Cela fait quelques années que je n’étais pas allée courir avec Alain Gestin. Quand il a proposé une 333 dans le désert de Gobi en Mongolie, je n’ai pas hésité un instant à m’inscrire.
Arrivée en Mongolie quelques jours avant le gros de la troupe, je rejoins la tribu à Oulan Bator le 8 juin, capitale de la Mongolie. J’y retrouve pas mal de coureurs déjà rencontrés, en Egypte, à Oman, et même sur le Mahoraid à Mayotte.
Cette 333 fait en fait 340km. Il y a des CP tous les 20km environ, où nous pouvons trouver de l’eau et des tentes.
Tous les 2 CP, nous pouvons laisser un sac avec entre autre de quoi se sustenter. J’ai fait les courses à Oulan Bator, je mangerai donc local : des conserves de riz-boeuf et riz-cheval.
Pour se diriger, nous avons les points GPS des CP, et c’est tout. Pas de balisage ni de tracé complet au GPS.
Et enfin une course sans matériel ni calories obligatoires ! Le rêve ! Je pars donc léger, avec un sac de 10 litres, loin d’être plein. Juste un coupe-vent et une très légère polaire pour la nuit, de quoi grignoter entre les 40km, des piles pour la lampe et le GPS, et une mini pharmacie. Et je me contente de 1,5 litres d’eau par CP.
Je préfère me protéger du soleil, je suis donc en collant, et je ressors mon maillot Xbionic rose qui me tiendra au frais dans la chaleur du désert de Gobi.
J’ai définitivement abandonné tout ce qui est Raidlight, sac comme maillot, avec lesquels j’ai toujours eu beaucoup de frottements sur le thorax.
La première journée est consacrée à la préparation des sacs à laisser dans les CP. Le lendemain nous attend un jour complet de 4x4 pour rejoindre le désert de Gobi. Il y a un petit jeune dans le mien qui focalise sur les temps au marathon. Je ne me sens pas concernée, je n’ai jamais fait de marathon de ma vie.
Ce soir nous faisons connaissance avec les ger, les yourtes mongoles.
Le lendemain, samedi 10 juin, ça y est, le départ est donné à 9h30 à l’entrée du parc national de Gobi Gurvan.Saikhan pour 40 coureurs. C’est parti !
Direction les gorges de Yol, et ça commence par une belle grimpette. Dominique part vite devant. On le voit une dernière fois en haut d’une montée. Je cours dans la montée, ce qui n’est pas dans mes habitudes sur les longues distances. Mais je ne peux pas m’en empêcher, on a encore rien dans les jambes. J’entre dans les gorges. On rejoint un petit cours d’eau qu’on longe et qu’il faut sauter un nombre incalculable de fois. Il y a quelques vaches qui profitent de l’humidité du coin avec de la bonne herbe. Les parois se rétrécissent, c’est très beau.
Voilà déjà le CP1 à la sortie des gorges. Alain annonce qu’une dizaine de coureurs l’ont atteint. Je prends de l’eau et du coup je m’aperçois que ma poche à eau était mal fermée. J’en profite pour déguster quelques biscuits que Virginie m’a offerts à mon bref passage à Hong Kong, pour me donner de l’énergie.
Encore une courte montée après le CP, avant d’atteindre l’étendue de la steppe.
Je me rends compte que le fond de mon sac est trempé. Ca commence bien. Ma polaire est mouillée. Je l’étale sur mon sac, elle sera vite sèche avec le soleil et le vent. Car nous avons maintenant un fort vent de face.
Un ennui n’arrivant jamais seul, c’est la fermeture de ma casquette qui lâche. Je l’ai pourtant renforcée avant la course. Et sans casquette, je meurs. Je trouve un moyen de la fermer avec des scratchs. Ca tiendra toute la course.
Je peux maintenant me consacrer à ma direction. Je suis pour l’instant sur une piste toute droite, puis qui oblique à gauche. Je prends le cap de mon GPS et quitte la piste, avec un repère au niveau des montagnes tout au fond droit devant. Le groupe devant moi part à gauche, puis à droite, puis à droite droite. Je ne sais ce qu’ils font, moi, je vais tout droit. Je suis mon cap.
J’arrive au point intermédiaire du CP2, au niveau d’une yourte. Les deux basques arrivent sur la droite à la yourte suivante. Enfin, il y en a un qui a un béret basque, alors on dit les basques, mais il n’y en qu’un qui est du sud-ouest. Ils ont dû louper le point intermédiaire. Je vais plus vite qu’eux et j’arrive au CP2 seule.
Quelques autres coureurs ne tardent pas à arriver. Cyril vante ma légère foulée à côté de tous ces lourdauds aux grosses cuisses. Il trouve que j’ai une trajectoire bien plus efficace que la sienne. Je dois avoir un GPS dans la tête. Non, seulement au poignet, et je le suis, c’est simple.
J’enfourne un riz au bœuf. J’ai du mal à finir la boîte. Ce qui ne m’empêche pas de faire un sort aux petits biscuits hongkongais. Le sucré, ça passe mieux que le salé. Un bon coup de vent arrive et met de la poussière dans toute la bouffe.
Je repars. Je suis au milieu de la steppe, sur une petite herbe courte et sèche. C’est plat. Il y a au loin deux belles chaînes de montagnes, une à droite, une en face. On va vers une espèce de col à la jonction des deux. Le vent est vraiment très fort. Au moins, cela diminue la sensation de chaleur. Mais c’est épuisant de courir. Et je cours. Entre 6 et 7 km/h, je ne bats pas des records de vitesse. Je devrai marcher, mais c’est encore plus lent. Désespérant. Mieux vaut admirer le paysage, je vois ma progression par rapport aux montagnes sur ma droite. Et il y a de temps en temps des troupeaux qui me distraient, moutons, chèvres, chevaux.
Je prends du Daflon pour éviter aux jambes de gonfler. J’ai eu la bonne idée de mettre la plaquette dans une poche du sac qui ne ferme pas, et je m’aperçois que je l’ai perdue. Tant pis, je patienterai jusqu’au CP6 où j’en ai dans mon sac.
J’arrive au CP3, tenu par Claude, la médecin. Les sacs du CP10 sont là, et j’ai justement du Daflon dedans. Me voilà sauvée. Je suis seule au CP. Claude m’annonce qu’il n’y a pas grand monde de passé, seulement 3 coureurs. Fichtre, ça paye de courir par vent de face ! On discute pendant que je mange des nouilles chinoises à peine ramollies et qui craquent sous la dent. Peu m’importe.
Je repars. La nuit ne tarde pas à tomber, vers 21h30. Je ne suis pas la piste et je coupe droit sur la direction de mon GPS, de jour comme de nuit. Je suis donc au milieu de la steppe. Je traverse un troupeau de chameaux. Leurs yeux brillent dans la lumière de la lampe. Ils sont couchés, et ont deux gros chiens pour compagnons, qui aboient très fort. Voilà qui n’arrange pas mes affaires, mais je finis par passer sans encombre.
Je lève la tête, et tiens, une étoile filante sur la droite.
La steppe est pleine de lumières la nuit. Enfin, pleine, tout est relatif. Il n’y a pas surpopulation dans le coin. Il y a même des lumières rouges et bleues.
D’ailleurs il y en a trois derrière moi, des lampes de coureurs, qui ont l’air de prendre la piste alors que je coupe tout droit.
Le vent est tombé, c’est plus facile de courir. Et il ne fait pas trop froid.
Soudain je vois des appels de phares devant. C’est le chauffeur mongol du CP4 qui voit ma lampe arriver. Sympa !
Certains coureurs ont traversé un marécage dans cette étape, je n'en ai pas vu la couleur.
Par contre au CP, il faut fouiller pour trouver son sac. Ce n’est pas très pratique. Au menu, une boîte de conserve riz et cheval. Il y a aussi des petits biscuits offerts par les mongols. Les trois lampes arrivent. Ce sont les deux Patrick et Eric, le groupe des 3 Ric. Ils me demandent si je coupe de nuit. Eux ils n’osent pas.
Je repars. En fin de nuit, je m’endors en marchant. Alors autant courir. Mince, la première nuit ne devrait pas poser de problème de sommeil. Je vais devoir dormir au CP suivant, déjà ? J’y arrive après le lever du jour, et du coup je n’ai plus envie de dormir. Tant mieux.
Je suis maintenant entre deux chaînes de montagne, et je longe de près celle de gauche. Un magnifique cordon de dunes apparaît au pied des montagnes noires. L’herbe verte de la steppe devant, où je suis, contraste dans le paysage. C’est magnifique.
Me voilà au CP5. Au menu, des nouilles chinoises, toujours aussi craquantes.
J’ai fait 5 CP en moins de 24h, voilà une bonne moyenne journalière.
Il y a moins de vent aujourd’hui qu’hier. Je continue d’avancer parallèlement aux dunes. C’est très beau. J’ai l’impression que je monte depuis le début tellement c’est dur avec le vent. Je consulte mon GPS : 1450m d‘altitude. Et nous sommes partis de 2300m. Donc ça descend ! Pourtant je me force à courir, c’est trop lent de marcher.
De temps en temps des troupeaux agrémentent le paysage, ainsi que quelques minibus de touristes.
J’arrive au CP6 quand Manu en part. Il a fait un tour involontaire dans les dunes et s’est abîmé les pieds. Car Alain nous a dit : pas de sable, que de l’herbe. Donc personne n’a de guêtres adaptées aux dunes.
Les 3 Ric arrivent à leur tour. Je change de chaussettes et je repars.
Cette fois il y a bel et bien du sable sous l’herbe de la steppe. Ca rentre peu dans mes chaussures, mais ça rentre lentement et sûrement. Il vaut mieux les vider avant d’avoir de mauvaises surprises. Une fois. Deux fois. Ca ne peut pas durer, je dois trouver une solution avec les moyens du bord. J’ai une paire de petites guêtres ordinaires que j’ai prise au cas où. Je les monte à l’envers, la partie couvrant normalement la cheville sur le dessus de la chaussure. Ca marche impec, je peux courir sans souci.
Un super ravito nous attend au CP7 : délicieuse soupe de légumes, couscous et compote. Un vrai festin. Mais ce sera par petite quantité pour moi.
Il y a du monde au CP7 : la médecin mongole, Bernard qui est bénévole, Patrick le photographe. Il m’apprend que je suis 3°. Où est passé Manu ? Encore perdu dans les dunes ? Patrice et Dominique sont partis il n’y a pas longtemps. Je peux les rattraper. Ben tiens ! Cela ne m’effleure même pas l’esprit.
Le CP7 étant en bordure de petites dunes, me voici en plein sable. Patrick le photographe veut me filmer en descendant la petite là juste devant. Ben tiens, sans guêtres aux chevilles dans ce sable très mou. Et il me fait recommencer deux fois. Je n'ai plus qu'à vider mes chaussures illico.
Puis c'est une succession de petites dunettes avec de hautes herbes. Il faut serpenter sans cesse, ça monte, ça descend. Et j'arrive... au surplomb d'un canyon. La rivière au fond est magnifique, il y a même des baigneurs, mais cela n'arrange pas mes affaires. Le GPS m'envoie de l'autre côté d'un méandre. Le GPS ne connaissant pas la réalité du relief, je décide de contourner ce méandre en suivant la bordure en haut du canyon. Mais je me tape toujours les dunettes et c'est épuisant. Je tombe par hasard sur les traces de deux paires de chaussures de trail, ce ne peut être que Dominique et Patrice. Je suis sur la bonne voie.
Mais après le premier méandre, il y a un deuxième méandre. Et un troisième méandre. Je n'ai plus l'esprit à admirer le paysage. J'ai parcouru 3km dans les dunettes en je ne sais pas combien de temps, et je ne me vois guère avancer. J'abandonne le point intermédiaire sur le GPS pour le CP lui-même, je veux sortir de ces satanées dunettes sans fin, ce qui est vite fait en changeant de direction.
Je préfère longer le cordon de dunes dans une petite plaine bien verte. Je demande mon chemin comme je peux à une famille mongole en goguette, difficile d'expliquer qu'on va à un endroit inconnu dont on n'a que les coordonnées GPS, et du coup ils veulent m'emmener dans leur 4x4. Non merci, ce n'est pas ce que je veux.
Le chemin de ce côté est très facile, à part un petit détour pour ne pas me mouiller les pieds dans un marécage. Le coin étant humide, il y a beaucoup de troupeaux, vaches et chevaux, et plein d'iris bleus. C'est splendide.
J'arrive au pied d'une dune perpendiculaire à mon chemin et mon GPS indique tout droit. Sûrement le CP est de l'autre côté. Il y a quelques 4x4 dans le coin, mais personne ne parle anglais. J'ai une belle piste devant moi dans la dune, je la suis. La nuit tombe. Ca monte dans le sable très mou. Et soudain des appels de phares droit devant en haut de la dune que je suis en train de grimper. C'est le CP ? Mais oui ! Je n'y arrive pas du tout par le bon chemin, ce qui n'a pas l'air de gêner le chauffeur mongol. En tout cas il a bien repéré ma lampe dans la nuit.
A ma grande surprise, les 3 Ric ne sont pas encore passés. Malgré mes détours, je suis donc allée assez vite et je suis toujours troisième.
Je mange rapidement et léger. Les 3 Ric arrivent sur ces entrefaites. Ils ont trouvé un pont pour traverser le canyon et n'ont visiblement pas galéré comme moi.
J'attaque la deuxième nuit et je préfère dormir 3/4h avant de repartir. Patrick me file une couverture qu'il a dégotée je ne sais où et qui est bienvenue pour un somme sous la tente.
Le CP9 ayant été supprimé, on part directement au CP10. J'ai fait la moitié du parcours, et après une direction nord-ouest nous nous dirigeons vers le nord-est. Mon GPS me pousse à gauche à flanc de colline, mais je vois trois lampes sur ma droite, sûrement les 3 Ric qui sont aussi déjà repartis. Ils prennent la piste la nuit.
Puis je vois de nouveau trois lampes, loin devant sur la droite, assez espacées les unes des autres. Fichtre, ils ont tracé les trois lascars ! Bien que mon GPS indique la gauche, je prends à droite vers les lumières. Ca descend, je cours vite. Mais impossible de les rattraper, ils vont encore plus vite. C'est assez bizarre. Je siffle même pour indiquer ma présence, peine perdue. Ce petit jeu dure assez longtemps, bien que je me rende compte que c'est une hérésie d'aller trop à droite.
J'arrive sur une belle piste. Mes lumières fantômes seraient-elles plutôt des mobylettes que des coureurs ? Et voilà justement une lampe de coureur qui arrive en sens inverse ! C’est Patrick le belge qui va au CP8, alors que j’en viens. Ah ! Il y a bien un petit problème. Il est sympa, il prend le temps de vérifier mes points GPS et ma direction. Je dois bien prendre à gauche. Salut Patrick, et à gauche toute !
Ca monte maintenant, droit sur une belle grosse lumière jaune, qui s’avère être une étoile, et qui elle aussi monte dans le ciel. Attention au cap sur les étoiles la nuit, elles bougent.
Arrivée assez haut, je vois plusieurs fois des lampes sur ma gauche. Fichtre, j’ai fait n’importe quoi et il semble que plusieurs coureurs me passent devant.
Le jour se lève et je monte toujours tout droit vers le CP10. Je réveille Claude la médecin, qui dort emmitouflée dans le 4x4. Il y a un beau chien tout blanc genre berger devant la tente, et très gentil, il sera surnommé CP10. Et de nouveau à ma grande surprise, je suis seule au CP et aucun coureur ne vient de passer. J’ai donc bien carburé, et il y a réellement beaucoup de lumières dans la steppe la nuit. Leçon à retenir. Autre surprise, Dominique a arrêté. Je suis donc deuxième ! Loin derrière Patrice qui est passé à minuit.
Je mange un petit peu de ma boîte riz au bœuf et je dors 1/2h. Les 3 Ric sont arrivés. Ils ont chacun une petite liste pour Claude, pieds, ampoules, tendons, et j’en passe, alors que je n’ai rien. Et surtout pas un frottement, comme j’ai d’habitude. Quelle joie ! Voilà un avantage pour moi. Néanmoins maintenant j’aimerai creuser l’écart avec eux.
Je change de chaussettes et direction le petit col, avec 300m de dénivelé positif théorique, ce qui me va très bien. Ca monte vers un joli plateau avec une barre de petites montagnes rocheuses au fond. Il paraît qu’il y a des loups dans le coin. De jour il n’y a rien à craindre. La piste part vers la droite, je prends tout droit. Je choisis le chemin un peu au pif dans ces montagnettes en fonction de la direction générale du GPS. C’est lequel le col ? Il faut passer plusieurs montées avant que je ne tombe sur un sentier de crête qui me permet de courir comme j’aime. Des gazelles s’enfuient sur ma gauche. Puis c’est une bonne descente pour rejoindre un ovöö, la piste et le fameux col. Un ovöö est un tas de pierres avec un piquet et des tissus bleus. Ce sont des lieux de dévotion animiste.
Puis la piste descend dans des gorges pendant une dizaine de km, facile à courir. J’en profite évidemment pour couper tous les virages. A la sortie des gorges, c’est de nouveau la steppe.
Je repars rapidement du CP11 après quelques nouilles chinoises, pour changer. Les 3 Ric arrivent quand je pars.
La steppe peut paraître monotone, mais je me sens bien, il n’y a plus de vent, la chaleur ne m’incommode pas, et j’avance bien, d’une petite foulée régulière et sans effort. Rien à voir avec la première partie du parcours. C’est le bonheur ! Pourtant il doit faire bien chaud car je bois beaucoup… d’eau chaude. Je vais siffler mes 1,5 litres. Je porte des manchettes pour me protéger des ardeurs du soleil. J’ai juste chopé un bon rhume et un bon mal de gorge juste avant la course lors d’un refroidissement lors d’une nuit passée dans une famille dans une yourte. Mon petit nez coule à flot en permanence, plein de sang bien purulent. Je suis obligée de me moucher dans mes doigts. Beurk. Je passe les détails.
On suit une chaîne de montagnes sur la droite, je suppose que c’est la même qu’à l’aller, mais de l’autre côté. Il y a plus de troupeaux de moutons et chèvres et chevaux par ici. J’arrive à une petite mare avec des vaches et deux belles grues cendrées. J’en bute dans une touffe d’herbes plus haute que les autres et je m’étale. Pas de mal, juste une égratignure à la main. Ce n’est qu’à l’arrivée que je ressentirai une gêne à l’épaule et plusieurs jours après que je m’apercevrai que j’ai un index qui a doublé de volume. L’avantage de courir dans la steppe, c’est qu’on n’a pas besoin de regarder sans cesse où on met les pieds et on peut profiter du paysage. En théorie.
Au CP12 j’ai la surprise d’y trouver Joël et Pierre-Louis, qui eux profitent du paysage et sont sensés clôturer le gros de la troupe. On les a suspendus car ils sont trop lents par rapport à l’organisation des 4x4, qui ne peuvent assurer l’étendue entre le premier et le dernier. C’était prévisible. On les a amenés au CP11 pour terminer. Ils ne sont pas très contents et je les comprends. Joël a un sac plein de délicieuses victuailles. Il m’offre des champignons au saumon, je ne sais pas comment il a pu amener ça là mais c’est meilleur que mon riz-cheval. J’ai aussi le droit à du yaourt aux fraises. Il me promet du hachis parmentier au CP suivant. Et j’ai loupé les moules.
Ils partent pendant que je m’octroie 30mn de repos. Je repars après avoir croisé les 3 RIC.
Un 4x4 me double, c’est Alain. Il est étonné que je coure encore. Et sans peine en plus. Je profite de la steppe tout l’après-midi à un bon rythme.
La nuit tombe. La lune, orange, énorme, surgit lentement au-dessus des montagnes. C’est gigantesque.
Il y a de nouveau beaucoup de lumières dans la steppe, dont celles des yourtes. J’en vois deux devant, je pense que ce sont celles des deux marcheurs. Mais non. J’arrive au CP13 et ils y sont déjà couchés. Le hachis parmentier promis est prêt et m’attend.
Je prends 20mn de repos et les 3 Ric arrivent. Décidément je n’arrive pas à creuser l’écart comme je le voudrais.
Le chauffeur mongol m’indique d’un geste la direction à prendre dans la nuit pour repartir, et comme mon GPS m’indique légèrement à droite, je vais à droite. J’arrive sur une espèce de profond canal que je dois traverser. Impossible de passer. Je fais demi-tour et je reviens au CP. Le chauffeur m’accompagne sur la piste. Tchou ! Tout droit. Tchou, c’est ce que je dirai à mon cheval la semaine prochaine pour partir au galop. La piste traverse le canal un peu plus loin sur un beau petit pont. Une mobylette me croise et s’arrête à mon niveau. Un petit bonjour et elle repart, à 2h du matin en pleine steppe. Je peux désormais suivre mon GPS. Je profite de la fraîcheur de la nuit pour courir régulièrement.
Mon rhume ne s’arrangeant pas, la toux me fait même vomir. Il ne manquait plus que ça.
Le jour apparaît et j’arrive au CP14. Il n’y a rien… Oups ! Je vérifie le point GPS, il est correct. Alors que faire ? Je mets le cap sur le point intermédiaire suivant qui doit me mener au CP15. Je ne suis pas affamée, le hachis parmentier, ça tient au corps, et j’ai assez d’eau pour aller au CP suivant. Tant pis si je prends une pénalité pour avoir zappé le CP14, j’aurai tout de même fait une belle course.
Je repars d’un bon train, ça descend. J’aperçois au loin un éclat de soleil sur quelque chose de métallique. Je tente ma chance et décide de m’y diriger, plus à gauche que ce qu’indique le GPS. C’est le 4x4 d’un nomade près de sa yourte. Le mongol s’occupe de son cheval de grand matin. Avant même que je m’adresse à lui, il m’indique un 4x4 visible un peu plus loin. Ok, j’y vais. C’est le CP14 ! Sauvée ! Et j’y suis avant les 3 Ric !
Je vérifie le point GPS du CP avec le chauffeur mongol, j’ai 2’ d’écart avec lui, soit 4km. Il y a eu quelques modifications de coordonnées GPS au dernier moment et j’ai zappé celui-ci. Je m’en sors bien sur ce coup-là, j’ai juste fait 8km de trop. La plupart des autres coureurs ont trouvé cette étape très longue, pas moi malgré ma rallonge.
Sur ce arrivent les 3 Ric. Le groupe des basques est juste derrière eux et ils veulent se presser. Du coup moi aussi. Je ne mange pas et je repars illico.
Cette fois je force l’allure. Je cours plus vite, y compris en montée. Il y en a quelques-unes avant d’arriver à la petite ville de Burgan, car on coupe plusieurs vallées. C’est une ville minuscule. Chaque petite maison est entourée d’une palissade avec une yourte à l’intérieur. Les maisons sont très colorées.
C’est la médecin mongole qui m’accueille au CP15. Je grignote rapidement et je veux repartir immédiatement pour les 15 derniers km. Elle insiste pour que je reste dormir un peu. Non non, pas question. Elle a du mal à comprendre que je ne veuille pas me reposer. Mais elle est très admirative que la deuxième soit une fille. Surtout que les mongols ne courent pas.
Je trace pour les derniers km. Une fois sortie du village et la bonne direction trouvée parmi la présence de plusieurs pistes, je mets le cap sur l’arrivée sans passer par le point intermédiaire. Pas de détour, on coupe au plus court. Je force l’allure, tu vois un peu si les 3 Ric et les basques débarquent ? Il fait très chaud, je ne sens pas la chaleur. Le parcours est vallonné, je dévale les descentes et galope dans les montées. Ca tire dans les cuisses. Drôle d’impression avec plus de 300km dans les pattes. Je vois trois coureurs en rouge sur ma gauche au loin, mais je coupe plus droit. C’est qui ceux-là ? Les 3 Ric étaient-ils tous en rouge ? Je ne crois pas. Je vois un beau camp de yourtes sur la droite, ce n’est pas le nôtre. En haut d’une colline, j’en vois deux autres dans la vallée devant. Mon GPS vise celui de droite. Go ! C’est la dernière et ultime descente vers l’arrivée.
Je suis accueillie par un petit groupe. Nous sommes mardi 13 à 13h15. On ne m’attendait pas si tôt paraît-il. On croit que je lambine ? Il est vrai que j’ai bien forcé sur les 40 derniers km, comme quoi j’en avais encore bien sous la semelle. Néanmoins je sens fort cette dernière cavalcade dans les cuisses.
J’ai mis 76 heures pour parcourir les 340km, soit un peu plus de 3 jours. Certes j’arrive 8 heures après Patrice, mais 3h30 avant les 3 Ric ! Une belle deuxième place.
Je n’ai pas envie de manger, je me rattraperai ce soir, je me contente d’une bonne douche, je n’ai pas changé de fringues depuis 3 jours à part les chaussettes, avant une non moins bonne sieste bien méritée.
Patrick, un des 3 Ric, pensait que j’allais me joindre à leur groupe pendant la course. Oh non ! J’aime trop aller à mon rythme sans contrainte, et je n’arrive jamais à trouver quelqu’un qui court de la même façon que moi, alors un groupe de trois, il ne faut même pas y penser. Et j’aime tracer ma route seule, à ma guise.
Le reste des coureurs arrive jusqu’au lendemain après-midi. Je les accueille au fur et à mesure. J’ai donc deux jours pour me reposer et profiter de la vie autour du puits près duquel est installé notre camp. C’est fascinant, des milliers de tête de bétail défilent en permanence, bien encadrées par les gamins qui font respecter les ordres de rafraichissement : moutons, chèvres, chevaux, chameaux et quelques vaches. Les nomades puisent l’eau à la main pour remplir l’abreuvoir ou amènent une pompe thermique sur leur moto pour les grands buveurs comme les chameaux. D’ailleurs ceux-ci n’hésitent pas à cracher sur les chevaux qui ne respectent pas leur tour.
Le coin est connu pour ses squelettes de dinosaures, il y en a même dans notre camp de yourtes.
Au retour vers Oulan Batar, nous avons la surprise d’avoir un arrêt barbecue mongol préparé dans la steppe par une famille, un succulent mouton mijoté avec des pommes de terre et des carottes, cuit par des pierres bouillantes mises dans la marmite. Un vrai délice. Arrosé de vodka évidemment.
Une bonne récup s’impose maintenant. Profitons de la Mongolie, pays du cheval. C’est parti pour une rando d’une semaine sur ces petits chevaux, j’ai quatre pattes qui vont courir maintenant dans la steppe pour moi !