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27 avril 2020 1 27 /04 /avril /2020 19:25

Novembre 2019

 

A pied bien sûr !

C’est ce que nous propose cette fois Alain Gestin : une course de 1000km non stop dans le désert mauritanien, que je vais découvrir. J’y cours !

Rendez-vous à Roissy le 2 novembre pour l’unique vol hebdomadaire vers Atar, petite ville au milieu du désert, qui s’est développée avec le Paris-Dakar. Mes voisins d’avion vont faire une mission médicale au centre de soins de Chinguetti.

Nous sommes les 15 plus mordus de la tribu, que je suis ravie de retrouver, avec 2 nouveaux : Takao le Japonais, flanqué de son inséparable photographe perso Tassoukou. Ils ne parlent malheureusement que très peu anglais. Et Brigit l’allemande. On se connaît, j’ai déjà partagé avec elle ma tente à Oman et elle était aussi sur la Transpyrénéa.

L’équipe de Boydya, le responsable de l’agence locale « Les randonneurs » qui va nous bichonner, nous accueille à Atar. Premier contact mauritanien avec un repas dans une auberge, servi par terre sur une natte autour de laquelle nous sommes assis sur des coussins. A ma grande surprise, je suis la seule à enlever mes chaussures pour passer à table. Ben oui quoi, on ne marche pas sur la table avec ses chaussures !

Puis c’est le transfert vers Chinguetti en 4x4 sur une piste excellente. Je suis étonnée du très bon état des 4x4. Ce qui ne nous empêche pas de crever. La roue est changée en 2 minutes. Efficace les Maures ! Nous avons 1h de route, et nous passons derrière une chaine de montagne pour atteindre un plateau via la passe d'Amodjar. C’est très beau.

1000km dans le désert mauritanien

Notre auberge à Chinguetti est très bien, avec de petits bungalows de 3 personnes. Il y a même de l’eau chaude dans les douches. Quel luxe ! Mais ne regardons tout de même pas trop du côté de l’évacuation des eaux usées, ça part dans le sable direct. Quant à l’électricité, la ville est alimentée par un groupe électrogène.

1000km dans le désert mauritanien

Premier coucher de soleil sur le toit terrasse avec une belle vue sur Chinguetti.

Nous allons rester 2 jours à l’auberge, pour se préparer. Je n’ai pas grand-chose à faire, mes dropbags sont déjà prêts.

Pour rappel, le système Gestin est un CP tous les 20km, dans une tente de nomade maure, où on trouve des nattes et des matelas, de l’eau froide et chaude, du thé Lipton (prononcer lipton et pas liptone), des pâtes, des sardines et des dattes. Oui, Alain s’est décidé à nous nourrir juste avant mon départ de la Réunion. Ce qui m’arrange, je n’ai pas eu à transporter tous les ravitos que j’avais néanmoins préparés. Tous les 2 CP, donc tous les 40km, on peut laisser un dropbag, sac avec des affaires personnelles. J’aurai des biscuits pour compléter le menu peu varié promis, et des piles pour le GPS et la lampe, car les piles, ça pèse lourd à porter. Tous les 200km, j’ai prévu des affaires de rechange et une pharmacie. Et au CP40, soit au km800, des chaussures de secours et des bâtons, au cas où je me sentirai une petite faiblesse.

On se dirige au GPS, avec un point tous les 20km au minimum correspondant aux CP, et quelquefois des points intermédiaires pour les orientations délicates. J’ai un Garmin Foretrex 101, non connectable à un ordinateur, j’ai donc saisi la centaine de points à la main. Un petit peu chaque jour, ça m’a meublé quelques soirées.

Nous avons 17 jours pour effectuer ce petit périple.

Lors du briefing, Alain nous dévoile la carte de la course. J’en reste scotchée. Magnifique ! Je n’ai pas besoin de prendre des notes sur le roadbook, j’ai tout en tête.

1000km dans le désert mauritanien

Il nous dote chacun d’une balise par sécurité. Une première sur les courses Gestin ! Je la trouve un peu lourde, 300g. C’est qu’il faudra la porter sur 1000 bornes.

J’ai donc le temps de profiter de Chinguetti. Petite visite guidée :

1000km dans le désert mauritanien

Il y a un vieux quartier, tout en pisé, avec une mosquée ancienne. Je l’admire de l’extérieur, car les non musulmans n’ont pas le droit d’y pénétrer. La ville regorge de bibliothèques. Perdues au milieu du désert ! Chinguetti était un lieu de passages commerçants très fréquenté par les caravanes, et des familles érudites ont conservé de vieux livres et manuscrits, traitant de tous sujets. La sécheresse du climat a conservé tout ça.

1000km dans le désert mauritanien
1000km dans le désert mauritanien

Les chalandes nous apostrophent pour entrer dans les petites boutiques d’artisanat des femmes.

Le jeu des gamins est de sauter sur l’arrière des quelques voitures qui passent. Les 4x4 ont la meilleure cote.

Ah, il y a un camion ensablé au centre-ville. Un autre vient à la rescousse, mais l’élingue casse sans cesse. Ils finiront par s’en sortir.

D’ailleurs la ville subit un ensablement permanent. Toutes les maisons ont un mur sous le sable, en fonction du vent.

1000km dans le désert mauritanien

Je retrouve mes voisins d’avion, qui nous font visiter le centre de santé avec Marion, notre médecin. Les patientes sont surtout des femmes. Le centre draine des dispensaires, jusqu’à 200km à la ronde. Les enfants dénutris sont systématiquement dépistés, et il y en a. Evidemment, nous ne les verrons pas dans notre périple, en tant que touristes.

Les Maures, l’ethnie principale, sont d’origine berbère, ils sont donc clairs de peau. C’est très surprenant en plein désert.

De notre toit terrasse, on domine la préparation des chameaux qui s’apprêtent à partir en randonnée avec des touristes. Ils sont bien chargés. Pour nous, ce sont les 4x4 qui font le plein de matériel et nourriture à l’auberge.

En tout cas, nous avons très bien mangé dans notre auberge. Les galettes de mil sont un régal.

Bon, après 2 jours de farniente, il est grand temps d’entrer dans le vif du sujet et de plonger dans le bac à sable.

Le départ est donné le 5 novembre à 7h, devant l’auberge. Alain est très ému, cela fait plusieurs années qu’il prépare ce projet, et voilà le moment de lâcher les fauves, ou plutôt les dinosaures de l’ultra comme il nous appelle. Je ne me sens pas vraiment ressembler à un dinosaure.

Au revoir Chinguetti.

1000km dans le désert mauritanien

Nous quittons la ville par un oued très sableux, direction plein est. Thierry et Dominique disparaissent vite devant, comme prévu. Je suis en trottinant avec Jacques et Takao. Nous nous séparons rapidement, car ils tirent tout droit au GPS vers une petite plantation de dattiers, ce que j’évite absolument, c’est plein de clôtures et de petites dunettes très molles ces trucs-là. Je préfère rester dans l’oued. Je les aperçois de temps en temps perchés sur ma droite, se tapant d’autres plantations. Tiens, Takao apparaît même tout en haut de la dune, en ayant fait demi-tour. Ah, je préfère mon oued.

Que je finis par quitter pour rejoindre le CP1, une simple natte sous un arbre. Voilà les 20 premiers km d’avalés. Boydya m’offre des dattes bienvenues. Jacques est déjà passé, Patrice et Takao arrivent.

Je repars et trouve un dossard par terre juste après le CP. C’est celui de Jacques. Il commence bien ! Je coupe tout droit au GPS pour la suite. Je suis dans des petites dunettes avec une petite végétation de graminées. Je trottine avec beaucoup de plaisir. J’ai opté pour 1h de course et 1/4h de marche en alternance.

1000km dans le désert mauritanien

Je passe à côté d’un puits avec quelques chèvres qui divaguent dans les parages.

Le CP2 est déjà là. J’y engloutis une soupe de légumes avec quelques morceaux de viande de chameau qui y nagent. Les Maures font sécher la viande chameau, qui se conserve du coup très bien dans le désert. Jacques se pointe. Il a l’air vexé que je sois là avant lui. Nous n’avons pas dû prendre la même trajectoire au GPS. Je ne le reverrai plus après.

Il fait chaud, plus de 42°, bien qu’il y ait des nuages. Ca ne me gêne pas car c’est très sec, on ne transpire pas comme à la Réunion. Il paraît qu’il y a eu quelques coups de chaud derrière.

Je coupe de nouveau tout droit. Et je me retrouve au milieu de belles dunes à franchir. Il y en a pas mal qui se succèdent. J’adore. Bien sûr, ça ralentit l’allure et on ne peut pas courir, mais c’est très chouette.

1000km dans le désert mauritanien

Puis j’attaque la montée d’une petite montagne très pierreuse. J’aperçois la piste loin en contrebas sur ma droite. Au sommet, on domine une petite plaine de sable et l’oasis de Tanouchert toute verte. Je dévale dans le sable entre les pierres vers cette plaine. Je tombe pile sur les traces de Titi et Dom.

Je passe la barrière de l’oasis et arrive à une auberge à la nuit tombante, c’est le CP3. Mais c’est en plein dans la prière. On ne peut donc pas s’occuper de moi. Une dame me fait un vague signe vers le restaurant, une grande case ronde. J’ai du mal à comprendre que c’est là que je dois m’installer. En fait les gens s’avèrent très gentils. Le couscous est prêt, suivi d’une crème de dattes. C’est Byzance.

Je ne m’attarde pas une fois repue et repars dare-dare pour la première nuit.

Et elles vont être longues ces nuits, plus de 12h, et j’appréhende. Je ne raffole pas de la sensation d’endormissement et de tituber en marchant. Aussi j’ai décidé de dormir un minimum chaque soir. Enfin plus tard, pas le premier quand même.

Je repasse la clôture de l’oasis, et me voilà de nouveau dans le sable. Je prends un cap sur une étoile dès qu’elles brillent suffisamment. Et… en voilà une filante ! Ne pas oublier de recadrer le cap toutes les heures, car les étoiles bougent. Quand je ne cours plus, je marche d’un pas rapide.

1000km dans le désert mauritanien

Me voilà déjà au CP4. J’y retrouve Titi et Dom. A vrai dire Thierry n’est pas très présent. Il est allongé par terre devant la tente et vomit toutes ses tripes. Bon, évitons de l’écouter. On est prêt à repartir tous les 3 au même moment. Car je suis 3° ! Enfin, on n’a fait que 80km. Dom me propose que je me joigne à eux. Ah jamais ! Je ne suis pas folle, ils sont beaucoup plus rapides que moi.

La nuit se poursuit au milieu du sable et des étoiles. Je finis par rejoindre des traces de 4x4 à l’approche de la petite ville de Ouadane. Je cherche un peu le CP5, de nouveau dans une auberge.  J’y retrouve Titi et Dom, et même scénario, Titi vomit tout son soûl. Ca devient une habitude. Alain et Patrick le caméraman dorment dans un coin.

Je demande ce qu’il y a à manger. Et bien, rien. Ah, nous sommes pourtant dans une auberge, et normalement il y a des pâtes et des sardines promises. Mais non, il n’y a rien. Ce ne doit pas être la bonne heure, il faut dire qu’il est 4h du matin. Même pas du pain ? Les Maures mangent beaucoup de pain. Non, pas de pain. Le gardien du CP finit par me dénicher des crudités avec de la vinaigrette s’il vous plaît. Il faut juste que les légumes crus ne me rendent pas malade. Dom me file du quinoa, que j’agrémente donc de crudités. Ca ira.

Les gars repartent. Je ne les reverrai plus.

1° nuit, donc 1h de sommeil. Logique.

Bien que je ne ressente pas spécialement l’envie de dormir. Mais on est parti pour un bail, ne l’oublions pas. Et ça me fait 100km parcourus, ce qui est bien. Je sors mon petit sac de couchage très léger, c’est une petite couverture polaire fine, j’enfile le bonnet, et hop, je pionce.

Ma montre me réveille 1h plus tard pour repartir. Il fait encore nuit. Alain roupille toujours et ne s’est pas aperçu de ma présence.

Je reprends ma trajectoire tout droit en courant, appliquant de nouveau mon principe 1h-1/4h qui me réussit bien, je ne fatigue pas. Je suis dans une zone très sableuse, avec de petites dunettes. Facile.

Dès qu’il y a du sable, on ne peut pas manquer les traces caractéristiques des scarabées.

1000km dans le désert mauritanien

Le CP6 est déjà là.

C’est un petit vieux qui tient le CP, il parle peu français, mais me serre dans ses bras. Si l’accueil est chaleureux, le ventre risque de rester vide. Il n’y a rien à manger. Tiens, ça me rappelle quelque chose. En fait, il est 10h, et il me fait comprendre que c’est un peu tôt et que le service est pour midi. Quoi ? Tu as des pâtes ? Oui. Tu as des sardines ? Oui. Tu as des dattes ? Oui. Alors on va manger. Tu utilises l’eau chaude du thé pour faire cuire les pâtes, et à table dans 10 mn. Il a compris et s’exécute.

Par contre, non merci pour le thé mauritanien, qui lui est toujours prêt. C’est du thé à la menthe extrêmement sucré.

C’est là que je remarque que les semelles de mes chaussures commencent à se décoller. Mince, déjà.

J’ai le droit à une nouvelle accolade et des encouragements au moment de partir.

Je me dirige vers le guelb de Richat, l’œil de l’Afrique. C’est un énorme trou tout rond de 60km de diamètre. Cratère météorique, volcanique, ou simple érosion ? On en discute toujours aujourd’hui. Une curiosité géologique. A quoi cela va-t-il ressembler ?

1000km dans le désert mauritanien

Pour l’instant je suis dans de jolies dunes parsemées de cailloux. Et les petits cailloux deviennent multicolores, avec des couleurs très vives, du rouge, du orange, du jaune, du bleu, du vert, du violet, et j’en passe. C’est incroyablement beau. Mes yeux s’emplissent de sable et de petits cailloux, à défaut d’en remplir mon sac, mais ce n’est pas le moment. Dommage. Ce n’est pas le temps non plus de musarder.

Je passe à côté d’une maison de nomades, faite de branchages. Puis c’est une belle descente vers une surface bleutée très plane, calcaire, sorte de dépression.

J’en profite pour cogiter sur mes chaussures. Je les ausculterai au prochain CP.

J’attaque maintenant une belle montée, qui devient très pierreuse, et je finis par rejoindre la piste par un petit col qui mène au sommet et centre du guelb, dans une petite batisse en pierre. C’est la maison de Théodore Monod, qui tient lieu de CP7.

1000km dans le désert mauritanien

Les fenêtres sont curieusement disposées près du sol, très bas. En fait les gens vivant sur des nattes assis ou couchés par terre, les ouvertures se trouvent à leur hauteur, permettant de profiter au maximum d’air frais.

Là, les pâtes et les sardines sont prêtes à être englouties.

Je commence à entourer mes chaussures d’élastoplast, par-dessus les guêtres qui sont cousues, quand un 4x4 arrive. C’est Jean-Claude le photographe et Tassoukou. Mes pompes sont les vedettes du moment. Je ne suis apparemment pas la seule à avoir des problèmes de chaussures, et Alain a paraît-il un scotch miraculeux pour la circonstance. Mais il n’est pas là. Je raconte à Jean-Claude que j’ai des chaussures de secours dans mon dropbag du CP40. Les miennes devront tenir jusque-là, soit 660km…

1000km dans le désert mauritanien

Pour ressortir du cratère, je poursuis dans les petites montagnes rocheuses, avant d’atteindre une belle dune à franchir, recouverte de pierres noires au sommet. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Et qui me mène etc. Un passage de dune et sa vallée correspondent à 500m horizontal. Le GPS indique 10km jusqu’au prochain CP, ce qui fait potentiellement 20 dunes à franchir… Et pas des petites. Eh bien, allons-y ! C’est un bon exercice !

Il n’y en aura pas 20, heureusement.

En fait elles forment des cercles d’enceintes rocheuses, séparées par des gouttières plates, qui entourent le massif central d’où je viens, le guelb.

Ca s’aplanit à l’approche du CP8. J’y arrive à la tombée de la nuit. Il y a du monde, et un grand feu flambe devant le CP, avec tous les chauffeurs des 4x4 affalés.

1000km dans le désert mauritanien

Sous la tente, je suis seule. Après les pâtes / sardines, je me penche sur l’ongle de mon gros orteil, qui est sensible. Ca ne m’étonne pas, il y a un peu de liquide dessous. Je n’ai pourtant rien heurté, malgré la caillasse de la journée. J’essaie de le percer avec une aiguille, sans succès. Pour l’instant ce n’est qu’une gêne, j’en reste là.

Passons aux chaussures. Ca tient le coup, juste certains morceaux d’élasto qui partent.

Je repars rapidement. Encore quelques dunes, avant d’arriver devant un immense mur, tout orange dans la lumière de la lune. Très beau mais inquiétant. Par où faut-il le prendre ? De nuit, je ne peux pas dire. Alors, allons tout droit. C’est raide, et le sable est très mou et glisse dans la grimpette. Et c’est de plus en plus raide. Je termine à 4 pattes, pour atteindre un espace rocailleux en haut. Je m’accroche à ces pierres pour pouvoir franchir les derniers mètres.

Ce sera la dernière dune, ouf. Mais que c’était bien !

Je vois une lumière là-bas. C’est le CP9, à 5 km. Celui-là au moins on le voit de loin. Je dois traverser un espace de sable dur dessus et mou dessous avant d’y parvenir, pas facile d’y avancer vite. Et… une étoile filante.

Pâtes, sardines et dattes m’attendent.

Il me faut quelque chose de pointu pour m’occuper de cet ongle. Je demande un couteau au gardien du CP. Il a ce qu’il faut, et va se coucher pendant que j’opère. Toujours sans succès. Bon, je garde l’ongle tel quel de nouveau.

2° nuit, donc 2h de sommeil. Logique.

Ma montre me réveille, et… s’éteint définitivement. Heureusement que j’ai pris un téléphone, qui me servira de réveil désormais.

Je repars au lever du jour. Si les grandes dunes sont terminées, je suis toujours dans le sable mou, clairsemé de petite végétation et de pierres. J’y cours bien. Il ne fait pas trop chaud le matin, j’en profite.

1000km dans le désert mauritanien

Mais le bout des semelles de mes chaussures se décolle carrément. Ca fait cuillère à chaque foulée dans ce sable. Ah, de pire en pire. Alors ça cogite. Ce serait vraiment bête de devoir arrêter pour ces pompes, alors que je me sens si bien et que ce n’est que le début du périple. Je me débrouillerai pour récupérer mes autres baskets et continuer, même si je suis considérée hors course.

Je suis très bien accueillie au CP10. Le gardien a fait de la galette, un gros pain cuit dans le sable. Oui oui. On fait un feu dans le sable, puis on met la pâte à pain dans le trou de sable chaud, on recouvre de braises, et on laisse cuire. Et il ne reste aucun grain de sable sur le pain. Quel délice !

J’ai de quoi me bichonner dans mon dropbag du CP10. Je préviens le gardien que je vais me dévêtir. Pas de problème, il sort. Opération changement de tenue et massage.

Je me protège du soleil au maximum. Je porte un collant, un maillot Xbionic, rose de surcroît, ce qui plaît beaucoup à Alain, mais qui n’a malheureusement pas de manches longues, je n’en ai pas trouvé à la Réunion. Je complète avec des manchettes. Et une casquette saharienne très couvrante. Mon maillot est tellement bien, il me maintient au frais quand il fait chaud et le dos est à peine humide avec le sac, que je le garde pour les 200km suivants. Pour la nuit, un petit pull polaire très léger, que je ne mettrai pas. Je ne l’utiliserai que pour dormir, et une veste coupe-vent.

Pour l’instant, je dois m’occuper de mes chaussures. Je rajoute une dose d’élasto sur le bout des semelles. J’ai un stock d’élasto dans mes dropbags tous les 200km.

Quant à l’ongle, il commence à s’infecter. J’arrive à le purger par le côté, mais pas complètement.

Je m’apprête à repartir quand surgissent Boydya et Marion, brandissant mon sac du CP40. Mes chaussures de secours me tombent dessus ! Super ! Jean-Claude a véhiculé mon message du CP7 aux bonnes personnes. Certes, elles n’ont pas de guêtres cousues dessus, mais j’ai l’assurance de pouvoir continuer.

Marion en profite pour désinfecter mon ongle.

Cette fois c’est le bon départ, toute ragaillardie. Je suis toujours dans du sable mou avec une courte végétation. Quelques acacias de temps en temps, et quelques chameaux qui vaquent à leurs occupations.

1000km dans le désert mauritanien

Evidemment, il y a du sable qui rentre dans mes chaussures. Et je sens rapidement l’apparition d’une ampoule derrière le talon gauche. J’y mets immédiatement de l’élasto. En tout cas, ça ne m’empêche pas de courir.

Une étrange bête s’enfuit devant moi. C’est un énorme lézard noir avec le ventre orange et une queue ronde. Il me fait penser à une salamandre immense. Il se tortille pour essayer d’aller vite. On voit aussi un tout petit lézard, beaucoup plus commun.

1000km dans le désert mauritanien

J’arrive au CP11 en compagnie de corbeaux. On en croise assez souvent.

J’ai le temps de vider le sable de mes chaussures et de percer l’ampoule, car le repas n’est pas prêt. C’est un petit jeune qui tient le CP. Il ne parle pas français et visiblement n’a pas d’expérience dans les courses non stop. Je dois le houspiller un peu pour qu’il mette de l’eau à chauffer pour les pâtes.

Je reprends rapidement ma route.

La nuit pointe déjà. Je suis la piste un moment, en courant quand il n’y a pas trop de pierres, et ce n’est pas ce qui manque. Je me sens bien, il ne fait pas froid, et je profite vraiment du moment présent. Moi qui ne raffole pas des nuits !

Quelques gerbilles pointent leur museau de temps en temps dans la lumière de la lampe.

1000km dans le désert mauritanien

Les tentes blanches des CP se voient bien dans la nuit, et je suis déjà au 12°.

Le gardien parle peu français et n’est pas très débrouillard. Il héberge un copain, qui dort profondément. Les pâtes ne sont pas prêtes. J’ai le temps de m’occuper de mes petons. L’ampoule s’est reformée et a grossi. Je la perce de nouveau. Elle ne me gêne pas pour le moment. L’ongle est toujours purulent, je le vide aussi. Il ne me gêne pas non plus.

3° nuit, donc 3h de sommeil. Logique.

Je réserve le petit déjeuner pour mon réveil. Il y aura des pâtes ? Non. Il y aura du pain ? Non. Tu pourras me réveiller à 1h du matin ? Non. Bon d’accord, j’ai compris, je vais rester autonome. Je fais une réserve de petits biscuits mauritaniens. Quand je me réveille, le gardien n’ouvrira pas l’oeil, je n’aurai même pas un thé.

Je reprends mon rythme, course quand il n’y a pas trop de caillasses. Je tombe sur une piste pile à un point GPS intermédiaire. C’est l’entrée de la descente dans un canyon. Il y a là une piste d’aviation, dont je n’aperçois aucunement l’existence dans la nuit.

Dans le canyon, il n’y a qu’un accès possible : la piste. Le sable y est bien mou, mais j’y cours. Avec la lune, je peux distinguer de hautes murailles rocheuses de chaque côté. Ce doit être très beau de jour. Le canyon s’avère très bruyant, les cris des chacals résonnent fortement.

Mais le sable est profond et je dois vider mes chaussures en cours de route.

Le jour se lève à la sortie du canyon. Comme c’est beau ! La partie montagneuse est sur ma droite, et une plaine s’ouvre sur ma gauche. Devant apparaît le fort militaire où est installé le CP13. Il y a quelques bâtiments en pierre, de petites tours et un puits. J’ai même cru que c’était une mosquée.

J’y débarque à l’heure du petit déj, sauf que le mien est bien loin depuis 1h du matin et qu’il fut léger. Le gardien me propose du pain. Il n’y aurait pas des pâtes par hasard ? Eh non, pas à cette heure. Alain est là et pallie mon appétit en m’offrant un sachet de lyophilisé. Ah, je vais déroger aux pâtes alors. Et bien non, menu invariable, ce sont des pâtes bolognaises. J’éviterai seulement les sardines.

Si j’ai des nouvelles de l’avant avec les fiches de pointage dans les CP, et l’écart se creuse doucement mais sûrement avec Titi et Dom, voici que j’ai des nouvelles de l’arrière pour la première fois. Patrice, Gérard et Jacques me suivent, puis Takao. Tout le monde va bien.

Je commence à flotter sérieusement dans mon collant. Heureusement qu’il y a un cordon pour le tenir, l’élastique est soudain devenu méga-large. Mes gambettes de plus en plus maigrelettes vont-elles me porter jusqu’au bout ? Du coup je crains les frottements au niveau des fesses et des cuisses, mais il n’en sera rien, j’y échapperai.

Le gardien se prépare des petits morceaux de pain arrosés d’eau chaude, d’huile et de sucre. Il me propose de partager son repas. Euh, non merci, vraiment.

Je m’occupe de mon ampoule qui a de nouveau grossi. L’ongle par contre s’est calmé.

J’ai le droit à une séquence de filmage par Patrick pour mon départ trottinant.

Changement de direction, ce sera plein ouest désormais pour les 500km suivants, avec vent dans le dos, c’est l’harmattan. J’accroche le rabat de ma casquette à mon maillot avec une épingle à nourrice, pour que ça ne vole pas dans tous les sens et que la protection soit efficace.

Jusqu’ici nous avions du relief, on était sur un plateau pierreux, ce qui demande de l’attention. Maintenant, c’est le plat complet. Ampleur et platitude, que c’est beau ! Une large vallée s’ouvre devant moi à perte de vue, bordée à droite par un magnifique cordon de dunes et à gauche par la chaîne de montagne de grès noir de l’Adrar, dont nous faisons le tour. Un peu de végétation de temps en temps, des acacias, des touffes d’herbe, une euphorbe (Calotropis Procera pour les spécialistes) dont les grandes feuilles rondes ressemblent à celles de notre bois de tambour, mais rien à voir évidemment. C’est une plante très toxique, du coup épargnée par les chameaux et les chèvres. Elle est en fleur, de belles inflorescences violettes odorantes. Les lianes des coloquintes s’étalent sur le sable, seules les graines sont comestibles. Elles sont justement en graine.

1000km dans le désert mauritanien
1000km dans le désert mauritanien

Je croise de petits groupes de chameaux, qui ont l’air de vivre en liberté. Ne nous y fions pas, le propriétaire ne doit pas être loin. Il y a donc des villages dans le coin, invisibles.

Je cours toujours avec beaucoup de plaisir, sans fatigue. L’après-midi je marche quand il fait très chaud. Et j’adapte la quantité d’eau à prendre en fonction de la température : 1,75 litre l’après-midi, 1,5 litre le matin, 1,25 litre la nuit. Je ne bois pas beaucoup et je n’ai jamais manqué d’eau.

Je ne respire que par le nez, car par la bouche, cela l’assèche immédiatement et c’est insupportable.

Je n’ai plus besoin de vider le sable de mes chaussures entre les CP, il y en a peu qui rentre sur ce terrain plat.

J’arrive au CP14. Quelques femmes d’un village voisin ont étalé leur stand de vente d’artisanat. Le gardien du CP a beau leur expliquer que nous ne sommes pas des touristes normaux et que nous n’achèterons rien, elles resteront là plusieurs jours.

Le gardien du CP parle très bien français. Il est fier de me dire qu’il a le bac et qu’il est guide.

Je reprends ma route vers le CP15. Il fait chaud maintenant, ce qui ne m’empêche pas d’admirer le fabuleux paysage. On ne voit pas un cordon de dunes de plusieurs centaines de km tous les jours. Le mien est tout ocre, splendide.

Le gardien du CP15 prépare une galette quand j’arrive. La pâte est prête, il allume le feu dans le sable. Je ne verrai pas la suite et je n’en mangerai pas, je serai repartie. Pour moi, ce sera pâtes et sardines. Néanmoins le menu du soir prévu est couscous au chameau. Je demande à goûter à la viande de chameau séchée, qu’on me donne avec parcimonie.

1000km dans le désert mauritanien

La nuit commence à tomber. Je n’ai qu’à suivre les traces de 4x4 dans le sable puisqu’on va tout droit. Facile à l’éclairage de la lampe, pas besoin de regarder le GPS. Le sable clair paraît blanc et j’ai l’impression de marcher au milieu de la neige, à la température près. C’est magique.

J’arrive à un embranchement de pistes. Le GPS m’envoie à droite. Curieusement ça monte, moi qui croyais que j’étais dans la platitude. Je ne me serai pas plantée par hasard, en ne vérifiant pas mon GPS sur la grande piste ? Je passe devant quelques maisons, les chiens aboient, les chèvres bêlent, et j’arrive à un terminus de la piste. Ah, ce n’est pas normal. Une tripotée de femmes sort d’une maison, dans la nuit. Il n’y a aucune lumière à part ma lampe. Elles n’ont pas l’air surprise de me voir, et m’invitent à entrer chez elles. Elles ne parlent pas français. Euh non merci, c’est gentil, mais je dois continuer mon chemin.

1000km dans le désert mauritanien

Et justement, il n’y a plus de chemin. Je n’ai pas d’autre choix que de suivre tout droit le GPS. Je tombe dans un pierrier qui de surplus monte. La progression est difficile. Dans la nuit, je vois que je me dirige droit sur une montagne, je dois passer de l’autre côté, le GPS ne connaissant pas le relief. Mais c’est qu’elle a l’air raide cette montagne, une vraie falaise. Je suis vraiment allée trop à gauche en suivant malencontreusement une trace de 4x4 erronée. J’oblique vers la droite tant que je peux au milieu des pierres pour contourner la grosse masse noire. Je finis par rejoindre la vallée et le sable, et le CP16, qui n’était pas loin à vol d’oiseau. J’ai dû mettre 2h pour faire 2km. Et je voyais désespérément mon dodo tant attendu remis à plus tard.

Dha, le gardien du CP, savait que je devais arriver et m’attendait depuis longtemps. J’ai juste eu un petit contretemps. Au moins le repas est prêt quand je débarque. Et, bonheur, du thon remplace les incontournables sardines. C’est que je préfère le thon aux sardines.

Je commence à sentir un léger frottement du sac dans le dos. Comment demander à un homme musulman de mettre de l’élasto dans le dos d’une femme catholique ? Je vais devoir enlever maillot et brassière. Cela ne pose aucun problème à Dha, qui me rend ce service.

4° nuit, donc 4h de sommeil. Logique.

La suite du parcours est plus accidentée, avec des montées sableuses pour franchir un peu de relief pierreux, comme des petits cols. Le cordon de dunes s’est éloigné.

Juste après le CP17 se présente un secteur très pierreux. Il vaut mieux garder la piste, qui serpente entre les gros blocs. Je finis par surplomber et contourner un petit canyon, très beau. Suivi d’une belle descente dans le sable comme on les aime.

Je vois une tente de CP au pied de cette descente. Déjà ? Il en sort quelques gamins, puis une femme. C’est la maison d’une famille de nomades. On se fait de grands signes.

1000km dans le désert mauritanien

Je retrouve un terrain plat, en longeant la base de dunes. Au loin le village d’El Bayed qui a l’air assez important, il y a une mosquée, et un puits, fort tentant. Comme il n’y a personne autour du puits et tout ce qu’il faut pour puiser de l’eau, voilà une excellente occasion de se débarbouiller. Comme ça fait du bien !

La piste devient maintenant très molle, et le sable rentre à gogo dans mes chaussures. Je dois les vider toutes les 10 minutes. Que de temps perdu ! En plus c’est le supplice pour remettre les chaussures à chaque fois avec mon ampoule. Et en plus, une nouvelle petite cloque pointe son nez au talon droit, l’autre pied. Quelle chance !

Je croise un berger avec son troupeau de chèvres, avant d’arriver en fin d’après-midi au CP18. Juste quand je me pointe, un 4x4 démarre. Je pénètre sous la tente, et… il n’y a personne. Au bout de quelques minutes le 4x4 revient avec le gardien du CP, c’est le petit vieux très affectueux. Ah le filou, il était parti en goguette chez les bergers du coin.

En tout cas, il me reçoit très bien, le riz est prêt. Du riz ! A la place des pâtes, chouette !

La nuit tombe après le CP18. Pour une fois, je suis la piste, toujours très sableuse. Voilà qu’arrive un 4x4, c’est Boydya avec Philippe, le médecin venu en renfort pendant une semaine. On s’installe par terre pour qu’il examine mes pieds.

Ni une ni deux, il fait un grand trou aux ciseaux dans les ampoules des 2 pieds, pour être sûr de les vider entièrement et qu’elles ne se referment pas pour se reformer. Le pied droit me laissera pratiquement tranquille désormais. Quant au gauche, la peau est toute plissée sur la chair à vif. Si l’ampoule ne se reformera pas, je vais déguster. Mais il faut en passer par là, il faudra bien le supporter.

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La nuit s’installe. J’entends régulièrement des chiens aboyer, il doit y avoir plein d’habitants par ici, mais aucune lumière. Je finis par en voir une assez loin, un peu en hauteur.

C’est celle du CP19, et le gardien m’y attend. Il porte son grand boubou bleu en basin brillant, très imposant. Il m’a préparé une bonne soupe de légumes bien épaisse. Je m’en sers même de sauce sur les pâtes. Un vrai délice. Il me propose un thé mauritanien, mais c’est trop sucré. Il m’en tend un tout de même un peu après, que je refuse. En fait il l’a préparé exprès sans sucre pour moi. Alors là, oui !

Place au sommeil. J’aimerai maintenant alterner une nuit de 4h et une nuit de 3h comme régime de croisière. C’est le tour des 3h.

Je reprends mon chemin ragaillardie, toujours en alternant course et marche, il faut profiter de la fraîcheur de la fin de nuit.

Le soleil se lève, et je me retrouve de nouveau au milieu d’un cordon de dunes ocre sur ma droite et la montagne noire sur ma gauche. Et voici le CP20, et 400km parcourus.

J’y ai un sac bien-être. Une douche s’impose. Je m’installe derrière la tente, sur un coin de natte, avec une bouteille d’eau comme pomme de douche. Sans tout tremper et sans me mettre du sable partout, c’est un exercice d’équilibre. Suivie d’un petit massage avant de repartir. Mon huile de massage se met curieusement à mousser sur mes cuisses, et impossible d’enlever la mousse.

Le vent est fort, et une poussière de sable s’élève des dunettes, partout. Pour l’instant, ça ne me gêne pas et j’avance bien.

Le sol change maintenant, j’atteins le lac salé. C’est très dur, tout gris, totalement plat, et vide.  Il y en a pour 60 bornes, tout droit. En tout cas, c’est facile d’y courir.

Le CP21 apparaît déjà. Le gardien du CP m’explique comment la tente a été installée, avec le sol très dur et le vent, et elle tient très bien. Je ne m’y attarde pas.

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L’air est très sec, la poussière de sable envahit tout maintenant, je dois m’en protéger. J’ai un morceau de chèche que j’attache à ma casquette, elle-même attachée à mon maillot, je rappelle. Cela me couvre tout le bas du visage, le nez et la bouche, et ça flotte dans le vent, si bien que ça ne me tient pas chaud. Impec. Je mouche beaucoup, du sang, cependant j’arrive à garder les narines humides si bien que ce n’est pas embêtant. D’ailleurs j’ai prévu, et j’ai un grand nombre de mouchoirs dans mes sacs aux CP. Quant aux lèvres, elles résistent bien.

C’est l’après-midi et il fait vraiment trop chaud pour courir. Je marche d’un bon pas, bien que je sente davantage mon ampoule en marchant qu’en courant. Comme le terrain est facile et que je n’ai pas besoin de regarder mes pieds, je profite du paysage, en pleine admiration. Et je chante. Tout ce qui me passe par la tête, c’est très éclectique. Enfin, je chante dans ma tête, car pas question d’ouvrir la bouche. Sinon ça brûle immédiatement les poumons. Au sommet du hit-parade se trouvent Brel et Miro. Je compose des paroles sur leurs mélodies, et attention, il faut que ça rime. Je m’amuse bien.

Malgré ça, je sens le manque de sommeil me rattraper une fois la nuit tombée, et je commence à tituber. Sensation horrible, dont je ne veux pas. Dormir 3h, ça ne va pas. Je dormirai désormais 4h par nuit. Du coup, avec la fraicheur, je chante cette fois à tue-tête dans la nuit pour me tenir éveillée.

Le CP22 est au milieu du lac. Je vois sa lumière de loin. J’y ai des nouvelles des coureurs derrière. Pat et Gégé ont lâché Jacques, et ne devraient pas être trop loin. Je dors donc 4h, et je repars, la forme est revenue.

Le jour se lève, et je me retrouve dans une épaisse brume. La poussière de sable réduit drastiquement la visibilité. Vite vite, j’installe mon chèche et reprends ma foulée. Cette fois, le paysage est réduit. Je chante dans ma tête d’autant plus, pour éviter la lassitude des kilomètres plats.

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D’ailleurs, me voilà de nouveau dans le sable, et la poussière s’estompe. Le lac salé est déjà terminé ? Tout compte fait il est passé rapidement.

La vie revient autour de moi, les plantes, les chameaux.

J’avale le CP23 et le 24 dans la foulée. Le sable entre de nouveau dans mes chaussures, ça ne peut pas durer comme ça. Je coupe mon buff en 2, puisque je ne l’ai jamais utilisé jusqu’à présent et j’entortille chaque partie sur le bout d’une chaussure, là où le sable traverse le mesh. Ma fois, si ce n’est pas parfait, cela s’avère assez efficace.

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Une nouvelle nuit s’annonce, je tiens bien le coup au niveau sommeil. Néanmoins, le CP25 étant la mi-course, je vais m’octroyer un extra, un dodo de 5h. Mérité n’est-ce pas ?

J’oblique vers le côté dunes. La piste en gravit une bonne, et moi avec, et mène à un village, que je distingue dans la nuit. Il y a notamment des panneaux solaires.

Je réveille le gardien du CP qui dort dehors. A l’intérieur se trouvent 2 autres dormeurs, Jean-Claude et Tassouko, les 2 photographes. Ca ronfle. Peu m’importe du moment que j’ai un matelas de libre.

Des mouvements me réveillent légèrement, une lampe apparaît. C’est Gégé et Pat qui se pointent. Salut les gars ! Je pensais qu’ils me rattraperaient bien avant les 500km, je les considère comme plus rapides que moi, car ils dorment très peu. D’ailleurs ils ne restent qu’1h au CP, pas comme moi ! Mais pas de chance, il ne reste qu’un matelas et Patrice dort par terre. J’aurai été à sa place, j’aurai viré sans hésiter un des photographes qui se font des nuits normales, priorité aux coureurs.

Je repars aux aurores pendant que Jean-Claude cherche le puits.

La peau de mon ampoule s’est malheureusement arrachée, et elle devient vraiment douloureuse. Ca ne me donne plus envie de courir, je vais uniquement marcher dorénavant.

Je progresse dans des dunettes et je vois régulièrement les traces de Pat et Gégé. Sur la piste je croise un chamelier de grand matin. Il me demande où je vais. Comment lui expliquer ? Je n’ai que des points GPS à lui donner. En tout cas, il a croisé 2 autres gars comme moi un peu plus loin, ils vont bien. Merci des nouvelles, elles circulent vite dans le désert.

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On contourne Atar. Les habitations se font plus nombreuses, et les pistes aussi. Il y a même un monsieur qui m’indique gentiment celle de gauche, vers la ville. Non non, je vais tout droit. Il ne doit rien y comprendre.

La piste s’estompe pour laisser place à un passage sur de grandes et magnifiques dalles bleu roi, je n’en crois pas mes yeux. C’est très facile d’y marcher en plus.

Le sable reprend son droit, avec encore des pierres bleues par endroit, et ça monte, jusqu’au sommet d’une grande dune à dévaler. Quel dommage que mes chaussures sans guêtres n’apprécient pas, car moi j’adore ça.

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Le CP26 est en bas. J’y retrouve Pat et Gégé. Patrice me propose de me joindre à eux. Non merci. Je préfère tracer ma route moi-même, c’est mon plaisir et j’ai besoin de ce côté aventure. Et surtout nous n’avons pas du tout le même rythme. Je dors 4h la nuit et je ne prends pas d’autre repos. Ils dorment 1h par CP et font des pauses dodo de 20 minutes dans le sable le long de leur parcours quand ils ne tiennent plus. Très peu pour moi.

Le gardien du CP est un des petits jeunes. Je le booste un peu pour qu’il se décide à nous préparer les pâtes, sinon on en a pour quelques plombes. Patrice me trouve même un peu dure avec lui.

Je reste sur la piste pour la suite, car il y en plusieurs, avec plein de changements de direction, des villages et des puits. Pas question de se fourvoyer.

Soudain mon GPS indique le point suivant à… 4512km. Ah ! Un peu loin celui-là. Heureusement, je sais d’où provient l’erreur. Lorsque j’ai fait la saisie à la maison, ce sont toujours les coordonnées de la Réunion qui apparaissent et qu’il faut modifier pour avoir celles que l’on veut. J’ai laissé par mégarde l’hémisphère sud au lieu de mettre le nord pour la latitude, même après 2 vérifications de tous les enregistrements. Je passe à 12km en 2 bip. C’est mieux !

Le CP27 est dans belle zone d’acacias avec plein d’oiseaux, dont l’incontournable moula moula ou traquet pour les puristes, tout noir avec sa calotte blanche sur la tête, et d’autres espèces moins voyantes.

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La nuit s’annonce, et je vais dormir 4h au CP28. J’y retrouve de nouveau les 2 gars. Ils sont épuisés, ah ben tiens, et vont dormir plus longtemps que moi.

En repartant, je ne trouve pas la trace de la piste dans la nuit, car le sol est dur. C’est un CP court annoncé, 16km. Je vais couper tout droit. Je me tape énormément de cailloux, avec des surfaces bleues dans la lumière de la lampe. Que c’est beau ! Ca l’est moins pour mes pauvres pieds, et je ne vais pas très vite.

Et soudain, j’éclaire une pierre de forme cubique d’un mètre de haut, gris clair, couverte de gravures rupestres. J’en reste baba, tomber dessus en pleine nuit dans le petit halo de ma lampe ! Je ne manque pas de l’examiner sous toutes les coutures. On y reconnait très bien un homme et une femme, et plein d’autres petits personnages. Mais je dois poursuivre ma route. Je n’ai pas pensé à prendre le point GPS de ma découverte.

Et maintenant je tombe sur des dunes. Très chouette, sauf encore pour mes pieds et je vais aussi moins vite.

Je finis par débarquer au CP29. Pat et Gégé, qui sont partis après moi, y sont depuis 2 heures. Ils ont suivi la piste qui était très facile, même s’ils ont fait bien plus que 16km. Euh oui, de mon côté j’ai fait du tourisme. Mais je ne regrette pas, je préfère mon trajet au leur.

Le CP est plein, Alain y dort aussi. Heureusement il me reste un matelas. Le gardien me bichonne, il m’attendait beaucoup plus tôt.

Je repars, toujours dans la nuit, et cette fois je reste sur la piste, du moins au début. Je la quitte dès qu’il fait jour. Ca grimpe sûrement et régulièrement dans le sable, parsemé de pierres, des fois bleues, des fois vertes, des fois oranges, des fois roses, des fois pourpres, au moins c’est varié, avec pas mal de petites végétations. Tiens, un tapis de tout petits cailloux d’un blanc immaculé, il y en a plein, sur une surface restreinte. Mais non, ce sont des coquillages ! J’aboutis de nouveau en haut d’une grande dune à dévaler. Je ne vois pas tout de suite le CP30, il est pourtant juste là en bas. J’oblique direct vers mon objectif en vue, pas besoin de GPS.

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Pat et Gégé sont là. Ils ont leur sac, mais pas moi. Ah, c’est embêtant, j’y ai mes affaires de rechange des 600km. Le maillot, ce n’est pas grave, mon joli rose fera encore bien 200 bornes, mais LES CHAUSSETTES ? Au secours ! J’en rêve, de changer de chaussettes. Ma grosse ampoule suinte en permanence et elles sont devenues dures comme du carton avec le sable + la lymphe, voire le pus pour l’ongle. Bon, je n’ai pas le choix, je prends mon courage à deux mains, ok, je vais reprendre avec mes cartons aux pieds. Patrice me file une soupe et un Babybel, comme je n’ai pas mes petites douceurs de CP pair. On s’apprête à repartir tous les 3 quand le 4x4 de Boydya arrive, amenant les sacs manquants. Voilà mes chaussettes tant convoitées !

Je change de maillot à regret, le Xbionic me garde vraiment le dos sec, mais il a fait 600 bornes, il ne faut pas exagérer. Je le troque pour un Raidlight, qui, même s’il est bien, s’avère en comparaison moins confortable, j’ai le dos humide avec le sac.

Les gars repartent tandis que je prolonge la pause. Ce sera du coup douche, et change complet. Appréciable ! Je me suis installée en petite tenue derrière la tente sur un plastique avec une théière d’eau pour me débarbouiller, et voilà que je me retrouve entourée d’un va et viens d’âniers et de chameliers. Il va falloir patienter.

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Boydya m’encourage et m’enjoint de ne pas me faire doubler par les garçons. Allez les filles ! Mais c’est tout vu, ils dorment moins que moi, et je ne dérogerai pas à ce point. J’assume ma 5° place au classement.

La montagne que je longe depuis fort longtemps s’éloigne sur ma gauche, je suis maintenant sur de grandes ondulations de dunes couvertes de nombreuses pierres. Je coupe tout droit, sans que la piste ne soit trop loin. D’ailleurs un 4x4 la quitte pour me rejoindre. C’est Philippe le médecin. Il me reconnaît planquée sous mon chèche ? Il vérifie l’état de mes pieds et est fort satisfait de voir la guérison que ça prend, c’est-à-dire que c’est très propre. Certes, mais qu’est-ce que je déguste ! Je lui fais remarquer que ma cheville a tendance à gonfler un peu, absolument sans gêne, et ça redégonfle lors de mon repos la nuit. Il pense à un œdème. Je suis formelle, ce n’est pas ça. J’ai déjà eu des oedèmes, et depuis que je prends du Daflon sur les courses longues, je n’en ai plus. L’autre Philippe l’accompagne, qui a dû abandonner pour cause de défaillance de son GPS. On est sûr de se paumer dans ce cas.

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La nuit tombe quand j’arrive au CP31. Alain est là. Il a modifié le parcours, et je dois rejoindre une route, sans point GPS comme repère. Je n’ai qu’à suivre les traces de Patrice et Gérard, qui eux ont été escortés par un 4x4. Oui bien sûr, de nuit ! Déjà pour partir, je voudrais bien me fier aux traces du 4x4, mais il y en a partout. Le chauffeur me dirige sur quelques centaines de mètres.

J’ai profité du véhicule pour recharger mon téléphone sur la batterie, comme il est allumé 4h par nuit. Il ne manquerait plus que mon réveil soit déchargé.

Je suis sensée suivre la route sur 4km et prendre la piste au 3° radier. D’ailleurs, Isabelle, tu viens de la Réunion, tu sais ce que c’est qu’un radier. Et oui, je connais ! En fait ce sera beaucoup plus long car il y a une belle descente avec quelques virages en épingle à cheveux qui augmente la distance prise à vol d’oiseau par les GPS. Je compte consciencieusement les fameux radiers, c’est en fait au 5° qu’il faut tourner. Il paraît qu’il y a une flèche, que je ne vois pas dans la nuit. Il vaut mieux ne pas se tromper, c’est un formidable pierrier dans le coin. C’est le point GPS du CP suivant qui me conforte dans le 5° radier, sans aucun doute possible. La piste est facile à suivre après.

Le CP32 est parfait pour un somme. J’y retrouve Pat et Gégé qui ont eu du mal avec le nombre de radiers. Ils repartent avant moi.

Je tombe rapidement sur une portion de grosses dunes, très chouettes. Dans ma direction, je dois les prendre en diagonale dans la longueur, ce qui n’est pas le plus facile, surtout sur plusieurs km. En outre mes pieds n’aiment pas, je dois vider plusieurs fois mes chaussures. A la sortie de cette traversée, je tombe sur plein de traces de bétail, chameaux et chèvres, et les traces de Pat et Gégé. Il doit y avoir de la vie dans les parages. Et je perçois des massifs dans la nuit.

Quand le jour se lève, je me trouve effectivement au milieu de petits monts isolés et très noirs qui apparaissent au milieu du sable, comme éparpillés. Ils ont toutes sortes de formes, le moindre creux formant piège à sable, et le manteau blond semble monter lentement à l’assaut des cailloux. Ca fait varier le paysage.

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Dha m’attend au CP33 et m’a préparé un couscous aux légumes, spécialement pour moi. C’est gentil ! J’ai le droit aux confidences de la vie sexuelle d’un Mauritanien célibataire. Il aimerait bien vivre à la française, avec une fille sans être marié, mais ici, ce n’est pas imaginable.

Mon collant commence à se raidir, une lessive s’impose. Je transforme ma petite couverture en jupe pour pouvoir l’enlever, et le rince à la bouilloire avec l’aide de Dha. Le temps de manger, ça va sécher très vite dehors entre le soleil et le vent, mais Dha tient absolument à installer une vraie corde à linge.

Il y a des passages de 4x4 à proximité, il paraît que c’est un coin à orpailleurs.

Un chamelier passe avec son troupeau. Il chercher du vert, des pâturages quoi.

Juste après le CP le GPS m’envoie droit sur un beau massif. Je le prends par la droite ou par la gauche ? Allez, par la droite. En fait ce massif est tout en longueur et je me morfonds à devoir le longer alors qu’il faut que je le coupe à un moment. Pour finir, il y a une gorge au bout que je ne voyais pas. Il y a un peu de végétation rase dans ce coin, avec quelques chameaux.

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Plus loin ce sont des massifs carrément noirs dont un tout rond, il est magnifique. On dirait des sculptures en métal posées sur le sable blanc. Ce fut un de mes coins préférés.

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Je découvre une nouvelle trace humanoïde, celle de Philippe, très caractéristique, de taille immense, et avec les pointes de ses bâtons. Il a repris du poil de la bête, son GPS a dû se calmer.

Au CP34, je me masse les pieds, comme à tous les CP. Mitou, le gardien, très prévenant, veut m’aider et me propose de me masser des pieds à la tête. Non non, c’est gentil mais ça ira comme ça.

Après, c’est de plus en plus vert. Si la végétation reste courte, il y a beaucoup de petites fleurs, elles sont minuscules mais cela suffit pour faire des tâches colorées, un coup rouge, un coup jaune, un coup blanc, je raffole de ces fleurettes. C’est aussi plein de coloquintes, je marche sur les lianes. Il paraît qu’il a plu deux fois dans ce coin cette année, dont la dernière fois récemment. Ca plaît aux bestiaux, il y a de plus en plus de chameaux, des ânes et des chèvres. Et même des papillons ! Comme c’est bucolique ! Et quelques maisons. Un chamelier coupe ma trajectoire.

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Ca commence à monter, pour arriver à… une mare ! Oui, il a plu récemment. J’y découvre plein de traces d’oiseaux dans la boue, outre les traces géantes de Fifi.

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J’arrive au CP35 dans la nuit. Pat, Gégé et Fifi pioncent et prennent tous les matelas. Fifi se lève et me laisse le sien, il n’arrive pas à dormir. Pour moi, aucun problème de ce côté-là. Quant aux 2 autres, c’est la dernière fois que je les vois.

Je reprends la montée dans les pierres, face à une grosse montagne transversale au fond. J’arrive au sommet d’une falaise assez verticale. Une partie du versant qui l’est moins est sableux, seul accès possible, tout le reste est trop pierreux. C’est parti pour une belle descente ! Je me retourne un peu plus loin, je suis au pied d’une falaise. C’est magnifique.

La suite est vallonnée, avec des cailloutis piquetés de buissons et parsemés d’acacias. C’est très facile de se caler un cap, ce qui permet de ne pas être trop concentré sur la trajectoire et de profiter du paysage. Justement, voilà une parfaite grosse tache noire droit devant. Quand je la refixe de nouveau… elle a bougé. Ah ! En fait, c’est un chameau ! La robe des chameaux passe par toute la palette des marrons, du presque blanc au presque noir. J’en croise pas mal de petits groupes.

J’entends très souvent une note unique de flûte, tuuuuuu, très étonnante. Cela ne peut être qu’un oiseau. Je ne le trouve pas du premier coup, il est petit et beige, couleur sable. Ce chant du sirli me ravit, et je cherche à apercevoir son auteur dès que je l’entends. Il est souvent posé sur le sable en zone découverte.

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Le gardien du CP36 n’a rien préparé quand je débarque. Heureusement il y a toujours des dattes pour patienter en attendant le repas. Je lui demande des pâtes. Au bout d’un quart d’heure, il n’a pas encore mis l’eau à bouillir. Cette fois, oui, je suis dure avec lui. Je lui dis qu’il a 10 minutes pour que ce soit prêt. Il est paniqué. Au bout de 10 minutes, je l’oblige à me servir. Evidemment c’est cuit, al dente comme les coureurs les aiment, et parfait agrémenté des sardines, quant à elles vite prêtes. Mais pour lui, c’est immangeable. Les Maures font cuire les pâtes au moins une demi-heure. Je ne me suis pas fait un copain.

Comme dit Théodore Monod, heures lourdes des débuts d’après-midi, que cette plaine est donc vaste, cette dune épaisse, cette falaise haute. Ce malicieux soleil, si pressé tout à l’heure d’aller se percher sur ma tête, en bonne posture pour lâcher sur mes épaules sa chape de feu, a l’air de se plaire au zénith et de n’en redescendre qu’à regret, en tout cas avec une singulière lenteur. Et toujours de face, je reste bien planquée sous mon chèche.

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A 1 km des CP, je les cherche de vue. C’est comme une chasse au trésor, avec la distance qui diminue sur le GPS. Quand je vois la tente, j’ai trouvé le trésor ! Des fois on la voit de loin, parfois à moins de 100m. Tout dépend des ondulations du terrain et des acacias.

Je retrouve Jean-Claude au CP37. Là encore, le repas n’est pas prêt. C’est le jeune gardien qui ne parle pas français. Jean-Claude s’en occupe. Il lui fait bouillir l’eau et détermine la quantité de spaghetti à mettre, car le cuisinier allait en faire pour un régiment. Certes, j’ai faim, mais tout de même. Ce sera prêt en 10 minutes.

L’ongle de mon gros orteil s’est ravivé depuis quelque temps. Il est de nouveau purulent, et j’ai beaucoup de mal à le purger. Ca ne me gêne pas trop, mais je ne peux pas le laisser comme ça. De plus, les autres orteils jusqu’ici épargnés de malheurs, commencent à se réveiller. Une ampoule pointe sous le petit orteil. Je demande à Jean-Claude s’il a vu récemment Marion, le médecin, mais ce n’est pas le cas.

La nuit est bien là maintenant. Je n’ai jamais souffert du froid la nuit, j’ai même rarement mis ma veste.

Je retrouve Fifi au CP38. Je vais y dormir mes 4 heures.

Le terrain est maintenant très caillouteux et toujours vallonné. Je quitte la piste. Un 4x4 me rattrape. C‘est Alain, qui n’a visiblement qu’une préoccupation : ma balise est en panne. Il est accompagné de Jean-Claude et Patrick. Et moi je n’ai qu’une envie, m’assoir et ne pas rester debout près de la voiture. Le chauffeur me cède gentiment sa place, à la demande de Patrick. Alain reconnecte ma balise. Je ne suis pas très contente de porter le poids d’une balise qui ne fonctionne pas.

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Plus loin un autre 4x4 surgit à mes côtés. Décidément c’est le jour des 4x4. Cette fois c’est Marion, qui me donne rendez-vous au prochain CP qui est à 5km. Elle a eu le message de Jean-Claude pour mes petons.

Donc je la retrouve au CP39. Gérard Cain l’accompagne, qui a malheureusement dû abandonner. Du coup j’ai des nouvelles fraîches de tout l’arrière de la course.

Mes chaussures et mes chaussettes commencent à sentir fort mauvais. Il faut dire que mes blessures suintent en permanence. Je dois tout d’abord me laver les pieds dans une… bassine souple, comme spécialement conçue pour les CP dans le désert. Puis Marion peut dorloter mes pieds.

Je change les pansements quand ils deviennent trop humides. Les mouches adorent, je dois les chasser des plaies avant de les recouvrir le plus rapidement possible.

Elle me demande si je sais encore quel jour on est. Oui, ça je sais. Par contre je ne sais plus situer quand sont arrivés les évènements, car j’ai l’impression que désormais, 1 CP = 1 jour. Ca fait 39 jours que je me balade ?

Le trajet vers le CP40 est de nouveau verdoyant, du moins avant la nuit.

Les dropbags y arrive en même temps que moi. Ouf, j’ai grand besoin de chaussettes propres. Les miennes sont devenues vraiment raides et puantes. Quant aux bâtons en cas d’épuisement, je n’en ai pas besoin. Ils resteront dans le sac. Pat et Gégé n’ont sûrement pas dû avoir leurs affaires.

Le ravitaillement est livré, il y a du pain tout frais.  

Je commence à me déplacer instinctivement à quatre pattes dans les CP, bien que je n’aie pas de problème pour me lever. Quoique je préfère tout de même m’accrocher à quelque chose, non pas par fatigue des jambes, mais pour m’aider à garder mon équilibre. Et il n’y a qu’une chose pour s’accrocher : le poteau central de la tente, qui n’est que posé par terre. Je fais vaciller toute la guitoune à chaque fois.

Je commence à trouver mon sac de plus en plus pesant. Pourtant il n’y a rien en supplément dedans. Je refais le calcul des piles, le plus lourd, sur le temps maxi, on ne sait jamais ce qui peut arriver, pour ne pas en porter en excès, mais j’ai juste ce qu’il faut.

L’heure de mon arrivée aux CP nocturnes se décale de plus en plus, si bien que je vais commencer à passer la nuit entière dehors et à dormir le matin, ce qui ne va pas. Il faut me rendre à l’évidence, je n’ai plus qu’à faire la pause au bout de 2 CP au lieu de 3 pour me recaler de bonnes nuitées. C’est donc dodo au programme.

1000km dans le désert mauritanien

Je repars dans l’obscurité. En tout cas, ça monte continuellement. Quand le jour se lève, je suis en train de contourner une montagne vers un col. C’est très beau avec le lever du soleil et la vue en haut est magnifique.

Nouvelle direction, droit vers l’ouest pour accomplir notre grande boucle, et la région de l’Amatlich. Du coup c’est le soleil levant que j’aurai de face, et je n’ai plus besoin de la protection de mon chèche.

Je finis par couper une route, il n’y en a qu’une, c’est la route d’Atar à Nouakchott. Le coin redevient bien vert, avec des arbres. Je passe une antenne, un peu de cultures, et le CP41 m’attend.

1000km dans le désert mauritanien

Désormais il y a le réseau téléphonique, et les gardiens de CP se tiennent au courant entre eux de nos arrivées. Ils ne me demandent plus quand va arriver le coureur suivant, question à laquelle je suis bien incapable de répondre, et le repas est prêt à mon arrivée. Ils ont le temps de préparer des légumes avec les pâtes ou du riz.

Justement, c’est du riz au menu. Le cuisinier utilise une grosse écumoire pour le service, qu’il laisse sur le couvercle de la marmite, toute collante de riz. Les sirlis flûtistes du coin s’en donnent à coeur joie pour venir picorer les grains sous la tente. Pas farouches pour un sou. Ca m’enchante

Seul bémol à ma plénitude, et de taille, à chaque fois que je dois remettre mes chaussures au moment de repartir, j’appréhende la douleur intense qui s’annonce, et je me mets à trembler de tout mon corps sans pouvoir me contrôler. Heureusement la pointe de souffrance ne dure pas. Après il faut bien une demi-heure de peine à marcher avant que les pieds soient assez chauds pour que les mauvaises sensations diminuent. Néanmoins ma foulée est modifiée par rapport à la normale, je minimise en permanence l’appui du talon gauche sur le sol, et je crains l’apparition d’une tendinite éventuelle. Mais non, j’y échapperai. Jusqu’à présent je n’ai pas pris de paracétamol pour atténuer la douleur permanente, et je n’en prendrai que si je ne parviens vraiment plus enfiler les chaussures.

Dunes claires, le pays blanc à ma droite, et falaises sombres, le pays noir à ma gauche, s’étendent de nouveau à perte de vue, de part et d’autre de mon cap. Je progresse non loin de la route, je vois les voitures au loin. Je pénètre dans un champ de barkhanes. Elles deviennent de plus en plus grandes, étonnant mélange minéral d’arêtes et de modelés, de brutalité et de tendresse, de vigueur et de courbes. J’essaie néanmoins de les éviter au maximum en les contournant sur la gauche car je dois les franchir perpendiculairement, mais peine perdue, elles s’étendent.

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Mais c’est tellement beau et tellement chouette. Je préfère être là plutôt qu’à longer la route.

Tiens, dans un creux je tombe sur une chamelle et son chamelon, pas vieux du tout ce bout d’chou.

La durée de ma progression étant rallongée par cette forte ration de dunes, une petite faim s’annonce. Ne nous laissons pas abattre. Je m’installe confortablement dans le sable et grignote un paquet de nouilles chinoises. J’en ai dans chaque dropbag et toujours un dans mon sac. C’est mangeable en snack, et les nouilles, ça change… des pâtes des CP.

C’est l’affectueux petit vieux qui m’accueille au CP 42, avec une bonne gamelle de riz. Il est 17h, et j’aimerais prendre l’asphalte pour la nuit, plus rapide que les dunettes, puisque je ne peux pas profiter du paysage. Privilégions la facilité. Pas de problème, le CP suivant est près de la route. Quand j’arriverai à l’antenne, je prends à droite. Il ferme son CP, c’est-à-dire qu’il rabat juste la porte de toile et m’accompagne jusqu’à la chaussée proche. Il n’attend pas son prochain coureur avant demain, et préfère aller passer la soirée avec ses copains du village voisin.

Le bas-côté du bitume est sableux, mais facile pour y marcher. Je me contente de mettre l’éclairage de ma lampe à fond à chaque fois qu’apparaît un véhicule. Il n’y a tout de même pas grande circulation. Les conducteurs ne doivent pas souvent voir une marcheuse sur la route au milieu de la nuit. D’ailleurs en voilà un qui s’arrête pour prendre des nouvelles. Tu vas où ? A l’antenne. Ah, bien, et il repart. Ce n’est pas étonnant que j’aille à l’antenne à cette heure indue ?

Il y a un nombre impressionnant de pneus de camion éclatés sur le bord. A chaque fois qu’un camion arrive, je me dis que si son pneu éclate juste à côté de moi, je n’en mènerai pas large.

A la fameuse antenne, je prends donc à droite, sur une bonne piste qui me mène rapidement au CP 43, dans les arbres. J’y retrouve Fifi. Lui aussi a pris la route. Et pour lui, c’est le maire du village qui allait voir ses chamelles qui s’est arrêté pour prendre de ses nouvelles. Il repart avant moi, car je vais dormir. Il a l’intention de continuer sur la route.

A mon tour de repartir. Alors, route ou dunes ? Je pars d’abord en direction de la route, avant de changer d’avis et de me diriger vers les dunes. Le jour va se lever, et j’en profiterai bien encore. J’ai bien fait car les 2 directions commencent à diverger. Marche, emplis tes poumons de l’air immaculé du désert, repose-toi dans la paix des soirs et repars dans les beaux matins, avec un cœur tout neuf. Car elles sont belles ces dunes.

Il y a de plus en plus d’arbres. Le CP44 est à l’ombre d’un acacia.

Je sors de l’erg pour retrouver un secteur très vert, avec beaucoup de buissons. Il y a beaucoup de nids dans les arbustes. Ca ne veut pas dire qu’ils sont de l’année. Avec toute cette verdure, même si elle est très épineuse, il y a également des maisons et des chèvres.

Eh, je rêve, des grosses gouttes de pluie ! Enfin, quelques gouttes, ça ne dure pas.

Fifi est au CP45. Il a décidé d’y stopper définitivement sa rando.

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Nous avons la visite d’un vieux berger avec un énorme troupeau de chèvres, qui fait la causette avec le gardien du CP.

J’ai besoin de me laver. Je m’installe derrière la tente avec les chèvres. Je suis toute nue ou presque quand le berger sort rattraper quelques fugueuses.

La nuit tombe avant que je parvienne à une bifurcation stratégique qu’il ne faut pas louper. Je suis sur une bonne piste de sable, mou au demeurant, et je dois tourner à gauche pour monter dans un pierrier. Dans le noir je ne trouve pas la piste au point GPS indiqué. Je la cherche vainement par plusieurs aller-retours. Bon, je n’ai plus qu’à me taper le pierrier tout droit. Je ne sais pas où va me mener cette histoire, et de plus mes pieds n’apprécient pas. Coup de bol, je tombe sur la piste assez rapidement un peu plus haut. Ah oui, là au moins on peut marcher, rien à voir avec les quelques centaines de mètres que je viens de faire. C’est un soulagement. J’arrive à un petit col, au milieu des grosses caillasses. J’aurais vraiment eu du mal en hors-piste.

Je traverse un village endormi. Là aussi j’ai du mal à trouver l’embranchement pour l’oasis suivante au point GPS requis. Je dois de nouveau couper tout droit. Et je tombe inévitablement sur la cour d’une maison, et l’enclos à chèvres. Il y a 3 ou 4 chèvres dans une espèce de petite cage dans toutes les cours. On les rassemble en un seul gros troupeau pour la journée.

Je contourne tout ça comme je peux, je finis par sortir du village et je me retrouve dans du sable tout mou, jusqu’à croiser une belle piste, qui s’avère être à peu près dans la bonne direction. Elle va me mener à la fameuse oasis, le CP46 est à l’entrée du village suivant. C’est une maison, en branchages et feuilles de palmiers. Le gardien a eu la gentillesse d’allumer un cyalum devant pour me l’indiquer.

C’est le petit jeune. Il a progressé et fait tout pour m’être agréable. Malheureusement pour lui, ma natte est pleine de fourmis. Normal, je vois des miettes de nourriture qui traînent. Or je ne supporte pas les fourmis, je me bats avec elles chez moi. Je lui conseille vivement de faire le ménage dans son CP et de passer le balai. Le pauvre, il en prend encore pour son grade. Surtout que j’y dors mes 4 heures.

Je commence à ne plus supporter la forte odeur de mes chaussures tellement elles sentent mauvais, ni celle de la crème NOK. C’est que j’y ai le droit à tous les CP quand je les enlève. Il y a maintenant en permanence un horrible jus au fond, mélange de suintement et de sable. C’est peu ragoûtant.

Au lever du jour, je me rends compte de l’environnement. Ce ne sont que de grosses pierres très noires, posées sur un relief montagneux. Impossible de quitter la piste. Heureusement que je l’ai trouvée cette nuit. Et la piste est loin d’être la direction la plus directe indiquée par le GPS. Le prochain CP est annoncé à 21 km, en réalité, c’est beaucoup plus. Je mettrai jusqu’à plus de 10 heures sur ces trajets à rallonge.

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Je traverse le village, où il y a du sable très mou. J’entends même l’appel de la mosquée.  Puis c’est un autre gros village où Il y a du monde. En fait peu de familles y résident à l’année. Par contre ça regorge de monde à la période de la récolte des dattes, en juillet. Le chemin serpente entre les maisons. J’arrive à la barrière de l’entrée de l’oasis. J’aurai dû arriver par là en fait.

Me voilà sur une belle piste, entre dattiers et dunes. Le GPS m’envoie sur la droite, en plein côté sable. Et bien allons-y, j’en ai marre de la piste. C’est un grand plaisir d’escalader le premier monticule. Je me retrouve devant une clôture de plantation. Je passe sous le barbelé, pour en ressortir un peu plus loin, de nouveau dans les dunes. Je descends dans un large oued très sableux et magnifique, où je rejoins la piste. L’oasis à ma gauche est très vaste, avec quelques puits en bordure. A ma droite se trouve une dune immense, très claire. Qu’elle est belle ! Le GPS m’envoie en plein dedans. Mais il est impossible de la gravir. Pourtant, comme elle me tente !

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Je me contente de l’oued, en lorgnant sur ma droite. Apparemment, j’en ai pour plusieurs km pour contourner le monstre. Ah, un passage se dessine, avec quelques traces de chameaux. Je m’y engouffre sans hésiter. Ca grimpe dur, je ne sais pas ce que je vais trouver derrière. Je surplombe un village, et je continue en haut au milieu des vagues blondes de quartz. Quel bonheur !

A la fin de la grosse dune, je culmine une plaine. Quant à moi, je dois redescendre de biais et longer le pied de la grosse dune suivante. Et c’est dans un champ de dunettes que je me retrouve pendant un bon bout de temps. J’y vois les traces de Pat et Gégé, j’ai retrouvé le chemin normal.

Je finis par atteindre une zone plus rocheuse, agrémentée de quelques troupeaux de chèvres.

Le CP47 est planqué sous un acacia. C’est cuisine au feu de bois. Dans la discussion avec le gardien, il m’apprend que l’arrivée est peut-être décalée au CP49. Ah bon ? Peut-être ou peut-être pas ? C’est que ça change tout dans ma gestion des derniers efforts. Je ne peux pas me réjouir trop tôt.

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Je longe une grande oasis. Il y a quelques femmes le long de la piste. Un 4x4 me rattrape. C’est Fifi. Tout le monde me confirme que l’arrivée est bien avancée.

La nuit tombe, ma dernière nuit. Je suis la piste et arrive devant un portail fermé et une longue clôture bien solide. Par où passer ? Jusqu’ici les clôtures ne m’ont pas donné d’état d’âme, mais là, je coince psychologiquement. Je la longe par là droite, par la gauche. Rien à faire, ça ne passe pas. C’est l’heure des insectes attirés par ma lampe, et je suis assaillie dès que je m’arrête. Pour comble de malheur, il y en a un qui a la bonne idée de se planquer dans mon oreille. Ca bourdonne là-dedans, et j’ai un mal fou à faire ressortir le petit papillon.

C’est pourtant évident, la piste est nettement tracée via le portail. Pourquoi est-ce que je ne ferai pas pareil ? Il ne me reste qu’à ouvrir ce portail et à continuer. Je traverse une grande oasis, avant de repasser un autre portail, ouvert celui-là.

Je passe dans un gros village. Le GPS m’envoie à gauche toute, et la piste part à droite. Ca m’énerve ces rallonges. Je finis par prendre à gauche à travers le village. Une nuée de jeunes filles surgit de la nuit. Tu vas où ? A la tente qui ne doit pas être loin, à seulement 1,5km d’après mon GPS. Les filles se proposent de me montrer le chemin et me ramènent sur la bonne piste, elles savent très bien où est le CP.

Et le voilà, le CP48, le dernier avant l’arrivée. Pour finir en forme, je vais y dormir 1h. Je me déleste de tout ce dont je n’ai plus besoin dans mon sac, l’excédent de piles et ma couverture.

Je repars légère, en pleine nuit. Je traverse encore un village. Moi qui n’ai jamais regardé le roadbook, j’ai eu la bonne idée de le consulter au CP. Je dois passer près d’un puits avant une oasis, pour trouver la bonne piste après. J’arrive à la barrière de l’oasis et je cherche le puits. Vainement. Il y a des traces de 4x4 qui partent dans plusieurs directions au milieu des dattiers. Je les suis toutes, sans succès. Elles m’amènent soit à la clôture, soit dans d’énormes rochers, mais aucun puits en vue. En fait il était avant la clôture, je ne l’ai pas aperçu, et je le cherche après la clôture.

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J’ai bien visité cette oasis pendant 2 heures, pour ma dernière nuit, avant de me décider à suivre la piste principale tout droit qui traverse les cultures et de ressortir par l’autre barrière. C’était tout bête.

Ca commence à monter, dans les cailloux. Et ça monte toujours, et il y a de plus en plus de pierres. Le lever du jour pointe. J’y vois un peu plus clair autour de moi.  Ah oui, ça monte, c’est même carrément une petite montagne. Un vallon est couvert de sable très blanc, au milieu de toutes cette roche. C’est grandiose.

Il ne me reste plus que 10km à musarder. Pour moi, ce n’est pas la ligne d’arrivée qui me réjouit, c’est profiter de ces 10 derniers km, les meilleurs. Je suis bien, en plus dans une partie montagneuse, ce que j’aime, et seule au milieu de toute cette beauté, ce que j‘aime aussi. Je m’octroie une petite pause pour en profiter, la seule de cette longue balade, en grignotant les fruits secs de ma ration de survie, qui ne m’a pas servi et qui ne me servira plus.

Un peu plus loin je croise un groupe de touristes français avec leurs chameaux. Leur guide me demande : tu es avec qui toi ? Pour une fois, on ne me demande pas où je vais. Avec Boydya. Ah, le marathon ! Tu es presque arrivée, ce n’est plus loin. Enfin, c’est un peu plus long qu’un marathon. Du coup les randonneurs tombent en admiration. Tu as fait 1000 km ? Enfin, 995 pour l’instant, il m’en reste 5 à faire.

J’arrive en haut du chemin, et voilà, ils sont faits.

Nous sommes le 20 novembre à 9h45, ma virée de 1000km a duré 15 jours et 2h45. Pas mal !

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Alain et Fifi m’accueillent. Je me prête aux photos d’usage d’arrivée, mais je n’ai qu’une hâte : enlever définitivement mes chaussures ! Ce que je fais aussitôt. Alain veut m’offrir un coca frais, il y a une boutique au CP49, mais je n’en ai pas besoin. L’eau me suffit.

Et j’en apprends une bien bonne. Ma balise ne fonctionne plus depuis 3 jours. Quoi ? Toi tu ne te perds pas, alors je ne t’ai pas couru après pour la réinitialiser. Et moi qui trouvais mon sac lourd, j’ai porté ce truc pour rien ? Et les personnes qui m’ont suivie sur internet ont dû me croire occise.

Alain me propose de me reposer avant d’aller au campement, mais Fifi insiste pour qu’on parte tout de suite. Il a raison.

Le CP49 est à la passe de Tifoujar où la vue sur le canyon et la vallée au fond est magnifique. C’est donc en 4x4 que je dévale ce canyon, exemptée du CP50. La descente dans le sable très mou est impressionnante.

On arrive au campement après un grand village. J’y suis accueillie par les quelques coureurs qui sont présents, dont ceux qui ont abandonné et qui me portent ma valise jusqu’à mon bungalow, alors que je me déplace en chaussettes. Comme le sable est omniprésent, je circulerai désormais en sandales et chaussettes.

S’il n’y a pas d’électricité sur le site, il y a un puits avec une pompe solaire, donc une vraie douche ! Quel luxe !

Dom et Titi ont mis 12 jours, Pat et Gégé 14 jours. Takao arrivera le lendemain, et le reste de la troupe le vendredi, date limite octroyée, en 2 groupes : d’abord Brigit, puis le trio Joël, Baudoin et Bernard.

Pendant ce temps, je m’octroie une petite virée à l’oasis de Terjit, merveille du Sahara, petit paradis niché au fond d’un canyon, où coule un vrai ruisseau au milieu des dattiers. Avec l’ombre et l’humidité, les parois sont couvertes de mousses, de capillaires, de plantes hygrophiles. On y trouve même un ficus. La baignade est un bonheur.

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Marion me soigne les pieds après Terjit. En enlevant le pansement de l’ongle, ça remue. Ah ! Et en soulevant l’ongle qui ne tient presque plus, ça s’agite carrément. Je fais un élevage d’asticots. On aura tout vu ! Marion les retire un par un à la pince à épiler.

J’ai fait prendre un bon bain à mes pompes, mais rien à faire, l’affreuse odeur persiste.

Au bout de 2 jours de repos, j’en ai marre d’avoir toujours aussi mal aux pieds, et c’est là que je commencerai à prendre du paracétamol.

Les inséparables Takao et Tassouko viennent me rendre visite pour mitrailler tout mon équipement technique, souvenir à étudier au Japon.

La vie de l’oued se déroule sous mes yeux. Je partage le thé avec les bergers, Mitou le prépare sans sucre spécialement pour moi.

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Pour clôturer ce séjour dans le désert, c’est la dernière soirée avec la traditionnelle remise des récompenses et un bon méchoui. On termine autour d’un feu avec l’équipe des chauffeurs, et un bon thé mauritanien.

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C’est mieux que le régime CP. J’ai ingurgité une centaine de sardines en 15 jours. Plus jamais de sardines de ma vie s’il vous plaît ! Par contre, la cure de dattes n’est pas limitée.

J’ai perdu la bagatelle de 4 kg dans l’affaire, très vite au début du parcours, puis ça s’est heureusement stabilisé.

Le site du campement est magnifique, dans une vallée d’oued entre 2 barrières montagneuses de pierres ocres. Dernier lever de soleil au milieu de ces ravissantes couleurs, avant le départ pour Atar et l’aéroport.

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Dans la salle d’embarquement, une dame m’accoste. C’est Mireille, toujours accompagnée de Jean-Pierre ! Ils étaient bénévoles à Oman et sur la Transpyrénéa, et viennent de faire une semaine de circuit 4x4. Ils ont vu la banderole d‘arrivée de la course et m’ont reconnue tout de suite.

Arrivée en France, je fais un saut à Lille chez ma sœur entre 2 avions, en sandales au mois de novembre. Il y aura 3 médecins autour de mes petons !

Bravo à Dominique et Thierry, qui n’ont rien lâché jusqu’au bout.

Bravo à Patrice et Gégé, qui auront mis la bagatelle de 10 CP pour me doubler !

Bravo à Takao, qui a couru seul, comme moi.

Bravo à Brigit, la princesse du désert.

Bravo à Joël, Baudoin et Bernard pour leur ténacité.

Et bravo à Philippe, Benoît, Malek, Gérard et Jacques, qui n’ont malheureusement pas pu arriver au bout, et qui m’ont soutenue le long du parcours au hasard de nos rencontres.

Merci à Marion pour ses petits soins, si prévenante et toujours dans la bonne humeur.

Merci à Philippe, qui n’est malheureusement pas resté longtemps avec nous.

Et surtout un grand merci à Alain, qui m’a permis de vivre cette formidable aventure.

Merci également à Boydya et toute son équipe pour l’organisation sur le terrain, son professionnalisme et sa gentillesse.

Et merci à Nicolas qui s’est occupé de mes petons en débarquant tard le soir à Lille.

De retour à la maison, ils vont se mettre à peler. Je vais avoir des pieds neufs.

Je vais vivre en savates pour un petit bout de temps, ce qui ne pose pas de problème à la Réunion, même au boulot.

Je vais rêver la nuit que je marche dans le sable, sans jamais m’arrêter.

Quant à mes chaussures, elles seront aspergées d’eau de Cologne, seul subterfuge efficace pour une utilisation ultérieure possible.

Pour prolonger l’aventure, je n’ai plus qu’à relire Théodore Monod.

L’Adrar est un immense plateau gréseux grossièrement tabulaire bordé d’une haute falaise, mais en fait à l’échelle du piéton-coureur que nous sommes, il est puissamment accidenté, tout cisaillé de gorges, s’effondrant par endroits, se plissant ailleurs jusqu’à des bancs relevés à la verticale. Quel beau terrain de jeu, entre dunes, regs et buttes rocheuses !

Si une randonnée chamelière vous tente, n’hésitez pas, allez en Mauritanie.

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