique. Tous les autres derrière débarquent en 4x4 plus tard.

Je finis 11° et dernière des arrivants, 5 mn après Hervé. Marisa est là depuis 1 heure. Ce n’est pas du tout agréable d’arriver de nuit, dans le froid. Je ne fais pas long feu, je me couvre, mange et me couche illico. Pas de bavardage avec les autres ce soir.

 

Je prends néanmoins le temps d’inspecter la valve du matelas. Je ne relève pas de défaut. Et de nouveau au milieu de la nuit je me réveille sur le dur. Cette fois je regarde l’heure pour savoir en combien de temps le matelas se dégonfle. Il est minuit. Ca vaut le coup que je le regonfle, il tiendra jusqu’au matin. Quant à la poche à eau, maintenue bien verticale, elle est sèche.

L’avant-dernière étape se profile : 46km de piste facile m’attendent.

Je longe des petites collines, qui diversifient le paysage. Et soudain le sommet d’un monolithe tout plat apparaît au loin devant moi, au-dessus de la cime des arbres. Tout rouge, il est magnifique. C’est le mont Conner, et je m’en rapproche doucement au fur et à mesure de ma progression. Mon regard s’y accroche, en fonction de l’angle dans lequel il apparaît.

 

Le CP2 est situé au croisement avec la grand-route vers Uluru, Lasseter Highway. Les 17 derniers km se font sur le bitume, avec de la circulation. Jérôme nous a demandé de rester sur le bas-côté, mais c’est impossible, surtout pour courir. La petite végétation gêne l’avancement. Je me remets rapidement sur la chaussée et ne m’en écarte qu’au passage des véhicules. Ce n’est pas marrant.

J’arrive 8° au campement après 7h15 de course, entre Jürgen et Rolf et30 mn après Marisa.

Nous sommes installés dans un vrai camping, ombragé. Il y a un kiosque avec table et bancs et une citerne d’eau non potable. Voilà de quoi pouvoir se laver correctement et rincer ma brassière, avant la longue étape de demain.

Mais avant le brin de toilette, un nouveau contrôle du sac me tombe dessus. Cela devient une habitude ! Laurianne ne tique même pas sur la boussole différente du contrôle précédent.

Les coureurs se débarrassent de leurs dernières charges excessives à porter, je me délecte de quelques barres.

J’ai identifié la fuite de ma poche à eau : un minuscule trou sur le bord tout en haut, bien placé pour ne plus m’embêter, un morceau d’élastoplast fera l’affaire pour l’étancher. La plupart des coureurs ont des bidons, et beaucoup ont des ennuis de casse non réparable.

Nous croisons une Française qui fait le tour du monde en vélo couché, transportant sa wingsuit, son objectif premier étant de voler sur son parcours. Belle rencontre !

Ce soir, Marisa a mal partout, les pieds, le dos, le ventre. Et moi je n’ai mal nulle part.

Et c’est parti pour les 137 derniers km le lendemain matin, qui seront encore tout plat. Nous sommes répartis en 3 groupes, les plus lents partant en premier. Je suis dans celui du milieu, donc je devrais me retrouver logiquement la dernière. Mais les plus rapides seront encore derrière moi, du moins le temps qu’ils me rattrapent. Pour une fois, je verrai passer Marco.

Il y a une barrière horaire au km 45, CP3, et il ne faut pas traîner pour la passer. Je commence une longue journée de course ininterrompue pour ne pas la subir. Mon sac qui s’est bien allégé me semble néanmoins toujours trop lourd.

Nous partons sur la grand-route goudronnée Lasseter Highway qui mène tout droit à Ayers Rock et je me retrouve assez vite en queue de mon groupe. Puis je bifurque sur la piste très large d’un terrain privé, en direction du mont Conner. Je longe un grand lac, le paysage est magnifique, l’eau d’un côté et la montagne de l’autre.

 

J’arrive déjà au CP1, situé près d’un abreuvoir à vache avec son éolienne. Il y a des kangourous dans le coin, mais je n’en verrai pas. J’y retrouve du monde, un groupe du premier départ et… Marisa. Elle souffre. Elle repart avant moi.

La piste est maintenant parallèle à la longueur du mont Conner. Comme il est beau ! Marco en profite pour me doubler comme une fusée, avec maints encouragements mutuels. Maintenant je m’éloigne progressivement du mont pour rejoindre la route au CP2. La bagatelle de 90km de bitume me mènera désormais plein ouest direct à Uluru.

 

Nous sommes en territoire aborigène protégé, et il est interdit de fouler leur terre, donc interdit de quitter la route. C’est pourquoi il n’y aura plus de piste jusqu’à l’arrivée

Je me cale sur le bord de la route, mais les voitures et surtout les camions passent vite et ne quittent pas leur voie, c’est à moi de basculer sur le bas-côté à chaque fois, dans les hautes herbes. Cela me freine beaucoup. C’est une highway, mais la circulation reste tout de même faible.

J’arrive au CP3 dans les temps, à Curtin Springs, il est 18h, devant un restaurant. Comme certains coureurs s’y sont arrêtés, j’y rejoins Rolf et Marisa. Pour ma part ma gestion alimentaire est bien cadrée, je déguste ma portion de ravitaillement toutes les 5h exactement. Je n’ai pas besoin de restaurant. D’ailleurs je n’ai pas d’argent sur moi.

 

Nous repartons ensemble sur une courte portion de piste avant de reprendre le bitume. Marisa me propose de faire route conjointement. Oh non ! D’abord c’est l’heure de mon repas. Je vais donc marcher en mangeant des chips à la cuillère. Et nous n’allons pas à la même allure. Marisa et Rolf partent donc devant.

Je vois enfin des vaches ! Cela égaye ma soirée. Jusqu’ici je n’avais vu que leurs abreuvoirs.

Je suis désormais la dernière sur le parcours. Tout le groupe des « rapides » m’a doublée, et les « lents » qui ont abandonné sont avancés en véhicule. Ce qui veut dire que je vais me taper la voiture balai… Ce qui n’est pas joyeux.

Il fait nuit maintenant et ça se rafraichit. Je sors la veste. Courir ne présente aucune difficulté. Il n’y a plus de circulation, je peux me caler sur la route. Je n’ai pas besoin de regarder mes pieds, ce qui est confortable de nuit.

De retour sur la grand-route, je suis suivie par le 4x4 balai. Il y en a 2, qui se relaient à chaque CP, avec 2 tactiques différentes. Avec Laurianne et Lucas, c’est l’horreur. Ils me collent aux basques. Je ne sais pas comment ils font pour rouler aussi doucement que moi. Je ne peux même pas faire d’arrêt pipi tranquille. Alors je ne me gêne pas, je me mets les fesses à l’air à leur vue sans vergogne, comme il n’y a pas de buisson dans les parages. Avec Maxime et Vivien, c’est le bonheur. Ils s’arrêtent 20 minutes et en profitent pour dormir, puis ils me rattrapent. Dès qu’ils me voient, ils repiquent un roupillon de 20 minutes. Au moins je profite de courir dans la solitude, comme je l’aime.

 

Il n’y a pas de lune, le ciel est très étoilé, c’est très beau. Je distingue la silhouette des arbres. Je m’imprègne de cette tranquillité nocturne.  Mais il fait de plus en plus froid. Je me couvre de tout ce que j’ai dans mon sac, c’est-à-dire pas grand-chose, de la tête aux pieds. Buff en cagoule sous la capuche, mon maillot léger de rechange au-dessus du maillot de course, le petit gilet, la veste. Que me reste-t-il ? Ah oui, des chaussettes sales. Elles feront une parfaite superbe paire de moufles, je ne suis plus à ça près en matière de propreté. La température descend à 3° dans la nuit. Seule consolation, maintenant mon sac est léger.

Une espèce de souris traverse la route devant moi. Ce serait bien un dunnart. Si je n’ai pas vu de gros marsupial, j’en aurai vu au moins un petit.

Je vois une lampe devant moi, qui ne va pas vite et qui a des bâtons. C’est Marisa. Elle marche à petits pas, ce n’est pas bon signe.  Je cours toujours.  Je la double mais ne discute pas, emmitouflée sous ma capuche. Et je lui laisse la voiture balai avec plaisir, chacun son tour.

Le CP5, km 86, n’est pas loin. Je fais le plein d’eau et ne traîne pas à cause de froid. Marisa arrive et… ne repart pas. Elle abandonne pour cause de problèmes digestifs. Me voilà donc seule fille encore en lice. Comme je suis en pleine forme, aucun doute pour moi, je gagne. Malheureusement, je me retape la voiture balai.

Je passe au pas pour manger, des biscuits pour dénutris au menu. J’ai tout mon temps maintenant, je fais tout le CP en marchant. Je découvre un grand serpent écrasé au milieu de la route. Je le détaille sans hésiter.


Je reprends la course au CP6, km 102. Le jour pointe et va me réchauffer. Et que vois-je ? Uluru dans le sommeil levant ! Magnifique. Je sais qu’on le voit au dernier moment. C’est pour ce moment que j’ai choisi cette course. Je n’aurais pas aimé arriver de nuit.

 

Je longe quelques sites de camping autorisé avant d’arriver au CP7 où il y a des tentes où on peut se reposer. Il y a aussi du monde, tout le groupe des « lents » est là, et un bon feu. Les autres partent quand je profite de m’allonger 10 minutes pour reposer les jambes. Laurianne croit que je vais pioncer un moment. Pas du tout, il n’est pas question de dormir à 20 km du final.

Je m’apprête à partir quand Shame me propose un repas lyophilisé laissé par un coureur. Pourquoi pas, je n’ai pas encore mangé et c’est mon heure. Mais Laurianne intervient pour me l’interdire car ce n’est pas une nourriture que j’ai portée. Je préfère m’enfuir du CP pour ne plus la voir.

Je sors donc mon dernier sachet de chips pour me sustenter. Et comme je suis de nouveau dernière, la voiture balai me suit pas à pas une fois de plus. Je repars après en courant, et en forme. En approchant de Yulara, la ville spécialement construite où les touristes doivent obligatoirement loger, la circulation augmente, ce qui n’est pas très agréable. Heureusement le rocher rouge d’Uluru s’approche lui aussi, il est magnifique.

 

Soudain j’aperçois une file de piétons qui progressent comme moi au bord de la route. Ce sont les marcheurs du groupe lent. Une petite côte suffit à les doubler. Je vois tout d’abord les derniers, dont Hervé qui est toujours dans la course au temps. Il est en très mauvais état et va très lentement. Il se tient complètement penché vers la droite, sans doute dû à un décalage du bassin, ce qui est fréquent chez les coureurs lors des longues distances.

Puis je quitte le bitume pour une belle piste très sableuse et sinueuse pour les 10 derniers km, qui pique droit sur Uluru. J’y double Brigit, affalée par terre, pieds nus. Elle aussi était dans le groupe lent. Je lui fais confiance, elle va s’en sortir pour le petit peu qui reste.

Peu après je rejoins Rolf qui marche, exténué. Allez Rolf, suis-moi ! Et il repart en courant à mes côtés. Je profite des derniers instants avec cette superbe vue sur Uluru. Je passe devant un hôtel *****. Tiens, ce n’est pas là que nous allons ? Nous nous contenterons d’un vaste champ au bout pour l’arrivée, que je passe donc avec Rolf. Il est 9h45, j’ai mis 26h45, je suis en forme et je GAGNE !

Il y a quelques tentes pour se reposer, mais aussi tellement de vent qu’elles s’envolent et sont inutilisables. J’aspire à enlever mes chaussures, mais je n’ai plus les petits chaussons, et à une douche, mais il n’y en pas dans notre camping. Heureusement, je peux profiter de la vue d’Uluru tout proche, et je m’en délecte à max.

 

Les derniers groupes arrivent progressivement. L’ambiance est joyeuse, bien que l’épuisement soit très présent et quelques-uns dorment même. Pour ma part, je reste toujours calme et je ne ressens pas de fatigue particulière.

Une fois tout le monde débarqué, vers midi, Christelle nous concocte un petit déjeuner pantagruélique. J’improvise un sandwich œuf – bacon – beurre de cacahuètes – miel, un délice. Que dis-je, pas un sandwich, mais un certain nombre.

Nous sommes enfin transportés à l’hôtel à Yulara, une douche, des vêtements propres, un vrai lit. Je partage ma chambre avec Brigit. Je retrouve les galahs, il y a longtemps que je ne les avais pas croisés. Je ne me sens pas trop fatiguée et pendant que la plupart font la sieste, je vais en « ville » pour organiser les 2 jours que je vais y passer. Enfin je rencontre des aborigènes. Je pensais en croiser sur la course, mais ce ne fut pas le cas, l’organisateur ne travaillant pas avec des locaux.

Le soir nous avons le repas de fin de course au restaurant de l’hôtel. Tiens tiens, les pieds ne font plus souffrir grand monde pour danser.

Le lendemain matin c’est la remise des récompenses au sommet d’une petite colline surplombant l’hôtel, face à Uluru. Il y a beaucoup de vent et il ne fait pas si chaud que ça. La virée de 520km m’a pris la bagatelle de 89h et je termine à la 8° place, 1° et seule féminine à terminer. Je gagne un panneau de circulation « attention kangourou ». Bof, je n’en ai pas vu un seul. Je donne ma petite tasse pliable à Easer comme souvenir.

 

Puis je prends le bus pour aller au pied du rocher. Uluru est une formation rocheuse de grès rouge de 3km de long. Il culmine à 350m, mais il est interdit de le gravir car c’est un site spirituel pour les aborigènes Anangus. Il paraît posé au milieu de la brousse buissonneuse toute plate. Un sentier sableux de 10km en fait le tour. Voilà ce qu’il me faut puisque je suis en pleine forme physique. Je suis la seule de notre groupe à y aller. J’y découvre quelques peintures rupestres et des sources. J’y passe un après-midi tranquille et fascinant.

 

Je reprends le dernier bus pour rentrer et j’y retrouve quelques coureurs qui se contentent du tour en bus après leur sieste. Et ô surprise, il y a un arrêt obligatoire à un point de vue coucher de soleil. Uluru se pare de rouge encore plus rouge. Bon, il y a un peu de monde. Néanmoins je tombe par hasard sur une dégustation offerte de vins et champagnes australiens avec petits fours. Voilà de quoi fêter ma victoire ! En plus la sommelière est française. J’en profite pour avoir un petit cours sur la viticulture locale, avec force comparaison de la nôtre. Je ne suis pas du tout spécialiste en la matière.

Presque tous les coureurs repartent le lendemain. Je reste encore un jour pour aller voir un autre monolithe à 50km : Kata Tjuta, également en grès rouge et très beau, et découvrir un peu plus la culture des Anangus.

 

 

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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 10:04
Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

En 2019, j’ai couru 1000km dans le désert mauritanien. Ce fut envoûtant. En 2022, Alain Gestin propose une rallonge de 200km. Le départ est donné à Atar en plein désert pour une arrivée à Nouadhibou sur la côte, 1200km plus loin donc, à parcourir en 20 jours, en passant par Chinguetti et l’œil de l’Afrique.

Le parcours est d’abord similaire à celui de 2019, ce qui me plaît moyennement car j’aime les nouveautés, puis une partie inconnue de moi, malheureusement courte, et enfin 400km de ligne droite le long d’une voie ferrée, ce qui n’est pas ma tasse de thé. De plus au tiers de la course, nous devrons nous grouper par 2 pour avoir une assistance tous les 20km par 4x4, or j’aime courir seule. Bref, je suis moyennement emballée.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je me présente tout de même sur la ligne de départ. Nous sommes 10 participants.

Le vol depuis Paris nous amène à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, à 4h du matin. Après une courte nuit, nous sommes transférés en 4x4 à Atar, et logeons dans une auberge en dehors de la ville. Le lendemain est consacré à la préparation de nos sacs.

En effet, sur les 400 premiers km, nous irons de CP en CP, une tente disposée tous les 20km avec natte, matelas, eau chaude et froide. On y trouvera de quoi grignoter des sardines et des dattes. Puis ce sera le fameux 4x4 pour 2 qui nous précèdera pour monter une tente similaire. L’organisation doit nous donner un repas chaud tous les 60km. Nous devons prévoir de petits sacs avec nos besoins immédiats, qui seront disponibles tous les 40km pour la 1° partie. Avec le 4x4, nous aurons accès à toutes nos affaires à tous les CP. Vous avez tout compris ? Heureusement c’est clair pour moi pour m’organiser.

Mes sacs sont déjà prêts, et par prudence j’en ai pour tous les CP où nous ne serons pas nourris. Hormis l’alimentation, ils contiennent des piles, de la pharmacie et des vêtements de rechange.

Pour 1200km, 57 CP m’attendent. Sur une pareille distance, je prévois du matériel de secours : 1 paire de chaussures, 1 lampe, 1 poche à eau et des bâtons en réserve, au cas où j’aie du mal à me traîner. La mise à disposition du 4x4 évite d’imaginer où je peux avoir un éventuel besoin de ces équipements, ils seront disponibles à ma convenance.

Ma nourriture est composée de préparations maison, basées sur un mélange de purée déshydratée ou semoule, soupe déshydratée, poudre d’amande et spiruline, ce qui est complet et énergétique, et de quelques plats lyophilisés pour varier les menus, bien que je ne sois pas fana de cette pratique. Des biscuits protéinés pour dénutrition complètent le tout.

La protection solaire et contre le sable prime. Je cours en manches longues, collant long, grande casquette saharienne que j’accroche au maillot avec des épingles à nourrice en cas de vent, c’est-à-dire la majeure partie du temps, bonnes lunettes de soleil, et de grandes guêtres cousues sur les chaussures et qui s’insèrent sous le collant. J’enfile une veste la nuit, quand ça rafraichit. Avec ça je suis parée pour des températures comprises entre 45° et 10°.

J’ai bien l’intention de bichonner mes pieds. Je protège les endroits sensibles avec de l’élastoplast, derrière les 2 talons. Je les enduis de crème anti-frottement. Et je teste grandeur nature de nouvelles chaussettes en laine de Mérinos, qui restent sèchent et sentent bon.

Mon sac de course est léger. Il contient une veste, un bonnet, 2 lampes, des piles, un peu de pharmacie dont de quoi soigner les ampoules, un tube de crème anti-frottement, une couverture de survie, un mini tube de crème solaire, le ravitaillement du CP impair suivant, un paquet de nouilles chinoises comme repas d’urgence, des noix de cajou comme ration de survie. Et bien sûr de l’eau, 1.5 litres par CP de jour et 1 litre par CP de nuit, ce qui paraît peu mais me suffit.

Nous nous dirigeons au GPS, sur des points définis tous les 10 ou 20 km, suivant la nature du terrain. Mon GPS est un antique Garmin Foretrex 101, qui fonctionne très bien, mais je dois saisir manuellement 167 points. Cela m’a occupé quelques soirées. Et ô surprise, je suis la seule à avoir le nom des CP dessus par rapport à l’import numérique des données, si bien qu’on me demande souvent à quel CP on est et à quel CP on va. A croire qu’il n’y a que moi qui suis ma progression.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le départ est donné le lundi 30 octobre à 8h, sur la place du marché à Atar, suscitant la curiosité de la population, direction Chinguetti. La passe d’Amodjar n’est malheureusement pas accessible par la montagne pour cause d’éboulement, nous devons suivre la piste.

Je pars en trottinant, et Atar s’éloigne rapidement. Le CP1 est au pied de la montée d’Amodjar. Marion, notre dynamique médecin, nous y attend avec un délicieux pain d’épices maison. Nous y arrivons assez groupés, ce qui ne va pas durer. Les montagnes noires sur fond de sable sont splendides.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

La grimpette est rude et je n’arrive pas à marcher vite. D’ailleurs Benoît me double, et Eric passe comme une flèche. Quant à Takao, il est déjà sujet à des problèmes digestifs, et n’a guère de place pour planquer ses fesses à l’air.

Plus loin je me retrouve à partager un bout de chemin avec Benoît. Quand je trottine, je passe devant lui et quand je marche, il passe devant moi. Décidément, je lambine. Je n’arrive pas à accélérer et j’ai les jambes bien lourdes. A l’arrêt aux CP, ça fourmille à max dans mes mollets, sensation anormale et très désagréable. Je suis dépitée. Pourtant je n’ai jamais eu de problème d’adaptation à la chaleur.

Au CP2, une boîte de raviolis froids m’attend, un vrai régal.

Au CP3, je retrouve Dominique qui devrait caracoler loin devant. Il n’est pas bien du tout et abandonne. Mince alors.

Je double Patrice qui a un coup de mou. Il me redoublera peu après. Il ne court pas mais marche vite et je ne peux pas le suivre.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

La nuit tombe. La lune est presque pleine, on y voit bien, j’en profite pour ne pas utiliser ma lampe. J’aime courir la nuit sans éclairage, dès que c’est possible. Le GPS est également inutile puisque je suis la piste.

Et justement, voilà un carrefour évidemment sans direction indiquée. Par contre il y a un grand panneau pour l’auberge de Ouadane à gauche toute. Je ne vais pas à Ouadane, je continue donc tout droit.

Puis une lueur apparaît au loin, ce sont certainement les lumières de Chinguetti. Je continue à trottiner. J’arrive à un contrôle routier. Les policiers m’encouragent et me souhaite la bienvenue à Chinguetti. C’est une petite ville réputée pour ses très vieilles bibliothèques, dont les livres se conservent bien dans ce climat très sec désertique. Mais je ne suis pas là pour faire du tourisme.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Dès qu’on entre dans la ville, le terrain devient très sableux. Le CP est dans une auberge, aux premières maisons. Un monsieur me fait signe que c’est bien là. J’ai fait 100 km.

Dominique me tombe dessus. Ai-je vu Patrice et Eric, censés être tous les 2 devant moi ? Eh non. S’ils ne sont pas là, j’en conclus qu’ils sont tout bonnement allés à Ouadane, ces nigauds. Personne au CP n’avait pensé à cette éventualité. J’ai raison. Ils débarqueront 1 heure plus tard, rapatriés en 4x4.

Le temps pour moi de prendre un bon repas offert par l’aubergiste et 1 heure de repos, où je ne parviens pas à dormir avec cette agitation.

 

Je repars à minuit. Fini la piste, place maintenant à du bon sable bien mou. Je dois allumer ma lampe.

Je pars plein est, tout d’abord dans un fond de vallée, puis je grimpe une dune - la première ! – tout droit le long d’une clôture d’une plantation de dattiers. La nuit se poursuit dans une succession de dunettes. Je vois encore longtemps les lumières de Chinguetti derrière moi. Je passe devant quelques maisons, bien endormies.

Dès que je lève le nez, je suis sous une pluie d’étoiles filantes. C’est magique. Ca me requinque le moral, car je suis toujours dans un état d’avancement très lent et pénible.

Le jour se lève juste avant d’arriver au CP6. Je passe un barbelé et traverse une plantation de pastèque, parsemée de coloquintes. Je suis sur le même parcours qu’en 2019, et je reconnais même l’arbre sous lequel est le CP. Au menu, ma préparation à base de purée, que je complète avec des sardines, puisqu’il y en a. Cela augmentera l’apport en protéines.

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Je repars dans une longue plaine entre des cordons de belles dunes. Pourtant je reste insensible à mon environnement. Je ne suis toujours pas dans les clous physiquement, je m’oblige à courir sur ce terrain facile, et de plus je connais le chemin, au point que j’éteins mon GPS. Je n’en ai pas besoin, le cap du CP7 m’est connu. Je n’ai même pas le plaisir de la navigation, je subis le « déjà vu ».

Le vent est fort et je l’ai de face, ce qui ne me gêne pas mais me ralentit encore plus. Je l’aurai ainsi jusqu’au km 400.

Je retrouve Patrice et Eric qui se sont alliés, mais nous ne prenons pas le même chemin. Un beau champ de dunes blondes m’attend, que je traverse, alors qu’ils le contournent. J’adore les dunes, mais cette fois je n’y éprouve aucune satisfaction. Je dois me forcer à lever les yeux de mes pieds.

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Alors là, cela devient inquiétant. Si c’est comme ça sur 1200km, autant arrêter. Comme j’ai un billet d’avion retour par Casablanca, je ferai mieux d’aller crapahuter dans l’Atlas. Mais c’est quoi ces idées ? Je pourrai aussi basculer la course en rando tranquille. Tout cela tournicote dans ma tête.

Pour l’instant, j’arrive au pied de la dernière montée pierreuse, avant une belle descente qui m’amène en fin d’après-midi au village de Tanouchert et à son auberge où est le CP8.

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Normalement, j’aurais dû y faire un arrêt de 2 heures. Mais puisque que j’adopte la rando tranquille, une douche s’impose. L’eau promise au pommeau n’est pas au rendez-vous, ce sera au seau.

Un bon couscous est servi. Ce qu’on appelle couscous est de la semoule avec des patates douces et des légumes, mais pas de viande. Puis je m’installe pour une nuit de sommeil.

Entre temps Patrice et Eric arrivent enfin. Ils repartiront rapidement. Puis c’est au tour de Takao de se pointer, et même Benoît. J’ai enfin un sursaut bénéfique, il est temps que mes histoires psychologiques prennent fin, je ne peux plus rester sur place. Je me lève et donne mon matelas à Benoît qui râlait parce qu’il allait se coucher par terre. Mais impossible de trouver le cuistot pour avoir à manger avant de repartir. J’appelle, je klaxonne au 4x4, je fais le tour de l’auberge. Personne. Je finis par dégoter sa chambre, où il pionce dur.

Il est minuit. Je repars cette fois pleine d’énergie. Enfin ! Je cours allègrement. Par contre je suis toujours en terrain connu, ce qui est négatif. Je sors de la clôture de l’oasis et me tape la même petite dune à 4 pattes qu’il y a 3 ans… Avant une bonne surface plus plate.

Les étoiles filantes fusent de nouveau. Ma liste de vœux est largement insuffisante pour y pourvoir.

Le jour pointe après le CP9. C’est un moment très agréable, avant que le soleil n’apparaisse de face. Il fait encore frais et les couleurs du sable et du ciel sont magnifiques.

Deux gerbilles sortent de leur terrier à la fraîche et s’enfuient devant moi.

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Eric a des chaussures énormes, et j’ai l’impression de suivre les traces d’un dinosaure. Même dans les passages de cailloux, elles sont marquées. Malheureusement pour lui, ses pieds ne les aiment pas et il va beaucoup en souffrir.

Je vise l’antenne qui surplombe le gros village de Ouadane. Je dévale la rue toute en sable vers l’auberge du CP10, tellement vite que je passe devant, bien que je la cherche. J’entends des femmes qui crient derrière moi. Stop stop, c’est là. J’ai fait 200km.

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Marion est là. J’en profite pour faire un contrôle de mes petons avec elle. Ils se portent très bien. L’élasto qui protège l’arrière de mon talon gauche est efficace. J’y ai eu une grosse ampoule sur la 1000, et la zone est toujours sensible. Mais ça tient bon.

J’ai le droit à un dessert de musli lyophilisé, laissé par un coureur précédent, ça ne peut être qu’Eric.

Ouadane est dans une vallée dont je suis l’oued parsemé de quelques épineux. C’est une région d’élevage, j’y croise quelques beaux troupeaux de chameaux, qui se débrouillent par eux-mêmes.

J’y découvre aussi de magnifiques fourmis argentées, très brillantes. Je resterais bien à les observer, mais ce n’est pas le moment.

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Je me dirige vers un gros cordon de dunes et le CP11, porte d’entrée du guelb de Richat, l’œil de l’Afrique. Le guelb est une dépression parfaitement circulaire de 60km de diamètre d’origine volcanique, formée d’anneaux concentriques et entourée de plusieurs cordons de dunes.

Je passe quelques habitations fort précaires en branchages, et un grand troupeau de chameaux avec son chamelier, puis une petite dune, et me voilà dans le guelb. J’attendais ce moment, car j’en avais été subjuguée en 2019. Et là, je n’ai rien reconnu. J’ai vainement cherché les petits cailloux multicolores, ils ont disparu.

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Je traverse une zone boisée, je dois même faire évoluer ma trajectoire en fonction des bosquets.

Takao apparaît soudain devant, sur ma gauche. Nos directions sont parallèles, mais assez éloignées. Il court un peu, mais je vais nettement plus vite et je le double assez rapidement car je progresse bien. Je ne sais pas s’il m’a vue.

Avec cette végétation, je croise quelques habitations et quelques gamins. Le CP est à côté. Au moment de repartir arrive Eric. Il aimerait partir avec moi car il ne veut pas faire la nuit caillouteuse tout seul. Mais je cours et il ne pourra pas me suivre. Peut-être qu’il attendra Takao qui ne devrait pas tarder ou Benoît.

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Ca commence par monter fort tout droit dans les pierres, jusqu’à la piste 4x4, dans un sable très mou, encaissée entre 2 cordons de dunes. Il fait nuit. Je dois tourner bientôt, mais je n’entends pas le bip du changement de direction annoncé par le GPS. Je dois donc faire demi-tour, et cela s’avère toujours  compliqué de rattraper une nouvelle direction de nuit et face à une grosse dune. Je reviens donc sur mes pas pour retrouver l’endroit exact où j’aurais dû bifurquer, il doit y avoir un passage plus aisé.

A ce moment arrive un 4x4 en face de moi. A ma grande surprise, c’est un de nos chauffeurs. Il me conseille de continuer sur la piste. Mais non, c’est justement ce que je ne veux pas faire et il ne comprend pas ma démarche. De son côté, il va à Ouadane chercher du pain. En pleine nuit… En fait il va voir sa femme.

Je quitte donc la piste de bon coeur et je progresse sur un plateau couvert de pierres noires. C’est difficile d’y courir et ça me ralentit.

Puis c’est la dernière montée très raide vers le CP12, la maison de Théodore Monod. La tente est installée à côté de la petite maison de pierre. J’y trouve le cuisinier dormant profondément, J’ai du mal à le réveiller. Il est seul, le chauffeur étant parti en goguette à Ouadane.

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Eric pointe pendant mon sommeil. Je lui conseille de prendre le matelas du cuisinier, car c’est pour nous, et il hésitait. Puis arrivera Takao, juste avant que je reparte au petit jour. Eric se joint à moi cette fois. Voilà aussi le chauffeur, de retour de la boulangerie. Le pain frais de la nuit, c’est trop tard pour nous.

Nous continuons dans le relief pierreux pendant un moment, avant de traverser une zone bien plate. Eric est un compagnon agréable, mais je ne parle pas beaucoup. L’air est trop sec, et dès que j’ouvre la bouche, je dois boire beaucoup plus que la normale.

Une zone de tan, étendue humide asséchée, à traverser se présente. La surface paraît dure, mais J’y enfonce l’épaisseur de la semelle de mes chaussures. Eric sonde avec ses bâtons, car il est beaucoup plus lourd que moi. Nous passons sans plus d’encombre. Ce ne sera pas le cas de tout le monde. Suivant le point de traversée, certains s’enfonceront jusqu’aux genoux. On s’en tire bien.

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Nous atteignons le CP13 installé sous un arbre, abandonné. On se débrouille avec la théière et le réchaud pour s’alimenter. Un 4x4 arrive, c’est le chauffeur du CP et son aide, qui repartent tout de suite. Ils cherchent Patrice, qui est devant. C’est quoi cette histoire ?

En fait un 4x4 s’est embourbé dans le guelb, et c’est panique à bord dans l’organisation, mais on ne s’en aperçoit pas encore. Si nous avons trouvé une tente vide, Patrice est au CP14, sans tente.

Nous repartons, encore une portion plate avant de monter une dune tout droit, et d’en longer le bord supérieur. Nous quittons définitivement le guelb sur un plateau de nouveau pierreux, pour le CP14.

Pour nous la tente est en place et il y a de quoi se restaurer.

Eric a très mal aux pieds et une tendinite au releveur. Il ralentit et ne peut plus me suivre. Mon releveur côté droit commence aussi à se faire sentir. Pour les néophytes, c’est le tendon qui permet d’abaisser et relever le pied, on le sent sur l’avant de la jambe. Ca ne me gêne pas et ne m’empêche pas de courir.

Je passe le CP15 de nuit, et j’arrive au CP16 en fin de matinée suivante. Et ô surprise, Patrice m’attend devant la tente, assis sur une chaise, torse nu en plein soleil. La tente est vide, à part de l’eau, une théière et un réchaud. Il m’explique qu’il n’y a plus de logistique devant pour nous, ce qui signifie pas de tente et pas d’eau. Il n’y a plus qu’à attendre au CP16.

Quel dommage, j’ai retrouvé toute mon énergie et je ne demande qu’à carburer.

La voiture embourbée monopolise toutes les ressources. Ils mettront 24 heures à la sortir, avec des renforts venus de Ouadane.

Pendant ce temps, nous, on poireaute. La compagnie augmente, Eric se pointe, suivi par Takao. Un 4x4 arrive enfin, il va nous monter le CP suivant. Par hasard il transporte la valise de Takao, qui nous partage son ravitaillement japonais. Les mangues sous vide sont bienvenues et délicieuses.

Nous pouvons repartir. Takao aime beaucoup se filmer, je lui propose de le faire pour lui au lieu d’être limité par la longueur de sa perche.

Il est rapidement largué en termes de vitesse, et nous continuons à 3 jusqu’au CP17, en bavardant, ou nous arrivons en fin d’après-midi. Et voilà que ça se peuple. Un 4x4 amène Alain et Marion. C’est ainsi que nous apprenons les boueuses péripéties. Donc nous pouvons aller jusqu’au CP suivant, qui est dans un ancien fort militaire où il y a des puits, il n’y a pas besoin de tente pour avoir de l’ombre, mais il n’y a rien d’autre, et surtout pas d’eau potable.

Patrice part tout de suite. Je préfère faire une pause d’une heure. Eric et Takao restent sur place. Je n’ai pas besoin des soins de Marion, je strappe moi-même ma tendinite.

Je cours facilement en repartant. J’arrive à un petit terrain d’aviation dans le sable, balisé par des pierres, que je n’avais pas vu en 2019 car j’étais passée là de nuit. D’ailleurs elle arrive, avant que J’atteigne l’entrée d’un magnifique canyon au fond très sableux, qui plonge entre 2 parois de rochers noirs. Le sol est très mou, passage obligé des 4x4. Il fait bien 8km de long. Je ne peux guère y courir.

Les piles de mon GPS sont déchargées avant le CP, mais je n’ai n’en pas besoin et je continue sans indication de direction ni de distance jusqu’au fort, je me souviens parfaitement du chemin.

J’amorce le changement de direction vers l’ouest, et le fort apparaît sur ma droite. Il y a plusieurs bâtiments, je ne sais pas dans lequel sera installé le CP, ni où est Patrice. J’inspecte toutes les salles, avant d’apercevoir une petite lumière tout au bout. C’est là qu’il s’est installé. Il a trouvé un tas de sable sur le sol en terre battue bien dur, de quoi faire un matelas.

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Nous n’avons plus qu’à essayer de dormir pour attendre. Le matelas est tout de même inconfortable, et j’ai mal partout. Un 4x4 finit par arriver. Il nous dépose de l’eau et une natte. Le sol est toujours bien dur. Il repart aussitôt. Un autre se pointe. Je demande au chauffeur s’il a un matelas. Il allait nous quitter sans nous en laisser. Nous récupérons un matelas, qu’on partage à 2.

Enfin le staff débarque, Alain, Marion et Patrick. Comme par hasard, les matelas se multiplient.

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Le jour se lève et nous ne partons toujours pas, la logistique n’étant pas assurée à l’avant. J’en profite pour prendre une « douche » au puits. L’eau n’est pas profonde est cela s’avère facile de remonter le jerrican plein. Il est percé au fond, laissant couler le liquide comme au robinet.

Puis arrivent Eric, Benoît et Jacques. Takao, théoriquement devant eux, pointe absent. Il y a aussi beaucoup de chauffeurs maintenant. L’un d’eux l’a vu en fin de nuit à la sortie du canyon. Je fais remarquer qu’il n’y avait aucune lumière à ce CP 18. A tous les coups il est passé devant le fort sans le voir et doit être maintenant au CP19, tout seul. Alain finit par y envoyer un véhicule pour le récupérer le ramener au fort, pour le remmener finalement au CP 19, manœuvre incompréhensible. Ce qui fait qu’il a 1 CP d’avance sur nous, qui avons sagement poireauté.

C’est à partir de maintenant que nous devons nous grouper pour être précédés par un 4x4 perso qui transporte nos affaires. Les duos sont faits par niveau, on m’octroie donc Patrice. Notre chauffeur sera Ismaël et le cuisinier Bolé.

Nous repartons à midi ensemble. Ce qui me fera en tout 20 heures de course perdues.

Pendant ce temps et à l’abri de ces péripéties, Marco caracole en tête loin devant désormais avec sa voiture suiveuse particulière, et impossible à rattraper.

Patrice et moi n’avons pas la même gestion de course, mais nous devons nous entendre. Il marche et dort peu et dans le sable, je cours et je dors dans les CP. Comme le côté course et performance n’est plus d’actualité, nous décidons d’un commun accord de profiter de la suite du parcours, en marchant et en dormant correctement.

Patrice progressant plus vite que moi, il donne le rythme. Ayant besoin de plus de sommeil que lui, j’organise les repos, et toujours dans les CP : 30 minutes après le CP du matin, 1 heure après le CP de l’après-midi et 4h la nuit. De plus comme un véhicule nous suit avec toutes nos affaires personnelles, il n’y a plus grand-chose à porter sur soi, le sac est allégé. Bref, on va se la couler douce.

 

Nous changeons de direction pour se diriger plein ouest, vent dans le dos et soleil brûlant de face l’après-midi. Nous retournons vers Atar, de l’autre côté du massif de l’Adrar que nous contournons. Je retrouve à main gauche les montagnes noires et à main droite un magnifique cordon de dunes blondes.

D’ailleurs je m’y dirige sur un terrain très sableux, où je trouve le CP19, bien planqué sous un arbre.

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Ismaël parle peu français, Bolé le pratique bien. Il sera donc notre interlocuteur privilégié. Il nous apprend qu’il a la consigne de ne pas nous nourrir, même pas tous les 60 km, comme prévu. Heureusement Patrice et moi avons de quoi nous sustenter par nos propres moyens pour tous les CP.

L’ordre des choses que nous faisons au CP est immuable : manger puis dormir. C’est au moment de partir que notre staff mange, et Bolé nous en propose tout de même gentiment. Mais c’est trop tard, notre repas est déjà pris et nous ne traînons pas sous la tente.

Le CP20 me rapproche de la montagne, dont je longe la base beaucoup plus caillouteuse. C’est dans ce coin que je m’étais fourvoyée par inadvertance en 2019, de nuit, et j’avais bien galéré. Mais cette fois, tout se passe facilement, de nuit également.

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Néanmoins, nous passons le point du CP. Nous faisons demi-tour, et nous finissons par dénicher la tente sous des arbres. Bolé n’y a pas mis de lumière, et elle est invisible. Nous tombons d’abord sur Ismaël, qui dort très profondément sur son lit de camp dehors. C’est son habitude. Dans la tente, Bolé pionce, tout aussi intensément. Je le réveille, et nous lui expliquons qu’il doit toujours mettre un éclairage la nuit à l’entrée de la tente. Il va falloir qu’il apprenne le métier.

Je repars en douce montée, qui mène en haut du surplomb d’un très joli petit canyon. Il y a beaucoup de pierres, il vaut mieux suivre la piste qui serpente. Puis c’est la descente dans la plaine du village d’El Bayyed, et je retrouve le sable. Je longe les dunes, à ma droite.

Le village apparaît au loin sur la gauche dans les arbres, avec sa mosquée. Une jeune femme vient à notre rencontre, ses voiles flottant dans le vent. Elle vend de petits bracelets de perle. Ce ne sera pas pour moi. Je n’ai même pas un Ouguiya mauritanien sur moi.

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J’arrive au puits, signe de la bonne douche tant attendue. L’exercice s’avère périlleux, sans mettre les pieds dans le sable brûlant ni dans l’eau. Je repars toute pimpante, avec collant et maillot humides qui vont me tenir au frais un bref moment.

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Je croise une armada de 4x4 touristiques. Ils ont l’air de bien s’amuser à conduire dans le sable.

La végétation est omniprésente et le CP21 est à l’ombre. Je dois me protéger du vent pour réhydrater ma purée sans que mon repas ne s’envole.

Je repars après une courte pause. Le sable est plutôt mou dans le secteur.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Les CP défilent, assez plats et avec quelques arbres. Avec Patrice nous progressons d’un bon pas, sans difficulté pour moi, je ne sens plus du tout ma tendinite au releveur. Patrice a mal aux pieds, il supporte.

C’est facile pour moi, je n’ai qu’à le suivre, il est devant, je n’ai même pas besoin d’utiliser le GPS, je confirme juste la direction, notamment la nuit.

De temps en temps j’entends le tuut caractéristique du Sirli, petit oiseau gris difficile à voir dans le sable. Je le connais maintenant, et je le repère facilement. C’est toujours un grand plaisir de l’entendre dans cet environnement silencieux.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je vois un beau cap à viser, une grosse tache blanche droit devant. Mais… mon cap bouge ! C’est un chameau en goguette. Les chameaux ne sont pas tous marron.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Et soudain, des gazelles du désert ! Je m’approche d’un petit troupeau avec des longues cornes qui s’enfuient devant moi. A y voir de plus de plus près, ce ne sont que des ânes et leurs oreilles. Certes, j’ai une mauvaise vue, l’illusion aura été de courte durée.

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Aujoud’hui, Secma, le chef des chauffeurs, est passé au CP. Il a amené du ravitaillement pour ses hommes. J’ai le droit à une mandarine comme faveur.

Cependant Bolé a décidé d’améliorer mon régime frugal. Le soir il fait du pain dans une marmite sur son réchaud. En plus, il le réchauffe pour le « petit déj », juste avant de partir dans la nuit. Accompagné de dattes, c’est délicieux.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Désormais quand j’arrive aux CP de nuit, une tente est dressée à côté de la mienne. C’est celle de Takao que je rattrape petit à petit, ce dont je n’ai pas douté un instant, car je suis plus rapide que lui. Ca va prendre plusieurs jours de le dépasser complètement. Mais je ne le vois jamais, comme nous avons des tentes et un staff différent, ce qui n’est pas très convivial. J’ai des nouvelles uniquement par Bolé.

De temps en temps je croise un squelette de dromadaire. Cette fois, il est même « frais », avec tous ses poils. Le climat très sec le conserve longtemps, et sans odeur.

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Au CP25, le trajet se rapproche des dunes pour éviter la traversée du lac salé, qui est paraît-il boueux.

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Le CP27 est dans un village, bien qu’on n’y voie aucune âme qui vive. Le 4x4 nous attend au sommet d’une petite côte. Le chauffeur annonce nous emmener en voiture pour ce CP, en compensation du temps perdu. Mais je n’ai pas demandé de compensation ! Surtout que ce CP est très pierreux, ce que j’adore. Pas de discussion possible et patience pour manger.

La position assise sur un siège est toujours pénible sur les courses longue distance quand on n’enlève pas ses chaussures. Le dessous des pieds se met à brûler. Néanmoins autant profiter de ce court répit pour dormir, même si le terrain me secoue dans tous les sens. Je ne verrai pas le moindre contour d’un caillou, plongée dans mon demi-sommeil.

La pause ravito se fait au CP28, à l’ombre de la voiture.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je croise un grand troupeau de chèvres gardées par de jeunes bergers. Ils tentent quelques mots de français.

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J’arrive au CP29 en fin d’après-midi. Alain et Marion nous attendent. Elle vérifie l’état de mes pieds, tout va bien. Je ne lui donne pas beaucoup de travail. Elle intervient en plein vent, par terre, dans le sable. Je suis allongée sur le ventre sur la natte, le pied posé sur un sac.

Alain propose un CP de compensation… Mais on l’a déjà eu ! En fait c’était celui destiné à Takao et notre chauffeur a vraisemblablement copié. Plutôt qu’une compensation, je préfère que Bolé me nourrisse. Je serai entendue, et il le fera désormais de bon cœur.

Je quitte la plaine pour passer au nord d’Atar. La boucle est bouclée.

Au CP30, km 600, je change de chaussettes, comme toutes les 200 bornes. Je suis très satisfaite des Mérinos, toujours agréables au bout de 200km.

J’aborde une zone assez boisée. Le sol est recouvert de magnifiques dalles bleues. J’y trouve aussi un endroit plein de petits coquillages. Plus loin, les dalles sont oranges, puis vertes.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le chemin vers le CP31 suit une grande oasis, et moi je suis sa clôture. Puis c’est le lit d’un oued, très sableux.

Vers minuit, un vieux 4x4 qui transporte une citerne d’eau s’arrête à ma hauteur. Le monsieur, d’un certain âge, ne parle pas du tout français, mais je comprends qu’il me demande où je vais et qu’il est prêt à me prendre à bord. Choum, Choum, je vais à Choum, certes, c’est encore un peu loin, et non, je ne monte pas.

J’arrive de nuit au CP33, dans un village. La tente est dressée au milieu des maisons en pierre. Ce n’est pas pour ça qu’il y a du monde. Les gens doivent être sur place uniquement au moment de la récolte des dattes. Au réveil, le jour pointe, et je suis étonnée de me trouver au milieu d’habitations. Je commence à ne plus me souvenir de ce qui se passe avant de plonger dans mon court sommeil réparateur, dont les 4 heures quotidiennes peuvent s’avérer un peu brèves.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

La route goudronnée qui relie Atar à Choum est toute proche. Je l’emprunte sur 4km, marquant un changement de direction vers le nord, la frontière marocaine et le fameux train de minerai de fer. Elle descend une belle falaise en lacets avec une vue splendide sur la plaine, encaissée entre deux bords de monts noirs.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je trouve un passage dans les cailloux pour couper les virages. En haut, Ismaël s’est arrêté et me fait de grands signes sympathiques.

Il est tôt et il y a peu de circulation, juste quelques taxis brousse, et une gerboise qui pointe son museau parmi les pierres.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

J’arrive dans la vallée, dans un village. Je quitte la route, passe les quelques maisons éparses, et bute sur le coin d’une clôture, juste sur ma trajecoire. Je décide de passer sur la droite. Puis le GPS m’envoie en plein sur un joli mont de pierres noires. J’aime ça. Mais mon acolyte Patrice n’aime pas. Je lui propose de le contourner par la gauche, mais pour finir il va droit dessus. Je grimpe sans difficulté dans le pierrier. Patrice peine derrière. La descente de l’autre côté s’avère abrupte, voire carrément verticale à certains endroits. Je sautille de pierre en pierre, alors que Patrice souffre.

La plaine en bas est boisée. J’attends Patrice. Peu de temps après, il paie son exploit montagnard et préfère s’arrêter à l’ombre pour souffler. Je continue et il me rejoindra au CP. Nous ne sommes pas obligés d’aller à la même vitesse.

La direction est parallèle à la route principale de Choum d’un côté, avec la montagne en fond à tribord, et à l’autre ligne de montagne à bâbord. C’est très beau.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le CP34 est sous un grand arbre. Ismaël ne comprend pas que je m’y pointe seule. J’ai beau lui expliquer que Patrice a eu besoin de se reposer et qu’il va arriver, il ne conçoit pas. Il va arriver quand ? Mais je n’en sais rien. Au bout de 2 minutes, Ismaël panique et part en 4x4 à la recherche de l’absent. Les chauffeurs doivent avoir la hantise du coureur qui se perd dans le désert.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Patrice apparaît tranquillement comme prévu, au bout de 20 minutes, pas du tout par la piste de la voiture. Ismaël revient après, évidemment sans l’avoir trouvé.  Il aura compris que nous avons le droit de ne pas toujours être ensemble.

Du coup ma sieste du midi en est rallongée.

La suite du terrain sera beaucoup plus plate.

Le soir et le CP36 me rapprochent de Choum. J’y passe au plus près à 2 km. Cette petite ville s’est développée grâce au train de la mine de fer.  Ca y est, je bute sur la fameuse ligne de chemin de fer, et ce juste au moment où arrive un train. Mon premier !

Je l’entends émerger de loin. Une antique locomotive tire quelques wagons citerne, il n’est pas très long. C’est le train de l’eau, qui va approvisionner la mine au milieu du désert.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Changement radical de direction puisque je ne passe pas la ligne, ce sera désormais plein ouest jusqu’à la mer, pendant 400km le long du train. Les 400 derniers km ! Une bagatelle. J’ai l’impression d’être très proche de la fin, car ce sera peu varié.

Le CP37 est la première nuit le long du chemin de fer. Le terrain est plat et sans difficulté. Je longe le monolithe de Ben Amera, très beau paraît-il mais je ne le verrai pas de nuit. C’est un des plus grands du monde.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

J’arrive au CP38 au petit matin. Je traverse le village de Ben Amera. J’y trouve quelques minuscules commerces, tous fermés à cette heure matinale. D’ailleurs il n’y a personne en vue. Comme à tous les endroits où la circulation s’intensifie, le sable y devient très mou, ce qui rend la marche plus difficile. Et comme à tous les endroits habités, les déchets sont omniprésents par terre, beaucoup de plastiques, des bouteilles, des vieilles savates.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le CP39 marque les 800km. J’y ai prévu un changement complet de tenue. J’abandonne avec regret le maillot X-Bionic rose pour un raidlight à manches longues, moins bien mais propre et confortable. Je troque mon vieux collant qui a bien tenu le coup contre un neuf plus sayant.

Patrice a maintenant très mal aux pieds. Cela ralentit notre moyenne horaire. Après chaque arrêt, il doit se « chauffer les pieds », le temps que la forte douleur devienne plus supportable. Cela prend bien une demi-heure pour faire 2km. Puis nous pouvons accélérer plus normalement. Jusqu’ici il était en tête, maintenant c’est moi qui mène. Lorsqu’il désire faire une petite pause, je continue doucement jusqu’à ce qu’il me rattrape. Ce n’est toujours pas mon truc de m’assoir dans le sable pour attendre.

Il demande aussi quelques fois un arrêt plus long que ce qui devrait être, signe de fatigue. Pourtant il est réputé avoir besoin de dormir beaucoup moins que moi.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je ne peux pas rater les trains. Je les entends arriver de très loin. Le jour un gros nuage de poussière s’élève, et la nuit, ils ont des phares très puissants. Ils sont impressionnants. 3 michelines tirent 2 km de wagons chargés de minerai de fer. Les conducteurs vont me connaître au bout de quelques jours et me font de grands signes de la main. Il y a aussi des passagers installés sur le chargement des wagons pour voyager gratuitement, baignant dans la poussière et le soleil. Il y a 7 trains par jour dans les 2 sens, en majorité la nuit. La ligne est longue de 704 kilomètres, elle relie les mines de fer de Zouerate au port minéralier de Nouadhibou. Ces trains sont parmi les plus longs du monde.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le village suivant de Temeimichat se trouve 100km plus loin. J’y suis dans la matinée. Il y a de l’activité. Les gamins jouent, les boutiques sont ouvertes, les hommes sont assis par terre devant, quelques biquettes traînent, les femmes sont invisibles. Un train est « en gare », les denrées des commerçants sont en cours de chargement pour ravitailler ceux des villages de la mine. Le conducteur me propose de visiter son train. Désolée, je n’ai pas vraiment le temps de musarder.

Comme dans tous les villages, je m’enfonce dans le sable. J’ai hâte d’en sortir.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je chemine le long de la ligne unique de chemin de fer après, le sable juste à côté est assez dur. Mais il s’avère plus facile de marcher sur la voie elle-même, malgré le panneau d’interdiction d’y évoluer. En fait elle paraît minuscule quand on est dessus, sous-proportionnée par rapport à la puissance qui y circule. Puis la ligne s’incurve, et je la quitte pour couper tout droit.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

De petits panneaux indiquent les km le long de la voie. Je peux les voir quand je la suis d’assez près. Les premiers sont dans les 480km. Il n’y a pas de quoi me saper le moral sur la distance ni sur une avancée qui pourrait sembler lente. Cela n’a pas d’emprise psychologique sur moi.

Beaucoup de traverses et de morceaux de rail jonchent le sol. Mais ce n’est pas toujours perdu. Les traverses servent de charpente aux petites maisons regroupées ici et là. Parfois il n’y a plus que la charpente elle-même. On les croirait abandonnées, mais que nenni. Il paraît que les habitants y viennent en villégiature.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Les CP vont se succéder jusqu’au n° 57 pendant 6 jours, mais je ne les compte pas. Je vis au quotidien.

Comme le paysage devient monotone, c’est la température qui rythme les journées. Le CP du matin est le plus agréable, à la fraîche. Avec Patrice nous papotons. Le départ de l’après-midi est plus difficile en pleine chaleur, mais cela ne me gêne pas trop. Patrice en souffre beaucoup plus que moi. Le soleil incandescent passe son cap droit devant. Je marche en m’en protégeant le plus possible, la tête baissée et le cache-nuque de la casquette bien fixé au maillot, surtout quand il y a du vent. Je ne pipe pas un mot, l’air est trop brûlant pour ouvrir la bouche. Je me contente de chanter dans ma tête. Et heureusement, boire de l’eau chaude ne me gêne pas. La nuit, un coupe-vent suffit. Patrice me demande de lui parler beaucoup pour ne pas penser à ses maux de pied. Moi qui ne suis pas bavarde, je me découvre un talent d’oratrice nocturne et je monologue durant tout le trajet.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

De temps en temps de petites fleurs surgissent du sable, par taches blanches, jaunes, rouges. Ou une dune apparaît, variant les couleurs de sable. Il y a aussi beaucoup de traces de petites bêtes, mais j’en vois très peu, insectes, scarabées, lézards. Aucun chameau ni troupeau en vue sur tout le parcours, malgré un puits croisé.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Un soir vers 20h, par nuit noire, il y a longtemps que la lune n’est plus pleine, une forte lumière se déplace rapidement juste de l’autre côté de la voie ferrée. On dirait qu’elle se met à courir pour me rattraper. Une voix en arabe s’élève fortement, puis passe en français. « Gendarmerie nationale, contrôle des passeports ! ». Patrice et moi pilons net. Patrice sort son passeport, que la maréchaussée prend en photo avec son téléphone. Quant à moi, je jette un coup d’œil à mon GPS pour avoir la distance du prochain CP. Je n’ai pas mon passeport sur moi, il est dans la voiture, à 2km 350m, dans cette direction. L’explication suffit, et après quelques blagues, l’homme en uniforme me lâche les baskets.

Le lendemain, la journée cette fois, c’est un 4x4 de l’armée qui fait un détour jusqu’à ma personne. Je n’ai toujours pas mon passeport sur moi. Mais ce n’est pas le sujet. C’est juste pour savoir si tout va bien.

 

Je longe quelques camps militaires dans le coin. Le Maroc est à une dizaine de km.

Une autre fois un véhicule de la ligne de chemin de fer me croise, là aussi pour s’assurer que tout va bien.

S’il n’y a pas de chameau dans ce désert, il y a des gens qui s’inquiètent pour moi.

Mon moment préféré est le lever du jour, la lueur orangée surgit doucement dans mon dos. Les couleurs du ciel et du sable sont magnifiques, et la température très agréable.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Les muqueuses n’apprécient pas le désert, les miennes résistent bien pour l’instant. Je tartine mes lèvres de beurre de cacao en journée. Je mouche beaucoup de sang. Heureusement j’ai prévu un gros stock de mouchoirs XXL fabrication maison. Et tous les soirs je me rince les naseaux avec du sérum physiologique. Ca dégage bien, sinon je ronflerais à gogo.

Les mains gonflent tous les après-midi avec la chaleur. Heureusement elles dégonflent sans problème la nuit.

Si je ne vois jamais Ismaël la nuit, enfoui dehors sous sa grosse couverture sur son lit picot, Bolé fait beaucoup de progrès. Maintenant il m’accueille, le repas est préparé, même si le menu est peu varié : différentes pâtes et des légumes, avec deux fois du poulet si on est près d’un village ravitailleur. Je complète avec les sardines et les dattes, omniprésentes. Il remplit ma poche à eau dès que j’arrive et l’eau chaude est toujours prête pour le thé. Il se lève spontanément pour le départ au milieu de la nuit, me servant le thé et le pain chaud.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Mais ce matin, vers 10h, pas de CP en vue au point GPS requis. Le 4x4 déboule en trombe dans mon dos. Patrice en rigole, pas moi. Je n’aurai pas aimés poireauter en plein cagnard parce qu’Ismaël ne s’est pas levé. Ca lui a servi de leçon, car par la suite il fera systématiquement le trajet entre les CP dès que je suis partie.

Au CP47, ma tendinite au releveur se réveille légèrement. Elle ne me gêne pas. Je prends néanmoins un antiinflammatoire le lendemain, le seul médicament que j’aurai avalé sur tout le parcours.

Je suis au CP49, le 1000° km est atteint. il reste moins de 10 CP, ça sent la fin et le dernier changement de chaussettes.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Ce midi je prends ma demi-heure de sieste à l’ombre de la voiture. Je sens quelque chose sur ma jambe. Un gros insecte ? J’ouvre les yeux et je découvre… un tout petit oiseau posé sur mon collant. Je vois régulièrement ce piaf, mais celui-ci est particulièrement familier. Je n’ose pas bouger, lui non plus.

A tous les CP j’enlève systématiquement les chaussures, cela détend les pieds, mais pas forcément les chaussettes. Je les masse toujours soigneusement.

Ma faim est grandissante au fil des km. J’engloutis désormais des portions doubles de celles du début de course. Pour mes ravitaillements personnels, j’ai prévu. Par contre je dois rallonger les lyophilisés qui sont censés faire un repas normal, et hop, de la semoule en rab dans le couscous.

Toutes les nuits en me réveillant, je suis incapable de me souvenir si le train est passé, tout en ayant la sensation de l’avoir entendu. Bien sûr il est passé, et même des fois juste au moment où je m’assoupis. A chaque réveil, c’est la première question que je pose et la réponse est immuable. C’est l’accumulation du manque de sommeil qui fait son effet.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

De même une fois, allongée sous ma petite couverture, je réclame qu’on ferme la tente. Elle est fermée, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas de toile de mon côté et que je dors dehors. Quand le train passe, je crois être couchée à l’extérieur juste à côté des rails et qu’il est à 1m de moi, tout ça sans pouvoir ouvrir les yeux. L’effet est saisissant.

Néanmoins, comme c’est moi qui donne le signal du lever dans la chambrée, j’ai toujours entendu sonner ma montre. Je ne suis donc pas trop épuisée. Patrice ne la perçoit jamais.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Il a maintenant moins mal aux pieds et retrouve du poil de la bête. Si les démarrages sont toujours laborieux, le rythme est plus soutenu après.

A ma grande surprise, la monotonie de cette longue partie passe bien. Il est vrai que je n’ai pas à me plaindre. Je n’ai aucun problème physique, je ne ressens pas de manque de sommeil, je n’ai qu’à marcher, ce qui n’est pas spécialement difficile. Même les CP de nuit que j’appréhende normalement sont aisés.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

La dernière nuitée s’annonce au CP52. Alain me croise peu après. Il veut m’avancer en voiture d’un CP, il le fait pour tous. Il a l’air d’avoir hâte d’en finir, bien plus que moi. Il me dépose au CP53. Comme d’habitude le trajet en voiture est pénible pour la voûte plantaire qui se met à brûler.

Je progresse désormais entre la voie ferrée à ma droite et une grande route à ma gauche. Le sable est assez mou, avec de petites dunettes à franchir. Quelques maisons endormies jalonnent mon chemin.

Côté route, des lumières rouges apparaissent. C’est une usine de traitement de minerai de fer. D’ailleurs une sirène retentit dans la nuit.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

D’un commun accord avec Patrice, l’arrêt au CP54 est écourté. Nous n’avons pas besoin de dormir 4 heures pour terminer sereinement.

La tente est juste à côté de la route, qui est très proche de la voie. Je propose de marcher désormais sur le bitume, beaucoup moins pénible physiquement que dans le sable. De plus à cette heure, il n’y a pas de circulation.

Le jour se lève, le dernier. Soudain apparaît sur la gauche une belle étendue bleue entre quelques petites dunes. La mer !

Nouadhibou est située au bout d’une péninsule parallèle à la côte principale et je chemine côté intérieur. La surface de l’eau s’avère donc très calme. Elle ressemble à un beau lac immense coincé par des ondulations sableuses.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Après le CP55 et l’heure s’avançant, la circulation augmente. Le trajet sur la route se révèle loin d’être bucolique. Les bas-côtés sont jonchés de carcasses de pneus déchiquetés. Je me dis que si un pneu éclate à côté de moi au passage d’un camion, je meurs.

A chaque venue de véhicule, dans un sens ou dans l’autre, je me précipite rapidement sur le bas-côté, dans le sable. En effet, ils sont nombreux sans âge, dans une forme très vétuste, ou lourdement surchargés. Je tiens à la vie.

Un piéton vient faire la causette. Je vais où ? A Nouadhibou, à pied. Rien ne les étonne. Plus loin un ânier mène son âne au puits.

Dès qu’on s’approche des zones habitées, je trouve beaucoup de déchets étalés par terre, surtout des bouteilles d’eau en plastique.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le CP56 est proche de quelques maisons. Je ne m’y attarde pas. Je reprends la route sous la chaleur de fin de matinée pour le CP57, le dernier. Mais Alain a déplacé l’arrivée, et je dois suivre le 4x4 pour atterrir à une auberge. Ce qui représente une fin bien morose : de la route, et derrière une voiture, tout ce que je n’aime pas.

Heureusement l’emplacement du repos attendu est sur la plage, ce qui compense les contraintes.

Je dois évidemment me plier aux traditionnelles photos d’arrivée, au lieu de pouvoir enlever définitivement mes chaussures le plus vite possible. Car les quatre choses que je souhaite faire dans un ordre d’urgence sont : enlever mes chaussures, prendre une douche, manger, et dormir.

Il est 14h le 16 novembre, j’ai mis 16 jours pour faire 1200km. Je suis 2° avec Patrice, si tant est qu’un classement puisse encore vouloir signifier quelque chose après toutes les péripéties de cette course. Marco est arrivé depuis longtemps, 4 jours plus tôt.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Bolé a pris en main le restaurant de l’auberge et m’a préparé un bon vrai repas appréciable. Je prends possession de ma tente, et je requiers la douche. En effet, l’utilisation de la pompe à eau du puits se fait sur commande.

A noter que je n’ai pas perdu de poids, ce qui est parfait.

Comme je suis en excellente forme et que mes petons sont intacts, je peux profiter pleinement de la baignade dans cette mer d’huile et de balades sur la plage. Il y a plein d’oiseaux marins et limicoles migrateurs venus d’Europe passer l’hiver au chaud. Je ne les connais pas, mais je m’en mets plein les yeux. Je rends visite à la petite colonie de flamants roses installée dans l’anse voisine.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Les autres coureurs arrivent petit à petit, Takao dans la nuit, puis Brigit le lendemain, suivie de Benoît et Eric. Jacques ferme la marche 2 jours après moi. Deux coureurs manquent à l’appel.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

J’abandonne la tente et j’émigre dans une chambre de l’auberge, que je partage avec une petite souris.

A la question de ce qu’on désirait le plus pendant la course, tout le monde a rêvé d’un bon repas, sauf moi. C’est une baignade en mer à laquelle je pensais pendant les heures brûlantes d’après-midi le long de la voie ferrée.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Après le repas de fin de course, nous prenons la route pour Nouakchott. J’y profite d’une journée de tourisme, visite du marché, baignade en mer côté atlantique cette fois, avec de puissantes vagues, tour au port de pêche. Les centaines de longues barques en bois toutes peintes de couleurs vives déchargent le poisson à la main, directement sur la plage. Il est amené sur la tête des pêcheurs directement à l’usine de fabrication de farine, pour exportation en Europe. C’est impressionnant. Parallèlement l’état mauritanien autorise la population à se pourvoir en poisson gratuitement.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Puis c’est le retour à Paris, et à la Réunion pour moi.

Comme d’habitude après une longue course de ce type, mes pieds de jeune fille vont peler intégralement.

Au final, cette édition ne me laissera pas un souvenir impérissable. Côté technique j’adopte définitivement les chaussettes en Mérinos et les biscuits pour dénutris.

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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 08:57
Putain, 30 ans déjà…

Quelque part entre Dos d’Ane et La Possession, et plus précisément sur le sentier de La Kalla au point 20°57'05.6"S - 55°21'23.3"E.

Je suis allongé, meurtri, exsangue, effondré. Ma diagonale vient de s’achever en quelques dixièmes de secondes, la faute à une stupide chute (mais y a-t-il des chutes intelligentes? Des chutes qui nous rendent admiratifs : « sympa cette gamelle, belle exécution, on va mettre un joli 8,35/10 ! »). Le regard vide, le genou retourné, je gamberge et me reviennent de nombreuses images en un flash, tels les derniers instants du condamné à mort qui voit défiler sa vie en accéléré…

Putain, 30 ans déjà…

Quelque part à Saint-Pierre, et plus précisément sur le secteur de la Ravine Blanche au point 21°20'21.3"S - 55°27'32.3"E.

Je suis debout, impatient d’en découdre avec ces 160 kms qu’on nous annonce redoutables. Deux nouveautés cette année, un départ par vagues, je suis verni, vague n°1, et une amputation de parcours de 5 kms pour éviter Le Maïdo. Là, j’aime moins, préférant les parcours exigeants et sélectifs.

L’ambiance est festive, l’excitation est à son comble, les appétits sont féroces après deux ans de privation de droits sportifs, COVID oblige. Je suis heureux de pouvoir faire partie des quelques 2 600 fous qui ont décidé de pratiquer leur jeu favori et de ne se déplacer qu’en diagonale…

Je m’élance d’un pas décidé, pas besoin de « jouer des coudes » cette année, nous ne sommes que 500 par vague et le ras de marée annoncé est plutôt contenu. Les premiers kilomètres sont maîtrisés, je progresse à une vitesse honorable pour une « béquane 5.0 » tout en restant à l’écoute de mon mollet récalcitrant. Il faut dire que ma préparation a été sérieusement mise à mal depuis le mois de juillet, perturbée par une vilaine déchirure m’obligeant à stopper tout entraînement en course à pied et autres sorties montagne. 6 semaines à ne faire que du vélo, j’aurais du prendre un ticket pour la grande boucle.

Je me situe plutôt dans le « ventre mou » de cette première vague et parviens à Domaine à Vidot en 1h24 à une vitesse moyenne plus qu’honorable de 10,5 km/h. Très belle première section « en ressenti », je suis rassuré par mon état de forme et celui de mon mollet, je vais pouvoir « me lâcher ». Je traverse le ravitaillement en une petite minute, dégainant mes flasques aussi vite que le règlement m’y autorise. Pas d’excès de vitesse aux stands, ce serait bête de prendre une pénalité. Dès la sortie du stade, je me jette littéralement vers les premières marches et premiers mètres de sentiers, enfin, nous sommes en montagne, je vais pouvoir m’exprimer sur mon terrain de jeu favori.

L’enchaînement course / marche est violent, je sens mes muscles se contracter brutalement et m’envoyer un premier signal d’alerte, je suis déjà dans le dur. Le pas est lourd, le souffle court, les premiers concurrents me dépassent, « j’accuse sérieusement le coup ». Il doit être environ 22h30, je passe en mode gestion et réduis brutalement l’allure. Les mètres de dénivelé gagnés se muent en pénibles centimètres, je change d’unités de mesure et par là même d’ambition. L’objectif est de limiter les dégâts et de reprendre peu à peu mes esprits, le départ a été rapide, peut être trop. Trois féminines me passent successivement, ça deviendrait presque vexant, je me retourne à guetter le retour des goélettes… Je courbe l’échine, évite une branche basse, pas mon suivant immédiat qui percute violemment l’obstacle. Nous constatons tous les deux les dégâts, lui pissent le sang, moi je pisse l’ennui. Je me morfonds et gamberge de plus en plus, ça commence à durer. Et si ma préparation s’avérait insuffisante, et si mon manque de compétition était préjudiciable, et si ma rupture des ligaments à ma cheville finissait par m’handicaper, et si, et si…

Le ravitaillement de Notre Dame de La Paix surgit de nulle part, au milieu de la nuit, je suis surpris et mets quelques instants à me mettre en action. Poussif, besogneux, cette première ascension est décidément manquée.

Malheureusement, la suite n’est pas plus enviable (cela nous aurait fait rire un peu), je suis toujours autant en peine de retrouver un semblant d’allure. Les kilomètres se suivent et finissent par se ressembler, j’opte pour un brin de causette avec un Toulousain venu chercher l’enchaînement « Ultra Trail des Pyrénées – Diagonale des fous ». Je le félicite pour ce beau chantier, me concentrant sur mon nouveau défi « Tour du pâté de maisons – parcours de santé de Saint-Paul ». Le parking du Nez de Bœuf est en vue, je désespère

Putain, 30 ans déjà…

Je suis « à l’horizontale », incapable du moindre mouvement, osant à peine respirer. Un concurrent de la Zembrocal me rejoint et s’inquiète de me trouver dans cette position inconfortable :

- « ça va, tu as besoin de quelque chose ? » (non, tout va bien, je me refais une beauté, un peu d’argile et quelques brins de lichens et je vais enfin pouvoir effacer ces vilaines rides !),

- « je ne sais pas trop, je ne plie plus le genou, j’ai du prendre un sacré coup, »

(Il constate les dégâts et finit par livrer son diagnostic)

- « ah ouais, c’est pas joli, tu as un bel hématome, tu as quelque chose pour straper ? Le mieux que tu aies à faire c’est de retourner vers le chemin Ratineau pour te faire soigner. »

(ce n’est pas comme ça que je voyais les choses, l’idée de devoir faire demi-tour m’est inconcevable, contraire à ma conception de l’ultra trail. Autant monter un escalier automatique à rebrousse marches, rouler en vitesse arrière sur l’autoroute, manger des cerises à Noël…).

Putain, 30 ans déjà…

Je m’élance en direction de Mare à Boue pour retrouver mes fidèles ravitailleurs, Jean-Marc et Anita. Je m’accroche à cette pensée positive et étonnamment, mon rythme s’accélère, je parviens enfin à doubler timidement quelques concurrents et surtout, à sentir ma foulée devenir plus régulière, plus alerte. Les parties de parcours bétonnées sont faites pour relancer, je relance, les parties enherbées sont faites pour accélérer, j’accélère, les parties rocailleuses sont faites pour s’équilibrer, je trébuche… Ma lucidité retrouvée me permet d’éviter le pire, je rétablis la situation et repars de l’avant. Tout va décidemment beaucoup mieux, les premières belles sensations « pointent enfin leur nez », après environ 5 h de laborieux efforts, il était temps. Le temps justement, est maussade, nous traversons une vague de brouillard lorsque je devine le mètre quatre vingt douze de Jean-Marc. Présent, près à s’activer pour deux minutes d’intense et brutal effort, un ravitaillement express à 4h du mat’ où la moindre approximation peut se payer cash. 2 ans d’entraînement pour être au top le jour « J » et je peux constater avec satisfaction que l’exécution des tâches est parfaite, telle une chorégraphie savamment orchestrée. Les œufs mollets sont servis « aux petits oignons », le vin du chai d’Aptonia coule à flots, c’est la fête à la Plaine des Cafres. Merci Jean-Marc, merci Anita.

Mais il est déjà temps de repartir pour admirer les premières lueurs du jour et rejoindre le Coteau Kerveguen. Ma nouvelle dynamique se confirme, je grimpe d’un pas décidé, reprenant un à un mes concurrents. Le sentier est des plus boueux, force est de constater que cette année encore, Mare à Boue porte bien son patronyme. Je devine les premiers rayons de soleil dans le dernier tiers de l’ascension, c’est magique et je m’autorise enfin quelques secondes contemplatives. Le Piton des Neiges, Cilaos, le Gros Morne, le paysage est fantastique, je prends un vrai shoot de bonheur et répète en boucle mon mantra favori : « ici et maintenant, ici et maintenant, ici… ». Je reprends peu à peu mes esprits à l’approche de la vertigineuse descente du Kerveguen que je devine glissante. J’opte alors pour une progression des plus prudentes, me résignant à m’écarter au passage de certains kamikazes, et joue l’équilibriste dans un monde de déséquilibrés. Ma progression est réduite, d’autant que je perçois une douleur de plus en plus vive au genou gauche. Pas besoin d’être chiropracteur (ça sonne mieux que kiné) pour diagnostiquer le syndrome « de l’essuie glace » malgré une météo ensoleillée… Je ralentis considérablement l’allure, écartant mes pieds « à dix heures dix » pour soulager les tendons, et profite de ce temps de pause pour me restaurer en ingurgitant mon « quatre heures ».

Je franchis prudemment le bras de Benjoin puis rallies Cilaos au km 66 et retrouve avec bonheur ma deuxième équipe de ravitailleurs, Florent et son papa, Eric. Leur contribution va s’avérer déterminante…

Il est environ 7h15, je fais la grimace et commence sérieusement à m’inquiéter pour mon fascia lata, c’est un peu tôt pour boiter bas. Florent met en œuvre ses talents de « serial kiné » (finalement, ça sonne bien) pour poser strap’ et tap’, c’est beau la science. Je poursuis mes emplettes - eau de Cilaos la bien nommée, repas liquide et barres solides - et procède au stratégique changement de pneumatiques, comme je l’avais anticipé. Ce choix, combiné aux soins chirurgicaux opérés par Florent, auront eu raison de mon « TFL chagrin », balayé le syndrome de l’essuie glace !

La chaleur commence à s’intensifier, il est temps de repartir et de plonger dans le brasier « Bras Rouge – col du Taïbit ». Comme en 2019, j’ai prévu l’arme fatale, mon fameux collier de glaçons posé autour du cou, un vrai bol de fraîcheur. Je gravis les premières marches depuis la rivière en mode conquérant, et tout semble fonctionner. Je rattrape à nouveau quelques concurrents et me projettent sur une ascension fulgurante, l’espoir fait vivre.

Je parviens au ravitaillement du pied du Taïbit, Florent et son papa m’assistent avant la longue traversée de Mafate qui va s’étirer sur près de 50 bornes. Il fait de plus en plus chaud, mais je suis bien.

Les premiers mètres sont avalés rapidement, je suis confiant et prévois une grosse heure pour vaincre ce col et ces quelques 800 mètres de dénivelé positif. La course bascule à nouveau en quelques minutes, la terrible chaleur commence à faire son œuvre et à user peu à peu mon organisme. Je passe en mode « suffocation » et parviens tant bien que mal à reprendre mon souffle. Le rythme baisse subitement d’intensité, seul lot de consolation, je ne suis pas le seul à voir fléchir mon allure. D’autres coureurs sont dans le même état et connaissent également une importante « baisse de régime ». Je m’accroche, gère et me résigne à accepter de ralentir. Nous sommes au cœur de la matinée, il reste encore de longues heures d’efforts, inutile de s’éparpiller.

Je bascule vers Marla après 1h15 de supplice, la foulée est empruntée, les jambes sont raides. La troisième féminine me passe avec grâce, je tente de la suivre « fers aux pieds », les contrastes sont parfois saisissants !

Je parviens péniblement au ravitaillement de Marla, en sale état, et m’accorde quelques instants de réconfort avec ma première soupe de vermicelles, qui me fait un bien fou. Conscient de ma piteuse progression, je choisis de privilégier la stratégie du « gagne petit ». Je marche lentement, cours peu mais limite la durée aux ravitos et m’interdis tout arrêt intempestif. Ce n’est pas franchement spectaculaire mais finalement assez efficace pour limiter les écarts, on fait avec les moyens du bord.

La remontée « Plaine des Tamarins – col des Bœufs » s’avère aussi pénible que je l’avais imaginée, je suis en « mode survivor », accablé et asphyxié par cette terrible chaleur. Je m’alimente de plus en plus difficilement et parviens à peine à m’hydrater, ça sent le sapin, ou plutôt le tamarin mais je m’accroche… aux branches.

La suite en accéléré : pas de jus, pas d’envie, plus de plaisir, je passe en mode « métro, boulot, dodo », ce raid devient presqu’une corvée et j’ai l’impression de « faire mes 35 heures ». J’erre lamentablement entre Mafate, Salazie et de nouveau Mafate via le sentier scout. Le relief favorise pourtant les relances, je me contente juste de ne pas exploser.

Faisons un point « Réunion La Première » : 15h54 de course, 114ème rang, vitesse moyenne de 4,31 km/h, vitesse ressentie 0,5 km/h… 6 coureurs me laissent sur place, je préfère ignorer l’affront. Je me concentre sur la longue descente qui doit me conduire vers Ilet à Bourse puis vers Grand Place où m’attendent mes collègues de la DAAF, j’ai hâte.

Cela fait maintenant plus de 5 heures que je me traîne, décidément « les temps faibles » s’éternisent cette année. Sur un grand raid, il est crucial de savoir gérer les périodes de « fort vent », je dois m’accorder cette prédisposition, à croire que mon ADN est pourvu du chromosome « masochiste ». Je descends maintenant vers Ilet à Bourse, percevant une agitation inhabituelle, anticipant des retrouvailles bienfaitrices. Pas d’erreur possible, je devine les silhouettes de Christophe, Fabrice, Joël, Gabriel et ses amis. Un immense soulagement m’envahit, je ne serai plus seul à « traîner ma misère » et me prends à rêver de jours meilleurs.

« L’effet DAAF » est spectaculaire, d’autant qu’il agit en 2 temps et quelques mouvements.

1ère étape - la rédemption : je quitte Ilet à Bourse et retrouve un semblant d’allure, au sens propre comme figuré. Je parviens à échanger quelques mots, ces visages connus m’insufflent une énergie positive. Les relances sont appuyées, les jambes se remettent en action et l’adrénaline coule à flot, un vrai torrent de bonheur.

2ème étape – la métamorphose : j’entends quelques cris d’encouragement, le reste du groupe DAAF vient à ma rencontre à l’entrée de l’ilet de Grand Place. Ce qui va ensuite se dérouler restera dans les annales de cette diagonale. Imaginez une nuée de « ravitailleurs ouvriers » exécuter une danse nuptiale autour de leur reine, lui offrant nourrissage et soins attentionnés, persuadés que l’avenir de la colonie est entre ses pattes. Plus sérieusement et sans la jouer « pathos », MERCI pour votre immense accueil et pour toute l’énergie que vous avez su me communiquer durant ces quelques minutes. Incontestablement, il y aura eu un avant puis un après Grand Place.

Ça tombe bien, je suis maintenant dans l’après, bien décidé à donner à ma course un visage plus présentable. J’ai maintenant décidé de reprendre mon destin en main et de ne plus subir, j’attaque les premières marches vers le col de Roche ancrée plus que motivé, encadré de ma garde rapprochée « Fabrice et Gabriel ». Le rythme est soutenu, je parviens enfin à retrouver une bonne dynamique de course à un moment où la température chute.

Ce n’est d’ailleurs pas le moment d’en faire une, de chute, la descente vers la rivière des galets est acrobatique, il faut rester vigilant et penser à récupérer. La grimpette vers Roche Plate et plus exactement le plateau des Cerfs (précision qui a son importance) s’annonce compliquée.

Putain, 30 ans déjà…

Sentier Kalla, je ne parviens toujours pas à me relever. Le coureur de la Zembrocal est reparti, je reste seul avec mes doutes, mes craintes. Je fais une première tentative, en appui sur mes coudes, ça tangue, tout tourne autour de moi, il va me falloir un peu de patience avant de repartir. Je m’accroche à un arbre et parviens enfin à me redresser, mon genou opte pour la désobéissance, je ne plie plus la jambe…

Putain, 30 ans déjà…

Ravitaillement de Roche Plate. Je m’assois quelques minutes en compagnie de Vincent, fidèle parmi les fidèles, qui m’assiste avec calme et expérience. Il me propose différents menus mais rien ne passe vraiment. La montée a été rude, j’ai rapidement coincé après le premier col, me contentant de suivre un groupe de coureurs, incapable de « mettre le clignotant » pour dépasser. La bonne nouvelle, c’est que je n’ai pas eu à mettre le clignotant tout court ! Il aura fallu gérer et notamment lors de l’assaut final, à partir de l’ilet.

Les dégâts sont limités, c’est l’essentiel, je décide de prendre rapidement congés de Vincent car le froid devient mordant. Il me reste un peu plus d’une heure de jour, j’accélère pour rejoindre au plus vite La Brèche et pouvoir profiter des dernières lueurs pour dévaler la pente rocailleuse vers l’Ilet des orangers. La mission est plutôt bien exécutée, je gagne assez rapidement le prochain ravitaillement malgré des douleurs de plus en plus tenaces sous la plante des pieds, préoccupant…

Pour l’heure, je savoure l’instant présent m’appliquant à faire en sorte que cette fin de course soit la plus aboutie possible, chassant par là même les vieux démons de 2019 où j’avais littéralement explosé au 110ème kilomètre. Les relances sont efficaces, je me sens frais et lucide. Je dévore littéralement le parcours, m’adonnant à mon jeu favori, PAC MAN…

J’entends les premières clameurs et encouragements, Deux Bras est en approche. Je me sens euphorique, traversant les guets avec une agilité déconcertante, je marche sur l’eau !

Guy Joël et Nathalie sont prêts à prendre l’apéro, dommage l’EPO est interdite sur la course. Ils délaissent leur fameux « Eau – Pastis - Olives » pour me proposer des victuailles plus conventionnelles, je cède à leur offrande. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mise à part cette douleur tenace sous les pieds. J’hésite quelques secondes et finis par me laisser convaincre par une rapide pause podologue, lourde erreur. Dans un ultra, la frontière entre « survie et confort » est souvent tenue, on le constate souvent trop tard. Mon arrêt va s’éterniser, 20 longues minutes, et surtout casser ma belle dynamique que je ne retrouverai jamais plus. Cela devient presque rassurant de faire encore des erreurs après autant de courses.

Pendant que j’abandonne mes précieux « petons » aux podologues, Guy Jo me donne du biberon, j’oscille entre la fraîcheur d’une eau de Cilaos et l’amertume d’un café noir et bien corsé. Je repars, confiant et conquérant, pour m’attaquer à l’ultime grande difficulté de la course, le mur de Dos d’âne. La remise en jambes est poussive, j’ai perdu le rythme et commence presque à perdre pieds. Je grimpe « au train » mais ce soir c’est plutôt TER que TGV… Le chrono sera fidèle à mes sensations du moment, une grosse heure vingt pour presser le bouton du robinet au sommet, pas fameux mais j’ai limité la casse comme depuis le début de cette diagonale.

Je relance gentiment dans le sentier de bord, sans excès, je « déroule » et reste en éveil. Nous attaquons la deuxième nuit et toujours pas le moindre moment de somnolence, c’est bon signe. Je bifurque vers le sentier Kalla m’accrochant aux arbres, aux troncs, aux branches, aux lianes. Cette partie est « Tarzanesque », je devine quelques gorilles, premières hallucinations nocturnes ! Je parviens avec grande prudence à rallier le ravitaillement de chemin Ratineau, au menu, des bananes, ça ne s’invente pas…

Je perds le moins de temps possible et gravite péniblement la ravine de la Kalla, cela devient de plus en plus difficile pour pousser sur mes jambes.

Je parviens au sommet et débute une brutale descente, piégeuse, glissante…

Nous sommes le vendredi 23 octobre, il est 23h58, je suis quelque part entre Dos d’Ane et La Possession, et plus précisément sur le sentier de La Kalla au point 20°57'05.6"S - 55°21'23.3"E…

Epilogue

Avant de prendre le départ de cette diagonale, je m’étais convaincu de « débrancher le cerveau » à partir de La Possession, trouvant cette fin de parcours sans relief et saveur. Je ne trouve donc pas vraiment utile de vous relater ces dernières heures, vécues en mode « je marche donc je suis ». Seul éclair de plaisir lorsque Stéphane et Rudolph m’ont triomphalement accueilli et ravitaillé à La Possession. Un immense remerciement, vous avez égaillé cette triste nuit, rendant cette fin de traversée moins monotone.

Je n’oublierai évidemment pas ce « feu d’artifice familial », à La Redoute sur la ligne d’arrivée. Quelle immense satisfaction de boucler cette traversée accompagné de mes petits derniers, Jeanne et Aubin, et couvé du regard bienfaiteur de ma Cécilou adorée. Un clin d’œil également à Fred, la maman des mes grands enfants, assurant leur présence par procuration.

Merci également à mes très nombreux ravitailleurs que j’associe dans cette réussite et à tous mes soutiens à distance, présents dans mes pensées et à chacun de mes pas.

Epilogue (suite)

« Putain, 30 ans déjà »… trois décennies durant lesquelles j’ai pu m’adonner à ma passion dévorante et plus vraiment maîtrisée, celle qui m’a vu grandir depuis l’âge de 20 ans à l’ombre de ces magnifiques forêts, arpenter les innombrables sentiers, dévaler ces monstrueuses pentes, vaincre ces fantastiques sommets… Quelle belle REUNION, que de délicieux grands raids, que d’intenses moments de partage !

Pourvu que ça dure encore longtemps !

Putain, 30 ans déjà…
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19 novembre 2021 5 19 /11 /novembre /2021 18:19

საქართველო

Le Grand Caucase

 

GEORGIA 2021

Me voilà débarquant en Géorgie, ex URSS, pas celle des USA, baskets aux pieds. Gamarjobat ! Bonjour !

Je passe sur le voyage en période Covid…

Racing The Planet y organise un 250km par étapes, que j’attends avec impatience. Au programme, 6 jours de course, 4 x 40km, 80km, 10 petits km pour conclure et 5700m de dénivelé au programme, dans le petit Caucase où les sommets culminent à 3000m. C’est alléchant ! En fait la région s’appelle Samtskhe-Javakheti. Ah Ah ! Excellente introduction à la prononciation du géorgien.

Le tout en autosuffisance, ce qui est moins marrant. Il faut porter toutes ses affaires de jour et de nuit, sauf l’eau et la tente. Et la liste du matériel obligatoire est impressionnante, incluant une pharmacie et 14000 kcal à ingurgiter en une semaine. C’est la 3° fois que je cours avec eux, je connais la chanson.

Tbilissi, la capitale, m‘accueille 3 jours avant de rejoindre la course, de quoi découvrir le coin et les habitudes locales. Je loge chez l’habitant, juste à côté de l’hôtel du rendez-vous. Au dernier moment, le gouvernement géorgien nous demande un test PCR de moins de 72h avant la course. Je commence donc par ça le lendemain de mon arrivée.

GEORGIA 2021

Je rejoins la troupe le 13 août à l’hôtel en début d’après-midi. D’abord un petit coucou obligatoire au médecin avec le résultat du test. C’est ambiance retrouvailles parmi les coureurs. Je n’y reconnais aucune connaissance.

L’organisation est un peu différente de la normale, on embarque tout de suite pour le camp 1 en bus, une personne par rangée. 2h plus tard nous sommes dans le parc national d’Algeti, et une petite grimpette à pied plus tard, nous découvrons le camp, situé à 1600m d’altitude, près du petit lac de Gokhnaris, surplombant la vallée. Il va faire frais ce soir.

Le camp est délimité par les tentes disposées en cercle. Les indispensables toilettes sont derrière, un simple trou creusé dans le sol. Il n’y a pas de douche. Je partage une tente spacieuse prévue pour 6 avec 2 autres coureuses, ce qui permet de respecter les fameuses distanciations : Simone, du Luxembourg et Sunanda, Américaine vivant au Caire. C’est la tente des quinquas.

GEORGIA 2021

Je fais connaissance avec mes proches voisins. Tente de gauche : Alex l’Américain et Brian le Canadien, puis Iris et Christian, un couple d’Allemands habitant en Suisse. La tente de droite est jeune avec Martha, USA, Sandra, Autrichienne et Lynne qui doit arriver d’Angleterre dans la nuit. Nous nous retrouverons régulièrement pour partager les repas.

Nous sommes 58 coureurs, ce qui est peu, Covid oblige. 26 nationalités sont représentées, les grands absents sont les Chinois et les Italiens. Nous sommes 4 français : Ronan et Chérif, les Parisiens, Marie-Paule qui vit à Londres, et moi. Ah, il y en a un 5°, Malo, qui fait partie de l’organisation. Etudiant en STAPS, il est responsable du chrono, et accessoirement serre-file.

Pour l’organisation, la Réunion n’est pas la France et semble être un pays aux services publics peu fiables. Ils n’ont pas voulu m’envoyer les patches obligatoires avec le logo de la course à mettre sur les maillots, j’ai dû les récupérer en métropole.

Nous avons encore le droit à nos affaires normales, notamment pour les repas. Ce soir, ce sera menu local pour moi, avec des légumes et des fruits frais, et un katchapouri, pain rond et plat fourré au fromage. Un délice. Certains sont déjà aux lyophilisés. Ils ne vont pas en avoir assez cette semaine
 ?

Cette fois j’ai sacrifié la sacro-sainte optimisation du poids au confort : j’ai un matelas gonflable, très léger, 200g, et peu volumineux. D’habitude je prends un morceau de matelas mousse de 2cm d’épaisseur de la taille de mon thorax. Mais ça, c’était il y a 10 ans… Seul bémol, le gonflable, ça couine au moindre mouvement. Mes voisines vont déguster…

Sunanda s’est étalée dans la tente, elle a vidé son sac, il y en a partout, et trop, beaucoup trop. On s’y met à plusieurs pour l’aider à éliminer le surplus inutile et lourd. Dans l’énumération du matériel obligatoire, je sursaute aux 2 paires de gants.

Mince, je n’ai pas pris les gants blancs de papa et je n’ai qu’une paire. J’ai un petit nécessaire à couture avec moi, et un mouchoir taille XXL. Ni une ni deux, je vais de ce pas avoir une paire de gants bleus avec des arabesques blanches, en mouchoir. C’est vite fait, jolie forme. Néanmoins, c’est immettable, j’espère juste qu’on ne me demandera pas au contrôle de les enfiler et qu’exhiber 5 doigts suffira.

Nous passons la journée complète du lendemain au camp et nous avons quartier libre le matin. Je vais me balader au lac. Il y a plein d’oiseaux, dont certains courent sur les tapis de plantes aquatiques. Malheureusement je ne les connais pas. Il y a aussi beaucoup de champignons que j’aimerai bien goûter, jeunes vesses de loup et petits rosés des prés. Un troupeau de vaches mené par leurs cow-boys vient boire. Les gamins s’amusent en faisant cabrer leur cheval.

GEORGIA 2021

Soudain le ciel s’obscurcit, le tonnerre gronde. Je me précipite pour mettre une grande bâche sur la tente. Pas facile avec sa hauteur et le vent. On a juste le temps de s’abriter avant qu’une pluie de grêle ne s’abatte sur nous.

L’après-midi est dévolue au contrôle des sacs. Il y a du stress dans l’air pour les non habitués, plus ou moins bien camouflé. Outre le sac de course avec toutes les affaires et nourriture pour une semaine, nous présentons plusieurs autres sacs. Le dropbag n°1 facultatif avec un sac de couchage chaud, en supplément du sac de couchage obligatoire à porter. Je n’ai pas de dropbag n°1. Le dropbag n°2 obligatoire avec des vêtements chauds suivant une liste bien définie, que nous aurons au camp uniquement en cas de grand froid. Le dropbag n°3 facultatif avec une tente individuelle pour ceux qui ne veulent pas d’une tente à partager. Je n’ai pas de dropbag n°3. Pour finir j’ai emprunté une paire de gants à Marie-Paule pour le contrôle à la place de mes gants esthétiques en mouchoir.

Une fois ces obligations terminées, nous nous séparons définitivement pour cette semaine des affaires qui ne servent pas à la course et qui retournent à Tbilissi. Tout le monde en tenue de coureur !

Le soir au repas, autour des feux, les « novices » ont plein de questions pour les « expérimentés », qui ne se font pas prier pour compter leurs exploits passés. Je m’aperçois que j’étais à Madagascar avec mes voisins Alex et Brian, mais nous ne nous sommes pas mutuellement reconnus. Pour ma part, je reste sur ma réserve habituelle.

GEORGIA 2021

En moins de 24h, Simone connaît tout le monde dans le camp. J’en suis loin. Elle m’épate !

Le départ de la 1° étape se profile pour demain matin 15 août à 8h. Je suis prête ! J’ai le dossard 14, je suis dans la tente 14, je vais finir 14° ?

J’ai fait le choix de ne pas prendre de bâtons car je n’aime pas ça. On n’a pas l’habitude d’en utiliser à la Réunion, et je préfère le plaisir à la contrainte, même si cela me fait perdre un peu de temps. Je me contenterais d’appuyer sur mes cuisses dans les montées.

J’estime le poids de mon sac à 7kg avec l’eau, dont 2,8kg de nourriture, qui va s’alléger au fur et à mesure des repas.

GEORGIA 2021

Après une bonne nuit sur un matelas douillet et un bon petit déj de muffins au fromage local, le dernier repas avant de passer au « léger », c’est le coup d’envoi pour 38km. Il suffit de suivre les petits drapeaux roses plantés dans le sol pour trouver son chemin. Je pars en 1° ligne, évitant au maximum les pointes des bâtons des autres. Vraiment, je déteste les bâtons. On commence par faire le tour du plateau en légère montée. 2 ou 3 filles me doublent, j’en redépasse 2 ou 3 dès que la pente s’accentue un peu. 2 ou 3 ? Je ne sais pas, je suis incapable de dire combien. En tout cas je suis bien placée.

GEORGIA 2021

On passe près d’une belle petite chapelle située tout en haut de la colline, avant de plonger dans la vallée. La descente traverse les alpages, dans les hautes herbes parsemées de chardons qui piquent fort. Je ne regrette pas d’être en collant ! Il figure dans la liste du matériel obligatoire, cela permet d’être protégée de l’ardeur du soleil, tout en portant un short dans le sac, ce qui est moins lourd. Je peux donc dévaler la pente sans souci. Je double quelques mecs, dont Tim l’Australien, sous un pommier. C’est le dernier coureur que je verrai avant longtemps.

La descente se poursuit dans une belle forêt, sur un chemin tout en dévers et couvert de branches mortes, pas si facile. Restons concentrée ! Je galope bien. J’adore cette descente.

GEORGIA 2021

Le CP1 est dans la vallée, je ne m’y arrête pas. Je ferai de même à tous les CP1. On ne va quand même se la couler douce au bout de 10km et j’ai assez d’eau.

On commence à remonter la rivière, fort doucement. Je traverse quelques hameaux de maisons en pierre. Je croise un peu de monde :  un couple de randonneurs, une charrette en branchages tirée par un cheval qui trotte allègrement, un cavalier suivi d’un poulain qui gambade lui aussi allègrement, un autre cavalier avec un grand fusil. Je leur lance un joyeux gamarjobat, ça plaît toujours aux gens qu’on leur parle dans leur langue. Néanmoins la conversation s’arrête là.

GEORGIA 2021

Je finis par quitter la rivière, ça commence à grimper sérieusement vers le col, 800 m de dénivelé m’attendent, petit bonheur. Je serpente moitié en forêt, moitié dans les alpages. Il y a quelques bergers avec leurs moutons et leurs gros chiens, et même un jeune garçon qui garde un troupeau de dindes.

Plus haut, je me tape quelques passages bien raides dans la forêt de pins, j’appuie fort sur les cuisses. Un bénévole m’attend juste avant le col et le CP2, où je ne fais qu’une très courte halte, juste le temps de boire rapidement.

Avant de descendre dans la vallée suivante, où j’arrive dans un village. Marc l’Allemand est arrêté au milieu du chemin. Que lui arrive-t-il ? Il m’attend car il a peur de passer seul devant un gros chien qui aboie fort ! Certes les chiens du cru n’ont pas une bonne réputation de sympathie. Ce sont des chiens de berger et ils gardent leur territoire des intrus. Je n’ai pas peur du tout et nous continuons sans encombre.

 

GEORGIA 2021

Le terrain s’aplanit, ce qui est moins mon fort et Marc finit par passer devant. Je rejoins une route qui mène à un gros bourg. Je vise l’église. Mais non, les petits drapeaux roses obliquent à gauche toute, on reprend les sentiers. A la hauteur du village, un groupe de coureurs débarque sur ma droite. Ils ont loupé la bifurcation et se sont tapé un surplus. C’est en me voyant qu’ils se sont aperçus de leur erreur. Ils sont plus rapides que moi et nous nous séparons.

J’arrive au CP3. Je prends juste le temps de faire le plein d’eau. Et c’est reparti par une traversée de rivière. Je suis avec 2 autres gars. J’ai de l’eau jusqu’aux genoux, et c’est plein de vase au fond. Allez, on y va !

GEORGIA 2021

Le sentier serpente dans les champs le long de la rivière. Je retrouve Marc et Kim l’Espagnol. Puis je vois devant moi les drapeaux du camp. Avant de l’atteindre il me faut de nouveau traverser la rivière avant une dernière petite côte et passer devant le tambour qui marque chaque arrivée.

GEORGIA 2021

Ronan est ravi de me voir et m’accueille chaleureusement. Désormais, il m’attendra tous les jours ! Car j’ai la surprise d’apprendre que je suis la 1° fille ! Il est vrai que je n’en ai vu aucune depuis le départ, et toutes les petites jeunettes sont derrière.

Je finis cette 1° étape en 5h25, je suis 9° au classement général. Je n’ai plus qu’à harceler Malo tous les soirs pour suivre les résultats.

Le camp est en bordure du village de Livadi, à une altitude de 1500m. Les gamins viennent nous voir. En tout cas, je profite de la rivière adjacente pour une baignade frisquette, mais ô combien revigorante, surtout sans possibilité de douche. C’est bien mieux qu’une toilette aux lingettes.

Arrivée tôt, je peux profiter de la chaleur de l’après-midi en short avant la fraicheur du soir, et mes chaussures auront le temps de sécher pour demain. Je chausse mes petits chaussons d’hôtel, très légers à transporter. Cela permet également de bien s’alimenter à une heure correcte, car je ne mange rien pendant la durée de la course, et d’avoir une bonne récupération.

Simone arrive 40mn après. Elle est la 2° femme. Nous passons l’après-midi toutes les 2, en attendant Sunanda. Elle tarde. On regarde la ligne d’arrivée à chaque coup de tambour, mais ce n’est toujours pas elle. Elle arrivera après le temps limite, avec les serre-files. Inutile de décrire son état d’épuisement. Elle est en larme, affamée, et collectionne les crampes et les ampoules aux pieds. Nous nous occupons d’elle pour la chouchouter et lui remonter le moral, l’étirer, lui préparer de quoi manger.

Le soir nous retrouvons nos voisins pour le repas au coin du feu. Tout le monde compare son menu lyophilisé et s’étonne de ne pas me voir sortir mon sachet. Oh non ! Je confectionne moi-même mes portions, avec du déshydraté. Je fais mes petits mélanges de ce que j’aime, purée ou semoule, agrémentée de soupe pour donner du goût et d’amandes en poudre ou de noix de cajou mixées pour apporter les calories réglementaires. Pour les protéines, c’est du poisson séché ou de la spiruline. J’ajoute de l’eau chaude et je me régale. Idem pour le petit déjeuner à base de céréales écrasées pour diminuer le volume. C’est aussi l’occasion de découvrir les spécialités étrangères de nutrition de sport comme le beurre de cacahuète à la banane polonais.

La soirée est pluvieuse, il faut ressortir la bâche sur la tente. Ca promet pour les 44km de demain.

Ô surprise, l’organisation m’offre un dossard jaune de leader sur la ligne de départ. Me voilà repérée.

GEORGIA 2021

On commence bien la journée, il faut retraverser la rivière, au même endroit qu’hier. Je tiens à me garder les pieds au sec le plus longtemps possible. Donc je prends la peine d’enlever mes chaussures. Je me retrouve dans la vase. J’ai l’impression que tout le monde me passe devant pendant que je m’extirpe de ce bourbier et me rechausse. En fait il n’en est rien. Puis nous passons près du lac Barati.

La suite du parcours est très humide. D’ailleurs une petite pluie s’annonce, avec des coups de tonnerre en fond de mire. Je chante « I love the thunder, I love the rain » de Jackson Browne. Ce sera ma chanson à chaque orage, ce qui ne manquera pas. J’évite les flaques au maximum en zigzaguant. Evidemment, ça ralentit le rythme.

GEORGIA 2021

Je finis par rattraper Marie- Paule, qui est en fait la seule fille devant moi, dans un village particulièrement boueux. Elle a traversé la rivière chaussée et patauge sans vergogne, pendant que je me fraie prudemment un passage sur les côtés plus secs. Du coup on reste un moment ensemble. Puis ça se met à grimper. Elle ne peut pas me suivre et je pars devant. Ca redescend vers le CP1, qui est dans un bâtiment abandonné. Il y en a beaucoup en Géorgie, y compris en rase campagne. Ce sont les vestiges de l’époque russe.

Je ne m’arrête pas au CP, et on reprend un petit bout du même chemin dans l’autre sens. J’y croise Marie-Paule qui arrive, suivie de Simone. Les 3 premières filles dans un mouchoir de poche au bout de 10km.

La suite s’avère assez plate. Je traverse quelques villages, jalonnés de quelques chapelles. Les pierres de construction sont grosses, et peuvent être de plusieurs couleurs. Ca donne un cachet aux constructions, même si elles paraissent bien vieilles.

GEORGIA 2021

Le sentier serpente dans les champs. J’ai bien failli louper un virage à angle droit. Restons vigilante sur les petits drapeaux roses, ne rêvassons pas trop. Il y a de nouveau une traversée de rivière. Je garde mes chaussures cette fois.

GEORGIA 2021

La montée commence à la sortie d’un gros village où je me suis rafraichie à la fontaine. Il y a du monde et des encouragements. Je me retrouve rapidement dans un paysage d’alpage, les fermiers font les foins à la faux, les bergers gardent les moutons. Dommage, une ligne haute tension me suit. Mais il faut bien que les villages aient l’électricité. Les sommets sont arrondis et avoisinent les 3000m dans le coin.

GEORGIA 2021

Simone me talonne au CP3. On fait un bout de chemin ensemble. Une fusée nous double, drapeau israélien sur la manche. Comment s’appelle-t-il ? Même Simone ne sait pas. C’est Alfonso. Nous nous reverrons souvent. Près du col de Javakheti à 2000m d’altitude, Simone finit par passer devant. Encore un petit bout de descente, mais je ne peux pas la rattraper. Puis les drapeaux du camp apparaissent, flottant au vent.

J’ai parcouru cette étape en 7h20, 2mn de plus que Simone.

Le camp est sur un petit plateau sous le sommet, et surplombe le lac de Tabatskuri au loin. C’est très beau. Le coin est volcanique. Mais quel vent ! Au moins les chaussures vont sécher vite. Impossible de rester dehors, on reste protégé dans la tente, de quoi se reposer et papoter.

GEORGIA 2021

En fin d’après-midi, Simone sort la tête à chaque battement de tambour pour guetter l’arrivée de Sunanda. Elle finit par apparaître au temps limite. Mais dans quel état ! Epuisée, frigorifiée, trempée. Elle s’écroule. Nous devons la materner. Simone s’occupe de la ravitailler, je m’occupe de la changer. Elle finira par capituler et nous quittera définitivement le lendemain matin. Nous sommes la tente des premières et de la dernière, Sunanda est tout de même la première à en rire.

Il pleut de nouveau dans la nuit, et c’est dans la grisaille qu’est donné le départ de la 3° étape pour 37km. J’ai même sorti le pantalon étanche.

Un troupeau de moutons et de chèvres nous regarde passer. Les chèvres ont de magnifiques cornes, grandes et verticales.

GEORGIA 2021

Nous descendons vers le lac, que nous longeons, en serpentant entre les flaques. La pluie cesse, une opération déshabillage s’impose. Nous bifurquons pour une longue montée de 600m de dénivelé sur 10km après le CP1. La pente de la piste n’est pas très forte, je peux courir facilement la plupart du temps.

GEORGIA 2021

Je croise un troupeau de moutons qui prend toute la place, chacun se pousse comme il peut.

GEORGIA 2021

Un engin particulièrement bruyant tente de me doubler. C’est un tracteur qui a l’air très antique, une marque russe. Il a beaucoup de mal à chaque accentuation de la pente et doit s’arrêter souvent pour prendre son élan. On fait un bout de chemin ensemble.

J’arrive sur une espèce de plateau ondulé, entouré de sommets arrondis à 3000m d’altitude. Il y a du monde, pour faucher les foins. Tous les moyens sont employés, de la faux en passant par la débroussailleuse, à la faucheuse tractée par un cheval ou par un tracteur. Ca bosse dur. J’admire les selles décorées et je regarde la moisson, et manque de peu d’en perdre le bon chemin.

GEORGIA 2021

Je passe le col de Tabaskuri à 2400m d’altitude. La vue est très belle vers les vallées. Le CP2 est juste après. La descente se poursuit sur la piste, sans difficulté. Elle est empruntée par les véhicules très hétéroclites qui descendent le foin, le plus courant restant le fourgon chargé en vrac à l’intérieur.

GEORGIA 2021GEORGIA 2021
GEORGIA 2021GEORGIA 2021

Simone me rattrape après le CP3. La descente s’est estompée. Nous faisons route ensemble. Deux jours de suite qu’elle me rattrape, alors que j’ai eu une bonne avance le premier jour. Je ferai mieux de trouver ses points forts et ses points faibles.

Nous quittons la piste pour nous retrouver hors sentier, dans les hautes herbes. Je passe devant. Repérer les drapeaux roses plantés dans l’herbe demande de la concentration. Nous dominons maintenant un village, avec le camp visible de loin, immanquable. On retrouve un sentier bien caillouteux qui plonge vers la vallée. Je cavale, et Simone ne me suit pas. La descente technique serait sa faiblesse ? Elle me le confirmera plus tard.

Le terrain s’aplanit et j’arrive au milieu des champs de pomme de terre. Je ne relâche pas mon effort, j’ai encore un bon bout à faire avant le campement. Je jette un rapide coup d’œil derrière moi à 500m des tentes, il n’y a personne en vue. Les villageois m’encouragent. Je franchis une passerelle sur la rivière, et ça y est, c’est l’arrivée après 4h43 d’effort. Simone apparaît 1mn plus tard.

GEORGIA 2021

Chouette, une rivière. Je peux faire trempette pour me laver, en compagnie de chevaux et d’une cigogne.

Le camp jouxte le village arménien de Bozhano, à 1300m d’altitude. Les enfants nous rendent visite, et une partie de foot est improvisée au milieu des tentes avec les Géorgiens de l’organisation et quelques coureurs. Il y en qui ont encore des jambes !

GEORGIA 2021

Il fait beau, l’étape a été courte, on se retrouve le soir pour un moment convivial au dîner autour du feu de camp. Les « novices » sont maintenant bien dans le bain.

Le lendemain matin, je passe le balai comme tous les jours. Je me suis autoproclamée ménagère de la tente, surtout que nous retrouvons la même pour toute la semaine.

Départ pour la 4° étape de 40km. Elle est annoncée difficile, avec 1000m de dénivelé. Voilà qui me convient parfaitement.

La montée commence rapidement, d’abord faible puis de plus en plus raide. Je me retrouve au milieu des troupeaux de vaches dans les alpages, toujours très fleuris. Les habitations d’été des bergers ont l’air assez précaires, recouvertes de bâches plastique. Les enfants jouent dehors.

GEORGIA 2021

Je coupe les lacets du sentier dès que je peux, ça grimpe bien. J’arrive au lac Levani, beau petit lac de montagne, avant d’atteindre sans encombre un plateau d’altitude et le CP2. Un col se présente sur ma gauche, à 2700m d’altitude, mais les drapeaux roses m’envoient plus à droite vers un autre col un peu plus bas, à 2500m. Dommage. J’apprendrais plus tard que l’itinéraire initialement prévu devait bien passer à 2700m, mais l’organisation a craint de gros orages par là et a changé le parcours par sécurité. En fait il fait beau. En tout cas la vue est très belle vers les vallées et j’en profite.

GEORGIA 2021

J’ai bien doublé dans la montée. Maintenant place à la descente. Je coupe avec entrain dans la pente, et je file tout droit dans les hautes herbes. A ce petit jeu je dépasse 4 mecs. Aucun ne me suit. Le plus coriace est Alfonso. Puis je suis sur une piste très caillouteuse, où je maintiens une bonne vitesse. Les gars restent toujours derrière. Alfonso arrive au CP3 quand j’en repars après avoir fait le plein d’eau. Je l’impressionne, et il m’appellera désormais Isabelle the gazel.

GEORGIA 2021

La vallée approche à grandes foulées. Je longe plusieurs petits lacs, très mignons, avant d’apercevoir un gros bourg. L’arrivée est au milieu de la rue au niveau des premières maisons. Le site n’a rien d’extraordinaire. Le seul point agréable est la présence d’une fontaine, comme il fait très chaud. En fait c’est là que je découvre que ce n’est pas l’arrivée prévue et qu’elle a été changée par peur d’une météo orageuse sur les sommets.

J’ai mis 5h26 pour cette étape, que j’ai beaucoup appréciée. Alfonso devait être bien crevé à la fin car il est arrivé 20 mn après moi.

J’ai à peine le temps de me rafraîchir qu’on nous enfourne dans un véhicule pour aller au campement, où nous aurions dû arriver à pied. On me demande de prendre mon dropbag. Je crois que c’est le dropbag n°1, celui du sac de couchage chaud qu’on récupère tous les soirs au camp et que je n’ai pas. En fait, pas du tout, c’est le dropbag n°2, celui des vêtements chauds auxquels nous aurons droit ce soir. En tout cas pas de Simone en vue. J’ai dû avoir un avantage dans la descente technique.

Le chauffeur n’a pas l’air de savoir où il va. Il s’égare vers la frontière turque puis vers la frontière arménienne, et doit demander son chemin plusieurs fois. Nous arrivons enfin sur les bords du grand lac Paravani, que nous contournons par une piste qui mène au village de Tambovka, habité par des Russes de l’ethnie des Dukhobors, à 2000m d’altitude. Ah ! Effectivement, il fait froid, et je n’ai pas le dropbag n°2 sous la main. C’est malin ! Surtout que nous sommes installés dans un champ qui vient d’être fauché, les meules de foin sont sur place et il y a beaucoup de vent, nous n’aurons pas de feu de camp par mesure de sécurité.

GEORGIA 2021GEORGIA 2021

Le site est superbe, au bord du lac. J’en profite pour me laver à grande eau, même si ça caille. L’accès n’est pas si facile dans de gros rochers. Je vais visiter le village. Il y a beaucoup de maisons en ruine, et il n’y reste que 17 familles. L’école accueille 9 enfants. Les toits des maisons sont curieusement plantés d’herbe. Ce doit être un bon isolant. Je croise un groupe de VTTistes qui traversent la Géorgie. Ca doit être bien aussi !

GEORGIA 2021

Simone débarque dans le véhicule suivant. Elle a terminé 25 min derrière moi aujourd’hui.

Mon drogbag finit par arriver avec la voiture des derniers coureurs. Je peux enfin me vêtir chaudement, surtout pour aller manger dehors. Nous rions ensemble avec l’autre Isabelle de la course que les 2 mêmes prénoms soient première et dernière. Elle est Allemande. Au repas, la tension est palpable parmi les coureurs pour la longue marche de 80km du lendemain. Enfin, pas pour moi en tout cas. Le temps limite est jusqu’au jour suivant à midi.

Je sens qu’un des os proéminent du sacrum commence à devenir sensible dans le bas du dos, avec le frottement du sac. Il n’y a pas de rougeur mais c’est un peu enflé. J’y colle un morceau d’élasto en prévention pour protéger la peau.

Autre sujet, je commence à voir à travers le mesh d’une de mes chaussures au niveau du petit orteil. Elles tiendront bien encore 2 jours !

En tête de course, je songe qu’il serait possible que mon sac soit contrôlé avec le matériel obligatoire. Je récupère les gants du dropbag n°2 pour avoir les 2 paires obligatoires sur moi.

Le lendemain matin, le départ est donné à 9h. C’est bien tard, mais au moins il ne fait pas trop froid. Un pêcheur est à l’œuvre dans sa petite barque en face du camp, le « port » étant juste à côté. Il abrite 2 embarcations tirées sur la rive entre les rochers.

Mon sac s’allège avec bonheur, au fur et à mesure des repas consommés depuis le début de la course.

Comme tous les matins, je fais les premiers 500m en compagnie de Jane, l’Américaine. Mais elle ne peut pas me suivre plus longtemps. Elle fera une belle course puisqu’elle finira 3° pour sa lune de miel !

Nous longeons le lac avant de nous élever dans la montagne. J’arrive rapidement à un petit col, suivi d’une descente vers la vallée suivante. Je coupe le sentier dès que je peux. Le photographe de la course s’en régale.

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Je suis maintenant au pied de la grande montée du jour de 700m de dénivelé. Je vois le CP2 de loin, et je m’y dirige direct. Oups, j’ai été un peu optimiste. Je me retrouve au milieu de très hautes herbes, jusqu’à la taille. Après tout, je l’ai bien cherché. J’arrive tout de même à y courir assez vite. J’en profite pour admirer les fleurs. Très bref arrêt au CP pour boire une gorgée, et je repars vers les bergeries d’altitude et les troupeaux de moutons.

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On contourne la montagne, il n’y a plus de sentier désormais. Les petits drapeaux roses nous mènent tout droit au col au milieu des alpages. Tout ce que j’aime. Il y a un gros pierrier à traverser. Sauter de pierre en rocher, encore tout ce que j’aime. D’ailleurs je ne passe pas où le photographe s’y attendait. Il m’appelle pour que je me dirige vers lui. Ah non, il est trop haut. Le col est atteint peu après, à 2500m d’altitude, surplombé par les ruines de la forteresse Abuli.

GEORGIA 2021GEORGIA 2021

J’enchaîne sur une longue descente sur une belle piste assez roulante, vers la vallée pour rejoindre les villages. J’y croise quelques femmes habillées tout de noir. Un chien hargneux surgit d’un portail et à ma grande surprise me happe le talon. Heureusement qu’il est haut comme 3 pommes avec de petits crocs.

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Je coupe une rivière, qui devient très encaissée dans un magnifique canyon. Je cours avec la tête tournée vers la gauche pour l’admirer le plus longtemps possible.

J’en longe une autre, avant de la traverser sur un très beau pont de pierre du 13°siècle, à la sortie d’un village. Je me retourne pour l’admirer sous tous les angles. Désormais le parcours sera pratiquement plat, au milieu des champs.

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J’arrive déjà au CP4. Marc et Kim me rejoignent. Ils étaient derrière moi ? Ce ne devrait pas être le cas, mais ils viennent de s’égarer et en ont pris pour une rallonge.

Je suis à mi-parcours, c’est l’heure du repas. Je déguste en marchant des tucs écrasés à volume réduit. Du coup les gars s’éloignent devant. Je reprends le rythme course, l’estomac plein. Les tracteurs fauchent les prairies, je croise une charrette tirée par un âne, une autre aux roues cerclées.

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Je dois couper l’autoroute. Ce sera en passant dans un tunnel sous la voie, où s’écoule une rivière. J’y retrouve les garçons. Je me déchausse et monte mon collant, histoire de rester au sec pour la suite du périple. Je remonte à contre-courant, et me rechausse. Mince, je dois dans la foulée couper la ligne de chemin de fer. Rebelote pour le 2° tunnel.

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On voit régulièrement des rapaces, toujours un beau spectacle pour moi. Mais celui-ci est au sol et mort.

Au CP5, l’organisation m’offre un coca, que je décline. Le coca, ce n’est pas ma tasse de thé, je carbure à l’eau. On me dit que le CP suivant est à 12km. Ah bon ? Je pensais que les 2 derniers comptaient chacun 12 km, or il me reste 3 CP à faire.

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Après un petit bout de route, je longe une mine, je ne sais pas de quoi. Je monte légèrement vers une espèce de piste de bobsleigh en béton. En fait cela s’avère être des canaux d’irrigation. Je les quitte au niveau d’une grosse vanne et redescends vers un grand village.

Déjà le CP6. Zeana me demande si j’ai apprécié de traverser les pierres à 4 pattes. Je ne vois pas du tout de quoi elle parle, avant de comprendre que c’est le pierrier du CP3 que j’ai franchi comme un cabri sur mes 2 pattes.

Il me reste 2 CP, j’ai prévu de grignoter maintenant, 2 barres feront l’affaire.

Le temps s’est assombri et je dois sortir ma veste, il commence à pleuvoir un peu. Arrivée à la route, je vois Alfonso juste devant qui se dirige vers un sentier. Non, non ! Il y a un drapeau rose le long de la route. Je l’appelle et nous reprenons la bonne trajectoire ensemble. Néanmoins, s’il y a un drapeau, il n’y en a plus après. Mince ! Nous sommes prêts à faire demi-tour quand surgit un 4x4 providentiel de l’organisation. C’est confirmé, il faut suivre la route, et ce pendant un bon bout de temps d’ailleurs.

Nous sommes en fin d’après-midi et c’est l’heure de rentrer au bercail pour les oies. Elles se débrouillent toutes seules et une petite troupe se dandine sur la chaussée.

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La pluie a cessé. Je peux enlever la veste. Alfonso me fait signe de me retourner. Un magnifique arc-en-ciel se détache sur les montagnes noires.

La route monte un peu et Alfonso part devant. Soudain le bitume s’arrête d’un coup, en pleine cambrousse, sans raison apparente, et je retrouve une bonne piste. Je traverse un petit bois, et je cherche de vue la flamme du CP. J’arrive à une intersection à l’entrée d’un village, il n’y a plus de petits drapeaux roses en vue. A droite ou tout droit ? Un monsieur me fait signe tout droit. A 50m je tombe sur les drapeaux qui annoncent le camp. Mais mais mais…  C’est l’arrivée ? Et moi qui cherche le CP7 ! J’aurai mal comptabilisé les CP ? Il m’en manque un.

Si j’avais su, je me serais accrochée aux basques d’Alfonso à la fin.

Bref, je me rends compte après coup que nous avions aujourd’hui 7 CP et non pas 8. Bon. Il est 19h30, il fait encore jour, et une grosse pluie s’abat sur le camp juste après. La tente est bienvenue. J’ai mis 10h22 sur cette étape. Simone arrivera un quart d’heure plus tard. Elle aura eu la bonne pluie, et tous les autres derrière aussi.

Nous sommes jeudi soir et maintenant, j’ai repos jusque samedi matin. Le camp est à 1700 m d’altitude et nous aurons le dropbag n°2 grand froid le lendemain.

Je n’ai pas faim, ayant mangé à l’avant-dernier CP. Néanmoins je n’ai pas eu un vrai repas de la journée. Je sors ma préparation semoule / soupe / spiruline pour finir de me requinquer.

Toute la nuit les tambours vont battre à chaque arrivée d’un coureur, ce qui ne m’empêche nullement de dormir. Et pourtant à un moment je ne les entends plus. Les derniers sont passés à 3h du matin, ce qui n’est pas mal du tout. Du coup tout le monde aura droit à une journée complète de farniente.

Le lendemain je découvre les environs. Le camp est érigé à côté d’une belle petite église, dont la porte est fermée par une simple pierre. Une visite s’impose. Je fais un tour dans le village d’Apnia, qui domine une profonde vallée. En face dans le côteau, on voit les entrées du site troglodyte de Vardzia. C’est grandiose. Et ce sera notre but final pour demain. Pour l’instant je vais saluer, les cochons, poules, chevaux, vaches et j’en passe, et les villageois qui s’occupent des leurs légumes. Comme dans tous les villages du coin, l’école en préfabriqué métallique bleu dénote parmi les maisons en pierre.

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Un abreuvoir fera l’affaire pour me débarbouiller.

J’aperçois un coureur portant tout son équipement qui descend vers Vardzia en courant. Quelle idée ! Il en redemande !

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Nous nous retrouvons tous au moment du repas de midi, chacun y va de son anecdote de la veille. La grosse pluie de la soirée que j’ai évitée a l’air d’avoir frappé les esprits, ainsi que la traversée du dernier petit bois de nuit où quelques dames n’étaient pas rassurées.

L’organisation nous annonce un changement de programme. Le banquet de fin de course aura lieu ce soir ici même, en extérieur, et non pas en ville à Tbilissi dans un resto. Tant pis pour la performance des 10 derniers km du lendemain.

Les Géorgiens nous concoctent un délicieux barbecue en un tour de main : brochettes de viande et de légumes, katchapouris, les fameux pains fourrés au fromage ou aux haricots, kinkhalis que je découvre, pains ronds fourrés à la viande et cuits à l’eau, très juteux, et qui sont délicieux. Je tombe sur un gros piment dans une brochette de légume. Oulah, il est fort celui-là. De la pastèque et du melon en dessert. La bière et le vin local coulent à flot. Je me contenterai d’une bière et de goûter le vin, dont la Géorgie est un gros producteur.

GEORGIA 2021GEORGIA 2021

Dernière et bonne nuit sous la tente. Les reliefs de la veille me fournissent le petit déjeuner, avec du vrai pain. Je suis la seule à y avoir pensé, les autres en sont toujours aux lyophilisés. Brian m’offre du sirop d’érable pour l’accompagner.

Nous voilà partis pour les 10 derniers km de course. Une grande descente de 600m de dénivelé sur une belle piste nous amène au fond de la vallée, avec une succession de virages en épingle à cheveux. Je cavale, mais Simone cavale encore plus et me dépasse. Je l’encourage au passage. Je me retrouve avec Brian, qui prend le temps de faire quelques photos. Il faut dire que la vue plongeante sur les grottes de Vardzia est unique. Je n’en manque pas une miette, tout en regardant mes pieds parmi les pierres du chemin.

Je traverse la rivière, sur un pont pour aujourd’hui, et j’attaque allègrement la courte et raide montée finale. J’y cours vite, avec beaucoup de plaisir, je suis pleine d’énergie. Je passe la barrière d’entrée du site troglodyte vers l’arche de l’arrivée, grand sourire aux lèvres. Une énorme médaille m’accueille.

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Cette courte étape a duré 51 mn. Et je ne suis qu’à 1mn30 de Simone. C’est bien.

Malgré l’heure matinale, on a eu très chaud. Ca tombe bien, il y a un robinet d’eau disponible pour se rafraichir.

Place maintenant au tourisme, pendant que les autres coureurs vont arriver. Nous avons le site pour nous tous seuls, avant l’heure de l’ouverture au public. J’en profite. Vardzia était une ville troglodyte il y a 1000 ans, avec toutes les commodités de l’époque. Il y a notamment une église sous-terraine, à laquelle on accède par un long escalier creusé impressionnant. Il est éclairé, mais je l’imagine sans lumière pour les habitants. C’est un vrai dédale pour accéder aux entrées des maisons-grottes, et j’ai du mal à m’orienter vers la sortie.

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Nous nous retrouvons tous au restaurant du site près de la rivière. On me demande une interview, au bord de l’eau. Le patron m’offre un verre de vin. On a le droit à une bonne bière et un copieux panier pique-nique. Je n’ai pas faim pour l’instant, il n’est pas midi.

C’est un bel endroit pour la remise des récompenses de la course. Vainqueure, Je récupère une grande assiette comme trophée et un livre de recettes géorgiennes. De quoi passer à table ! La dernière reçoit également un livre de cuisine, c’est sympa.

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J’ai donc couru ces 250km avec 5600m de dénivelé en 34h08, je termine 9° au classement général. Je me rendrais compte après coup que je suis la plus âgée des filles ! Alfonso et Simone, avec qui j’ai partagé un certain nombre de foulées, mettent respectivement 25mn et 1h20 de plus.

Bravo à la représentation française : Chérif et Ronan sont 2° et 3°, Marie-Paule est 4° féminine.

Nous rentrons à Tbilissi. S’il y avait 2 bus au départ, il n’y en a plus qu’un. On ne doit plus avoir besoin de nous protéger du Covid… Néanmoins ce n’est pas suffisant et je me retrouve avec Beth dans un 4x4 de bénévoles. C’est intéressant d’avoir le point de vue des bénévoles sur la course par rapport à celui des coureurs. J’ai faim maintenant et je dévore le pique-nique.

Si je flottais dans mon collant sur la ligne de départ, j’y nage à grande brasse sur la ligne d’arrivée. Je compte bien sur la bonne nourriture géorgienne pour me remplumer.

A l’hôtel, chacun passe la dernière soirée dans son petit groupe. C’est un peu triste de se quitter ainsi, sans cohésion conviviale. Mais nous n’avons pas le choix en cette période particulière.

Pendant notre vadrouille sur les sentiers, la situation épidémique ne s’est pas arrangée et il n’y a plus de transport en commun dans les villes. J’ai bien cru devoir raccourcir la suite de mon séjour en Géorgie, mais non, les transports inter-cités fonctionnent toujours. Car ce sont 10 jours de rando-bivouac au programme dans le grand Caucase qui m’attendent, au nord du pays, au milieu des sommets à 5000m. Mes chaussures ont tenu bon, mon œuf dans le bas du dos n’est pas gênant, les glaciers sont à moi !

GEORGIA 2021
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27 avril 2020 1 27 /04 /avril /2020 19:25

Novembre 2019

 

A pied bien sûr !

C’est ce que nous propose cette fois Alain Gestin : une course de 1000km non stop dans le désert mauritanien, que je vais découvrir. J’y cours !

Rendez-vous à Roissy le 2 novembre pour l’unique vol hebdomadaire vers Atar, petite ville au milieu du désert, qui s’est développée avec le Paris-Dakar. Mes voisins d’avion vont faire une mission médicale au centre de soins de Chinguetti.

Nous sommes les 15 plus mordus de la tribu, que je suis ravie de retrouver, avec 2 nouveaux : Takao le Japonais, flanqué de son inséparable photographe perso Tassoukou. Ils ne parlent malheureusement que très peu anglais. Et Brigit l’allemande. On se connaît, j’ai déjà partagé avec elle ma tente à Oman et elle était aussi sur la Transpyrénéa.

L’équipe de Boydya, le responsable de l’agence locale « Les randonneurs » qui va nous bichonner, nous accueille à Atar. Premier contact mauritanien avec un repas dans une auberge, servi par terre sur une natte autour de laquelle nous sommes assis sur des coussins. A ma grande surprise, je suis la seule à enlever mes chaussures pour passer à table. Ben oui quoi, on ne marche pas sur la table avec ses chaussures !

Puis c’est le transfert vers Chinguetti en 4x4 sur une piste excellente. Je suis étonnée du très bon état des 4x4. Ce qui ne nous empêche pas de crever. La roue est changée en 2 minutes. Efficace les Maures ! Nous avons 1h de route, et nous passons derrière une chaine de montagne pour atteindre un plateau via la passe d'Amodjar. C’est très beau.

1000km dans le désert mauritanien

Notre auberge à Chinguetti est très bien, avec de petits bungalows de 3 personnes. Il y a même de l’eau chaude dans les douches. Quel luxe ! Mais ne regardons tout de même pas trop du côté de l’évacuation des eaux usées, ça part dans le sable direct. Quant à l’électricité, la ville est alimentée par un groupe électrogène.

1000km dans le désert mauritanien

Premier coucher de soleil sur le toit terrasse avec une belle vue sur Chinguetti.

Nous allons rester 2 jours à l’auberge, pour se préparer. Je n’ai pas grand-chose à faire, mes dropbags sont déjà prêts.

Pour rappel, le système Gestin est un CP tous les 20km, dans une tente de nomade maure, où on trouve des nattes et des matelas, de l’eau froide et chaude, du thé Lipton (prononcer lipton et pas liptone), des pâtes, des sardines et des dattes. Oui, Alain s’est décidé à nous nourrir juste avant mon départ de la Réunion. Ce qui m’arrange, je n’ai pas eu à transporter tous les ravitos que j’avais néanmoins préparés. Tous les 2 CP, donc tous les 40km, on peut laisser un dropbag, sac avec des affaires personnelles. J’aurai des biscuits pour compléter le menu peu varié promis, et des piles pour le GPS et la lampe, car les piles, ça pèse lourd à porter. Tous les 200km, j’ai prévu des affaires de rechange et une pharmacie. Et au CP40, soit au km800, des chaussures de secours et des bâtons, au cas où je me sentirai une petite faiblesse.

On se dirige au GPS, avec un point tous les 20km au minimum correspondant aux CP, et quelquefois des points intermédiaires pour les orientations délicates. J’ai un Garmin Foretrex 101, non connectable à un ordinateur, j’ai donc saisi la centaine de points à la main. Un petit peu chaque jour, ça m’a meublé quelques soirées.

Nous avons 17 jours pour effectuer ce petit périple.

Lors du briefing, Alain nous dévoile la carte de la course. J’en reste scotchée. Magnifique ! Je n’ai pas besoin de prendre des notes sur le roadbook, j’ai tout en tête.

1000km dans le désert mauritanien

Il nous dote chacun d’une balise par sécurité. Une première sur les courses Gestin ! Je la trouve un peu lourde, 300g. C’est qu’il faudra la porter sur 1000 bornes.

J’ai donc le temps de profiter de Chinguetti. Petite visite guidée :

1000km dans le désert mauritanien

Il y a un vieux quartier, tout en pisé, avec une mosquée ancienne. Je l’admire de l’extérieur, car les non musulmans n’ont pas le droit d’y pénétrer. La ville regorge de bibliothèques. Perdues au milieu du désert ! Chinguetti était un lieu de passages commerçants très fréquenté par les caravanes, et des familles érudites ont conservé de vieux livres et manuscrits, traitant de tous sujets. La sécheresse du climat a conservé tout ça.

1000km dans le désert mauritanien
1000km dans le désert mauritanien

Les chalandes nous apostrophent pour entrer dans les petites boutiques d’artisanat des femmes.

Le jeu des gamins est de sauter sur l’arrière des quelques voitures qui passent. Les 4x4 ont la meilleure cote.

Ah, il y a un camion ensablé au centre-ville. Un autre vient à la rescousse, mais l’élingue casse sans cesse. Ils finiront par s’en sortir.

D’ailleurs la ville subit un ensablement permanent. Toutes les maisons ont un mur sous le sable, en fonction du vent.

1000km dans le désert mauritanien

Je retrouve mes voisins d’avion, qui nous font visiter le centre de santé avec Marion, notre médecin. Les patientes sont surtout des femmes. Le centre draine des dispensaires, jusqu’à 200km à la ronde. Les enfants dénutris sont systématiquement dépistés, et il y en a. Evidemment, nous ne les verrons pas dans notre périple, en tant que touristes.

Les Maures, l’ethnie principale, sont d’origine berbère, ils sont donc clairs de peau. C’est très surprenant en plein désert.

De notre toit terrasse, on domine la préparation des chameaux qui s’apprêtent à partir en randonnée avec des touristes. Ils sont bien chargés. Pour nous, ce sont les 4x4 qui font le plein de matériel et nourriture à l’auberge.

En tout cas, nous avons très bien mangé dans notre auberge. Les galettes de mil sont un régal.

Bon, après 2 jours de farniente, il est grand temps d’entrer dans le vif du sujet et de plonger dans le bac à sable.

Le départ est donné le 5 novembre à 7h, devant l’auberge. Alain est très ému, cela fait plusieurs années qu’il prépare ce projet, et voilà le moment de lâcher les fauves, ou plutôt les dinosaures de l’ultra comme il nous appelle. Je ne me sens pas vraiment ressembler à un dinosaure.

Au revoir Chinguetti.

1000km dans le désert mauritanien

Nous quittons la ville par un oued très sableux, direction plein est. Thierry et Dominique disparaissent vite devant, comme prévu. Je suis en trottinant avec Jacques et Takao. Nous nous séparons rapidement, car ils tirent tout droit au GPS vers une petite plantation de dattiers, ce que j’évite absolument, c’est plein de clôtures et de petites dunettes très molles ces trucs-là. Je préfère rester dans l’oued. Je les aperçois de temps en temps perchés sur ma droite, se tapant d’autres plantations. Tiens, Takao apparaît même tout en haut de la dune, en ayant fait demi-tour. Ah, je préfère mon oued.

Que je finis par quitter pour rejoindre le CP1, une simple natte sous un arbre. Voilà les 20 premiers km d’avalés. Boydya m’offre des dattes bienvenues. Jacques est déjà passé, Patrice et Takao arrivent.

Je repars et trouve un dossard par terre juste après le CP. C’est celui de Jacques. Il commence bien ! Je coupe tout droit au GPS pour la suite. Je suis dans des petites dunettes avec une petite végétation de graminées. Je trottine avec beaucoup de plaisir. J’ai opté pour 1h de course et 1/4h de marche en alternance.

1000km dans le désert mauritanien

Je passe à côté d’un puits avec quelques chèvres qui divaguent dans les parages.

Le CP2 est déjà là. J’y engloutis une soupe de légumes avec quelques morceaux de viande de chameau qui y nagent. Les Maures font sécher la viande chameau, qui se conserve du coup très bien dans le désert. Jacques se pointe. Il a l’air vexé que je sois là avant lui. Nous n’avons pas dû prendre la même trajectoire au GPS. Je ne le reverrai plus après.

Il fait chaud, plus de 42°, bien qu’il y ait des nuages. Ca ne me gêne pas car c’est très sec, on ne transpire pas comme à la Réunion. Il paraît qu’il y a eu quelques coups de chaud derrière.

Je coupe de nouveau tout droit. Et je me retrouve au milieu de belles dunes à franchir. Il y en a pas mal qui se succèdent. J’adore. Bien sûr, ça ralentit l’allure et on ne peut pas courir, mais c’est très chouette.

1000km dans le désert mauritanien

Puis j’attaque la montée d’une petite montagne très pierreuse. J’aperçois la piste loin en contrebas sur ma droite. Au sommet, on domine une petite plaine de sable et l’oasis de Tanouchert toute verte. Je dévale dans le sable entre les pierres vers cette plaine. Je tombe pile sur les traces de Titi et Dom.

Je passe la barrière de l’oasis et arrive à une auberge à la nuit tombante, c’est le CP3. Mais c’est en plein dans la prière. On ne peut donc pas s’occuper de moi. Une dame me fait un vague signe vers le restaurant, une grande case ronde. J’ai du mal à comprendre que c’est là que je dois m’installer. En fait les gens s’avèrent très gentils. Le couscous est prêt, suivi d’une crème de dattes. C’est Byzance.

Je ne m’attarde pas une fois repue et repars dare-dare pour la première nuit.

Et elles vont être longues ces nuits, plus de 12h, et j’appréhende. Je ne raffole pas de la sensation d’endormissement et de tituber en marchant. Aussi j’ai décidé de dormir un minimum chaque soir. Enfin plus tard, pas le premier quand même.

Je repasse la clôture de l’oasis, et me voilà de nouveau dans le sable. Je prends un cap sur une étoile dès qu’elles brillent suffisamment. Et… en voilà une filante ! Ne pas oublier de recadrer le cap toutes les heures, car les étoiles bougent. Quand je ne cours plus, je marche d’un pas rapide.

1000km dans le désert mauritanien

Me voilà déjà au CP4. J’y retrouve Titi et Dom. A vrai dire Thierry n’est pas très présent. Il est allongé par terre devant la tente et vomit toutes ses tripes. Bon, évitons de l’écouter. On est prêt à repartir tous les 3 au même moment. Car je suis 3° ! Enfin, on n’a fait que 80km. Dom me propose que je me joigne à eux. Ah jamais ! Je ne suis pas folle, ils sont beaucoup plus rapides que moi.

La nuit se poursuit au milieu du sable et des étoiles. Je finis par rejoindre des traces de 4x4 à l’approche de la petite ville de Ouadane. Je cherche un peu le CP5, de nouveau dans une auberge.  J’y retrouve Titi et Dom, et même scénario, Titi vomit tout son soûl. Ca devient une habitude. Alain et Patrick le caméraman dorment dans un coin.

Je demande ce qu’il y a à manger. Et bien, rien. Ah, nous sommes pourtant dans une auberge, et normalement il y a des pâtes et des sardines promises. Mais non, il n’y a rien. Ce ne doit pas être la bonne heure, il faut dire qu’il est 4h du matin. Même pas du pain ? Les Maures mangent beaucoup de pain. Non, pas de pain. Le gardien du CP finit par me dénicher des crudités avec de la vinaigrette s’il vous plaît. Il faut juste que les légumes crus ne me rendent pas malade. Dom me file du quinoa, que j’agrémente donc de crudités. Ca ira.

Les gars repartent. Je ne les reverrai plus.

1° nuit, donc 1h de sommeil. Logique.

Bien que je ne ressente pas spécialement l’envie de dormir. Mais on est parti pour un bail, ne l’oublions pas. Et ça me fait 100km parcourus, ce qui est bien. Je sors mon petit sac de couchage très léger, c’est une petite couverture polaire fine, j’enfile le bonnet, et hop, je pionce.

Ma montre me réveille 1h plus tard pour repartir. Il fait encore nuit. Alain roupille toujours et ne s’est pas aperçu de ma présence.

Je reprends ma trajectoire tout droit en courant, appliquant de nouveau mon principe 1h-1/4h qui me réussit bien, je ne fatigue pas. Je suis dans une zone très sableuse, avec de petites dunettes. Facile.

Dès qu’il y a du sable, on ne peut pas manquer les traces caractéristiques des scarabées.

1000km dans le désert mauritanien

Le CP6 est déjà là.

C’est un petit vieux qui tient le CP, il parle peu français, mais me serre dans ses bras. Si l’accueil est chaleureux, le ventre risque de rester vide. Il n’y a rien à manger. Tiens, ça me rappelle quelque chose. En fait, il est 10h, et il me fait comprendre que c’est un peu tôt et que le service est pour midi. Quoi ? Tu as des pâtes ? Oui. Tu as des sardines ? Oui. Tu as des dattes ? Oui. Alors on va manger. Tu utilises l’eau chaude du thé pour faire cuire les pâtes, et à table dans 10 mn. Il a compris et s’exécute.

Par contre, non merci pour le thé mauritanien, qui lui est toujours prêt. C’est du thé à la menthe extrêmement sucré.

C’est là que je remarque que les semelles de mes chaussures commencent à se décoller. Mince, déjà.

J’ai le droit à une nouvelle accolade et des encouragements au moment de partir.

Je me dirige vers le guelb de Richat, l’œil de l’Afrique. C’est un énorme trou tout rond de 60km de diamètre. Cratère météorique, volcanique, ou simple érosion ? On en discute toujours aujourd’hui. Une curiosité géologique. A quoi cela va-t-il ressembler ?

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Pour l’instant je suis dans de jolies dunes parsemées de cailloux. Et les petits cailloux deviennent multicolores, avec des couleurs très vives, du rouge, du orange, du jaune, du bleu, du vert, du violet, et j’en passe. C’est incroyablement beau. Mes yeux s’emplissent de sable et de petits cailloux, à défaut d’en remplir mon sac, mais ce n’est pas le moment. Dommage. Ce n’est pas le temps non plus de musarder.

Je passe à côté d’une maison de nomades, faite de branchages. Puis c’est une belle descente vers une surface bleutée très plane, calcaire, sorte de dépression.

J’en profite pour cogiter sur mes chaussures. Je les ausculterai au prochain CP.

J’attaque maintenant une belle montée, qui devient très pierreuse, et je finis par rejoindre la piste par un petit col qui mène au sommet et centre du guelb, dans une petite batisse en pierre. C’est la maison de Théodore Monod, qui tient lieu de CP7.

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Les fenêtres sont curieusement disposées près du sol, très bas. En fait les gens vivant sur des nattes assis ou couchés par terre, les ouvertures se trouvent à leur hauteur, permettant de profiter au maximum d’air frais.

Là, les pâtes et les sardines sont prêtes à être englouties.

Je commence à entourer mes chaussures d’élastoplast, par-dessus les guêtres qui sont cousues, quand un 4x4 arrive. C’est Jean-Claude le photographe et Tassoukou. Mes pompes sont les vedettes du moment. Je ne suis apparemment pas la seule à avoir des problèmes de chaussures, et Alain a paraît-il un scotch miraculeux pour la circonstance. Mais il n’est pas là. Je raconte à Jean-Claude que j’ai des chaussures de secours dans mon dropbag du CP40. Les miennes devront tenir jusque-là, soit 660km…

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Pour ressortir du cratère, je poursuis dans les petites montagnes rocheuses, avant d’atteindre une belle dune à franchir, recouverte de pierres noires au sommet. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Et qui me mène etc. Un passage de dune et sa vallée correspondent à 500m horizontal. Le GPS indique 10km jusqu’au prochain CP, ce qui fait potentiellement 20 dunes à franchir… Et pas des petites. Eh bien, allons-y ! C’est un bon exercice !

Il n’y en aura pas 20, heureusement.

En fait elles forment des cercles d’enceintes rocheuses, séparées par des gouttières plates, qui entourent le massif central d’où je viens, le guelb.

Ca s’aplanit à l’approche du CP8. J’y arrive à la tombée de la nuit. Il y a du monde, et un grand feu flambe devant le CP, avec tous les chauffeurs des 4x4 affalés.

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Sous la tente, je suis seule. Après les pâtes / sardines, je me penche sur l’ongle de mon gros orteil, qui est sensible. Ca ne m’étonne pas, il y a un peu de liquide dessous. Je n’ai pourtant rien heurté, malgré la caillasse de la journée. J’essaie de le percer avec une aiguille, sans succès. Pour l’instant ce n’est qu’une gêne, j’en reste là.

Passons aux chaussures. Ca tient le coup, juste certains morceaux d’élasto qui partent.

Je repars rapidement. Encore quelques dunes, avant d’arriver devant un immense mur, tout orange dans la lumière de la lune. Très beau mais inquiétant. Par où faut-il le prendre ? De nuit, je ne peux pas dire. Alors, allons tout droit. C’est raide, et le sable est très mou et glisse dans la grimpette. Et c’est de plus en plus raide. Je termine à 4 pattes, pour atteindre un espace rocailleux en haut. Je m’accroche à ces pierres pour pouvoir franchir les derniers mètres.

Ce sera la dernière dune, ouf. Mais que c’était bien !

Je vois une lumière là-bas. C’est le CP9, à 5 km. Celui-là au moins on le voit de loin. Je dois traverser un espace de sable dur dessus et mou dessous avant d’y parvenir, pas facile d’y avancer vite. Et… une étoile filante.

Pâtes, sardines et dattes m’attendent.

Il me faut quelque chose de pointu pour m’occuper de cet ongle. Je demande un couteau au gardien du CP. Il a ce qu’il faut, et va se coucher pendant que j’opère. Toujours sans succès. Bon, je garde l’ongle tel quel de nouveau.

2° nuit, donc 2h de sommeil. Logique.

Ma montre me réveille, et… s’éteint définitivement. Heureusement que j’ai pris un téléphone, qui me servira de réveil désormais.

Je repars au lever du jour. Si les grandes dunes sont terminées, je suis toujours dans le sable mou, clairsemé de petite végétation et de pierres. J’y cours bien. Il ne fait pas trop chaud le matin, j’en profite.

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Mais le bout des semelles de mes chaussures se décolle carrément. Ca fait cuillère à chaque foulée dans ce sable. Ah, de pire en pire. Alors ça cogite. Ce serait vraiment bête de devoir arrêter pour ces pompes, alors que je me sens si bien et que ce n’est que le début du périple. Je me débrouillerai pour récupérer mes autres baskets et continuer, même si je suis considérée hors course.

Je suis très bien accueillie au CP10. Le gardien a fait de la galette, un gros pain cuit dans le sable. Oui oui. On fait un feu dans le sable, puis on met la pâte à pain dans le trou de sable chaud, on recouvre de braises, et on laisse cuire. Et il ne reste aucun grain de sable sur le pain. Quel délice !

J’ai de quoi me bichonner dans mon dropbag du CP10. Je préviens le gardien que je vais me dévêtir. Pas de problème, il sort. Opération changement de tenue et massage.

Je me protège du soleil au maximum. Je porte un collant, un maillot Xbionic, rose de surcroît, ce qui plaît beaucoup à Alain, mais qui n’a malheureusement pas de manches longues, je n’en ai pas trouvé à la Réunion. Je complète avec des manchettes. Et une casquette saharienne très couvrante. Mon maillot est tellement bien, il me maintient au frais quand il fait chaud et le dos est à peine humide avec le sac, que je le garde pour les 200km suivants. Pour la nuit, un petit pull polaire très léger, que je ne mettrai pas. Je ne l’utiliserai que pour dormir, et une veste coupe-vent.

Pour l’instant, je dois m’occuper de mes chaussures. Je rajoute une dose d’élasto sur le bout des semelles. J’ai un stock d’élasto dans mes dropbags tous les 200km.

Quant à l’ongle, il commence à s’infecter. J’arrive à le purger par le côté, mais pas complètement.

Je m’apprête à repartir quand surgissent Boydya et Marion, brandissant mon sac du CP40. Mes chaussures de secours me tombent dessus ! Super ! Jean-Claude a véhiculé mon message du CP7 aux bonnes personnes. Certes, elles n’ont pas de guêtres cousues dessus, mais j’ai l’assurance de pouvoir continuer.

Marion en profite pour désinfecter mon ongle.

Cette fois c’est le bon départ, toute ragaillardie. Je suis toujours dans du sable mou avec une courte végétation. Quelques acacias de temps en temps, et quelques chameaux qui vaquent à leurs occupations.

1000km dans le désert mauritanien

Evidemment, il y a du sable qui rentre dans mes chaussures. Et je sens rapidement l’apparition d’une ampoule derrière le talon gauche. J’y mets immédiatement de l’élasto. En tout cas, ça ne m’empêche pas de courir.

Une étrange bête s’enfuit devant moi. C’est un énorme lézard noir avec le ventre orange et une queue ronde. Il me fait penser à une salamandre immense. Il se tortille pour essayer d’aller vite. On voit aussi un tout petit lézard, beaucoup plus commun.

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J’arrive au CP11 en compagnie de corbeaux. On en croise assez souvent.

J’ai le temps de vider le sable de mes chaussures et de percer l’ampoule, car le repas n’est pas prêt. C’est un petit jeune qui tient le CP. Il ne parle pas français et visiblement n’a pas d’expérience dans les courses non stop. Je dois le houspiller un peu pour qu’il mette de l’eau à chauffer pour les pâtes.

Je reprends rapidement ma route.

La nuit pointe déjà. Je suis la piste un moment, en courant quand il n’y a pas trop de pierres, et ce n’est pas ce qui manque. Je me sens bien, il ne fait pas froid, et je profite vraiment du moment présent. Moi qui ne raffole pas des nuits !

Quelques gerbilles pointent leur museau de temps en temps dans la lumière de la lampe.

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Les tentes blanches des CP se voient bien dans la nuit, et je suis déjà au 12°.

Le gardien parle peu français et n’est pas très débrouillard. Il héberge un copain, qui dort profondément. Les pâtes ne sont pas prêtes. J’ai le temps de m’occuper de mes petons. L’ampoule s’est reformée et a grossi. Je la perce de nouveau. Elle ne me gêne pas pour le moment. L’ongle est toujours purulent, je le vide aussi. Il ne me gêne pas non plus.

3° nuit, donc 3h de sommeil. Logique.

Je réserve le petit déjeuner pour mon réveil. Il y aura des pâtes ? Non. Il y aura du pain ? Non. Tu pourras me réveiller à 1h du matin ? Non. Bon d’accord, j’ai compris, je vais rester autonome. Je fais une réserve de petits biscuits mauritaniens. Quand je me réveille, le gardien n’ouvrira pas l’oeil, je n’aurai même pas un thé.

Je reprends mon rythme, course quand il n’y a pas trop de caillasses. Je tombe sur une piste pile à un point GPS intermédiaire. C’est l’entrée de la descente dans un canyon. Il y a là une piste d’aviation, dont je n’aperçois aucunement l’existence dans la nuit.

Dans le canyon, il n’y a qu’un accès possible : la piste. Le sable y est bien mou, mais j’y cours. Avec la lune, je peux distinguer de hautes murailles rocheuses de chaque côté. Ce doit être très beau de jour. Le canyon s’avère très bruyant, les cris des chacals résonnent fortement.

Mais le sable est profond et je dois vider mes chaussures en cours de route.

Le jour se lève à la sortie du canyon. Comme c’est beau ! La partie montagneuse est sur ma droite, et une plaine s’ouvre sur ma gauche. Devant apparaît le fort militaire où est installé le CP13. Il y a quelques bâtiments en pierre, de petites tours et un puits. J’ai même cru que c’était une mosquée.

J’y débarque à l’heure du petit déj, sauf que le mien est bien loin depuis 1h du matin et qu’il fut léger. Le gardien me propose du pain. Il n’y aurait pas des pâtes par hasard ? Eh non, pas à cette heure. Alain est là et pallie mon appétit en m’offrant un sachet de lyophilisé. Ah, je vais déroger aux pâtes alors. Et bien non, menu invariable, ce sont des pâtes bolognaises. J’éviterai seulement les sardines.

Si j’ai des nouvelles de l’avant avec les fiches de pointage dans les CP, et l’écart se creuse doucement mais sûrement avec Titi et Dom, voici que j’ai des nouvelles de l’arrière pour la première fois. Patrice, Gérard et Jacques me suivent, puis Takao. Tout le monde va bien.

Je commence à flotter sérieusement dans mon collant. Heureusement qu’il y a un cordon pour le tenir, l’élastique est soudain devenu méga-large. Mes gambettes de plus en plus maigrelettes vont-elles me porter jusqu’au bout ? Du coup je crains les frottements au niveau des fesses et des cuisses, mais il n’en sera rien, j’y échapperai.

Le gardien se prépare des petits morceaux de pain arrosés d’eau chaude, d’huile et de sucre. Il me propose de partager son repas. Euh, non merci, vraiment.

Je m’occupe de mon ampoule qui a de nouveau grossi. L’ongle par contre s’est calmé.

J’ai le droit à une séquence de filmage par Patrick pour mon départ trottinant.

Changement de direction, ce sera plein ouest désormais pour les 500km suivants, avec vent dans le dos, c’est l’harmattan. J’accroche le rabat de ma casquette à mon maillot avec une épingle à nourrice, pour que ça ne vole pas dans tous les sens et que la protection soit efficace.

Jusqu’ici nous avions du relief, on était sur un plateau pierreux, ce qui demande de l’attention. Maintenant, c’est le plat complet. Ampleur et platitude, que c’est beau ! Une large vallée s’ouvre devant moi à perte de vue, bordée à droite par un magnifique cordon de dunes et à gauche par la chaîne de montagne de grès noir de l’Adrar, dont nous faisons le tour. Un peu de végétation de temps en temps, des acacias, des touffes d’herbe, une euphorbe (Calotropis Procera pour les spécialistes) dont les grandes feuilles rondes ressemblent à celles de notre bois de tambour, mais rien à voir évidemment. C’est une plante très toxique, du coup épargnée par les chameaux et les chèvres. Elle est en fleur, de belles inflorescences violettes odorantes. Les lianes des coloquintes s’étalent sur le sable, seules les graines sont comestibles. Elles sont justement en graine.

1000km dans le désert mauritanien
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Je croise de petits groupes de chameaux, qui ont l’air de vivre en liberté. Ne nous y fions pas, le propriétaire ne doit pas être loin. Il y a donc des villages dans le coin, invisibles.

Je cours toujours avec beaucoup de plaisir, sans fatigue. L’après-midi je marche quand il fait très chaud. Et j’adapte la quantité d’eau à prendre en fonction de la température : 1,75 litre l’après-midi, 1,5 litre le matin, 1,25 litre la nuit. Je ne bois pas beaucoup et je n’ai jamais manqué d’eau.

Je ne respire que par le nez, car par la bouche, cela l’assèche immédiatement et c’est insupportable.

Je n’ai plus besoin de vider le sable de mes chaussures entre les CP, il y en a peu qui rentre sur ce terrain plat.

J’arrive au CP14. Quelques femmes d’un village voisin ont étalé leur stand de vente d’artisanat. Le gardien du CP a beau leur expliquer que nous ne sommes pas des touristes normaux et que nous n’achèterons rien, elles resteront là plusieurs jours.

Le gardien du CP parle très bien français. Il est fier de me dire qu’il a le bac et qu’il est guide.

Je reprends ma route vers le CP15. Il fait chaud maintenant, ce qui ne m’empêche pas d’admirer le fabuleux paysage. On ne voit pas un cordon de dunes de plusieurs centaines de km tous les jours. Le mien est tout ocre, splendide.

Le gardien du CP15 prépare une galette quand j’arrive. La pâte est prête, il allume le feu dans le sable. Je ne verrai pas la suite et je n’en mangerai pas, je serai repartie. Pour moi, ce sera pâtes et sardines. Néanmoins le menu du soir prévu est couscous au chameau. Je demande à goûter à la viande de chameau séchée, qu’on me donne avec parcimonie.

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La nuit commence à tomber. Je n’ai qu’à suivre les traces de 4x4 dans le sable puisqu’on va tout droit. Facile à l’éclairage de la lampe, pas besoin de regarder le GPS. Le sable clair paraît blanc et j’ai l’impression de marcher au milieu de la neige, à la température près. C’est magique.

J’arrive à un embranchement de pistes. Le GPS m’envoie à droite. Curieusement ça monte, moi qui croyais que j’étais dans la platitude. Je ne me serai pas plantée par hasard, en ne vérifiant pas mon GPS sur la grande piste ? Je passe devant quelques maisons, les chiens aboient, les chèvres bêlent, et j’arrive à un terminus de la piste. Ah, ce n’est pas normal. Une tripotée de femmes sort d’une maison, dans la nuit. Il n’y a aucune lumière à part ma lampe. Elles n’ont pas l’air surprise de me voir, et m’invitent à entrer chez elles. Elles ne parlent pas français. Euh non merci, c’est gentil, mais je dois continuer mon chemin.

1000km dans le désert mauritanien

Et justement, il n’y a plus de chemin. Je n’ai pas d’autre choix que de suivre tout droit le GPS. Je tombe dans un pierrier qui de surplus monte. La progression est difficile. Dans la nuit, je vois que je me dirige droit sur une montagne, je dois passer de l’autre côté, le GPS ne connaissant pas le relief. Mais c’est qu’elle a l’air raide cette montagne, une vraie falaise. Je suis vraiment allée trop à gauche en suivant malencontreusement une trace de 4x4 erronée. J’oblique vers la droite tant que je peux au milieu des pierres pour contourner la grosse masse noire. Je finis par rejoindre la vallée et le sable, et le CP16, qui n’était pas loin à vol d’oiseau. J’ai dû mettre 2h pour faire 2km. Et je voyais désespérément mon dodo tant attendu remis à plus tard.

Dha, le gardien du CP, savait que je devais arriver et m’attendait depuis longtemps. J’ai juste eu un petit contretemps. Au moins le repas est prêt quand je débarque. Et, bonheur, du thon remplace les incontournables sardines. C’est que je préfère le thon aux sardines.

Je commence à sentir un léger frottement du sac dans le dos. Comment demander à un homme musulman de mettre de l’élasto dans le dos d’une femme catholique ? Je vais devoir enlever maillot et brassière. Cela ne pose aucun problème à Dha, qui me rend ce service.

4° nuit, donc 4h de sommeil. Logique.

La suite du parcours est plus accidentée, avec des montées sableuses pour franchir un peu de relief pierreux, comme des petits cols. Le cordon de dunes s’est éloigné.

Juste après le CP17 se présente un secteur très pierreux. Il vaut mieux garder la piste, qui serpente entre les gros blocs. Je finis par surplomber et contourner un petit canyon, très beau. Suivi d’une belle descente dans le sable comme on les aime.

Je vois une tente de CP au pied de cette descente. Déjà ? Il en sort quelques gamins, puis une femme. C’est la maison d’une famille de nomades. On se fait de grands signes.

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Je retrouve un terrain plat, en longeant la base de dunes. Au loin le village d’El Bayed qui a l’air assez important, il y a une mosquée, et un puits, fort tentant. Comme il n’y a personne autour du puits et tout ce qu’il faut pour puiser de l’eau, voilà une excellente occasion de se débarbouiller. Comme ça fait du bien !

La piste devient maintenant très molle, et le sable rentre à gogo dans mes chaussures. Je dois les vider toutes les 10 minutes. Que de temps perdu ! En plus c’est le supplice pour remettre les chaussures à chaque fois avec mon ampoule. Et en plus, une nouvelle petite cloque pointe son nez au talon droit, l’autre pied. Quelle chance !

Je croise un berger avec son troupeau de chèvres, avant d’arriver en fin d’après-midi au CP18. Juste quand je me pointe, un 4x4 démarre. Je pénètre sous la tente, et… il n’y a personne. Au bout de quelques minutes le 4x4 revient avec le gardien du CP, c’est le petit vieux très affectueux. Ah le filou, il était parti en goguette chez les bergers du coin.

En tout cas, il me reçoit très bien, le riz est prêt. Du riz ! A la place des pâtes, chouette !

La nuit tombe après le CP18. Pour une fois, je suis la piste, toujours très sableuse. Voilà qu’arrive un 4x4, c’est Boydya avec Philippe, le médecin venu en renfort pendant une semaine. On s’installe par terre pour qu’il examine mes pieds.

Ni une ni deux, il fait un grand trou aux ciseaux dans les ampoules des 2 pieds, pour être sûr de les vider entièrement et qu’elles ne se referment pas pour se reformer. Le pied droit me laissera pratiquement tranquille désormais. Quant au gauche, la peau est toute plissée sur la chair à vif. Si l’ampoule ne se reformera pas, je vais déguster. Mais il faut en passer par là, il faudra bien le supporter.

1000km dans le désert mauritanien

La nuit s’installe. J’entends régulièrement des chiens aboyer, il doit y avoir plein d’habitants par ici, mais aucune lumière. Je finis par en voir une assez loin, un peu en hauteur.

C’est celle du CP19, et le gardien m’y attend. Il porte son grand boubou bleu en basin brillant, très imposant. Il m’a préparé une bonne soupe de légumes bien épaisse. Je m’en sers même de sauce sur les pâtes. Un vrai délice. Il me propose un thé mauritanien, mais c’est trop sucré. Il m’en tend un tout de même un peu après, que je refuse. En fait il l’a préparé exprès sans sucre pour moi. Alors là, oui !

Place au sommeil. J’aimerai maintenant alterner une nuit de 4h et une nuit de 3h comme régime de croisière. C’est le tour des 3h.

Je reprends mon chemin ragaillardie, toujours en alternant course et marche, il faut profiter de la fraîcheur de la fin de nuit.

Le soleil se lève, et je me retrouve de nouveau au milieu d’un cordon de dunes ocre sur ma droite et la montagne noire sur ma gauche. Et voici le CP20, et 400km parcourus.

J’y ai un sac bien-être. Une douche s’impose. Je m’installe derrière la tente, sur un coin de natte, avec une bouteille d’eau comme pomme de douche. Sans tout tremper et sans me mettre du sable partout, c’est un exercice d’équilibre. Suivie d’un petit massage avant de repartir. Mon huile de massage se met curieusement à mousser sur mes cuisses, et impossible d’enlever la mousse.

Le vent est fort, et une poussière de sable s’élève des dunettes, partout. Pour l’instant, ça ne me gêne pas et j’avance bien.

Le sol change maintenant, j’atteins le lac salé. C’est très dur, tout gris, totalement plat, et vide.  Il y en a pour 60 bornes, tout droit. En tout cas, c’est facile d’y courir.

Le CP21 apparaît déjà. Le gardien du CP m’explique comment la tente a été installée, avec le sol très dur et le vent, et elle tient très bien. Je ne m’y attarde pas.

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L’air est très sec, la poussière de sable envahit tout maintenant, je dois m’en protéger. J’ai un morceau de chèche que j’attache à ma casquette, elle-même attachée à mon maillot, je rappelle. Cela me couvre tout le bas du visage, le nez et la bouche, et ça flotte dans le vent, si bien que ça ne me tient pas chaud. Impec. Je mouche beaucoup, du sang, cependant j’arrive à garder les narines humides si bien que ce n’est pas embêtant. D’ailleurs j’ai prévu, et j’ai un grand nombre de mouchoirs dans mes sacs aux CP. Quant aux lèvres, elles résistent bien.

C’est l’après-midi et il fait vraiment trop chaud pour courir. Je marche d’un bon pas, bien que je sente davantage mon ampoule en marchant qu’en courant. Comme le terrain est facile et que je n’ai pas besoin de regarder mes pieds, je profite du paysage, en pleine admiration. Et je chante. Tout ce qui me passe par la tête, c’est très éclectique. Enfin, je chante dans ma tête, car pas question d’ouvrir la bouche. Sinon ça brûle immédiatement les poumons. Au sommet du hit-parade se trouvent Brel et Miro. Je compose des paroles sur leurs mélodies, et attention, il faut que ça rime. Je m’amuse bien.

Malgré ça, je sens le manque de sommeil me rattraper une fois la nuit tombée, et je commence à tituber. Sensation horrible, dont je ne veux pas. Dormir 3h, ça ne va pas. Je dormirai désormais 4h par nuit. Du coup, avec la fraicheur, je chante cette fois à tue-tête dans la nuit pour me tenir éveillée.

Le CP22 est au milieu du lac. Je vois sa lumière de loin. J’y ai des nouvelles des coureurs derrière. Pat et Gégé ont lâché Jacques, et ne devraient pas être trop loin. Je dors donc 4h, et je repars, la forme est revenue.

Le jour se lève, et je me retrouve dans une épaisse brume. La poussière de sable réduit drastiquement la visibilité. Vite vite, j’installe mon chèche et reprends ma foulée. Cette fois, le paysage est réduit. Je chante dans ma tête d’autant plus, pour éviter la lassitude des kilomètres plats.

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D’ailleurs, me voilà de nouveau dans le sable, et la poussière s’estompe. Le lac salé est déjà terminé ? Tout compte fait il est passé rapidement.

La vie revient autour de moi, les plantes, les chameaux.

J’avale le CP23 et le 24 dans la foulée. Le sable entre de nouveau dans mes chaussures, ça ne peut pas durer comme ça. Je coupe mon buff en 2, puisque je ne l’ai jamais utilisé jusqu’à présent et j’entortille chaque partie sur le bout d’une chaussure, là où le sable traverse le mesh. Ma fois, si ce n’est pas parfait, cela s’avère assez efficace.

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Une nouvelle nuit s’annonce, je tiens bien le coup au niveau sommeil. Néanmoins, le CP25 étant la mi-course, je vais m’octroyer un extra, un dodo de 5h. Mérité n’est-ce pas ?

J’oblique vers le côté dunes. La piste en gravit une bonne, et moi avec, et mène à un village, que je distingue dans la nuit. Il y a notamment des panneaux solaires.

Je réveille le gardien du CP qui dort dehors. A l’intérieur se trouvent 2 autres dormeurs, Jean-Claude et Tassouko, les 2 photographes. Ca ronfle. Peu m’importe du moment que j’ai un matelas de libre.

Des mouvements me réveillent légèrement, une lampe apparaît. C’est Gégé et Pat qui se pointent. Salut les gars ! Je pensais qu’ils me rattraperaient bien avant les 500km, je les considère comme plus rapides que moi, car ils dorment très peu. D’ailleurs ils ne restent qu’1h au CP, pas comme moi ! Mais pas de chance, il ne reste qu’un matelas et Patrice dort par terre. J’aurai été à sa place, j’aurai viré sans hésiter un des photographes qui se font des nuits normales, priorité aux coureurs.

Je repars aux aurores pendant que Jean-Claude cherche le puits.

La peau de mon ampoule s’est malheureusement arrachée, et elle devient vraiment douloureuse. Ca ne me donne plus envie de courir, je vais uniquement marcher dorénavant.

Je progresse dans des dunettes et je vois régulièrement les traces de Pat et Gégé. Sur la piste je croise un chamelier de grand matin. Il me demande où je vais. Comment lui expliquer ? Je n’ai que des points GPS à lui donner. En tout cas, il a croisé 2 autres gars comme moi un peu plus loin, ils vont bien. Merci des nouvelles, elles circulent vite dans le désert.

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On contourne Atar. Les habitations se font plus nombreuses, et les pistes aussi. Il y a même un monsieur qui m’indique gentiment celle de gauche, vers la ville. Non non, je vais tout droit. Il ne doit rien y comprendre.

La piste s’estompe pour laisser place à un passage sur de grandes et magnifiques dalles bleu roi, je n’en crois pas mes yeux. C’est très facile d’y marcher en plus.

Le sable reprend son droit, avec encore des pierres bleues par endroit, et ça monte, jusqu’au sommet d’une grande dune à dévaler. Quel dommage que mes chaussures sans guêtres n’apprécient pas, car moi j’adore ça.

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Le CP26 est en bas. J’y retrouve Pat et Gégé. Patrice me propose de me joindre à eux. Non merci. Je préfère tracer ma route moi-même, c’est mon plaisir et j’ai besoin de ce côté aventure. Et surtout nous n’avons pas du tout le même rythme. Je dors 4h la nuit et je ne prends pas d’autre repos. Ils dorment 1h par CP et font des pauses dodo de 20 minutes dans le sable le long de leur parcours quand ils ne tiennent plus. Très peu pour moi.

Le gardien du CP est un des petits jeunes. Je le booste un peu pour qu’il se décide à nous préparer les pâtes, sinon on en a pour quelques plombes. Patrice me trouve même un peu dure avec lui.

Je reste sur la piste pour la suite, car il y en plusieurs, avec plein de changements de direction, des villages et des puits. Pas question de se fourvoyer.

Soudain mon GPS indique le point suivant à… 4512km. Ah ! Un peu loin celui-là. Heureusement, je sais d’où provient l’erreur. Lorsque j’ai fait la saisie à la maison, ce sont toujours les coordonnées de la Réunion qui apparaissent et qu’il faut modifier pour avoir celles que l’on veut. J’ai laissé par mégarde l’hémisphère sud au lieu de mettre le nord pour la latitude, même après 2 vérifications de tous les enregistrements. Je passe à 12km en 2 bip. C’est mieux !

Le CP27 est dans belle zone d’acacias avec plein d’oiseaux, dont l’incontournable moula moula ou traquet pour les puristes, tout noir avec sa calotte blanche sur la tête, et d’autres espèces moins voyantes.

1000km dans le désert mauritanien

La nuit s’annonce, et je vais dormir 4h au CP28. J’y retrouve de nouveau les 2 gars. Ils sont épuisés, ah ben tiens, et vont dormir plus longtemps que moi.

En repartant, je ne trouve pas la trace de la piste dans la nuit, car le sol est dur. C’est un CP court annoncé, 16km. Je vais couper tout droit. Je me tape énormément de cailloux, avec des surfaces bleues dans la lumière de la lampe. Que c’est beau ! Ca l’est moins pour mes pauvres pieds, et je ne vais pas très vite.

Et soudain, j’éclaire une pierre de forme cubique d’un mètre de haut, gris clair, couverte de gravures rupestres. J’en reste baba, tomber dessus en pleine nuit dans le petit halo de ma lampe ! Je ne manque pas de l’examiner sous toutes les coutures. On y reconnait très bien un homme et une femme, et plein d’autres petits personnages. Mais je dois poursuivre ma route. Je n’ai pas pensé à prendre le point GPS de ma découverte.

Et maintenant je tombe sur des dunes. Très chouette, sauf encore pour mes pieds et je vais aussi moins vite.

Je finis par débarquer au CP29. Pat et Gégé, qui sont partis après moi, y sont depuis 2 heures. Ils ont suivi la piste qui était très facile, même s’ils ont fait bien plus que 16km. Euh oui, de mon côté j’ai fait du tourisme. Mais je ne regrette pas, je préfère mon trajet au leur.

Le CP est plein, Alain y dort aussi. Heureusement il me reste un matelas. Le gardien me bichonne, il m’attendait beaucoup plus tôt.

Je repars, toujours dans la nuit, et cette fois je reste sur la piste, du moins au début. Je la quitte dès qu’il fait jour. Ca grimpe sûrement et régulièrement dans le sable, parsemé de pierres, des fois bleues, des fois vertes, des fois oranges, des fois roses, des fois pourpres, au moins c’est varié, avec pas mal de petites végétations. Tiens, un tapis de tout petits cailloux d’un blanc immaculé, il y en a plein, sur une surface restreinte. Mais non, ce sont des coquillages ! J’aboutis de nouveau en haut d’une grande dune à dévaler. Je ne vois pas tout de suite le CP30, il est pourtant juste là en bas. J’oblique direct vers mon objectif en vue, pas besoin de GPS.

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Pat et Gégé sont là. Ils ont leur sac, mais pas moi. Ah, c’est embêtant, j’y ai mes affaires de rechange des 600km. Le maillot, ce n’est pas grave, mon joli rose fera encore bien 200 bornes, mais LES CHAUSSETTES ? Au secours ! J’en rêve, de changer de chaussettes. Ma grosse ampoule suinte en permanence et elles sont devenues dures comme du carton avec le sable + la lymphe, voire le pus pour l’ongle. Bon, je n’ai pas le choix, je prends mon courage à deux mains, ok, je vais reprendre avec mes cartons aux pieds. Patrice me file une soupe et un Babybel, comme je n’ai pas mes petites douceurs de CP pair. On s’apprête à repartir tous les 3 quand le 4x4 de Boydya arrive, amenant les sacs manquants. Voilà mes chaussettes tant convoitées !

Je change de maillot à regret, le Xbionic me garde vraiment le dos sec, mais il a fait 600 bornes, il ne faut pas exagérer. Je le troque pour un Raidlight, qui, même s’il est bien, s’avère en comparaison moins confortable, j’ai le dos humide avec le sac.

Les gars repartent tandis que je prolonge la pause. Ce sera du coup douche, et change complet. Appréciable ! Je me suis installée en petite tenue derrière la tente sur un plastique avec une théière d’eau pour me débarbouiller, et voilà que je me retrouve entourée d’un va et viens d’âniers et de chameliers. Il va falloir patienter.

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Boydya m’encourage et m’enjoint de ne pas me faire doubler par les garçons. Allez les filles ! Mais c’est tout vu, ils dorment moins que moi, et je ne dérogerai pas à ce point. J’assume ma 5° place au classement.

La montagne que je longe depuis fort longtemps s’éloigne sur ma gauche, je suis maintenant sur de grandes ondulations de dunes couvertes de nombreuses pierres. Je coupe tout droit, sans que la piste ne soit trop loin. D’ailleurs un 4x4 la quitte pour me rejoindre. C’est Philippe le médecin. Il me reconnaît planquée sous mon chèche ? Il vérifie l’état de mes pieds et est fort satisfait de voir la guérison que ça prend, c’est-à-dire que c’est très propre. Certes, mais qu’est-ce que je déguste ! Je lui fais remarquer que ma cheville a tendance à gonfler un peu, absolument sans gêne, et ça redégonfle lors de mon repos la nuit. Il pense à un œdème. Je suis formelle, ce n’est pas ça. J’ai déjà eu des oedèmes, et depuis que je prends du Daflon sur les courses longues, je n’en ai plus. L’autre Philippe l’accompagne, qui a dû abandonner pour cause de défaillance de son GPS. On est sûr de se paumer dans ce cas.

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La nuit tombe quand j’arrive au CP31. Alain est là. Il a modifié le parcours, et je dois rejoindre une route, sans point GPS comme repère. Je n’ai qu’à suivre les traces de Patrice et Gérard, qui eux ont été escortés par un 4x4. Oui bien sûr, de nuit ! Déjà pour partir, je voudrais bien me fier aux traces du 4x4, mais il y en a partout. Le chauffeur me dirige sur quelques centaines de mètres.

J’ai profité du véhicule pour recharger mon téléphone sur la batterie, comme il est allumé 4h par nuit. Il ne manquerait plus que mon réveil soit déchargé.

Je suis sensée suivre la route sur 4km et prendre la piste au 3° radier. D’ailleurs, Isabelle, tu viens de la Réunion, tu sais ce que c’est qu’un radier. Et oui, je connais ! En fait ce sera beaucoup plus long car il y a une belle descente avec quelques virages en épingle à cheveux qui augmente la distance prise à vol d’oiseau par les GPS. Je compte consciencieusement les fameux radiers, c’est en fait au 5° qu’il faut tourner. Il paraît qu’il y a une flèche, que je ne vois pas dans la nuit. Il vaut mieux ne pas se tromper, c’est un formidable pierrier dans le coin. C’est le point GPS du CP suivant qui me conforte dans le 5° radier, sans aucun doute possible. La piste est facile à suivre après.

Le CP32 est parfait pour un somme. J’y retrouve Pat et Gégé qui ont eu du mal avec le nombre de radiers. Ils repartent avant moi.

Je tombe rapidement sur une portion de grosses dunes, très chouettes. Dans ma direction, je dois les prendre en diagonale dans la longueur, ce qui n’est pas le plus facile, surtout sur plusieurs km. En outre mes pieds n’aiment pas, je dois vider plusieurs fois mes chaussures. A la sortie de cette traversée, je tombe sur plein de traces de bétail, chameaux et chèvres, et les traces de Pat et Gégé. Il doit y avoir de la vie dans les parages. Et je perçois des massifs dans la nuit.

Quand le jour se lève, je me trouve effectivement au milieu de petits monts isolés et très noirs qui apparaissent au milieu du sable, comme éparpillés. Ils ont toutes sortes de formes, le moindre creux formant piège à sable, et le manteau blond semble monter lentement à l’assaut des cailloux. Ca fait varier le paysage.

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Dha m’attend au CP33 et m’a préparé un couscous aux légumes, spécialement pour moi. C’est gentil ! J’ai le droit aux confidences de la vie sexuelle d’un Mauritanien célibataire. Il aimerait bien vivre à la française, avec une fille sans être marié, mais ici, ce n’est pas imaginable.

Mon collant commence à se raidir, une lessive s’impose. Je transforme ma petite couverture en jupe pour pouvoir l’enlever, et le rince à la bouilloire avec l’aide de Dha. Le temps de manger, ça va sécher très vite dehors entre le soleil et le vent, mais Dha tient absolument à installer une vraie corde à linge.

Il y a des passages de 4x4 à proximité, il paraît que c’est un coin à orpailleurs.

Un chamelier passe avec son troupeau. Il chercher du vert, des pâturages quoi.

Juste après le CP le GPS m’envoie droit sur un beau massif. Je le prends par la droite ou par la gauche ? Allez, par la droite. En fait ce massif est tout en longueur et je me morfonds à devoir le longer alors qu’il faut que je le coupe à un moment. Pour finir, il y a une gorge au bout que je ne voyais pas. Il y a un peu de végétation rase dans ce coin, avec quelques chameaux.

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Plus loin ce sont des massifs carrément noirs dont un tout rond, il est magnifique. On dirait des sculptures en métal posées sur le sable blanc. Ce fut un de mes coins préférés.

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Je découvre une nouvelle trace humanoïde, celle de Philippe, très caractéristique, de taille immense, et avec les pointes de ses bâtons. Il a repris du poil de la bête, son GPS a dû se calmer.

Au CP34, je me masse les pieds, comme à tous les CP. Mitou, le gardien, très prévenant, veut m’aider et me propose de me masser des pieds à la tête. Non non, c’est gentil mais ça ira comme ça.

Après, c’est de plus en plus vert. Si la végétation reste courte, il y a beaucoup de petites fleurs, elles sont minuscules mais cela suffit pour faire des tâches colorées, un coup rouge, un coup jaune, un coup blanc, je raffole de ces fleurettes. C’est aussi plein de coloquintes, je marche sur les lianes. Il paraît qu’il a plu deux fois dans ce coin cette année, dont la dernière fois récemment. Ca plaît aux bestiaux, il y a de plus en plus de chameaux, des ânes et des chèvres. Et même des papillons ! Comme c’est bucolique ! Et quelques maisons. Un chamelier coupe ma trajectoire.

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Ca commence à monter, pour arriver à… une mare ! Oui, il a plu récemment. J’y découvre plein de traces d’oiseaux dans la boue, outre les traces géantes de Fifi.

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J’arrive au CP35 dans la nuit. Pat, Gégé et Fifi pioncent et prennent tous les matelas. Fifi se lève et me laisse le sien, il n’arrive pas à dormir. Pour moi, aucun problème de ce côté-là. Quant aux 2 autres, c’est la dernière fois que je les vois.

Je reprends la montée dans les pierres, face à une grosse montagne transversale au fond. J’arrive au sommet d’une falaise assez verticale. Une partie du versant qui l’est moins est sableux, seul accès possible, tout le reste est trop pierreux. C’est parti pour une belle descente ! Je me retourne un peu plus loin, je suis au pied d’une falaise. C’est magnifique.

La suite est vallonnée, avec des cailloutis piquetés de buissons et parsemés d’acacias. C’est très facile de se caler un cap, ce qui permet de ne pas être trop concentré sur la trajectoire et de profiter du paysage. Justement, voilà une parfaite grosse tache noire droit devant. Quand je la refixe de nouveau… elle a bougé. Ah ! En fait, c’est un chameau ! La robe des chameaux passe par toute la palette des marrons, du presque blanc au presque noir. J’en croise pas mal de petits groupes.

J’entends très souvent une note unique de flûte, tuuuuuu, très étonnante. Cela ne peut être qu’un oiseau. Je ne le trouve pas du premier coup, il est petit et beige, couleur sable. Ce chant du sirli me ravit, et je cherche à apercevoir son auteur dès que je l’entends. Il est souvent posé sur le sable en zone découverte.

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Le gardien du CP36 n’a rien préparé quand je débarque. Heureusement il y a toujours des dattes pour patienter en attendant le repas. Je lui demande des pâtes. Au bout d’un quart d’heure, il n’a pas encore mis l’eau à bouillir. Cette fois, oui, je suis dure avec lui. Je lui dis qu’il a 10 minutes pour que ce soit prêt. Il est paniqué. Au bout de 10 minutes, je l’oblige à me servir. Evidemment c’est cuit, al dente comme les coureurs les aiment, et parfait agrémenté des sardines, quant à elles vite prêtes. Mais pour lui, c’est immangeable. Les Maures font cuire les pâtes au moins une demi-heure. Je ne me suis pas fait un copain.

Comme dit Théodore Monod, heures lourdes des débuts d’après-midi, que cette plaine est donc vaste, cette dune épaisse, cette falaise haute. Ce malicieux soleil, si pressé tout à l’heure d’aller se percher sur ma tête, en bonne posture pour lâcher sur mes épaules sa chape de feu, a l’air de se plaire au zénith et de n’en redescendre qu’à regret, en tout cas avec une singulière lenteur. Et toujours de face, je reste bien planquée sous mon chèche.

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A 1 km des CP, je les cherche de vue. C’est comme une chasse au trésor, avec la distance qui diminue sur le GPS. Quand je vois la tente, j’ai trouvé le trésor ! Des fois on la voit de loin, parfois à moins de 100m. Tout dépend des ondulations du terrain et des acacias.

Je retrouve Jean-Claude au CP37. Là encore, le repas n’est pas prêt. C’est le jeune gardien qui ne parle pas français. Jean-Claude s’en occupe. Il lui fait bouillir l’eau et détermine la quantité de spaghetti à mettre, car le cuisinier allait en faire pour un régiment. Certes, j’ai faim, mais tout de même. Ce sera prêt en 10 minutes.

L’ongle de mon gros orteil s’est ravivé depuis quelque temps. Il est de nouveau purulent, et j’ai beaucoup de mal à le purger. Ca ne me gêne pas trop, mais je ne peux pas le laisser comme ça. De plus, les autres orteils jusqu’ici épargnés de malheurs, commencent à se réveiller. Une ampoule pointe sous le petit orteil. Je demande à Jean-Claude s’il a vu récemment Marion, le médecin, mais ce n’est pas le cas.

La nuit est bien là maintenant. Je n’ai jamais souffert du froid la nuit, j’ai même rarement mis ma veste.

Je retrouve Fifi au CP38. Je vais y dormir mes 4 heures.

Le terrain est maintenant très caillouteux et toujours vallonné. Je quitte la piste. Un 4x4 me rattrape. C‘est Alain, qui n’a visiblement qu’une préoccupation : ma balise est en panne. Il est accompagné de Jean-Claude et Patrick. Et moi je n’ai qu’une envie, m’assoir et ne pas rester debout près de la voiture. Le chauffeur me cède gentiment sa place, à la demande de Patrick. Alain reconnecte ma balise. Je ne suis pas très contente de porter le poids d’une balise qui ne fonctionne pas.

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Plus loin un autre 4x4 surgit à mes côtés. Décidément c’est le jour des 4x4. Cette fois c’est Marion, qui me donne rendez-vous au prochain CP qui est à 5km. Elle a eu le message de Jean-Claude pour mes petons.

Donc je la retrouve au CP39. Gérard Cain l’accompagne, qui a malheureusement dû abandonner. Du coup j’ai des nouvelles fraîches de tout l’arrière de la course.

Mes chaussures et mes chaussettes commencent à sentir fort mauvais. Il faut dire que mes blessures suintent en permanence. Je dois tout d’abord me laver les pieds dans une… bassine souple, comme spécialement conçue pour les CP dans le désert. Puis Marion peut dorloter mes pieds.

Je change les pansements quand ils deviennent trop humides. Les mouches adorent, je dois les chasser des plaies avant de les recouvrir le plus rapidement possible.

Elle me demande si je sais encore quel jour on est. Oui, ça je sais. Par contre je ne sais plus situer quand sont arrivés les évènements, car j’ai l’impression que désormais, 1 CP = 1 jour. Ca fait 39 jours que je me balade ?

Le trajet vers le CP40 est de nouveau verdoyant, du moins avant la nuit.

Les dropbags y arrive en même temps que moi. Ouf, j’ai grand besoin de chaussettes propres. Les miennes sont devenues vraiment raides et puantes. Quant aux bâtons en cas d’épuisement, je n’en ai pas besoin. Ils resteront dans le sac. Pat et Gégé n’ont sûrement pas dû avoir leurs affaires.

Le ravitaillement est livré, il y a du pain tout frais.  

Je commence à me déplacer instinctivement à quatre pattes dans les CP, bien que je n’aie pas de problème pour me lever. Quoique je préfère tout de même m’accrocher à quelque chose, non pas par fatigue des jambes, mais pour m’aider à garder mon équilibre. Et il n’y a qu’une chose pour s’accrocher : le poteau central de la tente, qui n’est que posé par terre. Je fais vaciller toute la guitoune à chaque fois.

Je commence à trouver mon sac de plus en plus pesant. Pourtant il n’y a rien en supplément dedans. Je refais le calcul des piles, le plus lourd, sur le temps maxi, on ne sait jamais ce qui peut arriver, pour ne pas en porter en excès, mais j’ai juste ce qu’il faut.

L’heure de mon arrivée aux CP nocturnes se décale de plus en plus, si bien que je vais commencer à passer la nuit entière dehors et à dormir le matin, ce qui ne va pas. Il faut me rendre à l’évidence, je n’ai plus qu’à faire la pause au bout de 2 CP au lieu de 3 pour me recaler de bonnes nuitées. C’est donc dodo au programme.

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Je repars dans l’obscurité. En tout cas, ça monte continuellement. Quand le jour se lève, je suis en train de contourner une montagne vers un col. C’est très beau avec le lever du soleil et la vue en haut est magnifique.

Nouvelle direction, droit vers l’ouest pour accomplir notre grande boucle, et la région de l’Amatlich. Du coup c’est le soleil levant que j’aurai de face, et je n’ai plus besoin de la protection de mon chèche.

Je finis par couper une route, il n’y en a qu’une, c’est la route d’Atar à Nouakchott. Le coin redevient bien vert, avec des arbres. Je passe une antenne, un peu de cultures, et le CP41 m’attend.

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Désormais il y a le réseau téléphonique, et les gardiens de CP se tiennent au courant entre eux de nos arrivées. Ils ne me demandent plus quand va arriver le coureur suivant, question à laquelle je suis bien incapable de répondre, et le repas est prêt à mon arrivée. Ils ont le temps de préparer des légumes avec les pâtes ou du riz.

Justement, c’est du riz au menu. Le cuisinier utilise une grosse écumoire pour le service, qu’il laisse sur le couvercle de la marmite, toute collante de riz. Les sirlis flûtistes du coin s’en donnent à coeur joie pour venir picorer les grains sous la tente. Pas farouches pour un sou. Ca m’enchante

Seul bémol à ma plénitude, et de taille, à chaque fois que je dois remettre mes chaussures au moment de repartir, j’appréhende la douleur intense qui s’annonce, et je me mets à trembler de tout mon corps sans pouvoir me contrôler. Heureusement la pointe de souffrance ne dure pas. Après il faut bien une demi-heure de peine à marcher avant que les pieds soient assez chauds pour que les mauvaises sensations diminuent. Néanmoins ma foulée est modifiée par rapport à la normale, je minimise en permanence l’appui du talon gauche sur le sol, et je crains l’apparition d’une tendinite éventuelle. Mais non, j’y échapperai. Jusqu’à présent je n’ai pas pris de paracétamol pour atténuer la douleur permanente, et je n’en prendrai que si je ne parviens vraiment plus enfiler les chaussures.

Dunes claires, le pays blanc à ma droite, et falaises sombres, le pays noir à ma gauche, s’étendent de nouveau à perte de vue, de part et d’autre de mon cap. Je progresse non loin de la route, je vois les voitures au loin. Je pénètre dans un champ de barkhanes. Elles deviennent de plus en plus grandes, étonnant mélange minéral d’arêtes et de modelés, de brutalité et de tendresse, de vigueur et de courbes. J’essaie néanmoins de les éviter au maximum en les contournant sur la gauche car je dois les franchir perpendiculairement, mais peine perdue, elles s’étendent.

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Mais c’est tellement beau et tellement chouette. Je préfère être là plutôt qu’à longer la route.

Tiens, dans un creux je tombe sur une chamelle et son chamelon, pas vieux du tout ce bout d’chou.

La durée de ma progression étant rallongée par cette forte ration de dunes, une petite faim s’annonce. Ne nous laissons pas abattre. Je m’installe confortablement dans le sable et grignote un paquet de nouilles chinoises. J’en ai dans chaque dropbag et toujours un dans mon sac. C’est mangeable en snack, et les nouilles, ça change… des pâtes des CP.

C’est l’affectueux petit vieux qui m’accueille au CP 42, avec une bonne gamelle de riz. Il est 17h, et j’aimerais prendre l’asphalte pour la nuit, plus rapide que les dunettes, puisque je ne peux pas profiter du paysage. Privilégions la facilité. Pas de problème, le CP suivant est près de la route. Quand j’arriverai à l’antenne, je prends à droite. Il ferme son CP, c’est-à-dire qu’il rabat juste la porte de toile et m’accompagne jusqu’à la chaussée proche. Il n’attend pas son prochain coureur avant demain, et préfère aller passer la soirée avec ses copains du village voisin.

Le bas-côté du bitume est sableux, mais facile pour y marcher. Je me contente de mettre l’éclairage de ma lampe à fond à chaque fois qu’apparaît un véhicule. Il n’y a tout de même pas grande circulation. Les conducteurs ne doivent pas souvent voir une marcheuse sur la route au milieu de la nuit. D’ailleurs en voilà un qui s’arrête pour prendre des nouvelles. Tu vas où ? A l’antenne. Ah, bien, et il repart. Ce n’est pas étonnant que j’aille à l’antenne à cette heure indue ?

Il y a un nombre impressionnant de pneus de camion éclatés sur le bord. A chaque fois qu’un camion arrive, je me dis que si son pneu éclate juste à côté de moi, je n’en mènerai pas large.

A la fameuse antenne, je prends donc à droite, sur une bonne piste qui me mène rapidement au CP 43, dans les arbres. J’y retrouve Fifi. Lui aussi a pris la route. Et pour lui, c’est le maire du village qui allait voir ses chamelles qui s’est arrêté pour prendre de ses nouvelles. Il repart avant moi, car je vais dormir. Il a l’intention de continuer sur la route.

A mon tour de repartir. Alors, route ou dunes ? Je pars d’abord en direction de la route, avant de changer d’avis et de me diriger vers les dunes. Le jour va se lever, et j’en profiterai bien encore. J’ai bien fait car les 2 directions commencent à diverger. Marche, emplis tes poumons de l’air immaculé du désert, repose-toi dans la paix des soirs et repars dans les beaux matins, avec un cœur tout neuf. Car elles sont belles ces dunes.

Il y a de plus en plus d’arbres. Le CP44 est à l’ombre d’un acacia.

Je sors de l’erg pour retrouver un secteur très vert, avec beaucoup de buissons. Il y a beaucoup de nids dans les arbustes. Ca ne veut pas dire qu’ils sont de l’année. Avec toute cette verdure, même si elle est très épineuse, il y a également des maisons et des chèvres.

Eh, je rêve, des grosses gouttes de pluie ! Enfin, quelques gouttes, ça ne dure pas.

Fifi est au CP45. Il a décidé d’y stopper définitivement sa rando.

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Nous avons la visite d’un vieux berger avec un énorme troupeau de chèvres, qui fait la causette avec le gardien du CP.

J’ai besoin de me laver. Je m’installe derrière la tente avec les chèvres. Je suis toute nue ou presque quand le berger sort rattraper quelques fugueuses.

La nuit tombe avant que je parvienne à une bifurcation stratégique qu’il ne faut pas louper. Je suis sur une bonne piste de sable, mou au demeurant, et je dois tourner à gauche pour monter dans un pierrier. Dans le noir je ne trouve pas la piste au point GPS indiqué. Je la cherche vainement par plusieurs aller-retours. Bon, je n’ai plus qu’à me taper le pierrier tout droit. Je ne sais pas où va me mener cette histoire, et de plus mes pieds n’apprécient pas. Coup de bol, je tombe sur la piste assez rapidement un peu plus haut. Ah oui, là au moins on peut marcher, rien à voir avec les quelques centaines de mètres que je viens de faire. C’est un soulagement. J’arrive à un petit col, au milieu des grosses caillasses. J’aurais vraiment eu du mal en hors-piste.

Je traverse un village endormi. Là aussi j’ai du mal à trouver l’embranchement pour l’oasis suivante au point GPS requis. Je dois de nouveau couper tout droit. Et je tombe inévitablement sur la cour d’une maison, et l’enclos à chèvres. Il y a 3 ou 4 chèvres dans une espèce de petite cage dans toutes les cours. On les rassemble en un seul gros troupeau pour la journée.

Je contourne tout ça comme je peux, je finis par sortir du village et je me retrouve dans du sable tout mou, jusqu’à croiser une belle piste, qui s’avère être à peu près dans la bonne direction. Elle va me mener à la fameuse oasis, le CP46 est à l’entrée du village suivant. C’est une maison, en branchages et feuilles de palmiers. Le gardien a eu la gentillesse d’allumer un cyalum devant pour me l’indiquer.

C’est le petit jeune. Il a progressé et fait tout pour m’être agréable. Malheureusement pour lui, ma natte est pleine de fourmis. Normal, je vois des miettes de nourriture qui traînent. Or je ne supporte pas les fourmis, je me bats avec elles chez moi. Je lui conseille vivement de faire le ménage dans son CP et de passer le balai. Le pauvre, il en prend encore pour son grade. Surtout que j’y dors mes 4 heures.

Je commence à ne plus supporter la forte odeur de mes chaussures tellement elles sentent mauvais, ni celle de la crème NOK. C’est que j’y ai le droit à tous les CP quand je les enlève. Il y a maintenant en permanence un horrible jus au fond, mélange de suintement et de sable. C’est peu ragoûtant.

Au lever du jour, je me rends compte de l’environnement. Ce ne sont que de grosses pierres très noires, posées sur un relief montagneux. Impossible de quitter la piste. Heureusement que je l’ai trouvée cette nuit. Et la piste est loin d’être la direction la plus directe indiquée par le GPS. Le prochain CP est annoncé à 21 km, en réalité, c’est beaucoup plus. Je mettrai jusqu’à plus de 10 heures sur ces trajets à rallonge.

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Je traverse le village, où il y a du sable très mou. J’entends même l’appel de la mosquée.  Puis c’est un autre gros village où Il y a du monde. En fait peu de familles y résident à l’année. Par contre ça regorge de monde à la période de la récolte des dattes, en juillet. Le chemin serpente entre les maisons. J’arrive à la barrière de l’entrée de l’oasis. J’aurai dû arriver par là en fait.

Me voilà sur une belle piste, entre dattiers et dunes. Le GPS m’envoie sur la droite, en plein côté sable. Et bien allons-y, j’en ai marre de la piste. C’est un grand plaisir d’escalader le premier monticule. Je me retrouve devant une clôture de plantation. Je passe sous le barbelé, pour en ressortir un peu plus loin, de nouveau dans les dunes. Je descends dans un large oued très sableux et magnifique, où je rejoins la piste. L’oasis à ma gauche est très vaste, avec quelques puits en bordure. A ma droite se trouve une dune immense, très claire. Qu’elle est belle ! Le GPS m’envoie en plein dedans. Mais il est impossible de la gravir. Pourtant, comme elle me tente !

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Je me contente de l’oued, en lorgnant sur ma droite. Apparemment, j’en ai pour plusieurs km pour contourner le monstre. Ah, un passage se dessine, avec quelques traces de chameaux. Je m’y engouffre sans hésiter. Ca grimpe dur, je ne sais pas ce que je vais trouver derrière. Je surplombe un village, et je continue en haut au milieu des vagues blondes de quartz. Quel bonheur !

A la fin de la grosse dune, je culmine une plaine. Quant à moi, je dois redescendre de biais et longer le pied de la grosse dune suivante. Et c’est dans un champ de dunettes que je me retrouve pendant un bon bout de temps. J’y vois les traces de Pat et Gégé, j’ai retrouvé le chemin normal.

Je finis par atteindre une zone plus rocheuse, agrémentée de quelques troupeaux de chèvres.

Le CP47 est planqué sous un acacia. C’est cuisine au feu de bois. Dans la discussion avec le gardien, il m’apprend que l’arrivée est peut-être décalée au CP49. Ah bon ? Peut-être ou peut-être pas ? C’est que ça change tout dans ma gestion des derniers efforts. Je ne peux pas me réjouir trop tôt.

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Je longe une grande oasis. Il y a quelques femmes le long de la piste. Un 4x4 me rattrape. C’est Fifi. Tout le monde me confirme que l’arrivée est bien avancée.

La nuit tombe, ma dernière nuit. Je suis la piste et arrive devant un portail fermé et une longue clôture bien solide. Par où passer ? Jusqu’ici les clôtures ne m’ont pas donné d’état d’âme, mais là, je coince psychologiquement. Je la longe par là droite, par la gauche. Rien à faire, ça ne passe pas. C’est l’heure des insectes attirés par ma lampe, et je suis assaillie dès que je m’arrête. Pour comble de malheur, il y en a un qui a la bonne idée de se planquer dans mon oreille. Ca bourdonne là-dedans, et j’ai un mal fou à faire ressortir le petit papillon.

C’est pourtant évident, la piste est nettement tracée via le portail. Pourquoi est-ce que je ne ferai pas pareil ? Il ne me reste qu’à ouvrir ce portail et à continuer. Je traverse une grande oasis, avant de repasser un autre portail, ouvert celui-là.

Je passe dans un gros village. Le GPS m’envoie à gauche toute, et la piste part à droite. Ca m’énerve ces rallonges. Je finis par prendre à gauche à travers le village. Une nuée de jeunes filles surgit de la nuit. Tu vas où ? A la tente qui ne doit pas être loin, à seulement 1,5km d’après mon GPS. Les filles se proposent de me montrer le chemin et me ramènent sur la bonne piste, elles savent très bien où est le CP.

Et le voilà, le CP48, le dernier avant l’arrivée. Pour finir en forme, je vais y dormir 1h. Je me déleste de tout ce dont je n’ai plus besoin dans mon sac, l’excédent de piles et ma couverture.

Je repars légère, en pleine nuit. Je traverse encore un village. Moi qui n’ai jamais regardé le roadbook, j’ai eu la bonne idée de le consulter au CP. Je dois passer près d’un puits avant une oasis, pour trouver la bonne piste après. J’arrive à la barrière de l’oasis et je cherche le puits. Vainement. Il y a des traces de 4x4 qui partent dans plusieurs directions au milieu des dattiers. Je les suis toutes, sans succès. Elles m’amènent soit à la clôture, soit dans d’énormes rochers, mais aucun puits en vue. En fait il était avant la clôture, je ne l’ai pas aperçu, et je le cherche après la clôture.

1000km dans le désert mauritanien

J’ai bien visité cette oasis pendant 2 heures, pour ma dernière nuit, avant de me décider à suivre la piste principale tout droit qui traverse les cultures et de ressortir par l’autre barrière. C’était tout bête.

Ca commence à monter, dans les cailloux. Et ça monte toujours, et il y a de plus en plus de pierres. Le lever du jour pointe. J’y vois un peu plus clair autour de moi.  Ah oui, ça monte, c’est même carrément une petite montagne. Un vallon est couvert de sable très blanc, au milieu de toutes cette roche. C’est grandiose.

Il ne me reste plus que 10km à musarder. Pour moi, ce n’est pas la ligne d’arrivée qui me réjouit, c’est profiter de ces 10 derniers km, les meilleurs. Je suis bien, en plus dans une partie montagneuse, ce que j’aime, et seule au milieu de toute cette beauté, ce que j‘aime aussi. Je m’octroie une petite pause pour en profiter, la seule de cette longue balade, en grignotant les fruits secs de ma ration de survie, qui ne m’a pas servi et qui ne me servira plus.

Un peu plus loin je croise un groupe de touristes français avec leurs chameaux. Leur guide me demande : tu es avec qui toi ? Pour une fois, on ne me demande pas où je vais. Avec Boydya. Ah, le marathon ! Tu es presque arrivée, ce n’est plus loin. Enfin, c’est un peu plus long qu’un marathon. Du coup les randonneurs tombent en admiration. Tu as fait 1000 km ? Enfin, 995 pour l’instant, il m’en reste 5 à faire.

J’arrive en haut du chemin, et voilà, ils sont faits.

Nous sommes le 20 novembre à 9h45, ma virée de 1000km a duré 15 jours et 2h45. Pas mal !

1000km dans le désert mauritanien

Alain et Fifi m’accueillent. Je me prête aux photos d’usage d’arrivée, mais je n’ai qu’une hâte : enlever définitivement mes chaussures ! Ce que je fais aussitôt. Alain veut m’offrir un coca frais, il y a une boutique au CP49, mais je n’en ai pas besoin. L’eau me suffit.

Et j’en apprends une bien bonne. Ma balise ne fonctionne plus depuis 3 jours. Quoi ? Toi tu ne te perds pas, alors je ne t’ai pas couru après pour la réinitialiser. Et moi qui trouvais mon sac lourd, j’ai porté ce truc pour rien ? Et les personnes qui m’ont suivie sur internet ont dû me croire occise.

Alain me propose de me reposer avant d’aller au campement, mais Fifi insiste pour qu’on parte tout de suite. Il a raison.

Le CP49 est à la passe de Tifoujar où la vue sur le canyon et la vallée au fond est magnifique. C’est donc en 4x4 que je dévale ce canyon, exemptée du CP50. La descente dans le sable très mou est impressionnante.

On arrive au campement après un grand village. J’y suis accueillie par les quelques coureurs qui sont présents, dont ceux qui ont abandonné et qui me portent ma valise jusqu’à mon bungalow, alors que je me déplace en chaussettes. Comme le sable est omniprésent, je circulerai désormais en sandales et chaussettes.

S’il n’y a pas d’électricité sur le site, il y a un puits avec une pompe solaire, donc une vraie douche ! Quel luxe !

Dom et Titi ont mis 12 jours, Pat et Gégé 14 jours. Takao arrivera le lendemain, et le reste de la troupe le vendredi, date limite octroyée, en 2 groupes : d’abord Brigit, puis le trio Joël, Baudoin et Bernard.

Pendant ce temps, je m’octroie une petite virée à l’oasis de Terjit, merveille du Sahara, petit paradis niché au fond d’un canyon, où coule un vrai ruisseau au milieu des dattiers. Avec l’ombre et l’humidité, les parois sont couvertes de mousses, de capillaires, de plantes hygrophiles. On y trouve même un ficus. La baignade est un bonheur.

1000km dans le désert mauritanien

Marion me soigne les pieds après Terjit. En enlevant le pansement de l’ongle, ça remue. Ah ! Et en soulevant l’ongle qui ne tient presque plus, ça s’agite carrément. Je fais un élevage d’asticots. On aura tout vu ! Marion les retire un par un à la pince à épiler.

J’ai fait prendre un bon bain à mes pompes, mais rien à faire, l’affreuse odeur persiste.

Au bout de 2 jours de repos, j’en ai marre d’avoir toujours aussi mal aux pieds, et c’est là que je commencerai à prendre du paracétamol.

Les inséparables Takao et Tassouko viennent me rendre visite pour mitrailler tout mon équipement technique, souvenir à étudier au Japon.

La vie de l’oued se déroule sous mes yeux. Je partage le thé avec les bergers, Mitou le prépare sans sucre spécialement pour moi.

1000km dans le désert mauritanien

Pour clôturer ce séjour dans le désert, c’est la dernière soirée avec la traditionnelle remise des récompenses et un bon méchoui. On termine autour d’un feu avec l’équipe des chauffeurs, et un bon thé mauritanien.

1000km dans le désert mauritanien
1000km dans le désert mauritanien

C’est mieux que le régime CP. J’ai ingurgité une centaine de sardines en 15 jours. Plus jamais de sardines de ma vie s’il vous plaît ! Par contre, la cure de dattes n’est pas limitée.

J’ai perdu la bagatelle de 4 kg dans l’affaire, très vite au début du parcours, puis ça s’est heureusement stabilisé.

Le site du campement est magnifique, dans une vallée d’oued entre 2 barrières montagneuses de pierres ocres. Dernier lever de soleil au milieu de ces ravissantes couleurs, avant le départ pour Atar et l’aéroport.

1000km dans le désert mauritanien

Dans la salle d’embarquement, une dame m’accoste. C’est Mireille, toujours accompagnée de Jean-Pierre ! Ils étaient bénévoles à Oman et sur la Transpyrénéa, et viennent de faire une semaine de circuit 4x4. Ils ont vu la banderole d‘arrivée de la course et m’ont reconnue tout de suite.

Arrivée en France, je fais un saut à Lille chez ma sœur entre 2 avions, en sandales au mois de novembre. Il y aura 3 médecins autour de mes petons !

Bravo à Dominique et Thierry, qui n’ont rien lâché jusqu’au bout.

Bravo à Patrice et Gégé, qui auront mis la bagatelle de 10 CP pour me doubler !

Bravo à Takao, qui a couru seul, comme moi.

Bravo à Brigit, la princesse du désert.

Bravo à Joël, Baudoin et Bernard pour leur ténacité.

Et bravo à Philippe, Benoît, Malek, Gérard et Jacques, qui n’ont malheureusement pas pu arriver au bout, et qui m’ont soutenue le long du parcours au hasard de nos rencontres.

Merci à Marion pour ses petits soins, si prévenante et toujours dans la bonne humeur.

Merci à Philippe, qui n’est malheureusement pas resté longtemps avec nous.

Et surtout un grand merci à Alain, qui m’a permis de vivre cette formidable aventure.

Merci également à Boydya et toute son équipe pour l’organisation sur le terrain, son professionnalisme et sa gentillesse.

Et merci à Nicolas qui s’est occupé de mes petons en débarquant tard le soir à Lille.

De retour à la maison, ils vont se mettre à peler. Je vais avoir des pieds neufs.

Je vais vivre en savates pour un petit bout de temps, ce qui ne pose pas de problème à la Réunion, même au boulot.

Je vais rêver la nuit que je marche dans le sable, sans jamais m’arrêter.

Quant à mes chaussures, elles seront aspergées d’eau de Cologne, seul subterfuge efficace pour une utilisation ultérieure possible.

Pour prolonger l’aventure, je n’ai plus qu’à relire Théodore Monod.

L’Adrar est un immense plateau gréseux grossièrement tabulaire bordé d’une haute falaise, mais en fait à l’échelle du piéton-coureur que nous sommes, il est puissamment accidenté, tout cisaillé de gorges, s’effondrant par endroits, se plissant ailleurs jusqu’à des bancs relevés à la verticale. Quel beau terrain de jeu, entre dunes, regs et buttes rocheuses !

Si une randonnée chamelière vous tente, n’hésitez pas, allez en Mauritanie.

1000km dans le désert mauritanien
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15 mai 2018 2 15 /05 /mai /2018 11:27

Mont Gaoligong, qu’est-ce que c’est que ça ? Ou 高黎山径si vous préférez. Ca paraît chinois. Eh oui, je me dirige cette fois vers le Yunnan, au sud-ouest de la Chine. 

Une petite présentation s’impose : Le Yunnan est très touristique, mais pas Tengchong où a lieu la course. Les monts Gaoligong sont tout près de la Birmanie, ils culminent à 4000m, et à 3000m près de Tengchong. La forêt y est très préservée, et cette chaîne de montagnes est classée au patrimoine de l’UNESCO.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Il y a 3 distances proposées : 55km, 128km, et 160km avec 8000m de dénivelé. J’opte pour cette dernière évidemment. L’organisation de la course bénéficie de l’aide logistique de l’UTMB. Il faut des points ITRA pour s’inscrire. Pour les novices, il faut avoir fait l’équivalent du trail de Bourbon dans les 2 années précédentes. Nous sommes 450 inscrits sur la longue distance, je suis la seule française.

Une fois le visa en poche, ce qui ne fut pas une mince affaire, et 3 avions d’affilée depuis la Réunion, je débarque à Tengchong quelques jours avant le départ, prévu le vendredi soir 9 mars 2018 à 20h, histoire de m’acclimater. La ville est à 1600m d’altitude, c’est le printemps et il fait encore froid la nuit, qui d’ailleurs dure 12h, de 19h30 à 7h30. Je crains le froid, et les nuits de course vont être longues.

Tengchong s’avère être une belle région volcanique avec des cratères et des sources chaudes, que je prends le temps de découvrir.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je vais chercher mon dossard le jeudi matin. Il y a contrôle du matériel obligatoire. A ma grande surprise, on ne me demande pas mon certificat médical. Et on ne vérifie pas que mon téléphone fonctionne en Chine, ce qui justement n’est pas le cas. J’avais cru comprendre qu’on pourrait acheter une carte prépayée sur place, mais non. Une bénévole qui parle anglais m’explique où je peux en trouver et m’écrit en chinois ce qu’il faut demander, car personne ne parle anglais à Tengchong. Malgré cela, ce fut bien difficile. Je suis sauvée par 2 chinoises de Kuala Lumpur qui sont comme moi et qui parlent anglais, ce sont elles qui achètent ma carte. En plus elles ont une voiture pour se déplacer, j’en profite.

J’ai le droit à une interview par la télé locale, avec interprète. Je crois bien que mes cheveux blancs occidentaux sont repérés.

Le jeudi soir, c’est le briefing anglophone. Mais… c’est Pavel qui présente ! Pavel est un russe qui faisait partie de l’organisation de la course que j’ai faite au Bouthan il n’y a pas si longtemps que ça. Je suis heureuse de le retrouver. Et je suis assise à côté de Véronique Messina, dont je connais le nom car nous avons fait certaines mêmes courses en Asie, mais jamais ensemble. Elle me suit sur le blog d’A2R ! Nous ne sommes pas sur la même distance cette fois.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

L’arrivée de la course étant à Heshun, vieux village très pittoresque à 5km de Tengchong et donc du départ, je change d’hôtel pour loger près de l’arrivée. Du coup le vendredi je profite de l’arrivée du 55km.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Mon tour vient. Je prends le bus de l’organisation en fin d’après-midi pour rejoindre le départ.

Il y a beaucoup de minorités ethniques au Yunnan, et ce sont des Yi, du moins je crois, qui font l’animation. Le monsieur est habillé tout en blanc et les dames sont en bleu clair, avec un grand chapeau genre abat-jour qui fait gling gling. En fait elles sont très belles.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Il fait nuit maintenant et je me trouve un coin au chaud pour attendre 20h. Avec les coureurs d’élite en plus, ceux qui ont leur place réservée devant. Il y a quelques étrangers. Je grignote un petit pain à la vapeur, délicieux.

Ca y est, c’est parti. On passe sous une porte chinoise, avant de parcourir une partie de la ville. La circulation a été déviée pour nous.

J’ai pris des bâtons, ce qui n’est pas du tout dans mes habitudes. Pour l’instant, ils sont accrochés sur mon sac. Mais ça ne dure pas, voilà qu’ils se cassent la figure. Déjà. Bon, autant les prendre à la main dès maintenant.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

D’ailleurs nous sommes rapidement en montée, d’abord dans les quartiers résidentiels, puis sur les sentiers. Je n’ai plus qu’à déplier les bâtons. Ca grimpe tout de suite assez raide jusqu’à 2400m d’altitude, mais sans difficulté particulière, il n’y a ni pierres ni racines. Nous sommes dans une partie qui semble être des prairies, c’est difficile à dire de nuit. En tout cas, je double. Et je profite de la vue de Tengchong illuminée en bas, avant d’entrer dans la forêt.

Les CP sont à peu près tous les 10km, et c’est déjà le premier. Je ne m’y arrête pas. C’est vallonné jusqu’au CP2, on reste en altitude. Du coup j’arrête rapidement de mettre et défaire les dragonnes des bâtons, ça me fait perdre du temps et je ferai toute la course sans dragonnes et sans ranger les bâtons. Je ne les utilise qu’en montée.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Puis c’est une longue descente jusqu’au village du CP3. On a changé de vallée. Apparemment on la traverse, le chemin est facile et le CP4 est juste après le passage d’un pont suspendu. Il fait toujours nuit, donc je ne profite pas du paysage malheureusement. Dans tous les CP il y a un bénévole qui parle anglais, c’est très sympa.

Je commence à avoir un petit creux, il est 1h du matin. On me propose de la soupe de riz qui ne m’emballe pas, il n’y a plus de nouilles dans la soupe de nouilles. Je ne prends que du bouillon et me rabats sur les snickers. Je vais regretter nos tucs ?

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je repars, ça monte maintenant et ça y est, j'attaque le fameux mont Gaoligong. Et j’ai rapidement un coup de barre. Ce doit être la nuit qui pèse, même si je ne ressens pas l’envie de dormir, et le peu de nourriture que j’ai pris. Ma réserve de barres y passe. Nous sommes dans la forêt, je n’en vois pas plus.

Le CP5 est dans un village, à 1900m d’altitude. Dans les villages, ce sont des grandes maisons. Par contre les étables sont petites et elles ne sont pas closes. Les vaches me regardent passer et leurs yeux brillent dans la lumière de la lampe. J’ai le droit cette fois à une bonne soupe de nouilles. Ca me requinque, j’en avais besoin. De quoi repartir d’un bon pied, j’ai de nouveau la pêche.

Le parcours change de direction. Jusqu’à présent nous allions plein est, maintenant c’est plein sud. On suit la crête de la montagne, jusqu’à atteindre progressivement 2800m. Je craignais le froid de la nuit, mais ça va. Je porte un maillot à manches longues, un collant ¾ et des grandes chaussettes, avec un short sous le collant pour me garder les fesses au chaud. C’est efficace. Et des gants, ça tient chaud aussi.

L’étape est longue et le jour finit par se lever, il est 7h30. Le paysage se révèle magique avec le lever du soleil sur la montagne et la forêt, la vue portant vers l’aval, la vallée et la plaine au loin. Les couleurs sont ocre et or au petit matin. On entend quelques villages plutôt que de les apercevoir, un chien qui aboie, une maison qui apparaît au détour du chemin.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je quitte le sentier pour une piste, qui me mène au CP6, perdu dans la forêt. Je n’y fais qu’un bref arrêt, je me sens en forme après cette longue nuit. Je suis prête à repartir, quand on me demande une interview pour une télé. Encore ! Quelle vedette ! Et toujours un traducteur à ma disposition !

Je peux enfin profiter du paysage. Je suis dans une belle forêt de feuillus, sur un sentier facile, avec de faibles dénivelés. Enfin, ne levons pas trop le nez, car hop, je pique justement du nez dans le tapis de feuilles, fort moelleux d’ailleurs. Pourtant, aucun obstacle par terre, ni pierre, ni racine. Heureusement que je n’ai pas mis les dragonnes des bâtons. J’en perds toutes les épingles qui tiennent mon dossard. Les chinois qui me suivent viennent aux nouvelles, tout va bien. L’un d’eux, déguisé en léopard des neiges, me donnent de nouvelles épingles. Car nous sommes sur les terres des léopards des neiges, mais je ne les croiserai pas.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je suis maintenant dans une forêt de petits bambous, territoire du panda rouge. Lui non plus, je ne le verrai pas.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

J’arrive au CP7, dans un village. Il est 10h, c’est l’heure de déjeuner. On me propose des spaghettis nature. Il y a également du saumon… en poudre. Eh bien, allons-y pour des spaghettis saupoudrés de saumon. Pas mauvais ma foi.

On commence à sentir la chaleur. J’en profite pour me mettre en short, puisque je le porte sur moi. Et j’ai largement de la place dans mon sac pour y mettre mon collant, puisque j’ai un 10 litres pratiquement vide. Le vêtement supplémentaire à manches longues obligatoire, que je n’utiliserai pas,  ne rentrait pas dans mon petit sac.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je repars sur une portion de sentier qui est une très vieille route pavée depuis 1000 ans paraît-il. C’est par là que transitait le thé échangé contre des chevaux entre le Tibet, la Chine et la Birmanie. Les bâtons sont interdits pour ne pas abîmer ces antiques pavés. Un bénévole nous le rappelle au début du sentier. Ce qui n’empêche pas une chinoise qui semble de mon âge et que je n’avais pas encore vue, d’utiliser les siens à gogo dans la montée, et même devant le bénévole. Elle va plus vite que moi, et je ne la reverrai plus. Est-elle V2 ? Je ne sais pas.

Puis les pavés s’estompent, et je reprends l’usage des bâtons.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Ca redescend un peu juste avant d’atteindre le CP8. Le point culminant de la course n’est plus loin, à 2800m. De là-haut, la vue surplombe la forêt, parsemée de tâches rouges. Ce sont les camélias en fleur. Superbes. Ils jalonnent le sentier et un tapis rouge s’étale par endroit sous mes foulées. J’arrive à une maison isolée, un magnifique camélia devant, sur une petite aire dégagée avec vue plongeante sur la vallée du Nujiang. Les chinois s’arrêtent tous pour une pause photo. Je me contente de m’en mettre plein les yeux.

Dans le coin, il y a 3 grands fleuves parallèles séparés par une chaîne de montagnes chacun : le Nujiang, 3000 km de long, le plus à l’ouest et que je surplombe présentement, le Mékong, 4000 km de long, puis le Yangtse, fleuve le plus long de Chine, 6000 km. C’est un fait géologique rarissime, dû à la jonction des plaques tectoniques Eurasienne et Indienne. Ces 3 fleuves sont encore petits au Yunnan.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je continue de suivre la crête, qui descend doucement maintenant vers le CP9, point le plus au sud de la course, et à mi-parcours. Il est 14h30, et cela fait 18h que je trotte. Cela veut dire que je ne serai pas si loin que ça de la limite horaire finale, surtout qu’il va y a voir une 2° nuit au programme, et pourtant je ne traîne pas.

Je m’assieds par mégarde devant la table médicale. Aussitôt une armada de médecins se présente pour être aux petits soins. Non non, pas besoin, tout va bien. Je m’aperçois que j’ai plein de petites striures sur les cuisses, sans doute j’ai la peau sèche. Voilà l’armada de médecins qui veut panser mes cuisses. Non non, pas touche, tout va bien. Je change de chaise vite fait. Dans tous les CP, les bénévoles sont vraiment très attentionnés.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je repars, en remontant de l’autre côté de la crête du mont Gaoligong vers le nord, parallèlement au trajet que nous venons de faire. Nous restons en altitude, au-dessus de 2000m. C’est toujours cette belle forêt, avec vue sur une autre vallée profonde, celle du Longjiang cette fois, que déjà j’ai traversée en début de course. Il faisait nuit.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

J’arrive au CP10. On pouvait y déposer un sac de rechange, ce que je n’ai pas fait. Du coup les coureurs y font un long arrêt, inutile pour moi. Je m’attable pour une bonne soupe de nouilles. Dilemme. Comment attraper de longues nouilles avec une cuillère, ne sachant toujours pas utiliser des baguettes ? Bref, j’en mets partout.

Je repars revigorée, toujours sur la même crête.

Mes compagnons de course ayant changé de tenue, je ne les reconnais évidemment pas. Ils ont tous la même tête, je me fie à la couleur du maillot. Désormais, je serai à peu près avec les mêmes jusqu’au bout.

La crête se prolonge jusqu’au CP11. Je finis par arriver sur une petite route, il y a des grands panneaux en chinois, et une espèce de crémaillère au-dessus de ma tête, fort surprenante. Puis des espèces de grandes tentes alignées en hauteur. C’est un hôtel.

Un coureur chinois vente mes qualités de descendeuse. Il me le répètera jusqu’à la fin. Le chemin étant sans obstacle, c’est facile pour moi de descendre vite par rapport à la configuration réunionnaise. Je double à gogo dans les descentes.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Après le CP11, je quitte le mont Gaoligong. Changement de direction, plein ouest, je me dirige vers Tengchong. Mais c’est encore loin, à 60km. Pour l’instant, le sentier serpente dans la forêt. Ce sera la seule  portion avec des racines et techniquement la plus difficile. Mais ce n’est pas long, j’arrive à un petit col, dégagé. Il y a 2 bénévoles en haut, près d’un feu car la nuit va tomber et la fraicheur s’installe. L’endroit me plait pour m’assoir dans l’herbe, Je leur fais signe que je vais me déshabiller. Ils se retournent gentiment et je prends mes aises pour enlever mon short et enfiler le collant. Ce qui s’avère une mauvaise idée car j’aurai vite froid aux fesses, et je remettrai le short sous le collant, comme j’ai fait la nuit précédente

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Il est 19h30, et j’attaque cette seconde nuit par une grande descente vers la vallée du Longjiang qui est à 1200m d’altitude, point le plus bas de la course. Je sors enfin de la forêt pour arriver dans un village par une porte. Il y a du monde dehors dans la rue. Les magasins chinois sont des petits échoppes ouvertes sur la rue .Ils sont encore ouverts, il est près de 21h. C’est le CP12.

Je traverse la rivière sur un pont de pierre, ce doit être joli de jour, et ça remonte de l’autre côté de la vallée, tout droit dans la pente. J’apprécie les bâtons. Je passe quelques villages endormis. Me revoilà rapidement au-dessus de 2000m.

Le CP13 est dans un village, puis j’arrive au CP14, j’y suis à 2h du matin. Les CP sont à moins de 10km les uns des autres dans cette partie, toujours en altitude. Ca se fait vite et je ne fatigue pas pour l’instant.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je suis maintenant sur une espèce de muret en béton assez long, avec de l’eau en amont. Coté aval, je ne vois rien, mais ça a l’air beaucoup plus bas. Ce serait bien un barrage. Une fois cette mystérieuse rivière traversée, je la suis vers l’aval à flanc de colline. Le sentier est pratiquement plat. Je traverse à gué plusieurs petits torrents.

Je passe à côté de 2 coureurs qui dorment assis dans la pente, ce n’est pas le meilleur endroit pour la sieste.

Le sentier semble long dans la nuit. Il finit par passer de l’autre côté de la colline, et rebelote dans l’autre sens, de nouveau plat et long à flanc de colline comme si on remontait cette fois la vallée suivante. En tout cas, y courir est facile. J’imagine que ce doit être très beau de jour avec la vue sur les rivières.

Je passe à côté d’un parterre de cannas. Mais je les ai déjà vus tout-à-l’heure ceux-là ! Mince, j’aurai fait demi-tour sans m’en apercevoir, lors d’un arrêt pipi par exemple ? Je me remémore le parcours que je viens de faire, impossible d’avoir fait demi-tour par inadvertance, comme cela m’était arrivé de nuit dans la traversée des Pyrénées. Mais le doute s’est installé dans mon esprit, qui en est à sa 2° nuit blanche. Si je ne ressens pas le besoin de dormir, je peux perdre en lucidité. Je scrute les bords du sentier. Non, je n’ai jamais vu cette allée d’arbres, et non plus cette haie d’arbustes.

Je finis par rattraper 2 coureurs, je leur demande confirmation de la direction. Je suis bien dans le bon sens, ouf. D’ailleurs j’atteins une route juste après, qui descend dans la vallée de Tengchong  et le CP 15, qui est dans une ville. Il est 5h du matin, et je viens de faire un long CP de 13km. A entrée de chaque CP, il y a un panneau rappelant la distance et le dénivelé qu’on vient de parcourir, et à chaque sortie un autre panneau annonçant les réjouissances qui nous attendent.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

On contourne Tengchong par le sud. C’est de nouveau la nuit noire une fois sortie des éclairages de la ville, et je remonte dans la forêt jusqu’au CP16. Le jour se lève, et j’arrive dans une carrière. Le coin n’est pas très bucolique. Il y a de grandes banderoles en anglais : la société – nom chinois – supporte le MGU. Effectivement, le CP est installé dans les locaux de la carrière.

Comme dans tous les ravitos, je demande un ginger tea, une infusion de gingembre au miel. C’est très agréable et ça passe bien. La dame qui parle anglais me propose du thé noir à la place, qu’elle préfère au gingembre. Je ferai exception cette fois, pour un thé délicieux. Une des spécialités du Yunnan, c’est bien le thé !

Je traverse un gros village, il y a du monde de grand matin, et je suis très encouragée. Et justement les champs de thé bordent la route. Ils sont en terrasse, et cela forme un paysage très vert et très beau. Un monsieur qui est dans son champ me fait signe de boire en me montrant les plantes, c’est bien du thé.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Encore un petit tour de forêt, avant de rejoindre une petite route qui descend dans la vallée, avec vue sur l’aéroport. Je m’attendais à un sentier, et c’est donc beaucoup plus rapidement que je ne pensais que j’arrive au CP17, le dernier. Ca devient urbanisé, le village n’a pas de charme.

La dame du ravito veut absolument me prendre en photo. Elle veut savoir mon âge. Je lui fais signe 54, elle se confond en admiration. L’interprète me dit que je suis la seule de plus de 50 ans à être passée. Je ne m’attarde pas, il ne me reste que 6 petits km à faire.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Je traverse une grande route, et de nouveau une forte et courte montée se présente. Une fille me double, pendant que j’en double une autre. Puis c’est la descente finale, qui reste très vallonnée. Je galope dans la forêt, j’ai encore beaucoup d’énergie. Il y a quelques coureurs qui semblent avoir du mal.

Je descends déjà vers un village, qui ressemble à Heshun, avec les mêmes maisons en briques grises. Mais non, faux espoir, ce n’est le bon, je ne reconnais pas l’entrée par le haut. J’y fais un petit tour, avant de surplomber un petit lac et de repartir dans la forêt. Heshun est le village suivant. Je traverse la partie haute, puis je descends une des rues principales. Les gens m’applaudissent. Il y a du monde, c’est un village touristique.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Et voici l’arrivée. Dès que je déboule sur la petite place de l’entrée basse du village, quelqu’un lit mon numéro de dossard. 10 mètres plus loin, avant de faire le tour d’un petit lac fort joli avec un kiosque au milieu, on me donne… un immense drapeau français ! A agiter sur les 100 derniers mètres. Je ne suis pas habituée à ce genre de truc et j’ai du mal à le faire flotter en courant. Et je m’en trouve fort émue, alors que ce type de démonstration n’a jamais été ma préoccupation. Et personne ici ne doit connaître notre drapeau tricolore.

Je passe la porte d’entrée d’Heshun, qui est pour moi la porte finale. Il est 10h20, soit 38h20 aux 160km. On me passe autour du cou une ENORME médaille Finisher, qui est en fait un ENORME grelot. Que je n’aurai plus qu’à trimbaler pendant mes 2 semaines de vacance restantes. Mon sac va faire gling gling !

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Immédiatement on me dit que je suis 1° de mon groupe d’âge, les quinquas en l’occurrence, est-ce que je peux venir à la remise des récompenses à 13h30. Au moins, je suis immédiatement au parfum, pas besoin de chercher les résultats. Ma foi oui, je peux venir. Je vois néanmoins ma sieste qui s’envole.

Puis une dame me soutient comme si j’allais m’écrouler, ce qui n’est absolument pas le cas, mes gambettes sont bien moins raides qu’après un grand raid. Je la laisse faire pour ne pas la vexer. Elle me conduit d’office au stand des masseurs, ça a l’air obligatoire. 2 jeunes chinois me prennent en main, m’assoient sur une chaise et me mettent un sac de glace sur chaque genou. Mais mes genoux vont très bien ! Je leur fais comprendre que je préfère enlever mon collant, vu que j’ai un short dessous. C’est mieux pour mettre la glace sur les genoux. Puis on m’allonge et c’est parti pour une séance corsée d’étirements dans tous les sens, et ils tirent fort les chinois. Moi qui croyais qu’il ne fallait pas étirer les fibres fragilisées après un long effort. En tout cas, pas de massage au programme. Bref, pas du tout comme chez nous.

Puis c’est la restauration. Il n’y a plus de viande au moment où j’arrive, seulement un os de bœuf et une patte de poulet. Par contre il y a du saumon fumé ! Ce sera parfait avec le riz cantonnais. Et de délicieux petits gâteaux à la rose en dessert, spécialité du coin. Il y en avait sur tous les ravitos, mais pendant la course ça ne me faisait pas envie. Je me rattrape maintenant. Surtout que je n’ai pas eu de nausée du tout, le régime chinois a l’air de bien m’aller. Et pour arroser le tout, bière ou thé ?

On me prépare mon diplôme, une calligraphie avec mon nom, que le monsieur a du mal à écrire.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

J’ai juste le temps de rejoindre mon hôtel pour une bonne douche et me changer, et c’est l’heure de la remise des récompenses.

Une chinoise me félicite, nous étions au même niveau sur la course me dit-elle. Je lui avoue que je ne reconnais personne, toutes les filles ont les mêmes têtes de chinoises pour moi.

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Les récompenses sont données par de jeunes demoiselles Yi, dans leur bel habit traditionnel. Puis c’est la photo  avec tous les primés, je me retrouve sur le podium à côté de Gediminas Grinius, le lithuanien champion du monde d’ultratrail et qui est déjà venu à la Réunion. Nous en profitons pour faire causette. Il veut revenir sur le grand raid pour battre François d’Haene. Il pense que pour moi, venant de la Réunion, la course du Mont Gaoligong doit être facile. Non, toutes les courses sont difficiles et se gèrent différemment. Celle-ci est plus roulante que le grand raid. Je fais également connaissance avec l’américaine Kristin Moehl, qui a gagné l’UTMB. Me voilà bien entourée !

C’est enfin le moment pour moi de profiter d’une bienheureuse sieste !

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

 

Pour conclure, je termine 88°au scratch, 13° féminine et 1° V2. Mais je ne suis qu’à 3h30 du temps limite, ce qui n’est vraiment pas beaucoup. Sur les 450 coureurs au départ, il n’y en  a que 250 qui ont franchi la ligne d’arrivée. Pourquoi autant d’abondons ? Il faut des points pour s’inscrire, donc il n’y a pas de néophyte, même si les ultras sont récents en Chine. La météo fut clémente. Je n’ai vu que quelques ampoules autour de moi, pas de grands blessés. C’est ce temps limite serré ? Et un regret, celui de ne pas avoir vu les sommets enneigés qui nous dominaient, cette vue était dans mon trajet de nuit ?

 

 

Mont Gaoligong      Yunnan – Chine        Mars 2018

Maintenant, place à quelques randos au Yunnan, qui me mèneront jusqu’à 4700m sur de beaux glaciers, sur un rythme plus tranquille. Gling gling, on peut me suivre !

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7 juillet 2017 5 07 /07 /juillet /2017 18:17
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017

Cela fait quelques années que je n’étais pas allée courir avec Alain Gestin. Quand il a proposé une 333 dans le désert de Gobi en Mongolie, je n’ai pas hésité un instant à m’inscrire.

Arrivée en Mongolie quelques jours avant le gros de la troupe, je rejoins la tribu à Oulan Bator le 8 juin, capitale de la Mongolie. J’y retrouve pas mal de coureurs déjà rencontrés, en Egypte, à Oman, et même sur le Mahoraid à Mayotte.

Cette 333 fait en fait 340km. Il y a des CP tous les 20km environ, où nous pouvons trouver de l’eau et des tentes.

Tous les 2 CP, nous pouvons laisser un sac avec entre autre de quoi se sustenter. J’ai fait les courses à Oulan Bator, je mangerai donc local : des conserves de riz-boeuf et riz-cheval.

Pour se diriger, nous avons les points GPS des CP, et c’est tout. Pas de balisage ni de tracé complet au GPS.

Et enfin une course sans matériel ni calories obligatoires ! Le rêve ! Je pars donc léger, avec un sac de 10 litres, loin d’être plein. Juste un coupe-vent et une très légère polaire pour la nuit, de quoi grignoter entre les 40km, des piles pour la lampe et le GPS, et une mini pharmacie. Et je me contente de 1,5 litres d’eau par CP.

Je préfère me protéger du soleil, je suis donc en collant, et je ressors mon maillot Xbionic rose qui me tiendra au frais dans la chaleur du désert de Gobi.

J’ai définitivement abandonné tout ce qui est Raidlight, sac comme maillot, avec lesquels j’ai toujours eu beaucoup de frottements sur le thorax.

La première journée est consacrée à la préparation des sacs à laisser dans les CP. Le lendemain nous attend un jour complet de 4x4 pour rejoindre le désert de Gobi. Il y a un petit jeune dans le mien qui focalise sur les temps au marathon. Je ne me sens pas concernée, je n’ai jamais fait de marathon de ma vie.

Ce soir nous faisons connaissance avec les ger, les yourtes mongoles.

Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Le lendemain, samedi 10 juin, ça y est, le départ est donné à 9h30 à l’entrée du parc national de Gobi Gurvan.Saikhan pour 40 coureurs. C’est parti !
Direction les gorges de Yol, et ça commence par une belle grimpette. Dominique part vite devant. On le voit une dernière fois en haut d’une montée. Je cours dans la montée, ce qui n’est pas dans mes habitudes sur les longues distances. Mais je ne peux pas m’en empêcher, on a encore rien dans les jambes. J’entre dans les gorges. On rejoint un petit cours d’eau qu’on longe et qu’il faut sauter un nombre incalculable de fois. Il y a quelques vaches qui profitent de l’humidité du coin avec de la bonne herbe. Les parois se rétrécissent, c’est très beau.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Voilà déjà le CP1 à la sortie des gorges. Alain annonce qu’une dizaine de coureurs l’ont atteint. Je prends de l’eau et du coup je m’aperçois que ma poche à eau était mal fermée. J’en profite pour déguster quelques biscuits que Virginie m’a offerts à mon bref passage à Hong Kong, pour me donner de l’énergie.
Encore une courte montée après le CP, avant d’atteindre l’étendue de la steppe.
Je me rends compte que le fond de mon sac est trempé. Ca commence bien. Ma polaire est mouillée. Je l’étale sur mon sac, elle sera vite sèche avec le soleil et le vent. Car nous avons maintenant un fort vent de face.
Un ennui n’arrivant jamais seul, c’est la fermeture de ma casquette qui lâche. Je l’ai pourtant renforcée avant la course. Et sans casquette, je meurs. Je trouve un moyen de la fermer avec des scratchs. Ca tiendra toute la course.
Je peux maintenant me consacrer à ma direction. Je suis pour l’instant sur une piste toute droite, puis qui oblique à gauche. Je prends le cap de mon GPS et quitte la piste, avec un repère au niveau des montagnes tout au fond droit devant. Le groupe devant moi part à gauche, puis à droite, puis à droite droite. Je ne sais ce qu’ils font, moi, je vais tout droit. Je suis mon cap.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
J’arrive au point intermédiaire du CP2, au niveau d’une yourte. Les deux basques arrivent sur la droite à la yourte suivante. Enfin, il y en a un qui a un béret basque, alors on dit les basques, mais il n’y en qu’un qui est du sud-ouest. Ils ont dû louper le point intermédiaire. Je vais plus vite qu’eux et j’arrive au CP2 seule.
Quelques autres coureurs ne tardent pas à arriver. Cyril vante ma légère foulée à côté de tous ces lourdauds aux grosses cuisses. Il trouve que j’ai une trajectoire bien plus efficace que la sienne. Je dois avoir un GPS dans la tête. Non, seulement au poignet, et je le suis, c’est simple.
J’enfourne un riz au bœuf. J’ai du mal à finir la boîte. Ce qui ne m’empêche pas de faire un sort aux petits biscuits hongkongais. Le sucré, ça passe mieux que le salé. Un bon coup de vent arrive et met de la poussière dans toute la bouffe.
Je repars. Je suis au milieu de la steppe, sur une petite herbe courte et sèche. C’est plat. Il y a au loin deux belles chaînes de montagnes, une à droite, une en face. On va vers une espèce de col à la jonction des deux. Le vent est vraiment très fort. Au moins, cela diminue la sensation de chaleur. Mais c’est épuisant de courir. Et je cours. Entre 6 et 7 km/h, je ne bats pas des records de vitesse. Je devrai marcher, mais c’est encore plus lent. Désespérant. Mieux vaut admirer le paysage, je vois ma progression par rapport aux montagnes sur ma droite. Et il y a de temps en temps des troupeaux qui me distraient, moutons, chèvres, chevaux.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Je prends du Daflon pour éviter aux jambes de gonfler. J’ai eu la bonne idée de mettre la plaquette dans une poche du sac qui ne ferme pas, et je m’aperçois que je l’ai perdue. Tant pis, je patienterai jusqu’au CP6 où j’en ai dans mon sac.
J’arrive au CP3, tenu par Claude, la médecin. Les sacs du CP10 sont là, et j’ai justement du Daflon dedans. Me voilà sauvée. Je suis seule au CP. Claude m’annonce qu’il n’y a pas grand monde de passé, seulement 3 coureurs. Fichtre, ça paye de courir par vent de face ! On discute pendant que je mange des nouilles chinoises à peine ramollies et qui craquent sous la dent. Peu m’importe.
Je repars. La nuit ne tarde pas à tomber, vers 21h30. Je ne suis pas la piste et je coupe droit sur la direction de mon GPS, de jour comme de nuit. Je suis donc au milieu de la steppe. Je traverse un troupeau de chameaux. Leurs yeux brillent dans la lumière de la lampe. Ils sont couchés, et ont deux gros chiens pour compagnons, qui aboient très fort. Voilà qui n’arrange pas mes affaires, mais je finis par passer sans encombre.
Je lève la tête, et tiens, une étoile filante sur la droite.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
La steppe est pleine de lumières la nuit. Enfin, pleine, tout est relatif. Il n’y a pas surpopulation dans le coin. Il y a même des lumières rouges et bleues.
D’ailleurs il y en a trois derrière moi, des lampes de coureurs, qui ont l’air de prendre la piste alors que je coupe tout droit.
Le vent est tombé, c’est plus facile de courir. Et il ne fait pas trop froid.
Soudain je vois des appels de phares devant. C’est le chauffeur mongol du CP4 qui voit ma lampe arriver. Sympa !
Certains coureurs ont traversé un marécage dans cette étape, je n'en ai pas vu la couleur.
Par contre au CP, il faut fouiller pour trouver son sac. Ce n’est pas très pratique. Au menu, une boîte de conserve riz et cheval. Il y a aussi des petits biscuits offerts par les mongols. Les trois lampes arrivent. Ce sont les deux Patrick et Eric, le groupe des 3 Ric. Ils me demandent si je coupe de nuit. Eux ils n’osent pas.
Je repars. En fin de nuit, je m’endors en marchant. Alors autant courir. Mince, la première nuit ne devrait pas poser de problème de sommeil. Je vais devoir dormir au CP suivant, déjà ? J’y arrive après le lever du jour, et du coup je n’ai plus envie de dormir. Tant mieux.
Je suis maintenant entre deux chaînes de montagne, et je longe de près celle de gauche. Un magnifique cordon de dunes apparaît au pied des montagnes noires. L’herbe verte de la steppe devant, où je suis, contraste dans le paysage. C’est magnifique.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Me voilà au CP5. Au menu, des nouilles chinoises, toujours aussi craquantes.
J’ai fait 5 CP en moins de 24h, voilà une bonne moyenne journalière.
Il y a moins de vent aujourd’hui qu’hier. Je continue d’avancer parallèlement aux dunes. C’est très beau. J’ai l’impression que je monte depuis le début tellement c’est dur avec le vent. Je consulte mon GPS : 1450m d‘altitude. Et nous sommes partis de 2300m. Donc ça descend ! Pourtant je me force à courir, c’est trop lent de marcher.
De temps en temps des troupeaux agrémentent le paysage, ainsi que quelques minibus de touristes.
J’arrive au CP6 quand Manu en part. Il a fait un tour involontaire dans les dunes et s’est abîmé les pieds. Car Alain nous a dit : pas de sable, que de l’herbe. Donc personne n’a de guêtres adaptées aux dunes.
Les 3 Ric arrivent à leur tour. Je change de chaussettes et je repars.
Cette fois il y a bel et bien du sable sous l’herbe de la steppe. Ca rentre peu dans mes chaussures, mais ça rentre lentement et sûrement. Il vaut mieux les vider avant d’avoir de mauvaises surprises. Une fois. Deux fois. Ca ne peut pas durer, je dois trouver une solution avec les moyens du bord. J’ai une paire de petites guêtres ordinaires que j’ai prise au cas où. Je les monte à l’envers, la partie couvrant normalement la cheville sur le dessus de la chaussure. Ca marche impec, je peux courir sans souci.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Un super ravito nous attend au CP7 : délicieuse soupe de légumes, couscous et compote. Un vrai festin. Mais ce sera par petite quantité pour moi.
Il y a du monde au CP7 : la médecin mongole, Bernard qui est bénévole, Patrick le photographe. Il m’apprend que je suis 3°. Où est passé Manu ? Encore perdu dans les dunes ? Patrice et Dominique sont partis il n’y a pas longtemps. Je peux les rattraper. Ben tiens ! Cela ne m’effleure même pas l’esprit. 
Le CP7 étant en bordure de petites dunes, me voici en plein sable. Patrick le photographe veut me filmer en descendant la petite là juste devant. Ben tiens, sans guêtres aux chevilles dans ce sable très mou. Et il me fait recommencer deux fois. Je n'ai plus qu'à vider mes chaussures illico.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Puis c'est une succession de petites dunettes avec de hautes herbes. Il faut serpenter sans cesse, ça monte, ça descend. Et j'arrive... au surplomb d'un canyon. La rivière au fond est magnifique, il y a même des baigneurs, mais cela n'arrange pas mes affaires. Le GPS m'envoie de l'autre côté d'un méandre. Le GPS ne connaissant pas la réalité du relief, je décide de contourner ce méandre en suivant la bordure en haut du canyon. Mais je me tape toujours les dunettes et c'est épuisant. Je tombe par hasard sur les traces de deux paires de chaussures de trail, ce ne peut être que Dominique et Patrice. Je suis sur la bonne voie.
Mais après le premier méandre, il y a un deuxième méandre. Et un troisième méandre. Je n'ai plus l'esprit à admirer le paysage. J'ai parcouru 3km dans les dunettes en je ne sais pas combien de temps, et je ne me vois guère avancer. J'abandonne le point intermédiaire sur le GPS pour le CP lui-même,  je veux sortir de ces satanées dunettes sans fin, ce qui est vite fait en changeant de direction.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Je préfère longer le cordon de dunes dans une petite plaine bien verte. Je demande mon chemin comme je peux à une famille mongole en goguette, difficile d'expliquer qu'on va à un endroit inconnu dont on n'a que les coordonnées GPS, et du coup ils veulent m'emmener dans leur 4x4. Non merci, ce n'est pas ce que je veux.
Le chemin de ce côté est très facile, à part un petit détour pour ne pas me mouiller les pieds dans un marécage. Le coin étant humide, il y a beaucoup de troupeaux, vaches et chevaux, et plein d'iris bleus. C'est splendide.
J'arrive au pied d'une dune perpendiculaire  à mon chemin et mon GPS indique tout droit. Sûrement le CP est de l'autre côté. Il y a quelques 4x4 dans le coin, mais personne ne parle anglais. J'ai une belle piste devant moi dans la dune, je la suis. La nuit tombe. Ca monte dans le sable très mou. Et soudain des appels de phares droit devant en haut de la dune que je suis en train de grimper. C'est le CP ? Mais oui ! Je n'y arrive pas du tout par le bon chemin, ce qui n'a pas l'air de gêner le chauffeur mongol. En tout cas il a bien repéré ma lampe dans la nuit.
A ma grande surprise, les 3 Ric ne sont pas encore passés. Malgré mes détours, je suis donc allée assez vite et je suis toujours troisième.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Je mange rapidement et léger. Les 3 Ric arrivent sur ces entrefaites. Ils ont trouvé un pont pour traverser le canyon et n'ont visiblement pas galéré comme moi.
J'attaque la deuxième nuit et je préfère dormir 3/4h avant de repartir. Patrick me file une couverture qu'il a dégotée je ne sais où et qui est bienvenue pour un somme sous la tente.
Le CP9 ayant été supprimé, on part directement au CP10. J'ai fait la moitié du parcours, et après une direction nord-ouest nous nous dirigeons vers le nord-est. Mon GPS me pousse à gauche à flanc de colline, mais je vois trois lampes sur ma droite, sûrement les 3 Ric qui sont aussi déjà repartis. Ils prennent la piste la nuit.
Puis je vois de nouveau trois lampes, loin devant sur la droite, assez espacées les unes des autres. Fichtre, ils ont tracé les trois lascars ! Bien que mon GPS indique la gauche, je prends à droite vers les lumières. Ca descend, je cours vite. Mais impossible de les rattraper, ils vont encore plus vite. C'est assez bizarre. Je siffle même pour indiquer ma présence, peine perdue. Ce petit jeu dure assez longtemps, bien que je me rende compte que c'est une hérésie d'aller trop à droite.
J'arrive sur une belle piste. Mes lumières fantômes seraient-elles plutôt des mobylettes que des coureurs ? Et voilà justement une lampe de coureur qui arrive en sens inverse ! C’est Patrick le belge qui va au CP8, alors que j’en viens. Ah ! Il y a bien un petit problème. Il est sympa, il prend le temps de vérifier mes points GPS et ma direction. Je dois bien prendre à gauche. Salut Patrick, et à gauche toute !
Ca monte maintenant, droit sur une belle grosse lumière jaune, qui s’avère être une étoile, et qui elle aussi monte dans le ciel. Attention au cap sur les étoiles la nuit, elles bougent.
Arrivée assez haut, je vois plusieurs fois des lampes sur ma gauche. Fichtre, j’ai fait n’importe quoi et il semble que plusieurs coureurs me passent devant.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Le jour se lève et je monte toujours tout droit vers le CP10. Je réveille Claude la médecin, qui dort emmitouflée dans le 4x4. Il y a un beau chien tout blanc genre berger devant la tente, et très gentil, il sera surnommé CP10. Et de nouveau à ma grande surprise, je suis seule au CP et aucun coureur ne vient de passer. J’ai donc bien carburé, et il y a réellement beaucoup de lumières dans la steppe la nuit. Leçon à retenir. Autre surprise, Dominique a arrêté. Je suis donc deuxième ! Loin derrière Patrice qui est passé à minuit.
Je mange un petit peu de ma boîte riz au bœuf et je dors 1/2h. Les 3 Ric sont arrivés. Ils ont chacun une petite liste pour Claude, pieds, ampoules, tendons, et j’en passe, alors que je n’ai rien. Et surtout pas un frottement, comme j’ai d’habitude. Quelle joie ! Voilà un avantage pour moi. Néanmoins maintenant j’aimerai creuser l’écart avec eux.
Je change de chaussettes et direction le petit col, avec 300m de dénivelé positif théorique, ce qui me va très bien. Ca monte vers un joli plateau avec une barre de petites montagnes rocheuses au fond. Il paraît qu’il y a des loups dans le coin. De jour il n’y a rien à craindre. La piste part vers la droite, je prends tout droit. Je choisis le chemin un peu au pif dans ces montagnettes en fonction de la direction générale du GPS. C’est lequel le col ? Il faut passer plusieurs montées avant que je ne tombe sur un sentier de crête qui me permet de courir comme j’aime. Des gazelles s’enfuient sur ma gauche. Puis c’est une bonne descente pour rejoindre un ovöö, la piste et le fameux col. Un ovöö est un tas de pierres avec un piquet et des tissus bleus. Ce sont des lieux de dévotion animiste.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Puis la piste descend dans des gorges pendant une dizaine de km, facile à courir. J’en profite évidemment pour couper tous les virages. A la sortie des gorges, c’est de nouveau la steppe.
Je repars rapidement du CP11 après quelques nouilles chinoises, pour changer. Les 3 Ric arrivent quand je pars.
La steppe peut paraître monotone, mais je me sens bien, il n’y a plus de vent, la chaleur ne m’incommode pas, et j’avance bien, d’une petite foulée régulière et sans effort. Rien à voir avec la première partie du parcours. C’est le bonheur ! Pourtant il doit faire bien chaud car je bois beaucoup… d’eau chaude. Je vais siffler mes 1,5 litres. Je porte des manchettes pour me protéger des ardeurs du soleil. J’ai juste chopé un bon rhume et un bon mal de gorge juste avant la course lors d’un refroidissement lors d’une nuit passée dans une famille dans une yourte. Mon petit nez coule à flot en permanence, plein de sang bien purulent. Je suis obligée de me moucher dans mes doigts. Beurk. Je passe les détails.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
On suit une chaîne de montagnes sur la droite, je suppose que c’est la même qu’à l’aller, mais de l’autre côté. Il y a plus de troupeaux de moutons et chèvres et chevaux par ici. J’arrive à une petite mare avec des vaches et deux belles grues cendrées. J’en bute dans une touffe d’herbes plus haute que les autres et je m’étale. Pas de mal, juste une égratignure à la main. Ce n’est qu’à l’arrivée que je ressentirai une gêne à l’épaule et plusieurs jours après que je m’apercevrai que j’ai un index qui a doublé de volume. L’avantage de courir dans la steppe, c’est qu’on n’a pas besoin de regarder sans cesse où on met les pieds et on peut profiter du paysage. En théorie.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Au CP12 j’ai la surprise d’y trouver Joël et Pierre-Louis, qui eux profitent du paysage et sont sensés clôturer le gros de la troupe. On les a suspendus car ils sont trop lents par rapport à l’organisation des 4x4, qui ne peuvent assurer l’étendue entre le premier et le dernier. C’était prévisible. On les a amenés au CP11 pour terminer. Ils ne sont pas très contents et je les comprends. Joël a un sac plein de délicieuses victuailles. Il m’offre des champignons au saumon, je ne sais pas comment il a pu amener ça là mais c’est meilleur que mon riz-cheval. J’ai aussi le droit à du yaourt aux fraises. Il me promet du hachis parmentier au CP suivant. Et j’ai loupé les moules.
Ils partent pendant que je m’octroie 30mn de repos. Je repars après avoir croisé les 3 RIC.
Un 4x4 me double, c’est Alain. Il est étonné que je coure encore. Et sans peine en plus. Je profite de la steppe tout l’après-midi à un bon rythme.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
La nuit tombe. La lune, orange, énorme, surgit lentement au-dessus des montagnes. C’est gigantesque.
Il y a de nouveau beaucoup de lumières dans la steppe, dont celles des yourtes. J’en vois deux devant, je pense que ce sont celles des deux marcheurs. Mais non. J’arrive au CP13 et ils y sont déjà couchés. Le hachis parmentier promis est prêt et m’attend.
Je prends 20mn de repos et les 3 Ric arrivent. Décidément je n’arrive pas à creuser l’écart comme je le voudrais.
Le chauffeur mongol m’indique d’un geste la direction à prendre dans la nuit pour repartir, et comme mon GPS m’indique légèrement à droite, je vais à droite. J’arrive sur une espèce de profond canal que je dois traverser. Impossible de passer. Je fais demi-tour et je reviens au CP. Le chauffeur m’accompagne sur la piste. Tchou ! Tout droit. Tchou, c’est ce que je dirai à mon cheval la semaine prochaine pour partir au galop. La piste traverse le canal un peu plus loin sur un beau petit pont. Une mobylette me croise et s’arrête à mon niveau. Un petit bonjour et elle repart, à 2h du matin en pleine steppe. Je peux désormais suivre mon GPS. Je profite de la fraîcheur de la nuit pour courir régulièrement.
Mon rhume ne s’arrangeant pas, la toux me fait même vomir. Il ne manquait plus que ça.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Le jour apparaît et j’arrive au CP14. Il n’y a rien… Oups ! Je vérifie le point GPS, il est correct. Alors que faire ? Je mets le cap sur le point intermédiaire suivant qui doit me mener au CP15. Je ne suis pas affamée, le hachis parmentier, ça tient au corps, et j’ai assez d’eau pour aller au CP suivant. Tant pis si je prends une pénalité pour avoir zappé le CP14, j’aurai tout de même fait une belle course.
Je repars d’un bon train, ça descend. J’aperçois au loin un éclat de soleil sur quelque chose de métallique. Je tente ma chance et décide de m’y diriger, plus à gauche que ce qu’indique le GPS. C’est le 4x4 d’un nomade près de sa yourte. Le mongol s’occupe de son cheval de grand matin. Avant même que je m’adresse à lui, il m’indique un 4x4 visible un peu plus loin. Ok, j’y vais. C’est le CP14 ! Sauvée ! Et j’y suis avant les 3 Ric !
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Je vérifie le point GPS du CP avec le chauffeur mongol, j’ai 2’ d’écart avec lui, soit 4km. Il y a eu quelques modifications de coordonnées GPS au dernier moment et j’ai zappé celui-ci. Je m’en sors bien sur ce coup-là, j’ai juste fait 8km de trop. La plupart des autres coureurs ont trouvé cette étape très longue, pas moi malgré ma rallonge.
Sur ce arrivent les 3 Ric. Le groupe des basques est juste derrière eux et ils veulent se presser. Du coup moi aussi. Je ne mange pas et je repars illico.
Cette fois je force l’allure. Je cours plus vite, y compris en montée. Il y en a quelques-unes avant d’arriver à la petite ville de Burgan, car on coupe plusieurs vallées. C’est une ville minuscule. Chaque petite maison est entourée d’une palissade avec une yourte à l’intérieur. Les maisons sont très colorées.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
C’est la médecin mongole qui m’accueille au CP15. Je grignote rapidement et je veux repartir immédiatement pour les 15 derniers km. Elle insiste pour que je reste dormir un peu. Non non, pas question. Elle a du mal à comprendre que je ne veuille pas me reposer. Mais elle est très admirative que la deuxième soit une fille. Surtout que les mongols ne courent pas.
Je trace pour les derniers km. Une fois sortie du village et la bonne direction trouvée parmi la présence de plusieurs pistes, je mets le cap sur l’arrivée sans passer par le point intermédiaire. Pas de détour, on coupe au plus court. Je force l’allure, tu vois un peu si les 3 Ric et les basques débarquent ? Il fait très chaud, je ne sens pas la chaleur. Le parcours est vallonné, je dévale les descentes et galope dans les montées. Ca tire dans les cuisses. Drôle d’impression avec plus de 300km dans les pattes. Je vois trois coureurs en rouge sur ma gauche au loin, mais je coupe plus droit. C’est qui ceux-là ? Les 3 Ric étaient-ils tous en rouge ? Je ne crois pas. Je vois un beau camp de yourtes sur la droite, ce n’est pas le nôtre. En haut d’une colline, j’en vois deux autres dans la vallée devant. Mon GPS vise celui de droite. Go ! C’est la dernière et ultime descente vers l’arrivée.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Je suis accueillie par un petit groupe. Nous sommes mardi 13 à 13h15. On ne m’attendait pas si tôt paraît-il. On croit que je lambine ? Il est vrai que j’ai bien forcé sur les 40 derniers km, comme quoi j’en avais encore bien sous la semelle. Néanmoins je sens fort cette dernière cavalcade dans les cuisses.
J’ai mis 76 heures pour parcourir les 340km, soit un peu plus de 3 jours. Certes j’arrive 8 heures après Patrice, mais 3h30 avant les 3 Ric ! Une belle deuxième place.
Je n’ai pas envie de manger, je me rattraperai ce soir, je me contente d’une bonne douche, je n’ai pas changé de fringues depuis 3 jours à part les chaussettes, avant une non moins bonne sieste bien méritée.
Patrick, un des 3 Ric, pensait que j’allais me joindre à leur groupe pendant la course. Oh non ! J’aime trop aller à mon rythme sans contrainte, et je n’arrive jamais à trouver quelqu’un qui court de la même façon que moi, alors un groupe de trois, il ne faut même pas y penser. Et j’aime tracer ma route seule, à ma guise.
Le reste des coureurs arrive jusqu’au lendemain après-midi. Je les accueille au fur et à mesure. J’ai donc deux jours pour me reposer et profiter de la vie autour du puits près duquel est installé notre camp. C’est fascinant, des milliers de tête de bétail défilent en permanence, bien encadrées par les gamins qui font respecter les ordres de rafraichissement : moutons, chèvres, chevaux, chameaux et quelques vaches. Les nomades puisent l’eau à la main pour remplir l’abreuvoir ou amènent une pompe thermique sur leur moto pour les grands buveurs comme les chameaux. D’ailleurs ceux-ci n’hésitent pas à cracher sur les chevaux qui ne respectent pas leur tour.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Le coin est connu pour ses squelettes de dinosaures, il y en a même dans notre camp de yourtes.
Au retour vers Oulan Batar, nous avons la surprise d’avoir un arrêt barbecue mongol préparé dans la steppe par une famille, un succulent mouton mijoté avec des pommes de terre et des carottes, cuit par des pierres bouillantes mises dans la marmite. Un vrai délice. Arrosé de vodka évidemment.
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
Une bonne récup s’impose maintenant. Profitons de la Mongolie, pays du cheval. C’est parti pour une rando d’une semaine sur ces petits chevaux, j’ai quatre pattes qui vont courir maintenant dans la steppe pour moi !
Pour ma 2° 333, le désert de Gobi ! Juin 2017
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29 mai 2017 1 29 /05 /mai /2017 10:49
Balade pyrénéenne Juillet 2016

Une fois n’est pas coutume, c’est en métropole que je pars courir.

Ce sera la traversée des Pyrénées, que je connais très peu, une bagatelle de 800km et 60000m de dénivelé en non-stop par le réputé GR10, dans le sens Méditérranée vers Océan Atlantique. Pas de balisage spécifique pour la course, on suit les marques rouges et blanches, des CP / ravitos espacés de 10 à 70km, un matos obligatoire à trimballer, notamment sac de couchage et calories. On laisse des affaires tous les 200km environ dans 3 bases de vie. Pour le reste, on se débrouille. Ca me va ! Ah j’oubliais, l’assistance est autorisée. Moi qui fais toujours sans, voici que ma maman s’est proposée. Alors allons-y, faisons équipe. Mais elle a prévenu : pas la nuit, pas sur les petites routes de montagne, pas de camping. Ok, je m’adapterai. Et il y a tout de même une difficulté de taille : les temps limites aux bases de vie ont l’air très serrés, et la durée maxi de l’exercice est de 17 jours au total. Je vais devoir rogner sur mon sacro-saint sommeil.

Pour info, le GR10 se fait en 40  jours en mode rando normale.

Cette 1° édition est organisée par RSO. Je connais Cyril Fondeville pour avoir couru sous sa bannière à Oman, donc je n’attends rien de l’organisation, je m’apprête à être autonome.

J’arrive quelques jours avant la course près du départ qui a lieu au Perthus, Cyril n’ayant pas eu l’autorisation de partir de Banyuls, de quoi me remettre d’une nuit d’avion, avec retard qui plus est.

La remise des dossards et le briefing ont lieu le 18 juillet dans la cour intérieure du fort de Bellegarde, belle citadelle de Vauban. J’y retrouve les autres réunionnais, nous sommes 4, quelques coureurs déjà rencontrés de par le monde, français, italien, belge, allemand, libanais, portugais et j’en passe, et également des bénévoles qui me reconnaissent. Un vrai plaisir. Sophie me fait la surprise d’être là, coureuse ex réunionnaise, elle encourage Jean Hugues, coureur ex réunionnais. Cyril ayant avancé l’heure du briefing sans prévenir, je le loupe. Ca commence bien. Il paraît qu’il n’a rien annoncé d’important.

Le départ est donné le lendemain 19 juillet à midi au même endroit, en pleine chaleur. On a le droit à un défilé avec les drapeaux de toutes les nationalités représentées pour passer les douves du château. Je ne suis pas fana de ce genre de démonstration et je ne participe jamais aux ovations demandées par les organisateurs sur les lignes de départ, qui n’ont évidemment pas manquées. Je préfère papoter avec désinvolture avec mes voisins coureurs.

Nous sommes 244 au château, dont 32 filles. Certaines ont l’air connues dans le milieu du trail, mais moi je n’en connais aucune.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

J’aurai la même tenue tout le trajet : un superbe maillot XBionic rose, pas du tout dans mes habitudes, mais je n’ai trouvé que cette couleur à la Réunion, et malheureusement à manches courtes, et un collant, ce qui me protègera des ardeurs du soleil et qui me tiendra chaud la nuit. Je prends des bâtons, je suis bien empotées avec au début, nous les réunionnais, on n’en utilise jamais. Mon sac est un des plus légers : 6kg. J’ai pris un 20 litres, ça suffit. J’ai fait une croix sur tout confort : pas de matelas, un mini sac de couchage fait d’une petite couverture polaire cousue en sac, un pull polaire très très fin, pas de pantalon étanche, le poncho obligatoire en plastique tellement mini qu’il en est inutilisable. Les 6000 kcalories obligatoires tous les 200km ont été réduites à 5000, largement suffisant pour moi. J’ai fait mes petits mélanges perso, de bon rapport poids / énergie / volume après mixage, à base de noix de cajou, poudre d’amande, chips, biscuits apéro, sauce béchamel déshydratée, frangipane, répartis en portions de 350 kcal. Tout ça pèse 800g. Hors matériel obligatoire, j’ai un petit tube de crème antifrottement, une paire de chaussettes de rechange, un GPS pour trouver le chemin la nuit. Tout est minutieusement pesé.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Et c’est parti ! Direction le Canigou qu’on aperçoit là-bas tout droit.

J’ai une douleur à la fesse qui m’embête depuis quelques temps, mais j’ai confiance, je suis sûre qu’elle va disparaître.

Une petite route nous accueille, je trottine. J’ai l’intention de courir un peu au début. Jusqu’où ? Aucune idée. Nous sommes rapidement sur un sentier dans une petite forêt. Un peu d’ombre est bienvenu. On ne doit pas être loin de la frontière espagnole.

Je fais la connaissance de mes voisins de route, est-ce que je les verrai souvent ? Aucune idée.

On arrive à une grande fontaine. J’ai encore de l’eau et il y a la queue. La chaleur ne me fait pas peur, et je n’ai pris que 1,5 litre au départ. Je passe tout droit.

Et voilà que je suis à sec un peu plus loin, j’ai donc bu plus que je ne pensais. Il paraît qu’il fait dans les 40°C, mais je ne le sens pas spécialement, habituée à la chaleur. De plus mon maillot rose est efficace. Je tombe justement sur une fontaine providentielle. De toute façon, le CP1 n’est pas loin. Voilà Denis, le réunionnais organisateur de notre diagonale des fous qui arrive. Il n’a pas l’air bien, lui il a du mal avec la température.

33km qu’on est parti et l’éco-gîte du moulin de la Palette est fort accueillant pour le CP1. Le patron a concocté une soupe aux orties délicieuse et pleine de vitamines. Je reprends vite le chemin.

Une bonne descente m’amène à Arles sur Tech. Aïe, je sens mes orteils qui cognent au bout de la chaussure. Déjà ! Mais j’ai encore 800 bornes à faire moi ! Mes ongles ne vont quand même pas commencer à m’embêter dès maintenant !

Je traverse le Tech sur un petit pont, des gens se baignent dans la rivière. Et c’est déjà le CP2, et 41km parcourus.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je fais une pause repas dans la salle municipale, et j’en profite pour regarder ces fameux ongles des pieds. Et oui, les deux gros orteils sont sensibles. Je vais faire avec pour l’instant, pas le choix.

La nuit est tombée quand je repars. La vue se limite au halot de la lampe, et je progresse aux sensations des dénivelés qui sont tranquilles pour l’instant, les cols sont dans les 1000m.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

J’arrive au refuge de Batère au CP3, au 53° km. Il y a de quoi manger. Je peux admirer mes orteils : les deux ongles ont un hématome. Bon, il ne reste qu’à les percer. Je n’ai jamais pratiqué la chose moi-même car je n’ai jamais ce genre de problème d’habitude. Il faut croire que les Pyrénées ne sont pas habituelles. Je prends la petite épingle à nourrice de mon dossard et m’apprête à attaquer le premier ongle, quand mon voisin me conseille gentiment et me file une grosse aiguille de seringue, stérile qui plus est. C’est mieux ? Ah oui, le trou est vite fait et je vide le sang. Tout ça à table évidemment.

Denis arrive à son tour. Il n’a qu’une envie, vomir…

Sur ce il est temps d’aller piquer un somme. Je trouve une petite place sous une tente en poussant 3 singapouriens inséparables. Je n’ai pas de matelas, mais je me dégotte un bon oreiller : mes ravitos mixés s’avèrent très confortables. Je mets ma montre à sonner et repars 1h plus tard.

Le jour se lève. Je passe devant l’abri de Pinateil. J’ouvre la porte par curiosité pour savoir à quoi ressemble un abri pyrénéen… et je réveille un dormeur. Oups, désolée, je n’avais pensé qu’on pouvait encore dormir à 7h, moi qui suis debout depuis 2h du mat. Je commence déjà à être déphasée.

Le parcours suit un joli sentier à flanc de montagne, qui file droit sur le Canigou, tout gris là-bas au fond. Il y a moins d’arbres qu’hier, on est plus au soleil. Je pique-nique toute seule sur une table près du petit chalet de Cortalets. Quel luxe ! J’ai prévu de manger une de mes rations toutes les 6 heures, à partir du repas du CP précédent.

J’ai déjà abandonné l’idée de courir, je me contente donc de marcher d’un bon pas et d’admirer le paysage.

On commence à rencontrer des groupes de marcheurs en s’approchant du Canigou. Un guide explique à ses clients que la dame qu’ils voient grimper allègrement fait une course qui traverse toutes les Pyrénées. Ils n’en croient pas leurs yeux ni leurs oreilles. J’ai le droit à des encouragements.

J’arrive au refuge de Bonne Aigue. De nombreux coureurs y sont attablés. Je ne m’y arrête pas, je viens de m’enfiler ma dose de noix de cajou.

J’attaque la descente dans une forêt. Je double Dominique, un passionné du désert, qui a l’air de marcher sur des œufs. Petit mal de pied ? Il abandonnera peu après.

Quant à moi mes ongles sont toujours sensibles, mais ça va mieux.

 

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je sors de la forêt et j’arrive sur une belle piste, qui surplombe la vallée verdoyante de l’abbaye de St Martin, où je suis allée dans ma jeunesse. La descente continue dans les pâturages, et j’arrive au refuge de Mariailles où il y a foule, bien que nous soyons maintenant espacés sur les sentiers. Il faut passer une clôture électrique à l’entrée du refuge et un coureur n’ose pas toucher la poignée isolante pour ouvrir. Je lui explique en anglais qu’il n’a rien à craindre. Il y en a qui ne courent qu’en ville ?

Le gîteur est furieux. Il n’a pas été prévenu par l’organisation de l’arrivée massive de clients coureurs assoiffés et affamés, et il ne peut répondre à la demande, il n’y a plus rien à manger. Et je ne suis pas dans les dernières… J’ai juste besoin d’un peu d’eau, il m’indique le robinet en râlant. Avec ma gestion de repas toutes les 6 heures, je n’ai pas besoin de manger dans les gîtes, et le poids de mon sac s’allège au fur et à mesure.

La descente se poursuit dans une belle forêt. Le sentier longe un canal où coule un petit torrent, ça change du paysage sec des Pyrénées orientales traversé jusque-là.

Je croise le fils de Marta, mon amie italienne avec qui j’ai déjà partagé plusieurs courses de par le monde. Ai-je vu sa mère ? Non, pas depuis le départ, je ne sais pas du tout où elle est. Elle doit être comme moi, le téléphone est éteint au fond du sac, donc injoignable.

Me voici arrivée au très beau village de Py aux maisons de schiste, qui abrite une centaine d’habitants.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

La route monte pour arriver au CP4, au km 93, une tente installée sur la petite place du village entre église et mairie. J’en profite pour bien manger. Je ne suis pas fana de coca, heureusement car le ravito n’a que… 6 bouteilles pour plus de 200 coureurs. Je me repose une demi-heure, allongée directement sur le bitume au milieu de la place, on prend ce qu’on a. Les tentes de repos ne sont pas encore montées car ce n’est pas encore la nuit. Les organisateurs n’ont pas pensé pour pouvait avoir besoin de se reposer indépendamment des nuits ?

Karine, spécialiste de VTT, fait comme moi, mais elle trimballe un matelas au demeurant fort volumineux. Elle se plaint de l’état catastrophique de ses pieds.

Je crème les miens, vide les hématomes des ongles en les reperçant, comme je ferai à chaque arrêt, l’épingle à nourrice étant suffisante maintenant. C’est que ça remplit à gogo sous l’ongle.

Ils affichent les noms des coureurs passés au CP. Voilà qui me donne des nouvelles de Sébastien et Thierry, les réunionnais. Je suis 36°. Mais ce n’est pas mal du tout ça !

Pierre, que j’ai connu en Egypte il y a quelques années, étudie la carte et repère un refuge sur notre parcours pour s’y arrêter cette nuit.

Je repars. J’atteins le col de Mantet, après une grimpette dans la forêt. On domine le minuscule village du même nom, tout mignon au milieu des pâturages. La vallée bien verte change des cailloux gris du Canigou. Personne n’a été prévenu du passage des coureurs, les habitants auront la bonne idée d’ouvrir l’église pour loger tout ce petit monde ce soir.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Voilà un gué à traverser à la sortie du village. Je ne suis pas forte pour les gués, sauter de pierre en pierre n’est pas ma tasse de thé. Pierre me porte presque dans ses bras pour me faire passer. Merci ! En fait il y a un pont à 50m que personne n’a vu.

On est un petit groupe, on remonte le long d’un torrent. Un coureur qui porte une tente s’arrête pour camper. Nous continuons à monter et la nuit tombe. Pierre ne trouve pas le refuge escompté et décide de s’arrêter avec Alexandre pour dormir dehors sur un replat bien herbacé. Je les abandonne et je continue seule vers le col del Pla, 2300m d’altitude, où je vois plus haut quelques lumières des lampes de coureurs.

En fait Ils ne dormiront pas et reprendront la route pour cause d’excès de crottes de mouton fraiches comme matelas.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

La descente après le col est en forêt. Je double un coureur qui trimballe un casque orange sur son sac. Quelle drôle d’idée !

J’arrive à un torrent à franchir. Et après ? Je ne vois plus aucune marque rouge et blanche du GR et plus de chemin. Le GPS me renvoie vers l’eau. Je tourne un bout de temps avant de trouver le bon passage, quand une lampe apparaît derrière moi. C’est Patrice, que je croyais loin devant. On fait un bout de chemin ensemble.

Je dois déjà changer les piles de ma lampe. Ce n’est pas normal, ce sont des piles performantes au lithium. Les galères de piles, c’est ma spécialité.

Jean Hugues, l’ex réunionnais retourné en métropole nous rattrape. Il a une tente et s’arrêtera peu après pour dormir.

Nous arrivons au refuge de Carança. Le coin a l’air chouette avec le torrent. Pour l’instant, ça pionce de partout. On décide de continuer. Je ne vais pas à la même vitesse que Patrice. Je monte plus vite, et il s’arrête tout le temps. Je ne l’attends pas. Il y a une piste, et visiblement un sentier qui la coupe et grimpe tout droit. Je ne vois pas le balisage et il faut bien le chercher. J’en loupe quelques morceaux.

J’arrive au col de Mitja. C’est la même chose de l’autre côté, piste et raccourci, que je manque complètement. Patrice me rattrape, il va plus vite que moi en descendant, je vois sa lampe qui s’éloigne et disparaît devant, je suis de nouveau seule.

Je finis par trouver le sentier, qui descend à pic dans la forêt. Il est temps car je ne reverrai plus la piste par la suite. Mes piles s’affaiblissent vite, bien trop vite, et ce n’est toujours pas normal. Je suis rattrapée par un coureur, je le suis pour ne pas avoir à chercher les marques du GR avec mon éclairage faiblard. Il a l’air expert en utilisation du GPS. Néanmoins il finit par paumer le chemin. Qu’à cela ne tienne. Nous sommes en fond de vallée et il faut contourner un torrent. Il ne se fie plus qu’au GPS, nous sommes dans les grandes fougères, puis dans des énormes blocs de rochers. La progression n’est pas aisée, et je dois me presser pour ne pas me faire distancer. On finit par retrouver le sentier.

Le jour se lève, je le laisse partir devant car je m’épuise à suivre un rythme qui n’est pas le mien.

Je ne reste pas longtemps seule, Patrice surgit derrière moi. Il n’était pas devant ? Si si, mais il a loupé le sentier depuis la piste et a fait un long détour. Il a pourtant un système sophistiqué de visualisation de son GPS sur le ventre, qui apparemment ne sert pas à grand-chose… Il passe devant.

J’arrive au village de Planès. La vallée est large et me paraît très civilisée, après cette nuit entière passée dehors. Je rejoins Bolquère au milieu des champs, au km 128. Je ne fais que pointer rapidement au CP5, maman m’attend à la sortie du village. Elle a dégoté un petit coin tranquille près d’un cours d’eau, où je peux me rafraîchir, me laver et rincer mes fringues.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

J’arrive au village de Planès. La vallée est large et me paraît très civilisée, après cette nuit entière passée dehors. Je rejoins Bolquère au milieu des champs, au km 128. Je ne fais que pointer rapidement au CP5, maman m’attend à la sortie du village. Elle a dégoté un petit coin tranquille près d’un cours d’eau, où je peux me rafraîchir, me laver et rincer mes fringues.

Je n’ai pas fait de plan de course, impossible pour moi de prévoir où je serai dans une semaine. Et j’ai bien eu raison car tous ceux qui en ont fait se sont plantés. Au grand désespoir de maman qui aurait bien aimé réserver tous ses hôtels il y a 3 mois.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je commençais à sentir des échauffements au niveau des bords extérieurs sur les deux pieds. Et oui, j’ai une ampoule de chaque côté. Il y a trop longtemps que je n’ai pas enlevé mes chaussures et bichonné mes pieds, c’est malin.

J’ai le droit à un bon repas de spécialités locales et des fruits et légumes frais, merci maman, et à un super massage avec le baume du randonneur conçu par les bénédictins de l’abbaye de Wisques, à côté de chez les parents, et je prends un repos de 4h sous la tente, bien qu’il fasse jour et chaud. Avec ça je ne peux être que requinquée. Pour épargner mes orteils, je change de chaussures, je troque les Salomon pour des Asics, et je change de lampe. Ma douleur à la fesse a bel et bien disparue, je suis tranquille de ce côté-là. J’embarque du thé au miel dans une petite fiole pour le plein d’énergie, ma potion magique, comme je ferai à chaque fois que je croise maman.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je repars vers midi sur un plateau à 1800m d’altitude, le long du lac de la Pradelle, une des rares étendues d’eau naturelle que je verrai. On voit au loin une station de ski. Le chemin est facile et bucolique, avant d’atteindre le lac des Bouillousses. Il y a foule de touristes et de coureurs en goguette. Je traverse le barrage, puis le sentier longe le lac pendant un bon bout de temps. C’est reposant. J’y croise Sophie en train de courir et elle me donne maints encouragements et des nouvelles de Jean-Hugues.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Puis le sentier quitte le lac et s’élève vers une nouvelle vallée. Je suis perturbée car je ne connais pas les noms des montagnes, et mon petit bout de carte ne me renseigne pas. Mais je fais route avec René, qui connaît les Pyrénées comme sa poche, au point qu’il n’a pas pris de GPS. A chaque fois que nous sommes ensemble, je lui demande le nom des montagnes. C’est donc le Carlit qui s’élève devant nous.

Nous remontons un torrent sur une pente douce. Je suis tantôt avec André, qui a cassé ses lunettes et qui ne peut plus lire ni carte ni GPS et qui aimerait bien faire une pause dodo, tantôt avec Pierre et Alexandre, mais je finis par filer devant tout ce petit monde.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

On s’élève vers quelques névés à traverser. De la neige ! Il y a longtemps que je n’en ai pas vu. J’arrive au lac de Lanoux qu’on surplombe. Le paysage est très minéral et désolé et les pierriers deviennent nombreux. Je passe le col d’Anyell, la nuit arrive dans la descente, bien raide, qui longe un petit torrent. J’allume ma lampe, et au bout de 10 minutes, tout s’éteint, juste au moment de traverser le torrent. Me voilà bien avancée ! J’aurai deux lampes qui posent problème coup sur coup ? Je n’ai plus qu’à m’assoir au milieu du sentier et à attendre le coureur suivant. Un énorme crapaud et des limaces me tiennent compagnie.

C’est un petit groupe mené par Alexandre qui surgit de la nuit. Il me donne sa lampe de secours. Est-ce que mon problème peut venir des piles ? Oui me dit-on, certaines lampes s’éteignent d’un coup quand les piles sont faibles. Les miennes sont neuves. Je serai tombée sur un lot de piles déchargées ? Quelle veine !

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Nous arrivons rapidement au refuge des Bésines, à 2100m d’altitude. D’un commun accord, ce sera arrêt dodo pout tout le monde. Le gîteur est très sympa. Il s’adapte à cette foule de coureurs qui débarque sans prévenir à n’importe quelle heure et se décarcasse pour nourrir les affamés. J’ai englouti ma ration de chips au dernier col, je n’en ai pas besoin, je veux juste bichonner mes pieds. J’ai une place dans le dortoir du bas. Il y a apparemment toujours un dortoir du bas dans les refuges, qui sert de débord. Je me couche toute habillée, avec 2 couvertures bienvenues. Avec la fatigue, dès que je m’arrête, j’ai besoin de me réchauffer. Je commence à avoir les jambes qui gonflent facilement. Je mets mes pieds en hauteur pour favoriser une bonne circulation. Peine perdue, la sensation est pire et je ne supporte pas. Je remets mes jambes à plat et je m’endors illico.

Je repars 3h plus tard, seule. Les autres ont décidé de dormir plus longtemps. Mes jambes ont dégonflé, mais l’œdème reviendra rapidement.

En sortant du gîte, impossible de retrouver la bonne direction à prendre dans la nuit. Désormais, il ne faudra pas oublier de demander systématiquement par où repartir avant d’aller au pieu. J’essaie à droite, à gauche, sans succès. Voilà des lumières qui arrivent et qui m’indiquent la bonne direction. Je reprends la descente, et j’atteins Mérens les Vals au matin sous la pluie, base de vie n°1, 166 km au compteur.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je connais bien la race des chevaux de Mérens, qui ont bon pied sur nos sentiers réunionnais et qui sont utilisés en débardage, mais je ne savais pas que c’était aussi le nom d’un village. Quant aux chevaux, ils travaillaient dans les mines de fer du coin.

La BV est au camping. Je dépose la lampe d’Alexandre dans son sac de rechange, comme promis. Je tente la boutique du camping pour y acheter des piles, et je tombe sur Dominique et Pascal qui m’en refilent un paquet. Dominique ayant abandonné, il n’en a plus besoin. Ils m’encouragent. Merci les gars !

Il est temps de prendre des forces, il y a du cassoulet en boîte au menu, qui apparaît comme un régal. C’est bien la première fois que je mange du cassoulet sur une course. Je ressens un besoin inhabituel de viande, moi qui en mange peu normalement. Mes portions n’en contiennent pas, je pallie le manque de protéines avec de la spiruline, c’est léger. Les ravitos de la course sont copieux à défaut d’être raffinés, et ce sera toujours le même menu, ce qui ne me gêne pas du tout.

Le point médical est assuré par la sécurité civile, simples secouristes. Il y a la queue pour les soins de pied. Ils refusent de percer les ampoules. Mais alors, à quoi servent-ils ? Celui à qui je montre mes pieds ne sait même pas qu’il faut percer les ongles pour vider les hématomes. Ok, je continue à vider les miens toute seule. Quand à mes 2 ampoules, il n’y touche pas et me conseille d’y donner un coup de ciseau. Oups ! Je retire vivement mes pieds de sa vue et lui demande juste de quoi désinfecter mon épingle. Je m’occuperai de mes pieds moi-même. Je pense que j’ai eu grandement raison et qu’ils ont fait pire que mieux pour beaucoup de coureurs.

Je ne m’éternise pas à Mérens et je repars sous la pluie. Bienvenue dans l’Ariège !

La montée se fait dans une belle vallée, mais la pluie redouble et je regarde plus mes pieds qu’autre chose, en levant le nez de la capuche de temps en temps. Voilà le tonnerre qui s’y met, il reste lointain et ne m’impressionne pas. Histoire d’avoir la totale, la grêle dégringole, qui ne dure pas heureusement.

J’arrive près d’un petit lac, près duquel paissent des vaches et mes premiers chevaux. Leur pays ne s’avère pas très accueillant. La pluie cesse au moment d’amorcer la montée plus prononcée vers le col, et le refuge du Ruhle sur l’autre versant, à 2200m d’altitude. Je m’installe sur la terrasse pour faire sécher mes affaires et fais prendre l’air à mes pieds trempés. Voilà qui ne va pas les arranger. Comme d’hab, les quelques autres coureurs présents commandent leur repas, pendant que je me contente d’une portion de biscuits apéro.

Le gîteur me propose un lit pour 1/2h de repos, impec !

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je repars le long d’une belle crête qui m’amène au plateau de Beille, et la pluie revient. Le CP6 est à la station de ski, au 189° km. Il y a des yourtes pour nous loger, le coin doit être agréable quand il fait beau. Mais d’abord, place au repas. Je me retrouve entassée avec les autres coureurs dans un petit chalet, chauffé par un poele devant lequel pendouillent toutes les chaussettes. La chaleur ambiante est bienvenue. Il y a bombance, double portion de lasagnes pour moi svp.

Une fois revigorée, je me repose 1h sous la tente, avant de repartir à 22h en début de nuit, sous une pluie battante et dans les nuages. La visibilité est réduite, je dois demander où est le chemin.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Roberto le sarde, qui trimballe son grand drapeau à tête de Maure, veut venir avec moi, mais il n’est pas prêt tout de suite. Désolée, mais je ne vais pas me refroidir à l’attendre.

Je suis une bonne piste, mais les marques rouges et blanches disparaissent tout d’un coup. Le GPS m’envoie à droite. Je suis dans la pluie, le brouillard, il fait froid, je n’ai plus de chemin, je ne vois rien… et je suis devant une cabane de vacher providentielle, à Artaran. Ni une ni deux, je pousse la porte, même si je ne marche pas depuis longtemps. C’est plus que sommaire, mais je suis au sec. Il n’y a rien, mais ce n’est pas trop sale. Je m’installe sur un carton, lui-même sur une petite dalle en béton. Je rappelle que je n’ai pas de matelas. Dehors, la tempête se renforce, je me suis mise à l’abri vraiment juste à temps. Je mets ma montre à 5h, juste avant le lever du jour, et je m’endors sans vergogne sur mon carton. Quand j’émerge, il fait nuit noire et tout est calme, c’est l’arrêt du bruit de la pluie qui a dû me réveiller, il est 3h. Je pointe le nez dehors et je vois 2 lampes qui passent devant ma cabane. Je repère le chemin perdu la veille.

Balade pyrénéenne Juillet 2016
Balade pyrénéenne Juillet 2016

Me voilà de nouveau sur le sentier, ça monte en forêt. Puis je me retrouve sur une piste et je serpente entre les flaques, de quoi manquer les marques du GR et le sentier qui repart en forêt sur la droite. Heureusement je contrôle le GPS de temps en temps. Demi-tour donc, je n’en suis pas loin.

Roberto me rattrape lors d’un petit arrêt. Nous continuons ensemble, il compte sur moi pour l’orientation. Ok, ça va m’obliger à être vigilante. Je passe devant. Nous traversons une petite route et une rivière. Une piste reprend en face, carrefour de plusieurs sentiers. Je prends celui qui n’a pas de croix rouge et blanche, signe de mauvaise direction sur un GR. La pente est très raide, ça monte, puis les marques du GR nous font descendre et traverser un torrent sur une passerelle, et… nous nous retrouvons sur la piste près de la route. Bref, nous avons fait un tour complet. Pas top. Pourtant il y a bien les marques du GR. Sur le GPS, je n’y comprends rien, nous sommes aussi sur le sentier. On se calme, on reprend, et 2° tour complet. Ah la la, quel nœud ! Roberto suit bêtement sans chercher la solution au problème. Je finis par comprendre qu’on a pris le chemin à l’envers, et que la première portion est un raccourci. Nous sortons de ce pétrin et reprenons notre marche.

Le jour se lève. Roberto traîne, je le distance. Je sors de la forêt et me retrouve avec les vaches dans les herbes hautes et plus qu’humides. Et bien sûr il n’y a plus de sentier et plus de balisage. C’est la réputation du GR10 en Ariège, et je m’aperçois qu’elle n’est pas usurpée. Je trace au GPS vers une cabane que j’aperçois un peu plus haut, je voudrai bien m’y abriter pour casser la croûte, car il ne fait pas chaud. Elle s’avère pleine à craquer. Le groupe des coureurs catalans a investi la première pièce. J’étais avec eux au plateau de Beille, et les retrouver me conforte dans mes questionnements sur la gestion du temps perdu par mon arrêt imprévu de la nuit. Il y a un peu de place dans l’autre pièce, avec un randonneur. C’est beaucoup mieux que la mienne de cabane, il y a des bas flancs et des matelas. Il y a même un stock de conserves et un réchaud, avec paiement au gîte du prochain village. Quelle organisation des habitants du coin ! Il est vrai que les refuges sont inexistants dans les parages.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je repars pour la grimpette d’un avenant raidillon. Le sentier est bordé de grandes fougères et d’arbustes, enfin, tant qu’il y a un sentier, car justement, il n’y en a plus. Je fais marche arrière, je cherche dans tous les sens, ça ne passe pas. Que de temps et d’énergie perdus ! Roberto arrive, nous cherchons ensemble vainement. C’est au tour de catalans de se pointer. Un des gars prend la tête et coupe tout droit en suivant la trace GPS, dans la végétation aussi haute que nous.

Après cette montée ardue, nous arrivons à un col et un plateau rempli de vaches et de chevaux. Le vent s’est levé, avec une pluie fine et glacée. Un coureur sort d’une minuscule cabane et se joint à notre groupe.

Sur la crête il y a une petite maison, et un monsieur sort dans la tourmente en nous faisant de grands signes. C’est le vacher qui nous invite à venir nous réchauffer un instant chez lui. Il y passe les 4 mois d’estive avec sa femme et sa petite fille, il s’occupe de 1000 têtes de bétail, ça m’impressionne. Il nous offre un thé bien chaud et nous propose de la faisselle fraiche maison avec de la confiture de framboise aussi maison. Quel régal ! Il a requinqué Thierry le réunionnais hier soir, qui a les pieds en très mauvais état. Son beau-frère est aussi réunionnais ! Je suis bien transie, et j’en renverse mon thé. Mince, c’est malin.

Il nous dit de bien suivre le balisage sur le plateau car il n’y a pas de chemin, et nous sommes dans le brouillard et la bruine. Les marques sont sur des petits piquets.

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Nous repartons, et je marche plus vite que les autres, je pars devant. Le temps se calme, et la vue se dégage sur les magnifiques chaînes de montagnes de l’Ariège. Je rattrape un autre coureur qui essaie vainement d’entrer dans les cabanes qu’on croise et qui sont toutes fermées. Je continue sur une bonne piste maintenant, et c’est la descente vers le village tout fleuri et tout en pente de Siguer, le sentier coupe les lacets de la route.  Il y a un mariage, la petite place est pleine. Tout le monde est bien habillé et moi je suis un peu crade. Puis j’arrive au village de Lescour dans la vallée. Les toits des maisons ont changé de couleur, ce sont maintenant des ardoises grises, et du coup l’aspect des villages paraît complètement différent.

Je fais une halte au lavoir, histoire de me restaurer et soigner mes pieds qui ont pataugé dans la flotte pendant de nombreuses heures.

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Au milieu de la route, il y a une inscription peinte : « non aux ours ». Pour l’instant, je n’en ai pas rencontré.

Le sentier part de nouveau en montée dans la forêt. Marta débarque, je suis contente de la voir, mais elle s’écroule dans un champ de foin pour dormir, elle n’en peut plus.

Je passe un petit col et redescends dans la forêt. J’y rencontre des ramasseurs de champignons, leur panier est plein de girolles. Puis je descends vers Gourlier au gîte d’Andron, c’est le CP 7, situé au 221° km. Il est 17h.

Un festin nous y attend : buffet avec entrée, plat, dessert, ça fait du bien de se remplir la panse. Et je fais figure de petite mangeuse auprès des autres coureurs.

Nous avons le droit à une autre surprise, il y a un podologue. Je lui présente donc mes petons, qu’il ne trouve pas si mal, et loin d’être les pires. Je continue de vider à chaque arrêt ongles et ampoules. Mais je n’ai guère de nouveaux conseils de sa part pour améliorer la situation, et ses beaux pansements ne tiendront pas longtemps. Les podologues n’aiment pas l’élastoplast comme protection, j’en remettrai pourtant rapidement, puisqu’il n’y a que ça qui tient.

Pour dormir j’ai le choix entre un bon matelas d’herbe moelleux sous une tente et un carrelage bien dur dans une salle. Il n’y a pas à hésiter, direction la tente pour un petit somme de 4h.

Je suis prête à repartir à 22h. Une bénévole me demande si je peux prendre avec moi un chinois qui ne veut pas faire la nuit tout seul. Ok. En fait de chinois, c’est un malaisien. Donc me voilà affublée de Jodi, et Marcel, un policier belge, en profite pour compléter la fine équipe. Marcel est bavard et alimente la conversation nocturne, en français et en anglais. Jodi compte sur moi pour trouver le bon chemin.

On s’élève un peu dans la forêt, pour rejoindre un sentier à flanc de montagne, formé de grosses lauzes. A droite, c’est le vide, à gauche, la paroi verticale de la montagne. Je suppose que la vue sur la droite doit être très belle. Nous arrivons à un croisement, les deux directions correspondent au GR, nous avons le choix. Sur le GPS, à gauche, ça paraît plus court, mais ça monte puis ça descend, et tout droit c’est le chemin à plat qui continue et qui contourne la montagne. D’un commun accord, nous prenons tout droit. En fait nous sommes sur un ancien aqueduc.

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Marcel a une tente, il nous lâche dès qu’il a trouvé un petit coin potable pour la planter. Je continue avec Jodi, jusqu’à ce que nous arrivions à un croisement. Nous ne trouvons pas le bon chemin du premier coup, l’aqueduc s’est évaporé, et ce n’est plus plat du tout. Nous faisons quelques allers-retours dans la pente, histoire de nous épuiser. Ca y est, nous nous sommes remis sur les bons rails, et nous descendons vers le village de Marc dont on voit les lumières. Il est 5h du matin, il y a plein de sacs de couchage qui dorment, éparpillés à l’entrée du village, qui dans l’herbe, qui sur un banc, qui sous une tente. En fait quand les coureurs dormeurs ont commencé à s’installer partout, madame la maire a failli faire une apoplexie car, comme dans tous les villages précédents, elle n’était pas prévenue, et Marc est un passage de contrebande avec l’Espagne.

Il fera jour dans une heure, je ferai bien une petite pause moi aussi. Je tente l’église, quitte à y traîner Jodi qui est musulman et qui me suis comme un petit chien, mais elle est fermée. Nous traversons la rivière et Jodi voudrait s’arrêter sous l’auvent d’une maison, mais c’est trop prêt du torrent, qui est très bruyant, et je refuse. Le sentier remonte par un escalier entre les maisons, évitant un bout de route. Il y a un gîte de France, avec le portail ouvert sur une petite cour. Ca m’a l’air parfait, à part que c’est privé et que c’est partout de la pierre. Je préviens Jordi, il vaut mieux que nous soyons partis au lever du jour, ce qui nous laisse une heure pour dormir. Il s’installe sur le pas de porte, et moi sur un banc en lauze qui est juste de ma longueur. A peine le temps de sortir mon oreiller ravito et je pionce déjà sur ma pierre. Comme quoi les matelas, ça ne sert à rien.

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Ma montre me réveille et je suis prête à partir avec le jour, nous sommes dimanche, il est 6h. Mais Jodi dort toujours. Je le secoue, le temps de prendre mon petit déjeuner sur les marches du sentier. Marta passe, ça me fait plaisir de la voir, elle est bien mieux que la fois précédente. Sur ce, la porte de la maison s’ouvre malgré l’heure matinale. Mince, Jodi est toujours dans le jardinet. Le monsieur s’avère très agréablement surpris de nous voir, il reconnaît Jodi qu’il a vu hier à Siguer ! Du coup il nous offre à manger, du pain et de la confiture à la vraie heure du petit déjeuner. Il n’en faut pas plus pour nous ravir.

Maintenant qu’il fait jour, Jodi et moi n’allons plus à la même allure et il n’a plus besoin de moi, nous nous séparons. Il est pressé d’arriver à Hendaye car son avion est deux jours avant le temps limite de la course.

Après une courte montée, je retrouve un autre aqueduc, sur lequel débouchent plusieurs entrées de galeries d’anciennes canalisations. Cette portion est facile, avant de s’élever de nouveau vers le haut d’une belle cascade, et de déboucher sur une combe très humide, il y a des petits lacs partout. Avec toutes les fleurs estivales de toutes les couleurs, dont le très beau chardon bleu qui m’a tapé dans l’œil, et les chevaux, c’est magnifique. J’arrive au refuge de Bassiès près d’un de ces lacs, je ne m’y arrête pas, et je monte vers le col du même nom pour atteindre le port de Saleix, il y a encore des étangs. Les sommets sont arrondis et tout verts, c’est le domaine des ours, il y a des panneaux à leur sujet. Je me régale, c’est un des coins que j’ai préféré. Les marmottes ne sont pas en reste et crient, mais je n’arrive pas à les voir.

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Après une belle descente dans les estives, j’arrive à un sentier en sous-bois qui mène doucement à Aulus les Bains. Je double Karine qui s’apprête à faire trempette dans le torrent, c’est vrai que c’est tentant. Je suis avec un autre coureur, et nous cherchons la suite du GR, sans le trouver. Je ne comprends pas mon GPS qui m’envoie en arrière. Nous demandons à plusieurs personnes, et nous tombons à chaque fois sur des accompagnateurs de coureurs qui cherchent aussi le sentier. Pour finir, un monsieur nous explique notre bévue. Nous aurions dû tourner bien avant Aulus. Je n’ai pas fait gaffe car Cyril, notre organisateur, m’a dit à Gourlier qu’il allait ajouter une salle de repos à Aulus, ce qu’il n’a pas fait. Donc j’ai foncé droit dans la direction d’Aulus en pensant qu’on y passait. Et non.

Donc demi-tour pour retrouver facilement le droit chemin. Chemin qui monte très raide vers la cascade d’Ars. Les bâtons aident beaucoup, je suis devenue experte maintenant. Mon acolyte n’en a plus qu’un, il a cassé l’autre. Son sac aussi est en piteux état. Je le laisse en plan rapidement, il est trop lent.
Je m’en sors bien au niveau matériel, pas de casse de mon côté.

Il y a foule, nous sommes un dimanche de vacance, et nous les coureurs, nous passons inaperçus.  Néanmoins un joggeur m’a repérée et me prend en photo, qu’il m’enverra. Sympa !

La cascade est vraiment très belle. C’est le but des promeneurs, et il y a beaucoup moins de monde après. Ca continue de monter jusqu’à un pont qui traverse le torrent. Je me rafraîchis dans la rivière, et un groupe de touristes belges m’encourage, surtout qu’ils carburent au régime frites et bières.

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Après, il n’y a plus personne sur les sentiers. Encore une cascade, celle du Fouillet, beaucoup plus modeste, et je me rapproche du prochain col. Je trouve Marta, assise par terre. Elle me demande les heures des barrières horaires, très inquiète. Elle est épuisée. Courage Marta ! C’est la dernière fois que je la verrai. Elle abandonnera au CP suivant.

Une fois le col franchi, j’arrive sur un domaine skiable, à l’arrivée des télésièges. Puis j’ai la vue sur la station de ski de St Lizier. Je descends une piste de ski, tout droit, jusqu’à ce que la trace devienne une piste noire de VTT, interdite aux piétons. C’est embêtant, j’ai dû paumer ma belle piste de ski, mais je ne vois pas d’autre alternative que l’interdiction aux piétons. Et c’est bien dommage car du côté VTT, ce n’est que de la boue, une vraie patinoire. Je m’accroche aux arbres comme je peux, et bien sûr je finis sur les fesses tellement ça glisse. Une fois, deux fois. Bon, il y en a marre, je suis bien contente de retrouver la partie skiable pour finir.

Je quitte le ski pour un sentier dans la forêt qui descend vers le village de Bidous. Je rejoins une fille qui avance à la vitesse d’un escargot. Elle a très mal aux pieds. Je ne peux rien pour elle.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

La nuit tombe juste avant d’arriver au gîte de l’Escolan, le CP 8 et 285 km parcourus. Il y a du monde.

Cyril l’organisateur m’accueille. Il me demande des nouvelles de Zoé. Mais qui est Zoé ? C’est la fille escargot. Il veut savoir s’il faut aller la chercher. Ce serait bien pour elle, si on peut la porter. Sinon ça ne servira à rien. Il me refile rapidement au caméraman de sa télé, sans me demander mon avis. Le mec me filme sans m’adresser la parole. Voilà qui ne me plaît pas beaucoup, et je lui rends la pareille. J’extirpe mes petons des chaussures, ils ont bien soufferts dans la descente boueuse. Il est temps de les aérer et de pallier aux nouveaux frottements apparus avec l’humidité de la dernière partie du parcours. Il se lasse vite de les filmer et me laisse tranquille.

Passons aux choses sérieuses, double portion de soupe, double portion de pâtes bolognaises avec plein plein de fromage et double portion de gâteau.

Le fils de Marta me demande des nouvelles de sa maman. Elle ne devrait pas être loin. Dis-lui bien que la barrière horaire est à la prochaine base de vie, pas sur les CP intermédiaires. J’en profite pour avoir des nouvelles des copains qui sont devant. Ca a l’air bien difficile d’appuyer sur une touche de l’ordinateur, visiblement ma demande n’est pas prioritaire, je dois insister.

Autour de moi ça ne parle que d’abandons, d’évacuations à l’hôpital, de pieds très infectés. Je m’en sors encore bien de ce côté-là. Il y a notamment l’autre Isabelle qui rend l’âme.

Karine arrive alors que je prends possession de ma tente, il est temps de dormir un peu tout de même. Quelle longue étape je viens de parcourir !

Le lever est programmé à 3 heures, et après un copieux petit déjeuner, je repars avec le groupe d’André. Il a réussi à dénicher des lunettes pour remplacer celles qui sont cassées. Ils sont bien organisés pour la marche de nuit. Un au GPS, un au balisage. Je n’ai plus qu’à me contenter de suivre, ce qui n’est pas une mince affaire pour moi car je suis plus lente qu’eux, bien que le terrain soit facile. Au lever du jour je les remercie de m’avoir attendue par moments, et les laisse filer devant, en entrant dans la forêt quand la pente s’accentue. Je ne reverrai plus André, qui n’arrivera pas au bout.

Je double un groupe, avec Denis et Karine. Je vais plus vite, et Denis me suit, il est en forme maintenant. On papote des nouvelles de la Réunion. A la descente, il part devant en courant. Oui, il a retrouvé la forme.

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Je croise un type qui est tout content de m’indiquer le chemin vraiment très en détail, une vraie carte ambulante. Merci, mais c’est un peu trop. J’arrive au charmant petit village de Couflens, et ça remonte après la traversée de la rivière, vers le minuscule village de Faup, très fleuri. Je fais une halte au lavoir pour crémer mes pieds. Mes jambes sont de plus en plus tendues avec les oedèmes, et ça devient pénible. En désespoir de cause je quémande du Daflon aux villageois, on ne sait jamais, mais personne n’en a. Le groupe de Karine en profite pour passer.

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Le sentier suit une petite route qui monte au col de Pause au milieu des estives. Je suis face au mont Valier. La descente se fait au milieu des troupeaux de moutons, bien raides, avec quelques pierriers à franchir. Je traverse le torrent sur une passerelle, et le chemin continue tranquillement en le longeant, et se prolonge par une petite route, avant de rejoindre une départementale, qu’on quitte rapidement pour remonter vers le village d’Aunac, où se trouve le CP9, km 321. Pendant tout ce temps, je cogite, pour arriver à la conclusion que je ne peux pas être à la barrière horaire de Bagnères de Luchon, le mercredi à 12h, nous sommes lundi, et c’est stressant. Impossible, même en ne dormant pas, déjà que je n’ai pas dormi beaucoup ces derniers temps. Je savais que les barrières horaires de la course allaient être une de mes difficultés. Je prends mon parti de maintenir le rythme au maximum et de continuer en rando normale quand ça coincera, tant que l’état de mes pieds le permettra.

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Je fais part de cette préoccupation aux autres coureurs à Aunac, et ô surprise, le papier de l’organisation que j’ai est erroné, confirmé par Cyril. Il faut viser jeudi à 2h. Voilà qui change tout. Du coup je prends le temps de faire une sieste d’une heure dans une grange où je suis toute seule sur la paille, quel bon matelas. Je suis néanmoins importunée par les mouches, bien que je vienne de me laver. Il y a du matériel d’équitation, cela me fait bien envie, mais je ne suis pas là pour ça.

Je prends un bon repas avant de repartir à 18h, ragaillardie, et j’embarque même 2 gros sandwichs, une fois n’est pas coutume, que je suis prête à porter pour la nuit qui s’annonce, tellement je suis soulagée de la prolongation qui m’est accordée, et normalement il n’est pas prévu de ravitaillement au prochain CP. Jodi mon nouveau copain malaisien arrive. Il a une cheville bandée et me dit qu’il arrête là. Karine arrive à son tour.

Je monte au col de la Core, où j’arrive à 23h. Il y a deux balisages du GR. Lequel faut-il prendre ? La carte indique à gauche par les crêtes, le GPS indique à droite par les lacs. Voilà qu’une voiture providentielle arrive dans la nuit et s’arrête à mon niveau. C’est un éleveur qui patrouille car on lui a tué plusieurs veaux les nuits précédentes, et il est très inquiet de voir plein de lumières cette nuit dans la montagne. Non non, ce n’est pas nous. Il m’indique le chemin des crêtes. Il y a une tente au col, que je n’avais pas vue, et en sort une dame que j’ai dû réveiller en parlant fort et elle me confirme le chemin des crêtes.

 

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Le sentier est à flanc de montagne, et a l’air de dominer une vallée, dont je vois les lumières des villages tout en bas. Je reste vigilante car il y a vraiment beaucoup de pierres. J’arrive à un étang, à l’heure de manger, et je déguste mon sandwich au bord de l’eau avec les crapauds, sous un ciel étoilé, c’est féérique avec la lampe éteinte. La pause est courte et je repars pour la descente. Le jour se lève, j’atteins le CP10 à la maison du Valier, km 350, de l’autre côté du mont Valier. Encore une nuit de passée dehors. Et bonne surprise, il y a à manger. C’est une équipe suédoise qui tient le ravito, très sympathique.

Petit somme d’une heure sous la tente, pour repartir à 9h.

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Je passe dans la vallée suivante. Je retrouve sur le sentier en montée la dame d’hier soir que j’ai tirée du sac de couchage. Elle assiste un groupe de coureurs. Il y en a un avec elle qui a abandonné et qui a retrouvé assez de punch pour l’accompagner. Ils m’encouragent à fond. Je ne la reverrai plus. Tous ses copains auront rendu l’âme ? Je vais beaucoup plus vite qu’eux et passe devant. Dans tout ce coin, les altitudes des cols ne dépassent pas les 2000m et se franchissent aisément. Je recalcule ma vitesse par rapport à la barrière horaire de Bagnères, mais rien à faire, ça ne passe toujours pas, même avec la rallonge découverte à Aunac. Je tente néanmoins le coup de faire mon possible pour y arriver le plus vite possible. Je rejoins le village d’Eylie d’en Haut en début d’après-midi. Un groupe de randonneurs papote sur le pas de la porte du gîte où je fais le plein d’eau et je soigne mes pieds, ils sont ravis de me tenir compagnie.

Ca monte de nouveau, assez raide, au milieu des vestiges d’un téléphérique utilisé par les mines. Heureusement qu’il y a les petites fleurs colorées pour égayer ces épaves métalliques, très laides.

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Je passe sur l’autre bord, pour suivre un large chemin tout plat à flanc de montagne, que suit une ligne électrique. Je préfère admirer le paysage que je surplombe, et j’en loupe le changement de direction qui monte. J’arrive à l‘entrée d’un tunnel fermé, je ne vois plus les marques du GR, donc demi-tour, je ne suis pas loin. Et justement, en voilà un paquet de marques dans les cailloux. Je veille à ne pas prendre celles qui mènent en Espagne. J’arrive aux bâtiments en ruine d’une mine, c’est sinistre. J’attaque un petit bout de montée raide et je retrouve avec plaisir la nature, un groupe de jeunes a planté la tente pour la nuit, et j’arrive à la Serre d‘Araing, à 2200m d’altitude. J’ai le droit un a magnifique coucher de soleil, les sommets se parent de rouge avec tous ces cailloux, c’est magnifique. Je redescends vers l’étang d’Araing, la nuit tombe. Je traverse le barrage et il y a une petite montée dans les rochers vers le refuge d’Araing que j’aperçois, mais il y aussi une arrivée de nuages à traverser. Impossible de voir les marques dans cette purée de pois, je dois me diriger au GPS.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Le gîteur m’accueille à bras ouverts et me propose de faire une halte. Je n’en avais pas l’intention, mais il n’y a qu’une cabane plus bas, qui sera très difficile à trouver de nuit. Je suis donc sagement ses conseils, il héberge déjà quelques coureurs, et je vais dormir 3 heures. Je me retrouve toujours avec le même problème quand je m’allonge, mes jambes gonflées deviennent douloureuses, et c’est encore pire si je les surélève. En plus de la sensation de froid qui arrive, et je m’enfouis sous 2 couvertures.

Je repars à 2h du matin, le ciel est dégagé maintenant, et le col d’Auréan est vite atteint après une grimpette dans les gros cailloux. C’est parti pour une longue descente nocturne.

J’entends des gros aboiements, et je vois de nombreux yeux brillants dans la lumière de la lampe. C’est attirant et je manque de quitter le sentier. Il y a plein de moutons,  et 2 énormes patous, les chiens des Pyrénées, qui les gardent. J’aime bien les chiens, mais je voudrai passer sans encombre, et eux de leur côté, ils font leur boulot qui est de m’empêcher d’approcher de leurs moutons, qui sont confortablement installés au milieu de mon chemin. Heureusement, les moutons daignent bouger, et les chiens les suivent. Le chemin est libéré. J’abandonne les yeux phosphorescents sans regret.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Plus bas, je traverse un torrent à gué sur de gros rochers, puis un plateau très humide, histoire de maintenir les pieds au frais, et de raviver les frottements. Au lever du jour j’arrive au beau village de Melle, les gens se réveillent, je demande mon chemin car il y a 2 passages possibles et je prends celui qu’on me conseille et qui n’est pas celui de la carte. Le monsieur qui me renseigne est persuadé que je veux passer la frontière, mais non, pas du tout ! Je continue de descendre jusqu’à la petite ville de Fos, dans la vallée de la Garonne, par une route en lacets qui rejoint la nationale. Fos n’a rien d’extraordinaire par rapport aux petits villages montagnards traversés jusqu’ici.

Le GR fait le tour de Fos, je préfère prendre la rue principale toute droite qui mène au CP. Mais je ne vois rien. Mon GPS indique que je l’ai dépassé depuis 500m. Je reviens sur mes pas jusqu’à l’indication du GPS, c’est l’église, il n’y a pas trace d’un CP. Je repars vers la mairie, qui est encore fermée à 9h.  Ca fait 1/2h que je tourne en rond, la rue est déserte, il n’y a personne pour me renseigner, quand j’aperçois un coureur qui traverse la route. Je tournais le dos au CP et je ne pouvais pas voir la flèche jaune ni la flamme de la course. Ah c’est malin de ne pas arriver par le bon côté, je suis un peu énervée, mais je l’ai trouvé ce CP11, au 391° km, juste décalé de 500m par rapport à ce qu’indique le GPS.

Je suis accueillie par Dominique qui a retrouvé un peu de forme et qui accompagne Patrice de temps en temps, et par Denis qui a fini par se prendre les pieds dans ses bâtons et a dû abandonner suite à une belle chute, le genou et la cheville ont doublé de volume. Ah, ces réunionnais qui ne savent pas utiliser les bâtons ! Un autre abandon s’est enrôlé comme bénévole cuisinier. Il m’apprend que l’étape de Gavarnie est raccourcie de 30km. Dommage, je suis venue pour voir Gavarnie. Je me restaure et fais une sieste d’1/2h sur de confortables tapis de gym.

Au moment de repartir, je croise Géraldine que je ne connaissais pas encore. Elle a aussi dormi au refuge d’Eraing.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je longe les berges de la Garonne canalisée, ça change des torrents de montagne, avant d’attaquer une rude montée dans la forêt. J’y rattrape un coureur qui vient de se perdre. Pour une fois que ce n’est pas moi, et j’ai trouvé le balisage facile à suivre à cet endroit. Il est dépité de sa mésaventure, il a du mal à s’en remettre. On fait un bout de chemin ensemble, sur une bonne piste maintenant, avant que je l’abandonne derrière. Le sentier suit la crête, frontière avec l’Espagne, territoire des troupeaux de vaches et de moutons. La vue est magnifique sur les montagnes environnantes depuis le col Peyrehitte à 2000m d’altitude, et j’en profite pour une halte noix de cajou. Je double plusieurs groupes de coureurs, dont pas mal de boiteux et d’éclopés. La plupart ont l’intention d’arrêter à Bagnères. Je papote avec un nouvel Alexandre, nous avons des connaissances coureuses communes. Il arrêtera à Bagnères.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

La descente se fait sur une large piste, sans difficulté, toujours avec une belle vue. Je traverse les pittoresques villages d’Artigue, Sode, et Juzet avec son lavoir, tout fleuri et surplombant la vallée de Bagnères de Luchon. Maman m’y attend depuis plusieurs jours.

Je contourne l’aérodrome par un chemin piéton, très animé. Je vois la base de vie installée sur le bord de l’aérodrome, en face. Maman vient à ma rencontre. Nous sommes le mercredi 27 juillet, il est 19h, j’ai 7h d’avance sur la barrière horaire. Heureuse ! Avec 418 km au compteur, je suis à la moitié de mon périple.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Il y a du peuple à la base, je pointe et je n’y reste pas, maman a dégoté une chambre d’hôte en plein centre de Bagnères, à 50m du GR. Qui dit mieux ? Elle me fournit un stock de Daflon, qui s’avère efficace, mes jambes dégonflent immédiatement. J’en prendrai désormais toutes les 6 heures jusqu’au bout, et l’œdème ne sera plus qu’un mauvais souvenir. J’en profite pour souffler, une bonne douche, une grande désinfection des pieds, je dois toujours vider les ongles et les ampoules sur les côtés, un bon repas de spécialités locales, et je m’octrois une nuit de 6h. Je suis contente d’avoir retrouvé un rythme normal de sommeil la nuit, il faut que j’arrive à le maintenir. C’est plus réparateur que de dormir de jour. Je m’endors sous une énorme couette, bien qu’il ne fasse pas froid du tout. Je me lève à 3h du matin pour repartir, trempée de sueur, ce qui ne m’a pas réveillée du tout.

Je quitte ce lit douillet pour monter, d’abord tout droit dans la forêt, puis dans les pâturages. J’arrive à la station de ski de Superbagnères au lever du soleil, la vue est saisissante sur les massifs de montagnes environnants qui surgissent d’un lit de nuages blancs en contre-bas.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Il y a eu un éboulement sur le GR, il a été détourné et un peu rallongé. Je rejoins le tracé normal de l’autre côté du col de la Coume, à 2200m. J’arrive dans la zone des altitudes plus élevées, du coup parsemée de plus de myrtilles. Mais ce n’est pas le moment de haltes gastronomiques.

Les pierriers à franchir sont nombreux. Ca finit par redescendre vers le col d’Espingo, puis changement de direction vers le nord, pour descendre vers le magnifique lac d’Oô, bien connu des cruciverbistes, et sa non moins magnifique cascade en fond. Le sentier surplombe toute une partie du lac, il y a foison de fleurs, dont de splendides iris bleu foncé. Superbe !

Il y a beaucoup de promeneurs au lac, ça me change de la tranquillité de l’altitude. Je passe le refuge, et ça descend sur une large piste où il y a foule, pour arriver au parking des granges d’Astau, et au CP 12, au km 440, où m’attendent Mireille et Jean-Pierre, les bénévoles d’Oman, toujours la plaisanterie au bec, ça détend.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Ils campent, le CP étant prévu au gîte d’à côté, mais l’organisation ne l’a pas retenu assez longtemps et ils ont été priés de déguerpir. Il ne fait pas toujours bon d’arriver dans les derniers. Ce qui n’empêche pas l’accueil d’être très chaleureux. Il est midi, et j’engloutis une boîte de cassoulet froid bienvenue. Je retrouve Yvan le canadien, et Roberto le sarde arrive à son tour. Au CP, ils ne savent pas combien de coureurs ils doivent attendre, c’est-à-dire combien sont repartis après Bagnères, où les abandons ont été nombreux. C’est ennuyeux pour notre sécurité ! Vu ma longue nuit précédente, je dois être en fin de troupe. En fait nous sommes à peine plus de 80 encore en lice.

Une fois la rivière franchie, ça remonte en forêt, assez raide, avant d’atteindre les pâturages toujours très fleuris, c’est magnifique. Il y a beaucoup de zones de pierriers à passer, avant une bonne descente sur le village de Loudenvielle. Une nouvelle rivière passée, et ça remonte vers le col. Encore une petite montée bien raide en coupant la route carrossable, et c’est la descente vers la vallée. Les villages se succèdent pour arriver au charmant Vieille-Aure, CP 13, km 463. Il est 19h, maman m’y attend. Et c’est Cyril, l’organisateur, qui m’accueille, il est  sincèrement content de me voir. Pour ma part, je suis surtout contente de voir le CP.  Je pointe, et comme je vais me reposer à l’extérieur, on me demande de revenir pointer quand je vais repartir, dès fois que je ne repartirai pas du tout. Voilà qui sent les abandons à plein nez. Ah non, je ne reviens pas pointer et je continue.

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Maman a encore fait fort, j’ai une chambre à côté du GR, et de nouveau un plantureux repas pour me requinquer. J’y dors 4h.

Je repars en pleine nuit, je passe à côté du musée de la mine, ce n’est pas vraiment l’heure de la visite. Ca grimpe bien dans la forêt puis dans les estives, avec vue sur la station de ski d’Esplaube au petit matin, pas très jolie par rapport aux villages locaux, puis avec une zone peu pentue jusqu’au col du Portet, à 2200m d’altitude. Il y a de nombreux randonneurs à cheval, il faudra que je revienne dans le coin pour ça, et en levant la tête, des vautours et des gypaètes me surplombent.  Très chouette. Il y a de nombreux chemins pastoraux bien larges. Je passe devant une cabane de berger, le propriétaire fait la sieste à l’ombre d’un rocher.

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Je descends au milieu des moutons vers le lac d’Oule, encore un barrage, c’est raide, que je longe sur un bon bout. Je suis dans la réserve de Néouvielle, qui est un massif granitique, complètement différent de ce que j’ai traversé jusqu’à présent. Les gros rochers sont oranges, ça change du schiste gris. Je passe de nouveau un col, je reste en altitude, ente 1800m et 2200m, c’est très agréable, surtout qu’il commence à faire chaud, en passant par des sapinières et des zones herbeuses. Puis je découvre une succession de lacs, et également beaucoup de monde. Il y a plein de sentiers partout, avec des coureurs à la journée. Je longe le lac d’Aumar, en surplombant le lac d’Aubert, c’est tout plat. Pas pour longtemps. J’ai le droit à une rude et heureusement courte montée dans les blocs de granit, et j’en bave. C’est réellement le seul endroit de mon périple où j’ai physiquement souffert. Il fait très chaud, j’éprouve le besoin de me rafraîchir dans le ruisseau que je longe, ce qui est très rare pour moi. J’arrive à un petit lac, que je contourne sur des énormes, mais énormes blocs de granit, c’est éprouvant, avant une dernière montée pour atteindre le col de Madamète, à 2500m d’altitude. Ce sera le point le plus haut de cette traversée des Pyrénées.

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J’y fais une pause bien méritée, dans un petit coin d’ombre de midi d’un rocher, j’engloutis mes chips, je soigne mes pieds. La vue est superbe sur les sommets environnants et la vallée qui s’étale devant moi. Un groupe de randonneurs prévoit des orages pour l’après-midi, pourvu qu’ils se trompent. Une dame m’interroge sur la course, elle aimerait beaucoup la faire.

Je prends mon courage à deux mains pour la longue descente qui s’ensuit et qui me prendra tout l’après-midi, d’abord dans des gros pierriers bordant de petits lacs, puis une vallée où l’herbe est rase et où il y a peu de sapins. Le granit implique un paysage très différent, et  je suis entourée de sommets qui atteignent 3000m. Le dénivelé à franchir n’est que de 1000m, mais la vallée s’étire vraiment en longueur, j’ai mal aux pieds avec la chaleur, de nouveaux points douloureux apparaissent sous les deux petits orteils. Je me remets difficilement de la montée du matin, le moral est dans les choux. Pourquoi continuer dans cette galère si c’est comme ça ? Depuis le départ, c’est la première fois où je n’éprouve plus de plaisir dans cette aventure. Le CP est encore loin, et il m’apparaît comme un terme. J’ai l’impression de subir cette descente, sans pour autant éprouver de difficulté physique particulière, car en fait le parcours est facile, même s’il paraît longuet.

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Pour finir j’atteins sans encombre la station de ski de Tournaboup. Il y a des ânes qui attendent qu’on leur fasse faire un tour. Moi, je continue à pied, en partie sur la grand route, en partie sur une petite route de l’autre côté du torrent. A Barèges, je demande mon chemin car le balisage du GR ne va pas dans le sens de ma carte. On me conseille le nouveau tracé, beaucoup plus court que celui de la carte.

Après avoir traversé le torrent, le chemin est plat, à flanc de montagne, avant de se poursuivre en sentier qui descend pour rattraper la grand-route.

J’appelle maman pour la prévenir que j’arrive. Elle m’apprend l’abandon de Patrice, avec un orteil complètement infecté. Quoi ? Patrice a abandonné ? Et moi qui me plains juste parce que j’ai une  overdose des montées, sans autre raison. Certes mes pieds ne sont pas jojo, mais ça reste supportable et ça ne m’empêche pas d’avancer. Ah non alors, pas question de baisser les bras pour si peu. Il faut continuer, les gambettes ! Je lutte contre les pensées négatives, et je sais au fond de moi que je n’arrêterai pas.

Une fois sur la route, je ne poursuis pas sur le GR. Je vois qu’il remonte vers un château, certes la vue sur la vallée de Luz Saint Sauveur doit être belle, mais ça monte. Je reste sur la route, qui, elle, descend. A l’entrée de Luz, je double un groupe de touristes, je marche 3 fois plus vite qu’eux. Ils en restent baba. J’ai rendez-vous avec maman à l’église, très belle, de l’extérieur en tout cas. Ca fait forteresse. Je ne prends pas le temps de faire du tourisme. Nous allons pointer au CP14, j’ai parcouru 510 km, pas si mal ma foi.

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La barrière horaire suivante me turlupinant toujours, j’en demande confirmation au CP. Personne ne sait, alors que c’est ma préoccupation principale du moment. Il faut demander à Cyril, qui est pris avec sa télé, il faut attendre. Non, je n’attends pas, et j’engueule tout le monde. Les quelques coureurs présents que je croise régulièrement comme René, en restent bouche bée. C’est la tension de mes pensées négatives qui a besoin d’être évacuée.

Maman veut m’expliquer le chemin pour repartir car il ne faut pas suivre le GR qui va vers Gavarnie. Ce n’est pas le bon moment, et je saute sur l’occasion pour clamer que de toute façon, je ne suis pas sûre de repartir. Ben tiens, je n’ai pourtant pas rendu mon dossard. Et une petite voix au fond de moi me dit que non, il est hors de question d’arrêter.

Je gagne la chambre du gîte où maman est installée, toujours sur le parcours du GR, elle se débrouille vraiment bien maman, à partager avec trois autres randonneurs, ravis de m’accueillir. Ils connaissent le GR10 et mesurent l’ampleur de ma tâche. Ils me laissent la salle de bain, je m’étale, installée par terre pour soigner mes pieds sans tout salir avec l’éosine, qui est tenace. Un de mes ongles d’orteil ne tient plus que par 2 petits points. Je lui mets un petit chapeau pour le protéger, et je n’y touche plus. Quant au gros orteil, j’en ai maintenant un qui est tout rouge et très sensible, bien qu’il n’y ait plus rien qui sorte dessous l’ongle. Ce n’est pas terrible. L’autre ne me fait presque plus souffrir et a l’air de bien se porter. Le bout de mes chaussures commence à se décoller. J’ai prévu, et maman joue au cordonnier et les recolle. Il faut que ça tienne jusqu’au bout. Que de petits malheurs ! J’ai le droit de nouveau à un bon repas, avec toujours des légumes et fruits frais, ce qu’il n’y a pas du tout sur les ravitaillements des CP.

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Je me lève à 3h, de nouveau pleine d’énergie. Mes pensées de faiblesse d’hier soir ont disparu. Je prends un copieux petit déjeuner sur le palier, pour ne pas réveiller la chambrée, d’autant plus qu’il paraît que j’ai ronflé très fort. Mais maintenant pour repartir, je suis bien coincée, car je n’ai pas voulu écouter maman hier. Je suis obligée de la réveiller pour qu’elle m’explique la direction à prendre. Ce n’est pas malin. On prend une variante qui nous raccourcit le GR de 30km pour rejoindre Cauterets. Quel dommage ! Il faudra donc que je revienne pour voir le cirque de Gavarnie loupé. Requinquée, j’étais prête à faire les 30km qui y mènent, même s’il ne faut plus dormir pour tenir le rythme.

Après une petite portion de route en direction de la station de ski d’Ardiden, je traverse les villages de Sazos et Grust. Le jour se lève. Le sentier coupe les lacets de la route, avant de passer à côté de la station de ski, et de grimper vers le col de Riou à 2000m d’altitude, loin de ce qui était promis par l’itinéraire initial, 2700m sur les pentes du Vignemale.

La descente est facile vers Cauterets. Je traverse la ville pour rejoindre le CP15, au km 540, sur l’autre rive de la rivière. Les tentes sont installées, il est 11h, je n’en ai pas besoin. C’est plutôt l’heure de manger. Il y a même du râpé pour accompagner les pâtes. Quel luxe ! J’y retrouve René, qui repart avant moi.

Je me passe des services de la sécurité civile, à part leur désinfectant. Arrive un coureur que je n’avais pas encore vu, il faut dire que je n’ai pas été beaucoup dans les CP ces derniers temps. C’est un fana de bière et de pizza. Il s’interroge sur certains coureurs italiens qui vont très vite sans qu’on les voie passer. Ont-ils 4 roues et un moteur les italiens ?

Je pars vers la station de ski de Cauterets, ça monte tout droit, raide. Je passe à côté d’un vieil aqueduc perdu dans la forêt, avant que le relief s’aplanisse jusqu’au lac d’Ilhéou, puis au col du même nom, à 2200m d’altitude. Je suis dans le parc national des Pyrénées, ce qui ne m’empêche pas de goûter mes quelques myrtilles quotidiennes. Je croise là-haut un beau troupeau de moutons, gardé par une bergère. On fait un brin de causette. L’endroit est humide malgré la pente, il faut regarder où on met les pieds pour rester au sec. Je fais une pause chips devant un petit abri en lauzes.

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La descente se poursuit jusqu’aux sapins et le lac d’Estaing. Il y a du peuple, et des ânes à touristes. Une dame me fait signe, je l’ai déjà croisée. Elle fait l’assistance de Pierre qui est devant et Marcel, dont je n’avais plus de nouvelle depuis la nuit de Marc. Il n’arrivera malheureusement pas au bout. Elle me propose son aide, une petite place sous la tente, mais je n’ai besoin de rien. C’est tout de même agréable d’être soutenue de la sorte chemin faisant.

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Une petite route me mène à Estaing, CP16, et 559° km. Je m’y arrête à peine, maman m’attend au bled suivant. Le GR fait un petit crochet par la droite qui rallonge, je pars par la gauche sur la route. Le bénévole du CP me rappelle pour m’indiquer le droit chemin. Non, non, je prends le gauche. J’ai hâte d’arriver à Arrens-Marsou. Je passe un petit col et plus loin je reprends le GR qui cette fois coupe la route et raccourcit. Attention, il ne faut pas suivre les rubalises, il y a eu une course aujourd’hui dans le coin, et ce n’est pas notre itinéraire.

Je retrouve maman, fidèle au poste, sur le pont à l’entrée du village d’Arrens-Marsou, juste après l’arboretum. Justement à cause de cette course, elle n’a pas pu trouver un logement décent, tout est plein. Elle a donc installé la tente dans un champ à côté du torrent. Pour moi c’est parfait, j’ai un bivouac confortable, de l’eau pour me laver, on a même une table à pique-nique pour manger. Maman préfère me laisser la tente pour moi toute seule pour que je dorme mieux, et elle s’installe dans la voiture. Je me lève à 2h pour partir, et elle finira la nuit à ma place. Elle qui ne voulait pas camper ! Je lui en aurai fait faire des choses. Et elle dormira très bien pour terminer sa nuit. En tout cas, j’aurai bien profité de plusieurs bonnes nuits confortables de suite, et je ne ressens pas de manque de sommeil, ni de baisse de forme physique qui pourrait en découler. J’ai dormi un peu plus que je n’aurai dû.

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Je repars de nouveau dans la nuit. Ca monte par paliers et je passe 2 cols successifs, peuplés de moutons et de marmottes pas farouches du tout qui se baladent sur le sentier dès qu’il fait jour. Je les vois enfin, depuis que je les entends ! Yvan le canadien me double dans le début de la descente et me donne des conseils sur l’utilisation des bâtons en descente. Surtout, enlève les dragonnes. J’utilise beaucoup les bâtons en montée, moi qui étais empotée au départ, ça m’aide bien en fait, et je ne les utilise pas en descente mais je les garde en main.

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Je croise le GR de la vallée d’Ossau dans un coin très minéral, mais je suis dans la brume du matin et je ne vois pas grand-chose du paysage et du pic du Midi d’Ossau. Dommage. Après une longue descente dans les prairies, j’arrive à la station de ski de Gourette en passant à ma grande surprise devant quelques chalets récents, puis des grands bâtiments très moches. Je n’avais pas percuté que ce serait une station de ski, je m’attendais à un petit village montagnard. C’est le CP17, avec 576km effectués. J’y retrouve de nouveau René. J’ai des nouvelles de Thierry, que tout le monde a cherché pendant qu’il faisait une pause au village suivant de Gabas.

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Je repars rapidement, en traversant la station par des escaliers. Me voilà désormais dans le Béarn. S’ensuit une montée bien raide dans la caillasse blanche du calcaire, parsemée de petits lacs, jusqu’à 2500m d’altitude au col de la Hourquette d’Arre, encore un des plus hauts cols de mon périple. La descente est longue avec de nombreux éboulis à traverser, avant d’atteindre la forêt. Je croise une randonneuse qui cherche un pont pour éviter un passage réputé vertigineux. Je ne peux guère la renseigner, et je n’ai eu aucune appréhension sur le chemin normal. J’arrive à la centrale électrique d’Artouste après avoir suivi la ligne haute tension. Je trouve René sur le bord du chemin en train de se changer pour la nuit qui approche. Je n’ai pas ce problème, je suis toujours en collant, je ne transporte pas de short. Je n’ai qu’à mettre le coupe-vent quand la fraicheur de la nuit vient se faire sentir. J’hésite à être sa compagne nocturne, mais j’avais prévu de me reposer un peu avant la prochaine montée toute proche. Je continue donc en cherchant un petit coin de repos. Et je tombe sur une caravane providentielle, certes en piteux état. Je jette un coup d’œil à l’intérieur. Il n’y a pas de porte, mais il y a un matelas. C’est un peu le désordre, mais pas trop sale. Que demander de mieux ? Ni une ni deux, je m’octrois ce petit paradis et je m’installe pour y dormir une heure. René a dû passer devant pendant ma sieste.

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J’en repars à la tombée de la nuit. Je passe à côté du village de Gabas qu’on ne traverse pas, et je rejoins le lac de Bious-Artigue par une petite route. Je trouve un ruisseau pour faire le plein d’eau. Quand je prends de l’eau dans les torrents en-dessous des vaches, je la purifie avec des pastilles de chlore, quand c’est au-dessus des vaches je ne purifie pas. Tous ceux qui n’ont pas purifié leur eau ont eu des désagréments digestifs. Une bonne piste longe le lac, qui a l’air très touristique. J’entends clop clop derrière moi. Tiens, des cavaliers un peu en retard qui arrivent à 22h de leur rando. Mais pas du tout, ce sont 2 chevaux libres. Ils me suivent un bout de chemin, agréable compagnie, avec leurs yeux brillants dans la lumière de la lampe. Ils savent très bien où ils vont, contrairement à moi, et s’arrêtent à une source pour boire.

Je monte dans la forêt, de nouveau seule. La nuit, on voit très bien la marque blanche du balisage GR éclairée par la lampe, mais pas du tout la rouge. Il faut néanmoins lancer le faisceau de la lampe au bon endroit et balancer la tête à toutes les hauteurs des fois. D’ailleurs je cherche un peu le chemin sous les pins, dans une rude montée. Je suis sur le sentier des lacs. En tout cas la zone est bien humide. Je dois en longer plusieurs, sans les voir dans la nuit. Et soudain je me retrouve dans la flotte jusqu’aux chevilles, et de l’eau tout autour de moi. Je contrôle ma direction, et sur le  GPS, je suis carrément dans un lac. J’ai loupé le sentier qui monte à droite.

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J’arrive au col d’Ayous, à 2000m d’altitude. Il est 1h du matin, il y a un refuge à 200m. Le petit détour en vaut la chandelle, j’y vais en espérant une petite place. Comme j’ai bien retenu que dans les refuges, la chambre pour les retardataires est celle du bas, j’en pousse la porte et cherche un coin libre. C’est plein, et je réveille malencontreusement un monsieur qui n’a pas l‘air coureur. Désolée. C’est en haut, me dit-il. Effectivement, c’est en haut. Dans la salle commune, toutes les tables ont été poussées, et le sol est couvert de matelas et couvertures, avec plein de dormeurs. Voilà une bonne organisation ! Je trouve une place de couvertures, une dessus, une dessous et je sombre. J’entends vaguement des gens qui se lèvent, je repère le matelas d’à côté qui se libère et j’y opère une translation. Je dors 3h, et c’est à mon tour d’émerger. J’ai toujours entendu sonner ma montre à l’heure voulue. La salle s’est un peu vidée et j’ai de nouveaux voisins dont je n’ai pas perçu l’arrivée. Mon seul problème est de ne pas savoir comment déposer mon obole pour le toit car je n’ai vu personne.

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J’entreprends une longue descente. Le jour se lève sur l’herbe rase des prairies. J’arrive dans la forêt, puis au-dessus des profondes gorges de l’Enfer. Je suis maintenant sur le chemin de la Mâture, qui est plat et carrément creusé dans la paroi de la montagne, longeant le vide. C’est très particulier et très beau. J’arrive à un parking où je fais une pause repas et soin des pieds, sous le fort du Portalet. Je suis installée juste sous le panneau explicatif du chemin. Et voilà qu’un guide débarque avec son groupe et se plante devant mon panneau. Donc j’apprends sans me farcir la lecture des explications que le chemin de la Mâture a été créé pour le transport des troncs destinés à fabriquer des mâts de bateaux.

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J’arrive au village d’Etsaut. Je ne m’y arrête pas et traverse la route et le village d’en face de Borce pour une nouvelle montée. Une fois passée la forêt, j’arrive sur une belle crête que je longe, parmi les fougères, les fleurs et… les taons. Ils sont voraces et piquent à travers le collant. Je marche en me tapant sur les fesses pour les tuer. Après le col de Barrancq, la descente se fait dans les pâturages au milieu des vaches, et je débouche sur un superbe plateau bien verdoyant entouré par les montagnes, et le village de Lhers, à 1000m d’altitude. Cela respire la tranquillité, je suis sous le charme.

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Le CP 18 et le km 628 m’attendent au camping de Lhers. J’y fais une bonne pause ravitaillement et profite du merveilleux paysage, chouchoutée par les bénévoles. La base de vie n°3 n’est pas loin, je repars dare-dare. Je traverse ce plateau, puis le village de Lescun où j’ai un peu de mal à suivre le GR du premier coup, et la montée en pente douce vers le fond de la vallée. En haut, je passe le pas d’Azuns, petite barrière rocheuse. Devant moi se dressent de grandes dents toutes blanches, qui émergent de l’herbe rase. Je m’y dirige justement, et au pied, je ne trouve pas la suite du GR. Un passage continue tout droit, mais ce n’est pas ça. Qu’à cela ne tienne, il est 19h et les couleurs virent déjà au rose, magnifique sur ce paysage dantesque. Je m’installe pour une pause noix de cajou en m’en mettant plein les yeux sur la petite arête où je suis arrivée, au pas de l’Osque à 1900m d’altitude. Autant en profiter. Quand je pense à tout ce que j’ai fait de nuit et où je n’ai rien vu autour de moi. Un  coureur arrive et se fourvoie. Je lui indique l’autre côté du versant, à pic, ça doit être par là. Il me confirme. Ca a l’air très raide et il est inquiet pour moi. J’ai l’air si empotée ? Je le rassure, ça ira. A mon tour, effectivement c’est raide. Il y a des cordes pour descendre, ce qui ne m’impressionne pas du tout. Je continue sur un plateau de lapiaz avec de grandes dalles de calcaire. Quand je pense que c’est truffé de gouffres là-dessous.

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 Je débarque sur une belle langue de gros graviers. Mais qu’est-ce que c’est ? Une piste de ski bien sûr ! Je ne savais qu’on skiait sur des cailloux dans le Béarn. Je cherche un peu le marquage de l’autre côté. Un autre coureur arrive, on fait un bout de chemin ensemble. Nous rejoignons une route empierrée, et il repère le sentier sur la gauche. Je l’aurais bien loupé celui-là. Il va plus vite que moi et part devant. Je croyais que c’était un petit raccourci ; mais non, c’est assez long avant de retrouver cette route, qui me mène à la station de ski d’Arette la Pierre Saint Martin, 1600m d’altitude. Moi qui croyais que la Pierre Saint Martin était un petit village. La nuit tombe, accompagnée du brouillard, et c’est à la lampe que j’arrive à la base de vie n°3, installée dans un grand bâtiment communal de la station. Et j’ai 5 heures d’avance sur la barrière horaire. Youpi ! Avec tout ce que j’ai dormi en plus dans les Hautes Pyrénées ! Voilà qui est bien calculé, n’est-ce pas. Nous sommes le lundi 1 août, il est 21 heures, j’ai parcouru 648 km. Je n’ai plus qu’à viser la barrière horaire finale : vendredi 5 août à 4h du matin.

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Nous dormons à l’autre bout du bâtiment, dans une grande salle de sport au sous-sol avec un côté entièrement vitré, qu’on admire depuis une petite place. Sûrement une salle de pelote basque, je ne suis pas spécialiste en la matière. Je m’installe sur un épais tapis de sol, bienvenu. Nous ne sommes pas nombreux. Par contre il y a plein de gamins au niveau de la vitre, fort curieux. Ca va être difficile de me déshabiller pour aller à la douche devant ce public.

En fait le club d’échec local donne une petite réception. Ils m’invitent à partager les restes de leur pot. Pas de problème. J’enfourne la charcuterie et le fromage local, et je termine le délicieux gâteau basque maison. Il faut dire que je commence à flotter sérieusement dans mon beau maillot rose. J’ai le droit à maintes félicitations et les encouragements qui vont avec.

Ce n’est que l’entrée. Je me dirige vers le ravitaillement de la course, je retraverse le bâtiment. La mairie nous offre une excellente garbure et du fromage de la fromagerie d’en face.

Il y aussi un podologue de la course à Arette. Allons le voir. Il trouve mes pieds pas si mal. Il paraît que nous avons tous les deux ampoules sur l’extérieur du pied. Les miennes sont bien sèches, mais toujours sensibles. Il trouve mes ongles bien soignés, il n’y a plus de liquide dessous. Néanmoins j’en ai un toujours douloureux. Il me fait des popotes sur les 2. Il enlève le chapeau de l’ongle d’à côté auquel je n’ai pas touché depuis plusieurs jours et est satisfait du résultat. Il le remet en place. Il me conseille de faire la même chose sur le petit orteil qui a une bonne ampoule dessous et que je vide régulièrement.

Je vais dormir, René est là aussi. Il repartira avant moi. Quand je me lève à 3h, il y a plus de monde dans la salle. Je n’ai entendu absolument personne. D’habitude je prépare toujours mon sac prêt à repartir en me couchant. Je ne l’ai pas fait cette fois. Je fais donc un boucan du diable à tout remballer dans les plastiques, des fois qu’il pleuve. Désolée pour les dormeurs !

Je prends un bon petit déjeuner avant de repartir. Il n’y a malheureusement plus de garbure. C’est l’équipe suédoise qui est là ce matin, je fais la traduction anglais – français pour le papa de Franck, qui le suit.

Je pars dans la nuit, de nouveau dans le brouillard et un petit crachin. A moi le pays basque !

Après le col de la Pierre Saint Martin, c’est la descente vers le village de St Engrace. Le jour se lève avant la forêt et… voilà Jodi qui surgit et me double à toute vitesse. Il court à gogo, complètement ressuscité. Il l’aura son avion !

Balade pyrénéenne Juillet 2016

St Engrace est un tout petit village, et je lève le nez vers la vieille église que j’admire de l’extérieur. Je continue sur la route, avant de m’apercevoir que j’ai loupé les marques du GR à jouer à la touriste. Il est de l’autre côté du torrent. Comment le rattraper ? Je passe devant une société de rafting, canyoning, spéléo et plus et j’y demande mon chemin. Pas de problème, je vais le rejoindre aux gorges de la Kakouetta, où je suis venue il y a quelques années. Je ne suis pas perdue ! J’aperçois l’entrée des gorges. Je franchis la rivière qui en sort sur le pont de l’Enfer. La couleur de l’eau est turquoise, c’est magnifique.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Ca remonte vers le col d’Anhaou à 1400m d’altitude. Les dénivelés seront de plus en plus faibles désormais, le paysage change, et les myrtilles disparaissent définitivement. Je reste au milieu des pâturages à l’herbe rase, et je coupe régulièrement de bonnes pistes. Après quelques brusques changements de direction surprenants, je suis dans une descente raide, dans les hautes herbes. Ca descend tout droit, jusqu’à rejoindre un sentier de randonnée très fréquenté. Il doit y avoir quelque chose de remarquable vu le nombre de promeneurs, mais quoi ? Nous sommes en limite du parc national. Je ne vois pas de vautours, pas d’ours non plus. Peut-être une belle vue ? Et oui, car c’est plein de canyons par ici, mais je ne le sais pas. Le sentier est maintenant à flanc de montagne, et juste quand je vais doubler une famille, la dame fait plouf, côté vide dans les buissons. En fait en-dessous il y a de magnifiques gorges. Elle n’a pas l’air spécialement sportive et crie très fort. Son mari est là pour lui prêter main forte pour s’en sortir, à priori elle en sera quitte pour une entorse. Je me tire vite fait.

A ma grande surprise, j’arrive à un très beau pont suspendu, qui traverse les non moins belles gorges d’Olhadubi. En tout cas il y a foule, y compris le père de Franck. Il est excité et cherche son fils partout, qui est en retard sur son timing. Non, je ne l’ai pas vu. Je finis par atterrir au Logibar, qui est un gîte et dont je n’arrête pas de voir les flèches.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je suis bêtement un coureur devant moi, qui s’y dirige directo et s’attable. Mais ils y sont nombreux les coureurs ! Ils se sont donnés rendez-vous ? Certes, il est midi. Je passe, et traverse la route pour rejoindre le chemin normal du GR. J’arrive rapidement sur une crête, le sentier est à peine tracé dans les hautes fougères, royaume des taons qui adorent mes fesses. Le chemin est jalonné de tours de chasse à la palombe. Il ondule de col en col entre les mamelons, toujours en altitude, il y a peu de dénivelé à franchir. Je suis avec quelques coureurs que je n’avais pas encore vus, sûrement les voraces du Logibar, et ils me doublent tous. J’en conclue non seulement qu’ils marchent plus vite que moi, mais qu’ils s’arrêtent beaucoup plus longtemps puisqu’ils sont derrière.  Et oui, je pallie ma modeste vitesse de croisière en rognant sur les pauses et le temps de sommeil par rapport aux autres.

 

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je rejoins une petite route dans la forêt qui m’amène aux chalets d’Iraty, station de randonnée à 1300m d’altitude. La nuit ne va pas tarder à tomber. Jean-Pierre et Mireille, les bénévoles d’Oman,  m’attendent au CP19, au km 697. Nous sommes dans un chalet, un vrai lit m’y attend, et Mireille m’en a gardé un en bas des lits superposés. Pas de grimpette à effectuer. Quelle chance !

Les bénévoles s’organisent pour la nuit, chacun son tour. En tout cas, ça brille. La serpillère est de sortie, ce qui n’est pas du luxe avec nos traces de chaussures pleines de boue, puis de pieds nus car nous avons tous la même envie : enlever ces pompes !

Je repars dans la nuit après 4h de sommeil, comme d’habitude. Je suis vite rattrapée par un petit groupe, je tente de les suivre un moment, ça m’évite de chercher le chemin dans le brouillard, mais ils sont plus rapides. Je suis de nouveau seule sur la crête. Le chemin va tout droit, tellement droit que je ne vois pas dans les hautes herbes qu’il faut tourner à gauche. Je descends dans une forêt avant de me rendre compte de mon erreur. Le jour se lève quand je reviens sur mes pas. Le virage que j’ai loupé est pourtant évident, du moins de jour. La brume se lève en même temps. Le chemin est jalonné de cromlechs, puis c’est la descente tout droit. Un coureur apparaît derrière moi, et il court. Mais c’est une coureuse ! C’est Karine. Ca fait un bail que je ne l’avais pas vue. Ses pieds sont guéris, elle peut enfin courir et s’en donne à cœur joie dans cette belle descente. Et les miens ? Ils ne sont pas guéris, mais je pourrai courir si j’en avais envie. Néanmoins je suis bien dans mon rythme de marche, je profite du paysage, et je ne suis pas spécialement pressée d’arriver.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je croise quelques troupeaux de moutons avec leur berger, qui est souvent une bergère. Je tombe en extase sur l’un d’eux, en surplombant le travail du chien qui déplace le troupeau dans un rond parfait. Dans la lumière du jour naissant, c’est saisissant.  Je passe devant une ferme : ici vente de fromage ossau-iraty . Je n’avais pas du percuté que le village d’Iraty où je viens de dormir quelques heures, c’était l’Iraty du fromage.

Je croise de nouveau la tente de l’assistance de Pierre, tout le monde dort. La descente se poursuit, moitié en sentier, moitié en petite route. Je croise quelques groupes de randonneurs. J’arrive au village d’Estérençuby, et oui, c’est l’immersion dans les noms basques maintenant, et je passe ceux des fermes isolées que je croise. Après l’église, une dame m’indique la suite du GR10, le sentier grimpe. Mais sur ma carte, j’ai l’œil sur la petite route qui mène directement à St Jean Pied de Port, sans faire un détour que je juge inutile par la montagne. En longeant le torrent, c’est facile et bucolique. Je double un coureur qui a visiblement eu la même idée que moi, il est épuisé. Il sort de son sac un énorme paquet de dates et m’en offre. Quelle idée de porter ça ! J’arrive au village de St Michel. Que les villages basques sont beaux, avec leurs maisons dont toutes les boiseries sont peints en rouge. Pas une ne manque à l’appel. Et je rejoins le GR10 à Caro, et quelques coureurs qui viennent du bon itinéraire, dont Jérémie.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

St Jean Pied de Port n’est plus loin, et mes parents m’y attendent. Maman vient à ma rencontre, et nous retrouvons papa à la vieille porte d’entrée de la citadelle. J’ai parcouru 733 km. Je reconnais immédiatement la vieille rue, dans laquelle se trouve le CP20. Le GR10 croise le chemin de St Jacques de Compostelle, je suis une habituée de St Jean Pied de Port ! Je pointe rapidement. Un coureur me rappelle par la fenêtre, c’est bon j’ai déjà pointé ! Maman a trouvé une chambre au cœur de la vieille ville, le long du GR. Il est midi et un bon repas m’y attend. Je profite de la salle de bain, mes vêtements rincés vont sécher dans l’escalier. Je mets un petit chapeau à mon petit orteil comme me l’a conseillé le podologue de la Pierre St Martin.  Après 1h de sieste, je repars pour la dernière ligne droite. Hendaye paraît maintenant à portée de main, ou du moins de jambes ! Papa vient de passer quelques jours chez son cousin, missionnaire à la retraite. Toute la maison de retraite des pères blancs prie pour moi. Je ne peux que réussir !

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Mes vêtements sont encore humides, et vu la chaleur, ça fait du bien. Les parents m’accompagnent un bout, papa me lâche le premier et maman vient jusqu’à l’église de Lasse. Prochain rendez-vous : Hendaye !

Le chapeau de mon petit orteil me fait carrément souffrir, je l’enlève vite fait. Il est nul le podologue ! Je me tape aussi un panari à l’index, que je n’arrivais pas à percer, et voilà qu’il éclate tout seul. Ca me soulage d’un coup. J’en ai un autre au pouce en train de se former. Je repars d’un bon pied pour une montée très raide, sur une trace dans les hautes herbes qui raccourcit le large chemin en lacet. Je ressens la forte chaleur, et je garde en permanence l’embout de la poche à eau en bouche, pour siroter pratiquement en continu. Je n’ai jamais eu à faire ça ! Mes bâtons me sont d’une aide précieuse dans la grimpette et je ne pourrai plus m’en passer. Je passe aux 3 abreuvoirs, puis ça remonte tout droit dans les pâturages à moutons jusqu’à l’antenne du sommet du Munhoa. Le vue environnante est très belle sur les sommets basques arrondis et verdoyants. Après la descente du mont, ça remonte vers une crête qui longe la frontière espagnole. La nuit tombe, et le brouillard avec, qu’accompagne rapidement une pluie fine. Ca change de la chaleur d’il y a quelques heures. Ma casquette me gêne sous la capuche avec la lampe, et je préfère l’enlever. Grosse erreur, mes lunettes récoltant gouttes et buée. La visibilité devient rapidement nulle, je ne vois pas plus loin que mes pieds. Je suis dans un immense pierrier de gros rochers, il n’y a plus de chemin du tout, et je ne vois pas la marque suivante du GR. Je perds beaucoup de temps à chercher un chemin, lever la tête pour tenter d’apercevoir une marque plus haut ne sert à rien. Je ne me dirige qu’au GPS, perdant puis retrouvant les marques. Je me tape comme ça un premier pierrier, puis un deuxième, puis un troisième. Heureusement, l’altitude n’est pas très élevée et il ne fait pas froid, mais ma progression dantesque me demande beaucoup d’énergie et une concentration permanente. Entre deux pierriers, je traverse des zones humides, mais mes chaussures trempées ne sont plus à ça près. Ca a l’air sans fin, tandis que le brouillard et la pluie redoublent.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Ca commence à redescendre. Je passe devant une espèce de petite caverne sous les rochers, le seul endroit abrité du coin ? C’est bien possible. J’en profite pour manger. Est-ce que je m’y arrête pour dormir et attendre le lever du jour ? Non, je prends mon courage à deux mains et je préfère continuer à la vitesse d’un escargot, c’est toujours mieux que rien, ne ressentant pas d’envie de dormir. Allons-y de bon coeur !

Je reprends donc ma progression, quand Jérémie l’américain surgit dans la nuit. Il va beaucoup plus vite que moi, mais c’est l’aubaine à ne pas laisser passer. Il a une bonne technique, une lampe sur la tête, une lampe à la main et le GPS dans l’autre main. En tout cas, il trouve le passage qu’il faut. Je me démène pour ne pas le lâcher et je le suis comme un petit chien. Il me demande de temps en temps de contrôler la direction sur mon GPS. Il me dit que les coureurs derrière, dont Géraldine, ont bivouaqué sous la pluie, en désespoir de cause. Alors j’en conclue que ma volonté de continuer a payé.

Nous croisons 2 filles qui montent, qui surgissent en plein brouillard. J’ai d’abord cru qu’elles partaient secourir quelqu’un. Mais pas du tout. Ce sont deux copines de Géraldine qui partent la rejoindre. Elles espèrent qu’elles passeront la ligne d’arrivée ensemble dans les 24h. Quelle utopie de parisiennes, car elles viennent de débarquer de Paris. Je remets leur pendule à l’heure. Pour l’instant, Jérémie et moi sommes pressés de repartir. Nous atteignons la forêt et l’altitude décroit bien. Nous voici enfin à St Etienne de Baïgorry, CP21, 750° km, peu avant le lever du jour. Mais peu m’importent les km présentement. Me mettre au sec et dormir, c’est tout ce que je demande. La dame qui m’accueille me demande si je suis Géraldine. Et bien pas du tout, je suis Isabelle.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je trouve la salle vraiment crade, de la boue partout, des bassines d’eau sale et la table pleine de restes de repas. En plus, il n’y a plus de gaz pour nous faire un repas chaud. J’enfourne tout ce qui me tombe sous la main, mélangeant sucré et salé, les céréales au chocolat et le saucisson. Une fois mes pieds soignés, je me dirige vers le dortoir. Il s’agit de la salle de trinquet. Elle est immense, et 3 coureurs y dorment à un bout. Je m’installe à l’autre bout, à même le sol en béton, la tête sur mes ravitos, je m’endors immédiatement.

Quand je me réveille, il fait grand jour et je suis seule dans cette salle immense. Ca fait un drôle d’effet. Pendant mon somme, le réfectoire a été briqué et est impeccable. C’est plus accueillant. Je prends mon ptit déj, céréales au chocolat + saucisson pour changer. On attend toujours Géraldine, mais ses copines sont là. Elles ont abandonné peu après nous avoir croisés. Alors je confirme, ma volonté a payé, et j’en suis très fière. En tout cas elles ont compris que la ligne d’arrivée ne sera pas pour ce soir.

Je repars à 9h, revigorée. Il fait beau maintenant.

Je monte vers la frontière espagnole, que je suis pas mal de temps sur une longue crête, avec une belle vue vers le pic d’Anie derrière et… la mer devant ! Déjà ! La chaleur est plus supportable qu’hier. Je suis au milieu de nouveaux sympathiques compagnons : les pottoks, ces poneys basques tachetés, ce qui me ravie. Les moutons évidemment sont toujours là. Est-ce la période des ventes ? Ils sont parfois rassemblés dans un enclos, avec du monde qui les examine sous toutes les coutures.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

C’est déjà la descente sur Bidarray. Je traverse le village et remonte de l’autre côté de la vallée. Le CP22 m’attend, installé dans la dernière maison privée, au km767. Il est midi, et c’est le dernier pointage avant l’arrivée ! Youpi ! Cécile, bénévole, m’accueille, elle attendait avec impatience la coureuse réunionnaise. Elle a fait la Diagonale des fous presqu’autant de fois que moi, ce qui n’est pas peu dire. Je m’installe à l’ombre sous une tente dans le jardin pour dévorer un gros plat de pâtes. Karine aussi est là, bichonnée à souhait par toute une bande bruyante.

Cécile m’offre un lit picot dans la cave pour 1/2h de repos. J’ai le temps, je prends. Je partage la cave avec Jérémie qui a la même envie que moi. Je me prépare à repartir quand le père de Franck arrive. Il cherche encore son fils bruyamment. Et tout le monde attend Géraldine. J’entame donc la dernière étape longue de 70km pour l’arrivée. Le paysage que je traverse est ondulé et ne présente pas de difficulté particulière de jour, les cols se succèdent entre 700m et 500m d’altitude avec vue sur l’océan et les crêtes suivent de nouveau la frontière espagnole, au milieu des poneys et des cromlechs. Facile ! Je descends au village d’Aïnhoa. Je double un italien écroulé sur le bord du sentier, prêt à rendre l’âme. Il veut abandonner, si près du but. Pour finir il ira au bout. Au village, ses amis qui le suivent me proposent un énorme pain au nutella, immédiatement englouti. Puis je tombe de nouveau sur l’infatiguable père de Franck. Son fils a toujours du retard sur l’horaire prévu. Je serpente dans la vallée, traverse quelques hameaux. Je demande de l’eau à un monsieur, en fait il y a une fontaine juste après, ce n’était pas la peine de le déranger. Il a vu passer une autre fille peu avant, elle courait. C’est Karine à coup sûr. Le chemin est très agréable jusqu’au village de Sare et ses airs basques, ruisseau et petits escaliers parsemés de charmants oratoires.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

A la sortie de Sare, je tombe sur les organisateurs qui m’attendaient et m’offrent des fruits frais. Ils en profitent pour me pointer. Est-ce un contrôle anti–triche ? Les bruits courent parmi les coureurs que les italiens aiment bien les voitures. D’ailleurs où est passé Roberto qui était toujours derrière moi ? J’ai oublié son existence. Il paraît qu’il est maintenant loin devant…

A la sortie de Sare je trouve un petit endroit plat dans les herbes, parfait pour une sieste d’1/2h avant la dernière montée. Je reprends la route vers 17h, et la pluie s’invite après quelques pas. Quoi ? Je vais replonger dans une nuit d’enfer ? Mais c’est la dernière, j’y vais gaillardement, vers la montagne de la Rhune. Je vois passer le petit train jaune vers le sommet, dans un boucan de ferraille bringuebalante. Je traverse la voie et j’arrive au col des trois fontaines, où la pluie s’intensifie. Est-ce le dernier col ? Quelques promeneurs sont sur le chemin du retour, il y a plein d’anglais, je double tout le monde, les pieds trempés dans les flaques.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je rejoins la vallée, je croise de nouveau le père de Franck, toujours à l’affut, je déguste mon dernier paquet de chips, et… ça remonte. Je ne m’y attendais pas. La nuit tombe, et le brouillard pluvieux avec, bien que je ne sois pas haut du tout, 400m. La visibilité est rapidement réduite. Je croise une campeuse, elle fait la Pastourale, la petite sœur de la Transpyrénéa. Quelle drôle d’idée de s’arrêter dormir si près du but. Je passe juste à côté du poste frontière, et ça remonte de nouveau. Je ne trouve pas le départ du sentier, je dois demander à un gardien, dans la nuit. Il n’a pas l’air étonné de me croiser, il a dû voir passer quelques lampes ces derniers jours. Et c’est reparti pour le sentier, sans rien voir. Après un petit replat, je ne trouve plus les marques du GR, rien à faire, et pourtant le sentier est bien tracé, mais dans cette purée de pois... Le GPS m’envoie à gauche. Alors à gauche, à gauche. Ah ça y est, je les retrouve ces marques. Au bout d’un moment, je préfère contrôler ma direction sur le GPS, et là, ô surprise, je suis sur la trace où je suis déjà passée. Je n’en crois pas mes yeux. J’ai fait un demi-tour complet et je me dirige droit vers la Méditerranée ! Heureusement, je n’ai pas été trop loin. Je reprends mes esprits et me remets dans la bonne direction. Je reviens à l’endroit fatidique de mon fourvoiement, de nouveau à gauche toute, et cette fois je trouve le bon sentier. Je n’ai plus qu’à descendre définitivement. Je sors des nuages, et je vois les lumières d’Hendaye et toute la côte. Ma fois, j’ai encore une petite trotte à faire, une dizaine de km.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

J’arrive à Biriatou en croyant être dans les faubourgs d’Hendaye. Le GR et le GPS ne donnent pas la même direction. Je suis bonne pour faire demi-tour une fois de plus. Tout ça me fait perdre pas mal de temps et je vois l’avance sur la barrière horaire de l’arrivée de 4h du matin fondre comme neige au soleil. Franck surgit derrière moi avec son fils de 10 ans. Nous décidons de faire route ensemble jusqu’à l’arrivée. Il veut absolument ne pas dépasser la barrière horaire, et se met à courir. Je le suis sans problème, pas de douleur aux pieds ni lassitude. Il est plus rapide que moi en montée et je vais plus vite en descente, mais je dois me forcer pour le suivre. Nous sommes de nouveau dans la campagne, et pas du tout dans les faubourgs d’Hendaye. En traversant une route, nous perdons le fil du GR. Franck engueule son fiston qui n’a pas été capable de suivre les marques. Bon, l’ambiance me plaît moyen. Je décroche dans la dernière montée, et je n’ai plus qu’à traverser Hendaye seule. J’abandonne la course et reprends une marche rapide, toc toc au rythme de mes bâtons en pleine nuit.

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Je longe l’embouchure de la Bidassoa, retraverse une petite portion du centre ville, et j’atteins la plage, que je longe sur la promenade piétonne. Encore 2km, et j’y suis, je vois la flamme de l’arrivée. Il est 4h20 en ce matin du vendredi 4 août, il pleut, et je viens de parcourir 836km en 17 jours. C’est fini.

J’y suis 3 jours après le premier.

Cyril m’accueille, je suis d’un calme olympien. Contrairement à Franck que toute sa famille fête. Ils partent rapidement. On me colle un demi gobelet en plastique de champagne chaud dans les mains, alors que j’aurai voulu une chaise, mais il n’y en pas. Et quelque chose à manger peut-être ? Car avec le champagne chaud, je vais m’écrouler raide morte. Non, il n’y en pas. Il faudrait peut-être me pointer ? Ah oui, on avait oublié. Il y a un coureur italien transis sur un fauteuil trempé. Il me dit qu’il est fatigué, qu’il veut dormir, mais comme Cyril lui a dit d’attendre, il attend. Depuis combien de temps ? 2h. Ah lala ! Je l’embarque avec moi, allez suis-moi, et je trouve une tente de l’organisation libre parmi les 3 qui sont là. On se la partage.

Je vais prendre une douche au yacht-club qui nous accueille. Il y a un gros panneau « Hommes » sur la porte des sanitaires. Je fais le tour du bâtiment pour trouver un « Femmes ». Peine perdu, il n’y en a pas. J’atterris donc chez les hommes. Je suis seule, ce n’est pas gênant et j’y prends mes aises. Puis je fais un tour dans la salle de l’organisation. Tout le monde dort. Je fais une razzia sur ce que je trouve  à me mettre sous la dent.

Le repos est bienvenu sous la tente. Je me réveille à 8h, et part en quête d’un petit déjeuner. Je ne suis pas la seule à glaner de nouveau les restes de l’organisation. Pendant ce temps, mes parents sont arrivés. Ils ont récupéré mes quelques affaires sous la tente, car il n’y a plus de tente. Les gendarmes ont tout fait enlever. Sympa pour ceux qui doivent encore arriver !

Balade pyrénéenne Juillet 2016

Bilan de ma petite virée : 3 ongles de pied et 4 kg en moins, 17 nuits dehors. Ca monte, ça descend, il fait jour, il fait nuit, ça pourrait paraître monotone ! En outre on peut vivre sans matelas, et je suis devenue experte dans l’utilisation des bâtons. Mais surtout je m’en suis mis plein la vue, des sommets aux petites fleurettes, ah ce chardon bleu ! En passant par les bestiaux en tout genre. Quelle magnifique chaîne de montagnes que les Pyrénées ! Et une nouveauté pour moi pas toujours agréable : la gestion des barrières horaires.

J’ai juste une grosse envie de dormir et une faim dévorante. Il me faudra une semaine pour récupérer et être d’attaque. Et je me réveille toutes les nuits en voyant un sentier devant moi : allez debout, il faut y aller ! Mais non, tu es dans ton lit, tu peux dormir.

Je vais montrer mes petons à mon podologue, il les trouve très bien soignés, il n’a plus rien à faire. Néanmoins la plante va peler pendant un mois, me donnant des pieds de bébé.

En attendant, lundi, au boulot !

Prochaine étape : le trail de bourbon dans 2 mois et demi, fastoche !

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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 18:15

Une amie me fait part d'une nouvelle course : l'ultra trail d'Angkor, 130 km. Angkor ! Depuis le temps que je cherche un truc chouette dans le coin ! Ni une ni deux, je m'inscris dare-dare, c'est dans 2 mois. Il y fera chaud, j'ai l'habitude, ce sera tout plat, je n'ai pas l'habitude, c'est long, comme j'aime. SDPO propose 4 épreuves, la plus longue étant de 130km. Je n'envisage même pas de faire une des autres. Je débarque donc à Siem Reap une semaine avant la course. C'est la grande ville juste à côté du site des temples d'Angkor. Une semaine pour me balader dans le nord du Cambodge. Il fait chaud et humide comme à la Réunion à la même époque, en Janvier. J'en profite pour profiter de ces magnifiques temples envahis de végétation, en vélo, vu que c'est tout plat. Au lieu de me "reposer", un mot que je ne connais pas trop. Et de faire connaissance avec Jayavarman VII, le roi qui a bâti toutes ces merveilles.

Je visitais donc les temples en vélo 2 jours avant la course quand je suis tombée sur le groupe de coureurs qui avait pris le packaging séjour touristique en plus de la course. Je ne pouvais pas les manquer, il y en a qui étaient déguisés en coureur. Une fille en jupette de course dans un temple ! Et je suis interpellée, c'est Éric le Belge du Manaslu de l'année dernière ! Il fait le 64 km. L'organisateur propose l'inscription à la course, sec. Tout le reste est en option, et je n'ai pris aucune option. Je me débrouille par moi-même sur place. Je vais chercher mon dossard le soir, j'espère y faire connaissance de Jean-Claude Lecornec, notre mentor. C'est la première fois que je cours avec lui. Mais non, il n'est pas là. Dommage, je ne suis pas sûre de pouvoir le voir après. Samedi 23 janvier 2016 : J'ai commandé un tuktuk à 4h du mat pour aller au lieu du départ: la Terrasse des Eléphants à Angkor, à 7km de Siem Reap. C'est de là que le roi regardait ce qui se passait sur la grand place de Angkor Thom, la ville d'Angkor, au 11°s. Angkor Thom était une très grande ville, et le royaume khmer était très puissant.

Il fait nuit. Les tentes de la course sont montées sur la place. Il y a le 130 km et le 64 km qui partent en même temps. Les autres courses plus courtes partent après. On est 60 sur le 130 km. Ils sont beaucoup plus nombreux sur le 64, je ne sais pas combien. il y a un paquet de coureurs initialement inscrits sur le 130 qui se sont rabattus sur le 64 depuis 2 jours, par peur de la chaleur. Sur la ligne de départ, je m'aperçois que j'ai mis mon maillot à l'envers. Il y a une vidéo sur internet où on me voit très bien en train de défaire mon sac pour changer le sens de mon maillot, bref, le type a coupé l'image juste avant que je sois à poil ou presque. Ouf ! Je sais que je vais beaucoup transpirer, comme quand on court dans les bas chez nous en janvier. Je me suis bien crémée partout contre les frottements, les fesses, la ceinture du short, la ceinture du sac, sous les bras. Je sais que ça va échauffer fort. Et voilà, c'est parti ! Avec un peu de retard car des coureurs ont paraît- il eu du mal à trouver la Terrasse des Eléphants. On part vers la porte est d'Angkor Thom. Les portes d'Angkor Thom sont magnifiques : on passe sous une immense tête à 4 visages, qui représentent les 4 vertus de Bouddha dans les 4 directions : la sympathie, la pitié, l'humeur égale, et l'égalité, le visage étant bien sûr celui de Jayavarman VII, qui les a fait construire. A la lueur de la frontale, c'est magique.

Ultra Trail d'Ankgor 2016

Puis on serpente sur un petit sentier de forêt. A chaque intersection, il y a un garde du parc pour nous garder sur le bon chemin. Je me fais déjà doubler à gogo, et par quelques filles. Mais sont-elles sur le 64 ou sur le 130 ? En tout cas comme d'hab, c'est toujours ma jambe gauche qui me freine. On arrive près d'un temple, dans la nuit. C'est Ta Nei, on le contourne. Le balisage de nuit est bien fait, de la rubalise et des barres phosphorescentes dans les arbres. Voilà les oiseaux qui se mettent à chanter et le jour qui se lève, il est 6h. On franchit un pont métallique, un pont français. Tiens, il y en a un qui est plié en 2 sur le côté, il vomit. Ca commence mal pour lui. Le peloton est déjà bien étiré. On rejoint la route et on longe le long mur d'enceinte du temple de Ta Prohm. Jayavarman VII l'a construit pour sa mère. On contourne le temple, envahi par les arbres de la jungle, les fromagers aux racines envahissantes et destructrices. J'ai toujours du mal à accélérer, alors je reste à ma petit allure. On se retrouve de nouveau sur des petits sentiers dans la forêt, c'est agréable. Ca n'empêche pas la chaleur, je transpire à gogo. Et il est encore tôt. Mais ça ne me gêne pas, j'ai l'habitude. On traverse le village de Srah Srang, le long d'un grand bassin, piscine de Jayavarman VII. C'est très joli.

Puis c'est le temple de Pré Rup qui se pointe. Il est plus vieux que les précédents. C'était un temple hindouiste, dédié à Shiva. Il est construit comme une montagne, et les tours sont en briques. Dans la lumière du petit matin, il me surplombe, il apparaît très rouge. Superbe. J'ai fait 15km et je suis au premier ravito de bananes. Les ravitos suivants seront tous les 10 km, ce qui est très confortable. Pas besoin de prendre des tonnes d'eau. Encore un peu de forêt avant d'atteindre le village de Pradac. On poursuit sur une bonne piste, au milieu des rizières. Le soleil est maintenant là, énorme boule rouge au dessus de l'horizon. Quelle lumière magique ! Le riz est récolté, les rizières sont en paille jaune, et paraissent toutes oranges à ce moment, rectangles bordés de petites digues de terre. C'est vraiment la meilleure heure. Je suis seule sur mon bout de piste, et je m'en mets plein les yeux.

La piste atterrit au milieu des rizières. Quelques vaches toutes blanches et maigres broutent la paille qui reste aux champs, leur bouse apporte un engrais naturel. Il y aussi quelques buffles, tout gris et gras. Ils sont au repos, et ne reprendront le boulot que pour les labours. Notre chemin serpente sur les diguettes étroites des rizières, un coup à droite, un coup à gauche, pour déboucher sur une rivière à franchir à gué. Je passe un peu en amont, c'est plus étroit et je peux sauter sans me mouiller les pieds. On rejoint un chemin, très sablonneux, bordé de buissons, toujours au milieu des rizières. J'aime courir dans le sable, même si ça ralentit la progression. Je double un coureur, il faut dire qu'il batifole avec les gamins du cru. Avec l'arrivée du soleil tapant, j'ai chaussé ma casquette saharienne géante et les lunettes de soleil. Autant bien se protéger des ardeurs locales. Sur la ligne de départ, une canadienne me trouvait drôlement bien équipée tropical. Je ne viens pas de la Réunion pour rien. Elle n'avait pas osé s'inscrire sur le 130km car elle n'avait jamais couru de nuit. C'est justement là qu'il faut commencer, c'est tout plat, facile de voir où on met les pieds la nuit. Je sors des rizières, traverse une route et passe sous un porche de temple bouddhiste. Le ravito est là, avec un délicieux gâteau maison local, au lait de coco. Il va nous falloir de l'énergie, on grimpe au sommet d'une petite colline, le temple de Phnom Bok est au sommet. Dure ascension de...150m, la seule de la journée. On y grimpe par un magnifique escalier de 400 marches. Quel plaisir ! J'y double quelques coureurs.

Les temples khmers sont très particuliers. Le pays était hindouiste jusqu'au 11° siècle. Les temples sont donc hindouistes. Puis notre ami Jayavarman VII s'est converti au bouddhisme. Mais il n'a pas abandonné Vishnou et Shiva pour autant. Ils sont donc tous mélangés. De même il y a de magnifiques sculptures, racontant les épopées hindoues du Mahabharata et du Ramayana, et beaucoup d'Asparas, les danseuses célestes. Aujourd'hui le pays est boudhiste. Le Cambodge est un pays tout plat, avec de temps en temps une colline isolée qui émerge, on se demande ce qu'elle fait là. A tous les coups il y a un temple en haut, ancien ou récent. A l'occasion, si la colline est raide, les Khmers rouges en profitaient pour jeter les pauvres innocents d'en haut, ça leur économisait des cartouches. Rappelons qu'il ont tué 3 millions de gens sur 15 millions en 4 ans en 75. Tout le monde en parle là-bas. Mais revenons à la course, dans un Cambodge heureux et à mon temple perché en haut de la colline.

On fait le tour du temple et on redescend par un bon sentier, que je dévale allègrement. Je retrouve le ravito, et on retraverse la route pour retrouver les rizières et le chemin sableux. Ca me va bien, même si je ne peux pas accélérer. Je suis seule sur cette portion de chemin. On traverse un village. Un monsieur arrose le devant de sa boutique pour éviter la poussière. Les réserves d'eau sont dans des grandes jarres devant chaque maison. J'y trempe ma casquette. Apparemment, il n'y a que moi qui ait cette idée rafraîchissante, les autres coureurs passent droit. Me voici de nouveau dans un village. Les maisons cambodgiennes sont en bois, sur pilotis. Elles peuvent être hautes. Cela permet une circulation de l'air sous la maison et les garde un peu plus au frais. Enfin, tout est relatif vu la chaleur ambiante. Le rez de chaussée sert de pièce à vivre dans la journée, à l'ombre. Quand on est plus riche, on a une maison en dur, ce qui n'empêche pas les pilotis. On traverse un temple bouddhiste, récent celui-ci. Les moines dans leur robe orange nous regardent passer, tout souriants.

J'arrive devant une école primaire. Une haie de gamins m'accueille, chemisier blanc et short ou jupe noir. Super ambiance ! C'est le 3° ravito. Il n'y a que des bananes, ça fera l'affaire. Il y a aussi un temple, en ruine celui-là, dont on fait le tour. Je cours parmi les blocs de grès, et je double à ce petit jeu. La petite cambodgienne qui tient le ravito veut m'y renvoyer une 2° fois. Non non, je l'ai déjà fait. On part par où après ? Voilà un quart du parcours fait. Il est 10h. Je n'ai pas battu des records de vitesse. Je sors la crème solaire, ça commence à taper dur. La suite du parcours est une piste avec de longues longues lignes droites. En plein cagnard. Pas une goutte d'ombre. Qu'est-ce qu'on transpire. Je dégouline. Des rizières, des rizières, des rizières, des vaches. Heureusement il y a très peu de circulation, donc pas de poussière, quelques vélos et motos. On traverse des villages de temps en temps, ça fait de l'animation. Les petits enfants nous encouragent, hello, hello ! Je suis avec un coureur qui n'arrête pas de s'inquiéter des km restants. Soit disant triathlète confirmé, qu'est-ce qu'il râle ! Il a du mal à encaisser les lignes droites. Je lui conseille de regarder le paysage qu'il ne verra qu'une fois plutôt que son GPS. Et on ne s'aperçoit pas des lignes droites. Il cherche partout de l'eau de coco à boire. Quelle idée saugrenue. Il n'y en pas. Nous ne sommes plus dans le coin à touristes.

Voilà qu'on croise des jeunes en vélo qui sortent du collège, toujours chemisier blanc et pantalon ou jupe longue noir. On échange quelques mots d'anglais. Ils sont ravis. C'est l'heure du repas au village. Les familles se regroupent sous les pilotis des maisons pour manger le riz. Au ravito suivant, ceux qui font le 64km commencent à penser fortement à l'arrivée et m'admirent de continuer. Je ne les vois pas faire un km de plus.

On regagne la forêt. Cela annonce le site d'Angkor. Un peu d'ombre est bienvenu. Je longe un mur très très long, bordé de larges douves pleines d'eau. Ca ressemble fort à Angkor Vat. Je cherche les tours des yeux, mais les murs ne laissent rien percer. Effectivement, j'aperçois l'entrée principale du temple sur l'autre côté, plein de monde. J'espère qu'on ne va pas aller par là. Et non, on rejoint la route et on tourne à droite, vers Angkor Thom et la terrasse des éléphants de ce matin. On reprend la route, la plus touristique du Cambodge. Heureusement, ce n'est pas l'heure des bus. C'est bien ombragé, c'est déjà ça. Je passe devant le temple de Prasat Thma Bay Keak, un des plus vieux du site. Et voilà la splendide porte d'Angkor Thom. On traverse les douves, le pont est bordé d'une avenue de statues, supportant une balustrade en forme de Naga, le serpent à 7 têtes, gardien et protecteur. La porte est surmontée des 4 visages de Bouddha, impressionnants. C'est magique de la passer à pied. Puis c'est une longue ligne droite dans la forêt, qui mène à Angkor Thom, qui était une ville immense. Le temple central, le Bayon, est surmonté d'un nombre impressionnant de tours, toutes en forme des 4 visages, toujours celui de Jayavarman VII, qu'on commence à bien connaître, représentant Bouddha. On contourne le mur d'enceinte du Bayon. Je me dévisse le cou pour admirer les tours émergeant du mur en courant. Trop beau, je ne peux pas louper ça. La Terrasse des Eléphants est juste après, je prends le balisage 130km, je suis à la moitié du parcours. Il est 14h, j'ai mis la bagatelle de 9h pour faire 64km.

C'est l'arrivée du 64 km, beaucoup s'arrêtent là. Qui est sur le 64 et qui est sur le 130 ? Je vais me restaurer. Une bonne soupe aux nouilles cambodgienne. Du rab s'il vous plaît. Ça fait 9h que je ne mange que des bananes. Il y a aussi du gâteau au lait de coco, celui qui faisait défaut sur les ravitos. Ah oui, il y a eu un problème de transport pour le gâteau. Et une bière ? Non merci, pas maintenant. La prochaine fois que je passerai par là. Mon voisin se laisserait bien tenter par la bière. Il envisage de ne pas repartir. Pourtant, il n'est pas blessé. Juste un peu fatigué, il fait trop chaud, et les autres prennent une bière, alors pourquoi pas lui. Quel stupide abandon ! J'ai tenu tout ce temps sans avoir de frottements, comme c'est chouette. Je jette un coup d'œil sur mon ventre, ça commence à rougir et à s'irriter. Je vais mettre un morceau d'élastoplaste pour protéger avant de repartir. Je vais au stand des médecins pour avoir des ciseaux pour couper la bande. Ils n'en ont pas. Drôles de médecins cambodgiens. Un couteau peut-être ? Encore moins. Ils vont chercher celui des cuisiniers et ramène un gros hachoir plein de légumes. Je propose de le nettoyer, histoire de ne pas avoir des oignons sur le ventre. Du coup, ils veulent le stériliser à l'alcool. Non, ça va, je n'en demande pas tant. Bref, je finis par m'en sortir. Mais j'ai perdu du temps avec cette histoire. Me voilà repartie d'un bon pied. Je monte les quelques marches de la Terrasse des Eléphants, je la traverse et redescends au bout. Les touristes m'encouragent et me souhaitent de bonnes jambes. Puis je sors de Angkor Thom par une autre porte, toujours surmontée de la tête à 4 visages. Un petit bout de route, et c'est de nouveau un sentier dans la forêt, bien ombragé. Je passe devant quelques maisons. C'est très sale, des plastiques et des barquettes de repas en polystyrène, alors que nous sommes dans le parc d'Angkor. Sur les circuits touristiques, c'est très propre, avec des poubelles partout et des gens qui balaient toute la journée.

Encore un bout de route qui mène au Baraï occidental, un immense réservoir d'eau rectangulaire, de 8 km de long et 2 km de large, qui date du 11° siècle, un peu avant Jayavarman VII. Tous ces réservoirs servaient, et servent encore à irriguer les douves et les rizières. Je suis sur une bonne piste, et je suis avec 3 coureurs, que des asiatiques, dont une fille. Ils marchent régulièrement, je les double alors. Ils me redoublent quand ils se mettent à courir. Je ne marche pas, je cours toujours sans effort. J'aviserai quand ça deviendra pénible, mais j'ai bien l'intention de courir tout de même jusqu'au 85° km. C'est la moindre des choses. Je sens de nouveaux frottements qui apparaissent sur mon ventre. Il fallait bien que ça arrive. Je demande des ciseaux dans une maison, pour couper un morceau d'élastoplaste. Mais oui madame. C'est plus facile qu'avec le milieu médical. J'arrive au ravito du km75. Il y a une chaise. Quel luxe ! Suksodkeaw la petite thaïlandaise part quand j'arrive et me cède gentiment la place, juste le temps de faire le plein d'eau. Et ça repart, direction les riziètes sur cette piste très sableuse. Courir dans le sable ne me gêne pas. Les autres en étant incapables, je double mon petit groupe. Mitsuji le cambodgien passe carrément dans les rizières. Je teste, mais je trouve plus difficile. Le sol est très inégal, et la paille sur pied est dure. Dès que ça devient roulant, Lawrence le singapourien et Suksodkeaw me redépassent. On joue à ce petit jeu sur les 20 km suivants. Dans le sable, je les épate, ils n'en reviennent pas.

Mais voilà qu'on quitte les rizières. On est maintenant sur une bonne piste. Ils partent devant, je ne peux pas les suivre. Ce que je ne sais pas, c'est que nous sommes les 2 premières filles. Me voilà donc seule, et je le serai jusqu'au bout. C'est la fin de la journée, les gens rentrent les vaches et les cochons sous les pilotis. Il y a du monde dans les villages, tout le monde est à la maison. Les enfants me saluent à gogo, et courent un peu avec moi. Les villages se succèdent par là. Ca gigote et sautille sur le chemin, je dérange des grenouilles. Le soleil se couche. Il devient un énorme astre tout rouge, comme ce matin à son lever. De nouveau les couleurs sont splendides sur les rizières. Je traverse une pagode. juste avant la nuit. J'aimerai me laver les mains, mais le seul robinet dans la cour est occupé par un bonze en pleine ablution. Il me fait signe que non, je ne peux pas utiliser le robinet. Certes les femmes n'ont pas le droit de toucher un moine, mais je ne veux pas le toucher, juste me passer les mains sous l'eau. Tant pis, je reste crade. A chaque intersection il y a un policier chargé de nous orienter. Quand j'arrive : l'eau mouille ! L'eau mouille ! Mais qu'est ce qu'il raconte ? Ils téléphonent tous à leur chef : l'eau mouille ! C'est 11 en khmer, mon n° de dossard ! En fait, 11 c'est dap moï. J'en suis au ravito du 95 ° km. J'en profite pour vider le sable une fois de plus de mes chaussures. L'organisateur nous a envoyé un mail pour conseiller de prendre des guêtres, trop tard, j'étais déjà partie de la case.

Entre temps la nuit est tombée. C'est la pleine lune. Les familles prennent leur repas dehors. Il y a néanmoins peu de lumière dans les villages, jusqu'à ce que tout le monde soit couché et qu'il n'y en ait plus du tout. Par contre les nombreux chiens se déchaînent. Ils ne sont pas méchants, mais aboient très fort et se baladent dans le chemin. Les yeux des vaches brillent à la lumière de ma lampe. Il y a du monde au ravito. On me propose une espèce de soupe de tapioca, ça ne me tente guère, mais il faut bien manger quelque chose de consistant de temps en temps. Une petite bouchée me suffira. J'aurai l'estomac retourné jusqu'à la fin après ça. Je me remets encore un peu d'élasto sur le ventre, ça frotte toujours. Une petit cambodgienne m'aide bien. Je repars. Je traverse un gros village. Il y a une musique d'enfer, une grosse fête très éclairée avec écran géant de ciné. Il y a encore encore un peu de rizières et de sable. C'est la bonne excuse pour me mette à commencer à alterner marche et course. J'ai eu tort, j'étais capable de continuer à courir sans problème. Je n'aurai pas réussi à rattraper la petite thaïlandaise, mais j'ai ralenti bêtement. Histoire d'en profiter plus longtemps ? Je marche peu tout de même. Je sors définitivement des rizières maintenant. Au ravito des 105 km, il y a foule pour m'accueillir. Un 4x4 arrive, c'est la 1° fois que je vois un gars de l'organisation français sur la 2° partie du parcours. Il est vrai que les cambodgiens nous bichonnent. D'ailleurs voilà que le policier de service m'escorte en mobylette !

Je continue à alterner course et quelques pas de marche. Mon mentor me suit silencieusement sur sa mob. Après tout, ça me tient éveillée. Car depuis la tombée de la nuit, j'ai envie de dormir, c'est-à-dire depuis 18h... Ça faisait un peu tôt ! Je rejoins le Baraï occidental, le grand réservoir d'eau, et je le longe sur sa largeur. Je suis sur une grande piste un peu en contrebas. Je grimpe le talus pour admirer ce grand lac rectangulaire. Avec la pleine lune, c'est très beau. Et voilà, je me mets à marcher, en me disant que je recours au virage du coin du Baraï. C'est un angle droit, je ne devrais pas le louper. Mais je marche, je marche, je marche, bien plus longtemps que ce qu'il faut. Je sais pertinemment que j'ai réussi à passer le virage absolument sans le remarquer, mais je reste butée dans ma tête, je ne recours qu'à ce foutu virage. Mon escorteur me dit que je suis fatiguée, que je peux monter sur sa moto. A ça, pas question ! il n'a pas dû bien comprendre ce qu'était une course à pied. Peut-être que d'autres ont accepté ? J'arrive donc de ce pas au ravitaillement des 115 km, qui est au milieu de la longueur du Baraï. Bon, pas glorieux tout ça. Surtout que je suis très bien physiquement.

Je mange un peu, pas grand chose, j'ai toujours le tapioca sur l'estomac. Je repars, avec une nouvelle escorte. Son copain lui a dit que j'étais fatiguée. Le gentil nouveau policier me propose donc... de monter sur sa moto. Mais non mais non ! Et puis il ne me reste que la bagatelle de 15km. Je repars en courant, à bonne allure cette fois. On ne m'arrêtera plus jusqu'à l'arrivée. Du coup la fin du Baraï passe à vitesse grand V, avant de me retrouver déjà dans la forêt d'Angkor. Ça sent les temples.Lle sentier serpente, la moto m'a abandonnée. Ca y est, je suis sur la route qui même à la porte du Bayon, avec ses têtes maintenant bien connues. et bien le voilà, le Bayon, la Terrasse des Éléphants est juste derrière. Je franchis la ligne d'arrivée à 4h du matin, dans un camp... désert. Pas de coureur, pas de cuistot, pas de masseuse, pas de toubib. On me file un morceau de gâteau en désespoir de cause, mais pas de soupe de nouilles à l'horizon. Même pas d'eau pour se laver les mains. Pas de navette pour retourner en ville comme promis. Peut être une tout à l'heure. Je ne mange pas le gâteau et je vais me coucher. Je demande à ce qu'on me réveille quand quelqu'un ira en ville pour rentrer à l'hôtel. Heureusement le dortoir est confortable, avec de vrais matelas par terre. J'enlève mes chaussures, et... je me précipite dehors pieds nus derrière l'ambulance pour... gerber mon tapioca d'il y a quelques heures. Ah ! Ca va mieux ! Une des bénévoles est très gentille et tente de m'aider, mais elle n'a rien sous la main. On ne se connaît ni d'Eve ni d'Adam, mais elle m'appelle par mon prénom. Je ne sais pas comment elle le connaît. En tout cas ça fait plaisir.

Je n'ai pas amené de sac avec des vêtements de rechange. Je m'endors illico tel quel. On me réveille au lever du jour, il y a un transport pour Siem Reap, mais ça ne vaut plus le coup, la remise des récompenses est à 9h. Je me rendors tout de suite. Je me lève peu après avec le jour, ma foi pas si mal reposée. Les cuistots daignent arriver. Je peux me taper une double soupe de nouilles en ptit déj. Je cherche quelques chose à boire autre que de l'eau, il y avait plein de trucs à l'arrivée du 64 km. Mais pour nous, il ne reste... que la bière. Je ne suis plus à ça près, une bière pour le ptit déj. Mais il faut relancer la machine à pression. D'autres en profitent, je ne suis pas la seule à me faire servir. Les médecins reviennent, mais je n'ai pas besoin d'eux. Quant aux masseuses, rien à l'horizon. Je suis bonne pour aller me faire masser en ville cet aprèm. Sans doute après 130 km en a-t-on moins besoin qu'après 64. Je retrouve Suksodkeaw et Lawrence, qui sont aussi restés dormir sur place comme moi. Ils ont terminé la course ensemble. Je me décide enfin à aller voir les résultats. Je suis 6° au scratch et 2° féminine ! Pas mal du tout ! En 22h 47, 9h sur les premiers 65 km et... 14h sur les seconds 65km. J'ai donc été en tête de course des filles par moment, sans le savoir. La seule chose qu'on m'a dite, c'est " l'eau mouille". J'ai épaté mes 2 comparses en courant dans le sable. Néanmoins, ils arrivent 1 h 15 avant moi. Et autre surprise, il n'y a que... 20 noms à l'arrivée, sur 60 au départ. Ça fait la bagatelle de 70% d'abandon ! Je n'ai jamais vu ça. Je ne suis pas si mauvaise que ça alors. Je repense au gars assis à côté de moi à mi parcours, qui trouvait que c'était dur et qui s'est fait avoir par l'ambiance d'arrivée. en outre il paraît qu'il a fait plus de 40°C dans la journée. Il y a un peu de monde maintenant, mais pas foule pour la remise des récompenses. En tout cas, bien loin des 60 coureurs. Les autres courses, c'était hier. Ça fait un peu pauvre. Mais non, il y a 2 superbes fauteuils sur l'estrade. Un pour Le Cornec, l'organisateur, et un pour le ministre du tourisme du Cambodge. Nous on a 3 cubes sous le soleil. On a le droit à un discours en khmer et en anglais. Je gagne un affreux trophée avec un dessin d'Angkor. Alors qu'il y a plein d'artisanat local sympa. Mais ça plait à ma voisine. J'ai tout de même un regret. En tout et pour tout, j'ai vu Le Cornec quelques minutes, et je ne lui ai jamais parlé. En voilà un qui connaît bien ses coureurs ! A sa décharge, on ne paye que la course et on n'est pas obligé de prendre tout le tralala autour, ce qui me va très bien. C'était un très beau parcours, que j'ai vraiment apprécié. Dommage que l'arrivée était si sinistre. Heureusement, les éléphants de la royale terrasse étaient là.

Je rentre à l'hôtel, le patron me demande où j'ai couru. 130km, il en reste baba. Du coup il m'offre le ptit déj. Je remets donc ça. Sans bière cette fois. Puis relaxation bienvenue dans la piscine, avant un arrêt dans un salon de massage. Les massages cambodgiens sont très efficaces. J'aimerai savoir comment la fille trouve l'etat de mes jambes, mais elle ne parle pas un mot d'anglais. Je me contente d'un beau sourire. Elle insiste tout de même sur mes gambettes. Infatigable, je retourne une dernière fois profiter d'Angkor Vat, le temple des temples. En moto cette fois.

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