Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 18:15

Une amie me fait part d'une nouvelle course : l'ultra trail d'Angkor, 130 km. Angkor ! Depuis le temps que je cherche un truc chouette dans le coin ! Ni une ni deux, je m'inscris dare-dare, c'est dans 2 mois. Il y fera chaud, j'ai l'habitude, ce sera tout plat, je n'ai pas l'habitude, c'est long, comme j'aime. SDPO propose 4 épreuves, la plus longue étant de 130km. Je n'envisage même pas de faire une des autres. Je débarque donc à Siem Reap une semaine avant la course. C'est la grande ville juste à côté du site des temples d'Angkor. Une semaine pour me balader dans le nord du Cambodge. Il fait chaud et humide comme à la Réunion à la même époque, en Janvier. J'en profite pour profiter de ces magnifiques temples envahis de végétation, en vélo, vu que c'est tout plat. Au lieu de me "reposer", un mot que je ne connais pas trop. Et de faire connaissance avec Jayavarman VII, le roi qui a bâti toutes ces merveilles.

Je visitais donc les temples en vélo 2 jours avant la course quand je suis tombée sur le groupe de coureurs qui avait pris le packaging séjour touristique en plus de la course. Je ne pouvais pas les manquer, il y en a qui étaient déguisés en coureur. Une fille en jupette de course dans un temple ! Et je suis interpellée, c'est Éric le Belge du Manaslu de l'année dernière ! Il fait le 64 km. L'organisateur propose l'inscription à la course, sec. Tout le reste est en option, et je n'ai pris aucune option. Je me débrouille par moi-même sur place. Je vais chercher mon dossard le soir, j'espère y faire connaissance de Jean-Claude Lecornec, notre mentor. C'est la première fois que je cours avec lui. Mais non, il n'est pas là. Dommage, je ne suis pas sûre de pouvoir le voir après. Samedi 23 janvier 2016 : J'ai commandé un tuktuk à 4h du mat pour aller au lieu du départ: la Terrasse des Eléphants à Angkor, à 7km de Siem Reap. C'est de là que le roi regardait ce qui se passait sur la grand place de Angkor Thom, la ville d'Angkor, au 11°s. Angkor Thom était une très grande ville, et le royaume khmer était très puissant.

Il fait nuit. Les tentes de la course sont montées sur la place. Il y a le 130 km et le 64 km qui partent en même temps. Les autres courses plus courtes partent après. On est 60 sur le 130 km. Ils sont beaucoup plus nombreux sur le 64, je ne sais pas combien. il y a un paquet de coureurs initialement inscrits sur le 130 qui se sont rabattus sur le 64 depuis 2 jours, par peur de la chaleur. Sur la ligne de départ, je m'aperçois que j'ai mis mon maillot à l'envers. Il y a une vidéo sur internet où on me voit très bien en train de défaire mon sac pour changer le sens de mon maillot, bref, le type a coupé l'image juste avant que je sois à poil ou presque. Ouf ! Je sais que je vais beaucoup transpirer, comme quand on court dans les bas chez nous en janvier. Je me suis bien crémée partout contre les frottements, les fesses, la ceinture du short, la ceinture du sac, sous les bras. Je sais que ça va échauffer fort. Et voilà, c'est parti ! Avec un peu de retard car des coureurs ont paraît- il eu du mal à trouver la Terrasse des Eléphants. On part vers la porte est d'Angkor Thom. Les portes d'Angkor Thom sont magnifiques : on passe sous une immense tête à 4 visages, qui représentent les 4 vertus de Bouddha dans les 4 directions : la sympathie, la pitié, l'humeur égale, et l'égalité, le visage étant bien sûr celui de Jayavarman VII, qui les a fait construire. A la lueur de la frontale, c'est magique.

Ultra Trail d'Ankgor 2016

Puis on serpente sur un petit sentier de forêt. A chaque intersection, il y a un garde du parc pour nous garder sur le bon chemin. Je me fais déjà doubler à gogo, et par quelques filles. Mais sont-elles sur le 64 ou sur le 130 ? En tout cas comme d'hab, c'est toujours ma jambe gauche qui me freine. On arrive près d'un temple, dans la nuit. C'est Ta Nei, on le contourne. Le balisage de nuit est bien fait, de la rubalise et des barres phosphorescentes dans les arbres. Voilà les oiseaux qui se mettent à chanter et le jour qui se lève, il est 6h. On franchit un pont métallique, un pont français. Tiens, il y en a un qui est plié en 2 sur le côté, il vomit. Ca commence mal pour lui. Le peloton est déjà bien étiré. On rejoint la route et on longe le long mur d'enceinte du temple de Ta Prohm. Jayavarman VII l'a construit pour sa mère. On contourne le temple, envahi par les arbres de la jungle, les fromagers aux racines envahissantes et destructrices. J'ai toujours du mal à accélérer, alors je reste à ma petit allure. On se retrouve de nouveau sur des petits sentiers dans la forêt, c'est agréable. Ca n'empêche pas la chaleur, je transpire à gogo. Et il est encore tôt. Mais ça ne me gêne pas, j'ai l'habitude. On traverse le village de Srah Srang, le long d'un grand bassin, piscine de Jayavarman VII. C'est très joli.

Puis c'est le temple de Pré Rup qui se pointe. Il est plus vieux que les précédents. C'était un temple hindouiste, dédié à Shiva. Il est construit comme une montagne, et les tours sont en briques. Dans la lumière du petit matin, il me surplombe, il apparaît très rouge. Superbe. J'ai fait 15km et je suis au premier ravito de bananes. Les ravitos suivants seront tous les 10 km, ce qui est très confortable. Pas besoin de prendre des tonnes d'eau. Encore un peu de forêt avant d'atteindre le village de Pradac. On poursuit sur une bonne piste, au milieu des rizières. Le soleil est maintenant là, énorme boule rouge au dessus de l'horizon. Quelle lumière magique ! Le riz est récolté, les rizières sont en paille jaune, et paraissent toutes oranges à ce moment, rectangles bordés de petites digues de terre. C'est vraiment la meilleure heure. Je suis seule sur mon bout de piste, et je m'en mets plein les yeux.

La piste atterrit au milieu des rizières. Quelques vaches toutes blanches et maigres broutent la paille qui reste aux champs, leur bouse apporte un engrais naturel. Il y aussi quelques buffles, tout gris et gras. Ils sont au repos, et ne reprendront le boulot que pour les labours. Notre chemin serpente sur les diguettes étroites des rizières, un coup à droite, un coup à gauche, pour déboucher sur une rivière à franchir à gué. Je passe un peu en amont, c'est plus étroit et je peux sauter sans me mouiller les pieds. On rejoint un chemin, très sablonneux, bordé de buissons, toujours au milieu des rizières. J'aime courir dans le sable, même si ça ralentit la progression. Je double un coureur, il faut dire qu'il batifole avec les gamins du cru. Avec l'arrivée du soleil tapant, j'ai chaussé ma casquette saharienne géante et les lunettes de soleil. Autant bien se protéger des ardeurs locales. Sur la ligne de départ, une canadienne me trouvait drôlement bien équipée tropical. Je ne viens pas de la Réunion pour rien. Elle n'avait pas osé s'inscrire sur le 130km car elle n'avait jamais couru de nuit. C'est justement là qu'il faut commencer, c'est tout plat, facile de voir où on met les pieds la nuit. Je sors des rizières, traverse une route et passe sous un porche de temple bouddhiste. Le ravito est là, avec un délicieux gâteau maison local, au lait de coco. Il va nous falloir de l'énergie, on grimpe au sommet d'une petite colline, le temple de Phnom Bok est au sommet. Dure ascension de...150m, la seule de la journée. On y grimpe par un magnifique escalier de 400 marches. Quel plaisir ! J'y double quelques coureurs.

Les temples khmers sont très particuliers. Le pays était hindouiste jusqu'au 11° siècle. Les temples sont donc hindouistes. Puis notre ami Jayavarman VII s'est converti au bouddhisme. Mais il n'a pas abandonné Vishnou et Shiva pour autant. Ils sont donc tous mélangés. De même il y a de magnifiques sculptures, racontant les épopées hindoues du Mahabharata et du Ramayana, et beaucoup d'Asparas, les danseuses célestes. Aujourd'hui le pays est boudhiste. Le Cambodge est un pays tout plat, avec de temps en temps une colline isolée qui émerge, on se demande ce qu'elle fait là. A tous les coups il y a un temple en haut, ancien ou récent. A l'occasion, si la colline est raide, les Khmers rouges en profitaient pour jeter les pauvres innocents d'en haut, ça leur économisait des cartouches. Rappelons qu'il ont tué 3 millions de gens sur 15 millions en 4 ans en 75. Tout le monde en parle là-bas. Mais revenons à la course, dans un Cambodge heureux et à mon temple perché en haut de la colline.

On fait le tour du temple et on redescend par un bon sentier, que je dévale allègrement. Je retrouve le ravito, et on retraverse la route pour retrouver les rizières et le chemin sableux. Ca me va bien, même si je ne peux pas accélérer. Je suis seule sur cette portion de chemin. On traverse un village. Un monsieur arrose le devant de sa boutique pour éviter la poussière. Les réserves d'eau sont dans des grandes jarres devant chaque maison. J'y trempe ma casquette. Apparemment, il n'y a que moi qui ait cette idée rafraîchissante, les autres coureurs passent droit. Me voici de nouveau dans un village. Les maisons cambodgiennes sont en bois, sur pilotis. Elles peuvent être hautes. Cela permet une circulation de l'air sous la maison et les garde un peu plus au frais. Enfin, tout est relatif vu la chaleur ambiante. Le rez de chaussée sert de pièce à vivre dans la journée, à l'ombre. Quand on est plus riche, on a une maison en dur, ce qui n'empêche pas les pilotis. On traverse un temple bouddhiste, récent celui-ci. Les moines dans leur robe orange nous regardent passer, tout souriants.

J'arrive devant une école primaire. Une haie de gamins m'accueille, chemisier blanc et short ou jupe noir. Super ambiance ! C'est le 3° ravito. Il n'y a que des bananes, ça fera l'affaire. Il y a aussi un temple, en ruine celui-là, dont on fait le tour. Je cours parmi les blocs de grès, et je double à ce petit jeu. La petite cambodgienne qui tient le ravito veut m'y renvoyer une 2° fois. Non non, je l'ai déjà fait. On part par où après ? Voilà un quart du parcours fait. Il est 10h. Je n'ai pas battu des records de vitesse. Je sors la crème solaire, ça commence à taper dur. La suite du parcours est une piste avec de longues longues lignes droites. En plein cagnard. Pas une goutte d'ombre. Qu'est-ce qu'on transpire. Je dégouline. Des rizières, des rizières, des rizières, des vaches. Heureusement il y a très peu de circulation, donc pas de poussière, quelques vélos et motos. On traverse des villages de temps en temps, ça fait de l'animation. Les petits enfants nous encouragent, hello, hello ! Je suis avec un coureur qui n'arrête pas de s'inquiéter des km restants. Soit disant triathlète confirmé, qu'est-ce qu'il râle ! Il a du mal à encaisser les lignes droites. Je lui conseille de regarder le paysage qu'il ne verra qu'une fois plutôt que son GPS. Et on ne s'aperçoit pas des lignes droites. Il cherche partout de l'eau de coco à boire. Quelle idée saugrenue. Il n'y en pas. Nous ne sommes plus dans le coin à touristes.

Voilà qu'on croise des jeunes en vélo qui sortent du collège, toujours chemisier blanc et pantalon ou jupe longue noir. On échange quelques mots d'anglais. Ils sont ravis. C'est l'heure du repas au village. Les familles se regroupent sous les pilotis des maisons pour manger le riz. Au ravito suivant, ceux qui font le 64km commencent à penser fortement à l'arrivée et m'admirent de continuer. Je ne les vois pas faire un km de plus.

On regagne la forêt. Cela annonce le site d'Angkor. Un peu d'ombre est bienvenu. Je longe un mur très très long, bordé de larges douves pleines d'eau. Ca ressemble fort à Angkor Vat. Je cherche les tours des yeux, mais les murs ne laissent rien percer. Effectivement, j'aperçois l'entrée principale du temple sur l'autre côté, plein de monde. J'espère qu'on ne va pas aller par là. Et non, on rejoint la route et on tourne à droite, vers Angkor Thom et la terrasse des éléphants de ce matin. On reprend la route, la plus touristique du Cambodge. Heureusement, ce n'est pas l'heure des bus. C'est bien ombragé, c'est déjà ça. Je passe devant le temple de Prasat Thma Bay Keak, un des plus vieux du site. Et voilà la splendide porte d'Angkor Thom. On traverse les douves, le pont est bordé d'une avenue de statues, supportant une balustrade en forme de Naga, le serpent à 7 têtes, gardien et protecteur. La porte est surmontée des 4 visages de Bouddha, impressionnants. C'est magique de la passer à pied. Puis c'est une longue ligne droite dans la forêt, qui mène à Angkor Thom, qui était une ville immense. Le temple central, le Bayon, est surmonté d'un nombre impressionnant de tours, toutes en forme des 4 visages, toujours celui de Jayavarman VII, qu'on commence à bien connaître, représentant Bouddha. On contourne le mur d'enceinte du Bayon. Je me dévisse le cou pour admirer les tours émergeant du mur en courant. Trop beau, je ne peux pas louper ça. La Terrasse des Eléphants est juste après, je prends le balisage 130km, je suis à la moitié du parcours. Il est 14h, j'ai mis la bagatelle de 9h pour faire 64km.

C'est l'arrivée du 64 km, beaucoup s'arrêtent là. Qui est sur le 64 et qui est sur le 130 ? Je vais me restaurer. Une bonne soupe aux nouilles cambodgienne. Du rab s'il vous plaît. Ça fait 9h que je ne mange que des bananes. Il y a aussi du gâteau au lait de coco, celui qui faisait défaut sur les ravitos. Ah oui, il y a eu un problème de transport pour le gâteau. Et une bière ? Non merci, pas maintenant. La prochaine fois que je passerai par là. Mon voisin se laisserait bien tenter par la bière. Il envisage de ne pas repartir. Pourtant, il n'est pas blessé. Juste un peu fatigué, il fait trop chaud, et les autres prennent une bière, alors pourquoi pas lui. Quel stupide abandon ! J'ai tenu tout ce temps sans avoir de frottements, comme c'est chouette. Je jette un coup d'œil sur mon ventre, ça commence à rougir et à s'irriter. Je vais mettre un morceau d'élastoplaste pour protéger avant de repartir. Je vais au stand des médecins pour avoir des ciseaux pour couper la bande. Ils n'en ont pas. Drôles de médecins cambodgiens. Un couteau peut-être ? Encore moins. Ils vont chercher celui des cuisiniers et ramène un gros hachoir plein de légumes. Je propose de le nettoyer, histoire de ne pas avoir des oignons sur le ventre. Du coup, ils veulent le stériliser à l'alcool. Non, ça va, je n'en demande pas tant. Bref, je finis par m'en sortir. Mais j'ai perdu du temps avec cette histoire. Me voilà repartie d'un bon pied. Je monte les quelques marches de la Terrasse des Eléphants, je la traverse et redescends au bout. Les touristes m'encouragent et me souhaitent de bonnes jambes. Puis je sors de Angkor Thom par une autre porte, toujours surmontée de la tête à 4 visages. Un petit bout de route, et c'est de nouveau un sentier dans la forêt, bien ombragé. Je passe devant quelques maisons. C'est très sale, des plastiques et des barquettes de repas en polystyrène, alors que nous sommes dans le parc d'Angkor. Sur les circuits touristiques, c'est très propre, avec des poubelles partout et des gens qui balaient toute la journée.

Encore un bout de route qui mène au Baraï occidental, un immense réservoir d'eau rectangulaire, de 8 km de long et 2 km de large, qui date du 11° siècle, un peu avant Jayavarman VII. Tous ces réservoirs servaient, et servent encore à irriguer les douves et les rizières. Je suis sur une bonne piste, et je suis avec 3 coureurs, que des asiatiques, dont une fille. Ils marchent régulièrement, je les double alors. Ils me redoublent quand ils se mettent à courir. Je ne marche pas, je cours toujours sans effort. J'aviserai quand ça deviendra pénible, mais j'ai bien l'intention de courir tout de même jusqu'au 85° km. C'est la moindre des choses. Je sens de nouveaux frottements qui apparaissent sur mon ventre. Il fallait bien que ça arrive. Je demande des ciseaux dans une maison, pour couper un morceau d'élastoplaste. Mais oui madame. C'est plus facile qu'avec le milieu médical. J'arrive au ravito du km75. Il y a une chaise. Quel luxe ! Suksodkeaw la petite thaïlandaise part quand j'arrive et me cède gentiment la place, juste le temps de faire le plein d'eau. Et ça repart, direction les riziètes sur cette piste très sableuse. Courir dans le sable ne me gêne pas. Les autres en étant incapables, je double mon petit groupe. Mitsuji le cambodgien passe carrément dans les rizières. Je teste, mais je trouve plus difficile. Le sol est très inégal, et la paille sur pied est dure. Dès que ça devient roulant, Lawrence le singapourien et Suksodkeaw me redépassent. On joue à ce petit jeu sur les 20 km suivants. Dans le sable, je les épate, ils n'en reviennent pas.

Mais voilà qu'on quitte les rizières. On est maintenant sur une bonne piste. Ils partent devant, je ne peux pas les suivre. Ce que je ne sais pas, c'est que nous sommes les 2 premières filles. Me voilà donc seule, et je le serai jusqu'au bout. C'est la fin de la journée, les gens rentrent les vaches et les cochons sous les pilotis. Il y a du monde dans les villages, tout le monde est à la maison. Les enfants me saluent à gogo, et courent un peu avec moi. Les villages se succèdent par là. Ca gigote et sautille sur le chemin, je dérange des grenouilles. Le soleil se couche. Il devient un énorme astre tout rouge, comme ce matin à son lever. De nouveau les couleurs sont splendides sur les rizières. Je traverse une pagode. juste avant la nuit. J'aimerai me laver les mains, mais le seul robinet dans la cour est occupé par un bonze en pleine ablution. Il me fait signe que non, je ne peux pas utiliser le robinet. Certes les femmes n'ont pas le droit de toucher un moine, mais je ne veux pas le toucher, juste me passer les mains sous l'eau. Tant pis, je reste crade. A chaque intersection il y a un policier chargé de nous orienter. Quand j'arrive : l'eau mouille ! L'eau mouille ! Mais qu'est ce qu'il raconte ? Ils téléphonent tous à leur chef : l'eau mouille ! C'est 11 en khmer, mon n° de dossard ! En fait, 11 c'est dap moï. J'en suis au ravito du 95 ° km. J'en profite pour vider le sable une fois de plus de mes chaussures. L'organisateur nous a envoyé un mail pour conseiller de prendre des guêtres, trop tard, j'étais déjà partie de la case.

Entre temps la nuit est tombée. C'est la pleine lune. Les familles prennent leur repas dehors. Il y a néanmoins peu de lumière dans les villages, jusqu'à ce que tout le monde soit couché et qu'il n'y en ait plus du tout. Par contre les nombreux chiens se déchaînent. Ils ne sont pas méchants, mais aboient très fort et se baladent dans le chemin. Les yeux des vaches brillent à la lumière de ma lampe. Il y a du monde au ravito. On me propose une espèce de soupe de tapioca, ça ne me tente guère, mais il faut bien manger quelque chose de consistant de temps en temps. Une petite bouchée me suffira. J'aurai l'estomac retourné jusqu'à la fin après ça. Je me remets encore un peu d'élasto sur le ventre, ça frotte toujours. Une petit cambodgienne m'aide bien. Je repars. Je traverse un gros village. Il y a une musique d'enfer, une grosse fête très éclairée avec écran géant de ciné. Il y a encore encore un peu de rizières et de sable. C'est la bonne excuse pour me mette à commencer à alterner marche et course. J'ai eu tort, j'étais capable de continuer à courir sans problème. Je n'aurai pas réussi à rattraper la petite thaïlandaise, mais j'ai ralenti bêtement. Histoire d'en profiter plus longtemps ? Je marche peu tout de même. Je sors définitivement des rizières maintenant. Au ravito des 105 km, il y a foule pour m'accueillir. Un 4x4 arrive, c'est la 1° fois que je vois un gars de l'organisation français sur la 2° partie du parcours. Il est vrai que les cambodgiens nous bichonnent. D'ailleurs voilà que le policier de service m'escorte en mobylette !

Je continue à alterner course et quelques pas de marche. Mon mentor me suit silencieusement sur sa mob. Après tout, ça me tient éveillée. Car depuis la tombée de la nuit, j'ai envie de dormir, c'est-à-dire depuis 18h... Ça faisait un peu tôt ! Je rejoins le Baraï occidental, le grand réservoir d'eau, et je le longe sur sa largeur. Je suis sur une grande piste un peu en contrebas. Je grimpe le talus pour admirer ce grand lac rectangulaire. Avec la pleine lune, c'est très beau. Et voilà, je me mets à marcher, en me disant que je recours au virage du coin du Baraï. C'est un angle droit, je ne devrais pas le louper. Mais je marche, je marche, je marche, bien plus longtemps que ce qu'il faut. Je sais pertinemment que j'ai réussi à passer le virage absolument sans le remarquer, mais je reste butée dans ma tête, je ne recours qu'à ce foutu virage. Mon escorteur me dit que je suis fatiguée, que je peux monter sur sa moto. A ça, pas question ! il n'a pas dû bien comprendre ce qu'était une course à pied. Peut-être que d'autres ont accepté ? J'arrive donc de ce pas au ravitaillement des 115 km, qui est au milieu de la longueur du Baraï. Bon, pas glorieux tout ça. Surtout que je suis très bien physiquement.

Je mange un peu, pas grand chose, j'ai toujours le tapioca sur l'estomac. Je repars, avec une nouvelle escorte. Son copain lui a dit que j'étais fatiguée. Le gentil nouveau policier me propose donc... de monter sur sa moto. Mais non mais non ! Et puis il ne me reste que la bagatelle de 15km. Je repars en courant, à bonne allure cette fois. On ne m'arrêtera plus jusqu'à l'arrivée. Du coup la fin du Baraï passe à vitesse grand V, avant de me retrouver déjà dans la forêt d'Angkor. Ça sent les temples.Lle sentier serpente, la moto m'a abandonnée. Ca y est, je suis sur la route qui même à la porte du Bayon, avec ses têtes maintenant bien connues. et bien le voilà, le Bayon, la Terrasse des Éléphants est juste derrière. Je franchis la ligne d'arrivée à 4h du matin, dans un camp... désert. Pas de coureur, pas de cuistot, pas de masseuse, pas de toubib. On me file un morceau de gâteau en désespoir de cause, mais pas de soupe de nouilles à l'horizon. Même pas d'eau pour se laver les mains. Pas de navette pour retourner en ville comme promis. Peut être une tout à l'heure. Je ne mange pas le gâteau et je vais me coucher. Je demande à ce qu'on me réveille quand quelqu'un ira en ville pour rentrer à l'hôtel. Heureusement le dortoir est confortable, avec de vrais matelas par terre. J'enlève mes chaussures, et... je me précipite dehors pieds nus derrière l'ambulance pour... gerber mon tapioca d'il y a quelques heures. Ah ! Ca va mieux ! Une des bénévoles est très gentille et tente de m'aider, mais elle n'a rien sous la main. On ne se connaît ni d'Eve ni d'Adam, mais elle m'appelle par mon prénom. Je ne sais pas comment elle le connaît. En tout cas ça fait plaisir.

Je n'ai pas amené de sac avec des vêtements de rechange. Je m'endors illico tel quel. On me réveille au lever du jour, il y a un transport pour Siem Reap, mais ça ne vaut plus le coup, la remise des récompenses est à 9h. Je me rendors tout de suite. Je me lève peu après avec le jour, ma foi pas si mal reposée. Les cuistots daignent arriver. Je peux me taper une double soupe de nouilles en ptit déj. Je cherche quelques chose à boire autre que de l'eau, il y avait plein de trucs à l'arrivée du 64 km. Mais pour nous, il ne reste... que la bière. Je ne suis plus à ça près, une bière pour le ptit déj. Mais il faut relancer la machine à pression. D'autres en profitent, je ne suis pas la seule à me faire servir. Les médecins reviennent, mais je n'ai pas besoin d'eux. Quant aux masseuses, rien à l'horizon. Je suis bonne pour aller me faire masser en ville cet aprèm. Sans doute après 130 km en a-t-on moins besoin qu'après 64. Je retrouve Suksodkeaw et Lawrence, qui sont aussi restés dormir sur place comme moi. Ils ont terminé la course ensemble. Je me décide enfin à aller voir les résultats. Je suis 6° au scratch et 2° féminine ! Pas mal du tout ! En 22h 47, 9h sur les premiers 65 km et... 14h sur les seconds 65km. J'ai donc été en tête de course des filles par moment, sans le savoir. La seule chose qu'on m'a dite, c'est " l'eau mouille". J'ai épaté mes 2 comparses en courant dans le sable. Néanmoins, ils arrivent 1 h 15 avant moi. Et autre surprise, il n'y a que... 20 noms à l'arrivée, sur 60 au départ. Ça fait la bagatelle de 70% d'abandon ! Je n'ai jamais vu ça. Je ne suis pas si mauvaise que ça alors. Je repense au gars assis à côté de moi à mi parcours, qui trouvait que c'était dur et qui s'est fait avoir par l'ambiance d'arrivée. en outre il paraît qu'il a fait plus de 40°C dans la journée. Il y a un peu de monde maintenant, mais pas foule pour la remise des récompenses. En tout cas, bien loin des 60 coureurs. Les autres courses, c'était hier. Ça fait un peu pauvre. Mais non, il y a 2 superbes fauteuils sur l'estrade. Un pour Le Cornec, l'organisateur, et un pour le ministre du tourisme du Cambodge. Nous on a 3 cubes sous le soleil. On a le droit à un discours en khmer et en anglais. Je gagne un affreux trophée avec un dessin d'Angkor. Alors qu'il y a plein d'artisanat local sympa. Mais ça plait à ma voisine. J'ai tout de même un regret. En tout et pour tout, j'ai vu Le Cornec quelques minutes, et je ne lui ai jamais parlé. En voilà un qui connaît bien ses coureurs ! A sa décharge, on ne paye que la course et on n'est pas obligé de prendre tout le tralala autour, ce qui me va très bien. C'était un très beau parcours, que j'ai vraiment apprécié. Dommage que l'arrivée était si sinistre. Heureusement, les éléphants de la royale terrasse étaient là.

Je rentre à l'hôtel, le patron me demande où j'ai couru. 130km, il en reste baba. Du coup il m'offre le ptit déj. Je remets donc ça. Sans bière cette fois. Puis relaxation bienvenue dans la piscine, avant un arrêt dans un salon de massage. Les massages cambodgiens sont très efficaces. J'aimerai savoir comment la fille trouve l'etat de mes jambes, mais elle ne parle pas un mot d'anglais. Je me contente d'un beau sourire. Elle insiste tout de même sur mes gambettes. Infatigable, je retourne une dernière fois profiter d'Angkor Vat, le temple des temples. En moto cette fois.

Partager cet article
Repost0

commentaires