Mont Gaoligong, qu’est-ce que c’est que ça ? Ou 高黎贡超级山径赛 si vous préférez. Ca paraît chinois. Eh oui, je me dirige cette fois vers le Yunnan, au sud-ouest de la Chine.
Une petite présentation s’impose : Le Yunnan est très touristique, mais pas Tengchong où a lieu la course. Les monts Gaoligong sont tout près de la Birmanie, ils culminent à 4000m, et à 3000m près de Tengchong. La forêt y est très préservée, et cette chaîne de montagnes est classée au patrimoine de l’UNESCO.
Il y a 3 distances proposées : 55km, 128km, et 160km avec 8000m de dénivelé. J’opte pour cette dernière évidemment. L’organisation de la course bénéficie de l’aide logistique de l’UTMB. Il faut des points ITRA pour s’inscrire. Pour les novices, il faut avoir fait l’équivalent du trail de Bourbon dans les 2 années précédentes. Nous sommes 450 inscrits sur la longue distance, je suis la seule française.
Une fois le visa en poche, ce qui ne fut pas une mince affaire, et 3 avions d’affilée depuis la Réunion, je débarque à Tengchong quelques jours avant le départ, prévu le vendredi soir 9 mars 2018 à 20h, histoire de m’acclimater. La ville est à 1600m d’altitude, c’est le printemps et il fait encore froid la nuit, qui d’ailleurs dure 12h, de 19h30 à 7h30. Je crains le froid, et les nuits de course vont être longues.
Tengchong s’avère être une belle région volcanique avec des cratères et des sources chaudes, que je prends le temps de découvrir.
Je vais chercher mon dossard le jeudi matin. Il y a contrôle du matériel obligatoire. A ma grande surprise, on ne me demande pas mon certificat médical. Et on ne vérifie pas que mon téléphone fonctionne en Chine, ce qui justement n’est pas le cas. J’avais cru comprendre qu’on pourrait acheter une carte prépayée sur place, mais non. Une bénévole qui parle anglais m’explique où je peux en trouver et m’écrit en chinois ce qu’il faut demander, car personne ne parle anglais à Tengchong. Malgré cela, ce fut bien difficile. Je suis sauvée par 2 chinoises de Kuala Lumpur qui sont comme moi et qui parlent anglais, ce sont elles qui achètent ma carte. En plus elles ont une voiture pour se déplacer, j’en profite.
J’ai le droit à une interview par la télé locale, avec interprète. Je crois bien que mes cheveux blancs occidentaux sont repérés.
Le jeudi soir, c’est le briefing anglophone. Mais… c’est Pavel qui présente ! Pavel est un russe qui faisait partie de l’organisation de la course que j’ai faite au Bouthan il n’y a pas si longtemps que ça. Je suis heureuse de le retrouver. Et je suis assise à côté de Véronique Messina, dont je connais le nom car nous avons fait certaines mêmes courses en Asie, mais jamais ensemble. Elle me suit sur le blog d’A2R ! Nous ne sommes pas sur la même distance cette fois.
L’arrivée de la course étant à Heshun, vieux village très pittoresque à 5km de Tengchong et donc du départ, je change d’hôtel pour loger près de l’arrivée. Du coup le vendredi je profite de l’arrivée du 55km.
Mon tour vient. Je prends le bus de l’organisation en fin d’après-midi pour rejoindre le départ.
Il y a beaucoup de minorités ethniques au Yunnan, et ce sont des Yi, du moins je crois, qui font l’animation. Le monsieur est habillé tout en blanc et les dames sont en bleu clair, avec un grand chapeau genre abat-jour qui fait gling gling. En fait elles sont très belles.
Il fait nuit maintenant et je me trouve un coin au chaud pour attendre 20h. Avec les coureurs d’élite en plus, ceux qui ont leur place réservée devant. Il y a quelques étrangers. Je grignote un petit pain à la vapeur, délicieux.
Ca y est, c’est parti. On passe sous une porte chinoise, avant de parcourir une partie de la ville. La circulation a été déviée pour nous.
J’ai pris des bâtons, ce qui n’est pas du tout dans mes habitudes. Pour l’instant, ils sont accrochés sur mon sac. Mais ça ne dure pas, voilà qu’ils se cassent la figure. Déjà. Bon, autant les prendre à la main dès maintenant.
D’ailleurs nous sommes rapidement en montée, d’abord dans les quartiers résidentiels, puis sur les sentiers. Je n’ai plus qu’à déplier les bâtons. Ca grimpe tout de suite assez raide jusqu’à 2400m d’altitude, mais sans difficulté particulière, il n’y a ni pierres ni racines. Nous sommes dans une partie qui semble être des prairies, c’est difficile à dire de nuit. En tout cas, je double. Et je profite de la vue de Tengchong illuminée en bas, avant d’entrer dans la forêt.
Les CP sont à peu près tous les 10km, et c’est déjà le premier. Je ne m’y arrête pas. C’est vallonné jusqu’au CP2, on reste en altitude. Du coup j’arrête rapidement de mettre et défaire les dragonnes des bâtons, ça me fait perdre du temps et je ferai toute la course sans dragonnes et sans ranger les bâtons. Je ne les utilise qu’en montée.
Puis c’est une longue descente jusqu’au village du CP3. On a changé de vallée. Apparemment on la traverse, le chemin est facile et le CP4 est juste après le passage d’un pont suspendu. Il fait toujours nuit, donc je ne profite pas du paysage malheureusement. Dans tous les CP il y a un bénévole qui parle anglais, c’est très sympa.
Je commence à avoir un petit creux, il est 1h du matin. On me propose de la soupe de riz qui ne m’emballe pas, il n’y a plus de nouilles dans la soupe de nouilles. Je ne prends que du bouillon et me rabats sur les snickers. Je vais regretter nos tucs ?
Je repars, ça monte maintenant et ça y est, j'attaque le fameux mont Gaoligong. Et j’ai rapidement un coup de barre. Ce doit être la nuit qui pèse, même si je ne ressens pas l’envie de dormir, et le peu de nourriture que j’ai pris. Ma réserve de barres y passe. Nous sommes dans la forêt, je n’en vois pas plus.
Le CP5 est dans un village, à 1900m d’altitude. Dans les villages, ce sont des grandes maisons. Par contre les étables sont petites et elles ne sont pas closes. Les vaches me regardent passer et leurs yeux brillent dans la lumière de la lampe. J’ai le droit cette fois à une bonne soupe de nouilles. Ca me requinque, j’en avais besoin. De quoi repartir d’un bon pied, j’ai de nouveau la pêche.
Le parcours change de direction. Jusqu’à présent nous allions plein est, maintenant c’est plein sud. On suit la crête de la montagne, jusqu’à atteindre progressivement 2800m. Je craignais le froid de la nuit, mais ça va. Je porte un maillot à manches longues, un collant ¾ et des grandes chaussettes, avec un short sous le collant pour me garder les fesses au chaud. C’est efficace. Et des gants, ça tient chaud aussi.
L’étape est longue et le jour finit par se lever, il est 7h30. Le paysage se révèle magique avec le lever du soleil sur la montagne et la forêt, la vue portant vers l’aval, la vallée et la plaine au loin. Les couleurs sont ocre et or au petit matin. On entend quelques villages plutôt que de les apercevoir, un chien qui aboie, une maison qui apparaît au détour du chemin.
Je quitte le sentier pour une piste, qui me mène au CP6, perdu dans la forêt. Je n’y fais qu’un bref arrêt, je me sens en forme après cette longue nuit. Je suis prête à repartir, quand on me demande une interview pour une télé. Encore ! Quelle vedette ! Et toujours un traducteur à ma disposition !
Je peux enfin profiter du paysage. Je suis dans une belle forêt de feuillus, sur un sentier facile, avec de faibles dénivelés. Enfin, ne levons pas trop le nez, car hop, je pique justement du nez dans le tapis de feuilles, fort moelleux d’ailleurs. Pourtant, aucun obstacle par terre, ni pierre, ni racine. Heureusement que je n’ai pas mis les dragonnes des bâtons. J’en perds toutes les épingles qui tiennent mon dossard. Les chinois qui me suivent viennent aux nouvelles, tout va bien. L’un d’eux, déguisé en léopard des neiges, me donnent de nouvelles épingles. Car nous sommes sur les terres des léopards des neiges, mais je ne les croiserai pas.
Je suis maintenant dans une forêt de petits bambous, territoire du panda rouge. Lui non plus, je ne le verrai pas.
J’arrive au CP7, dans un village. Il est 10h, c’est l’heure de déjeuner. On me propose des spaghettis nature. Il y a également du saumon… en poudre. Eh bien, allons-y pour des spaghettis saupoudrés de saumon. Pas mauvais ma foi.
On commence à sentir la chaleur. J’en profite pour me mettre en short, puisque je le porte sur moi. Et j’ai largement de la place dans mon sac pour y mettre mon collant, puisque j’ai un 10 litres pratiquement vide. Le vêtement supplémentaire à manches longues obligatoire, que je n’utiliserai pas, ne rentrait pas dans mon petit sac.
Je repars sur une portion de sentier qui est une très vieille route pavée depuis 1000 ans paraît-il. C’est par là que transitait le thé échangé contre des chevaux entre le Tibet, la Chine et la Birmanie. Les bâtons sont interdits pour ne pas abîmer ces antiques pavés. Un bénévole nous le rappelle au début du sentier. Ce qui n’empêche pas une chinoise qui semble de mon âge et que je n’avais pas encore vue, d’utiliser les siens à gogo dans la montée, et même devant le bénévole. Elle va plus vite que moi, et je ne la reverrai plus. Est-elle V2 ? Je ne sais pas.
Puis les pavés s’estompent, et je reprends l’usage des bâtons.
Ca redescend un peu juste avant d’atteindre le CP8. Le point culminant de la course n’est plus loin, à 2800m. De là-haut, la vue surplombe la forêt, parsemée de tâches rouges. Ce sont les camélias en fleur. Superbes. Ils jalonnent le sentier et un tapis rouge s’étale par endroit sous mes foulées. J’arrive à une maison isolée, un magnifique camélia devant, sur une petite aire dégagée avec vue plongeante sur la vallée du Nujiang. Les chinois s’arrêtent tous pour une pause photo. Je me contente de m’en mettre plein les yeux.
Dans le coin, il y a 3 grands fleuves parallèles séparés par une chaîne de montagnes chacun : le Nujiang, 3000 km de long, le plus à l’ouest et que je surplombe présentement, le Mékong, 4000 km de long, puis le Yangtse, fleuve le plus long de Chine, 6000 km. C’est un fait géologique rarissime, dû à la jonction des plaques tectoniques Eurasienne et Indienne. Ces 3 fleuves sont encore petits au Yunnan.
Je continue de suivre la crête, qui descend doucement maintenant vers le CP9, point le plus au sud de la course, et à mi-parcours. Il est 14h30, et cela fait 18h que je trotte. Cela veut dire que je ne serai pas si loin que ça de la limite horaire finale, surtout qu’il va y a voir une 2° nuit au programme, et pourtant je ne traîne pas.
Je m’assieds par mégarde devant la table médicale. Aussitôt une armada de médecins se présente pour être aux petits soins. Non non, pas besoin, tout va bien. Je m’aperçois que j’ai plein de petites striures sur les cuisses, sans doute j’ai la peau sèche. Voilà l’armada de médecins qui veut panser mes cuisses. Non non, pas touche, tout va bien. Je change de chaise vite fait. Dans tous les CP, les bénévoles sont vraiment très attentionnés.
Je repars, en remontant de l’autre côté de la crête du mont Gaoligong vers le nord, parallèlement au trajet que nous venons de faire. Nous restons en altitude, au-dessus de 2000m. C’est toujours cette belle forêt, avec vue sur une autre vallée profonde, celle du Longjiang cette fois, que déjà j’ai traversée en début de course. Il faisait nuit.
J’arrive au CP10. On pouvait y déposer un sac de rechange, ce que je n’ai pas fait. Du coup les coureurs y font un long arrêt, inutile pour moi. Je m’attable pour une bonne soupe de nouilles. Dilemme. Comment attraper de longues nouilles avec une cuillère, ne sachant toujours pas utiliser des baguettes ? Bref, j’en mets partout.
Je repars revigorée, toujours sur la même crête.
Mes compagnons de course ayant changé de tenue, je ne les reconnais évidemment pas. Ils ont tous la même tête, je me fie à la couleur du maillot. Désormais, je serai à peu près avec les mêmes jusqu’au bout.
La crête se prolonge jusqu’au CP11. Je finis par arriver sur une petite route, il y a des grands panneaux en chinois, et une espèce de crémaillère au-dessus de ma tête, fort surprenante. Puis des espèces de grandes tentes alignées en hauteur. C’est un hôtel.
Un coureur chinois vente mes qualités de descendeuse. Il me le répètera jusqu’à la fin. Le chemin étant sans obstacle, c’est facile pour moi de descendre vite par rapport à la configuration réunionnaise. Je double à gogo dans les descentes.
Après le CP11, je quitte le mont Gaoligong. Changement de direction, plein ouest, je me dirige vers Tengchong. Mais c’est encore loin, à 60km. Pour l’instant, le sentier serpente dans la forêt. Ce sera la seule portion avec des racines et techniquement la plus difficile. Mais ce n’est pas long, j’arrive à un petit col, dégagé. Il y a 2 bénévoles en haut, près d’un feu car la nuit va tomber et la fraicheur s’installe. L’endroit me plait pour m’assoir dans l’herbe, Je leur fais signe que je vais me déshabiller. Ils se retournent gentiment et je prends mes aises pour enlever mon short et enfiler le collant. Ce qui s’avère une mauvaise idée car j’aurai vite froid aux fesses, et je remettrai le short sous le collant, comme j’ai fait la nuit précédente
Il est 19h30, et j’attaque cette seconde nuit par une grande descente vers la vallée du Longjiang qui est à 1200m d’altitude, point le plus bas de la course. Je sors enfin de la forêt pour arriver dans un village par une porte. Il y a du monde dehors dans la rue. Les magasins chinois sont des petits échoppes ouvertes sur la rue .Ils sont encore ouverts, il est près de 21h. C’est le CP12.
Je traverse la rivière sur un pont de pierre, ce doit être joli de jour, et ça remonte de l’autre côté de la vallée, tout droit dans la pente. J’apprécie les bâtons. Je passe quelques villages endormis. Me revoilà rapidement au-dessus de 2000m.
Le CP13 est dans un village, puis j’arrive au CP14, j’y suis à 2h du matin. Les CP sont à moins de 10km les uns des autres dans cette partie, toujours en altitude. Ca se fait vite et je ne fatigue pas pour l’instant.
Je suis maintenant sur une espèce de muret en béton assez long, avec de l’eau en amont. Coté aval, je ne vois rien, mais ça a l’air beaucoup plus bas. Ce serait bien un barrage. Une fois cette mystérieuse rivière traversée, je la suis vers l’aval à flanc de colline. Le sentier est pratiquement plat. Je traverse à gué plusieurs petits torrents.
Je passe à côté de 2 coureurs qui dorment assis dans la pente, ce n’est pas le meilleur endroit pour la sieste.
Le sentier semble long dans la nuit. Il finit par passer de l’autre côté de la colline, et rebelote dans l’autre sens, de nouveau plat et long à flanc de colline comme si on remontait cette fois la vallée suivante. En tout cas, y courir est facile. J’imagine que ce doit être très beau de jour avec la vue sur les rivières.
Je passe à côté d’un parterre de cannas. Mais je les ai déjà vus tout-à-l’heure ceux-là ! Mince, j’aurai fait demi-tour sans m’en apercevoir, lors d’un arrêt pipi par exemple ? Je me remémore le parcours que je viens de faire, impossible d’avoir fait demi-tour par inadvertance, comme cela m’était arrivé de nuit dans la traversée des Pyrénées. Mais le doute s’est installé dans mon esprit, qui en est à sa 2° nuit blanche. Si je ne ressens pas le besoin de dormir, je peux perdre en lucidité. Je scrute les bords du sentier. Non, je n’ai jamais vu cette allée d’arbres, et non plus cette haie d’arbustes.
Je finis par rattraper 2 coureurs, je leur demande confirmation de la direction. Je suis bien dans le bon sens, ouf. D’ailleurs j’atteins une route juste après, qui descend dans la vallée de Tengchong et le CP 15, qui est dans une ville. Il est 5h du matin, et je viens de faire un long CP de 13km. A entrée de chaque CP, il y a un panneau rappelant la distance et le dénivelé qu’on vient de parcourir, et à chaque sortie un autre panneau annonçant les réjouissances qui nous attendent.
On contourne Tengchong par le sud. C’est de nouveau la nuit noire une fois sortie des éclairages de la ville, et je remonte dans la forêt jusqu’au CP16. Le jour se lève, et j’arrive dans une carrière. Le coin n’est pas très bucolique. Il y a de grandes banderoles en anglais : la société – nom chinois – supporte le MGU. Effectivement, le CP est installé dans les locaux de la carrière.
Comme dans tous les ravitos, je demande un ginger tea, une infusion de gingembre au miel. C’est très agréable et ça passe bien. La dame qui parle anglais me propose du thé noir à la place, qu’elle préfère au gingembre. Je ferai exception cette fois, pour un thé délicieux. Une des spécialités du Yunnan, c’est bien le thé !
Je traverse un gros village, il y a du monde de grand matin, et je suis très encouragée. Et justement les champs de thé bordent la route. Ils sont en terrasse, et cela forme un paysage très vert et très beau. Un monsieur qui est dans son champ me fait signe de boire en me montrant les plantes, c’est bien du thé.
Encore un petit tour de forêt, avant de rejoindre une petite route qui descend dans la vallée, avec vue sur l’aéroport. Je m’attendais à un sentier, et c’est donc beaucoup plus rapidement que je ne pensais que j’arrive au CP17, le dernier. Ca devient urbanisé, le village n’a pas de charme.
La dame du ravito veut absolument me prendre en photo. Elle veut savoir mon âge. Je lui fais signe 54, elle se confond en admiration. L’interprète me dit que je suis la seule de plus de 50 ans à être passée. Je ne m’attarde pas, il ne me reste que 6 petits km à faire.
Je traverse une grande route, et de nouveau une forte et courte montée se présente. Une fille me double, pendant que j’en double une autre. Puis c’est la descente finale, qui reste très vallonnée. Je galope dans la forêt, j’ai encore beaucoup d’énergie. Il y a quelques coureurs qui semblent avoir du mal.
Je descends déjà vers un village, qui ressemble à Heshun, avec les mêmes maisons en briques grises. Mais non, faux espoir, ce n’est le bon, je ne reconnais pas l’entrée par le haut. J’y fais un petit tour, avant de surplomber un petit lac et de repartir dans la forêt. Heshun est le village suivant. Je traverse la partie haute, puis je descends une des rues principales. Les gens m’applaudissent. Il y a du monde, c’est un village touristique.
Et voici l’arrivée. Dès que je déboule sur la petite place de l’entrée basse du village, quelqu’un lit mon numéro de dossard. 10 mètres plus loin, avant de faire le tour d’un petit lac fort joli avec un kiosque au milieu, on me donne… un immense drapeau français ! A agiter sur les 100 derniers mètres. Je ne suis pas habituée à ce genre de truc et j’ai du mal à le faire flotter en courant. Et je m’en trouve fort émue, alors que ce type de démonstration n’a jamais été ma préoccupation. Et personne ici ne doit connaître notre drapeau tricolore.
Je passe la porte d’entrée d’Heshun, qui est pour moi la porte finale. Il est 10h20, soit 38h20 aux 160km. On me passe autour du cou une ENORME médaille Finisher, qui est en fait un ENORME grelot. Que je n’aurai plus qu’à trimbaler pendant mes 2 semaines de vacance restantes. Mon sac va faire gling gling !
Immédiatement on me dit que je suis 1° de mon groupe d’âge, les quinquas en l’occurrence, est-ce que je peux venir à la remise des récompenses à 13h30. Au moins, je suis immédiatement au parfum, pas besoin de chercher les résultats. Ma foi oui, je peux venir. Je vois néanmoins ma sieste qui s’envole.
Puis une dame me soutient comme si j’allais m’écrouler, ce qui n’est absolument pas le cas, mes gambettes sont bien moins raides qu’après un grand raid. Je la laisse faire pour ne pas la vexer. Elle me conduit d’office au stand des masseurs, ça a l’air obligatoire. 2 jeunes chinois me prennent en main, m’assoient sur une chaise et me mettent un sac de glace sur chaque genou. Mais mes genoux vont très bien ! Je leur fais comprendre que je préfère enlever mon collant, vu que j’ai un short dessous. C’est mieux pour mettre la glace sur les genoux. Puis on m’allonge et c’est parti pour une séance corsée d’étirements dans tous les sens, et ils tirent fort les chinois. Moi qui croyais qu’il ne fallait pas étirer les fibres fragilisées après un long effort. En tout cas, pas de massage au programme. Bref, pas du tout comme chez nous.
Puis c’est la restauration. Il n’y a plus de viande au moment où j’arrive, seulement un os de bœuf et une patte de poulet. Par contre il y a du saumon fumé ! Ce sera parfait avec le riz cantonnais. Et de délicieux petits gâteaux à la rose en dessert, spécialité du coin. Il y en avait sur tous les ravitos, mais pendant la course ça ne me faisait pas envie. Je me rattrape maintenant. Surtout que je n’ai pas eu de nausée du tout, le régime chinois a l’air de bien m’aller. Et pour arroser le tout, bière ou thé ?
On me prépare mon diplôme, une calligraphie avec mon nom, que le monsieur a du mal à écrire.
J’ai juste le temps de rejoindre mon hôtel pour une bonne douche et me changer, et c’est l’heure de la remise des récompenses.
Une chinoise me félicite, nous étions au même niveau sur la course me dit-elle. Je lui avoue que je ne reconnais personne, toutes les filles ont les mêmes têtes de chinoises pour moi.
Les récompenses sont données par de jeunes demoiselles Yi, dans leur bel habit traditionnel. Puis c’est la photo avec tous les primés, je me retrouve sur le podium à côté de Gediminas Grinius, le lithuanien champion du monde d’ultratrail et qui est déjà venu à la Réunion. Nous en profitons pour faire causette. Il veut revenir sur le grand raid pour battre François d’Haene. Il pense que pour moi, venant de la Réunion, la course du Mont Gaoligong doit être facile. Non, toutes les courses sont difficiles et se gèrent différemment. Celle-ci est plus roulante que le grand raid. Je fais également connaissance avec l’américaine Kristin Moehl, qui a gagné l’UTMB. Me voilà bien entourée !
C’est enfin le moment pour moi de profiter d’une bienheureuse sieste !
Pour conclure, je termine 88°au scratch, 13° féminine et 1° V2. Mais je ne suis qu’à 3h30 du temps limite, ce qui n’est vraiment pas beaucoup. Sur les 450 coureurs au départ, il n’y en a que 250 qui ont franchi la ligne d’arrivée. Pourquoi autant d’abondons ? Il faut des points pour s’inscrire, donc il n’y a pas de néophyte, même si les ultras sont récents en Chine. La météo fut clémente. Je n’ai vu que quelques ampoules autour de moi, pas de grands blessés. C’est ce temps limite serré ? Et un regret, celui de ne pas avoir vu les sommets enneigés qui nous dominaient, cette vue était dans mon trajet de nuit ?
Maintenant, place à quelques randos au Yunnan, qui me mèneront jusqu’à 4700m sur de beaux glaciers, sur un rythme plus tranquille. Gling gling, on peut me suivre !