Quelque part entre Dos d’Ane et La Possession, et plus précisément sur le sentier de La Kalla au point 20°57'05.6"S - 55°21'23.3"E.
Je suis allongé, meurtri, exsangue, effondré. Ma diagonale vient de s’achever en quelques dixièmes de secondes, la faute à une stupide chute (mais y a-t-il des chutes intelligentes? Des chutes qui nous rendent admiratifs : « sympa cette gamelle, belle exécution, on va mettre un joli 8,35/10 ! »). Le regard vide, le genou retourné, je gamberge et me reviennent de nombreuses images en un flash, tels les derniers instants du condamné à mort qui voit défiler sa vie en accéléré…
Quelque part à Saint-Pierre, et plus précisément sur le secteur de la Ravine Blanche au point 21°20'21.3"S - 55°27'32.3"E.
Je suis debout, impatient d’en découdre avec ces 160 kms qu’on nous annonce redoutables. Deux nouveautés cette année, un départ par vagues, je suis verni, vague n°1, et une amputation de parcours de 5 kms pour éviter Le Maïdo. Là, j’aime moins, préférant les parcours exigeants et sélectifs.
L’ambiance est festive, l’excitation est à son comble, les appétits sont féroces après deux ans de privation de droits sportifs, COVID oblige. Je suis heureux de pouvoir faire partie des quelques 2 600 fous qui ont décidé de pratiquer leur jeu favori et de ne se déplacer qu’en diagonale…
Je m’élance d’un pas décidé, pas besoin de « jouer des coudes » cette année, nous ne sommes que 500 par vague et le ras de marée annoncé est plutôt contenu. Les premiers kilomètres sont maîtrisés, je progresse à une vitesse honorable pour une « béquane 5.0 » tout en restant à l’écoute de mon mollet récalcitrant. Il faut dire que ma préparation a été sérieusement mise à mal depuis le mois de juillet, perturbée par une vilaine déchirure m’obligeant à stopper tout entraînement en course à pied et autres sorties montagne. 6 semaines à ne faire que du vélo, j’aurais du prendre un ticket pour la grande boucle.
Je me situe plutôt dans le « ventre mou » de cette première vague et parviens à Domaine à Vidot en 1h24 à une vitesse moyenne plus qu’honorable de 10,5 km/h. Très belle première section « en ressenti », je suis rassuré par mon état de forme et celui de mon mollet, je vais pouvoir « me lâcher ». Je traverse le ravitaillement en une petite minute, dégainant mes flasques aussi vite que le règlement m’y autorise. Pas d’excès de vitesse aux stands, ce serait bête de prendre une pénalité. Dès la sortie du stade, je me jette littéralement vers les premières marches et premiers mètres de sentiers, enfin, nous sommes en montagne, je vais pouvoir m’exprimer sur mon terrain de jeu favori.
L’enchaînement course / marche est violent, je sens mes muscles se contracter brutalement et m’envoyer un premier signal d’alerte, je suis déjà dans le dur. Le pas est lourd, le souffle court, les premiers concurrents me dépassent, « j’accuse sérieusement le coup ». Il doit être environ 22h30, je passe en mode gestion et réduis brutalement l’allure. Les mètres de dénivelé gagnés se muent en pénibles centimètres, je change d’unités de mesure et par là même d’ambition. L’objectif est de limiter les dégâts et de reprendre peu à peu mes esprits, le départ a été rapide, peut être trop. Trois féminines me passent successivement, ça deviendrait presque vexant, je me retourne à guetter le retour des goélettes… Je courbe l’échine, évite une branche basse, pas mon suivant immédiat qui percute violemment l’obstacle. Nous constatons tous les deux les dégâts, lui pissent le sang, moi je pisse l’ennui. Je me morfonds et gamberge de plus en plus, ça commence à durer. Et si ma préparation s’avérait insuffisante, et si mon manque de compétition était préjudiciable, et si ma rupture des ligaments à ma cheville finissait par m’handicaper, et si, et si…
Le ravitaillement de Notre Dame de La Paix surgit de nulle part, au milieu de la nuit, je suis surpris et mets quelques instants à me mettre en action. Poussif, besogneux, cette première ascension est décidément manquée.
Malheureusement, la suite n’est pas plus enviable (cela nous aurait fait rire un peu), je suis toujours autant en peine de retrouver un semblant d’allure. Les kilomètres se suivent et finissent par se ressembler, j’opte pour un brin de causette avec un Toulousain venu chercher l’enchaînement « Ultra Trail des Pyrénées – Diagonale des fous ». Je le félicite pour ce beau chantier, me concentrant sur mon nouveau défi « Tour du pâté de maisons – parcours de santé de Saint-Paul ». Le parking du Nez de Bœuf est en vue, je désespère
Je suis « à l’horizontale », incapable du moindre mouvement, osant à peine respirer. Un concurrent de la Zembrocal me rejoint et s’inquiète de me trouver dans cette position inconfortable :
- « ça va, tu as besoin de quelque chose ? » (non, tout va bien, je me refais une beauté, un peu d’argile et quelques brins de lichens et je vais enfin pouvoir effacer ces vilaines rides !),
- « je ne sais pas trop, je ne plie plus le genou, j’ai du prendre un sacré coup, »
(Il constate les dégâts et finit par livrer son diagnostic)
- « ah ouais, c’est pas joli, tu as un bel hématome, tu as quelque chose pour straper ? Le mieux que tu aies à faire c’est de retourner vers le chemin Ratineau pour te faire soigner. »
(ce n’est pas comme ça que je voyais les choses, l’idée de devoir faire demi-tour m’est inconcevable, contraire à ma conception de l’ultra trail. Autant monter un escalier automatique à rebrousse marches, rouler en vitesse arrière sur l’autoroute, manger des cerises à Noël…).
Je m’élance en direction de Mare à Boue pour retrouver mes fidèles ravitailleurs, Jean-Marc et Anita. Je m’accroche à cette pensée positive et étonnamment, mon rythme s’accélère, je parviens enfin à doubler timidement quelques concurrents et surtout, à sentir ma foulée devenir plus régulière, plus alerte. Les parties de parcours bétonnées sont faites pour relancer, je relance, les parties enherbées sont faites pour accélérer, j’accélère, les parties rocailleuses sont faites pour s’équilibrer, je trébuche… Ma lucidité retrouvée me permet d’éviter le pire, je rétablis la situation et repars de l’avant. Tout va décidemment beaucoup mieux, les premières belles sensations « pointent enfin leur nez », après environ 5 h de laborieux efforts, il était temps. Le temps justement, est maussade, nous traversons une vague de brouillard lorsque je devine le mètre quatre vingt douze de Jean-Marc. Présent, près à s’activer pour deux minutes d’intense et brutal effort, un ravitaillement express à 4h du mat’ où la moindre approximation peut se payer cash. 2 ans d’entraînement pour être au top le jour « J » et je peux constater avec satisfaction que l’exécution des tâches est parfaite, telle une chorégraphie savamment orchestrée. Les œufs mollets sont servis « aux petits oignons », le vin du chai d’Aptonia coule à flots, c’est la fête à la Plaine des Cafres. Merci Jean-Marc, merci Anita.
Mais il est déjà temps de repartir pour admirer les premières lueurs du jour et rejoindre le Coteau Kerveguen. Ma nouvelle dynamique se confirme, je grimpe d’un pas décidé, reprenant un à un mes concurrents. Le sentier est des plus boueux, force est de constater que cette année encore, Mare à Boue porte bien son patronyme. Je devine les premiers rayons de soleil dans le dernier tiers de l’ascension, c’est magique et je m’autorise enfin quelques secondes contemplatives. Le Piton des Neiges, Cilaos, le Gros Morne, le paysage est fantastique, je prends un vrai shoot de bonheur et répète en boucle mon mantra favori : « ici et maintenant, ici et maintenant, ici… ». Je reprends peu à peu mes esprits à l’approche de la vertigineuse descente du Kerveguen que je devine glissante. J’opte alors pour une progression des plus prudentes, me résignant à m’écarter au passage de certains kamikazes, et joue l’équilibriste dans un monde de déséquilibrés. Ma progression est réduite, d’autant que je perçois une douleur de plus en plus vive au genou gauche. Pas besoin d’être chiropracteur (ça sonne mieux que kiné) pour diagnostiquer le syndrome « de l’essuie glace » malgré une météo ensoleillée… Je ralentis considérablement l’allure, écartant mes pieds « à dix heures dix » pour soulager les tendons, et profite de ce temps de pause pour me restaurer en ingurgitant mon « quatre heures ».
Je franchis prudemment le bras de Benjoin puis rallies Cilaos au km 66 et retrouve avec bonheur ma deuxième équipe de ravitailleurs, Florent et son papa, Eric. Leur contribution va s’avérer déterminante…
Il est environ 7h15, je fais la grimace et commence sérieusement à m’inquiéter pour mon fascia lata, c’est un peu tôt pour boiter bas. Florent met en œuvre ses talents de « serial kiné » (finalement, ça sonne bien) pour poser strap’ et tap’, c’est beau la science. Je poursuis mes emplettes - eau de Cilaos la bien nommée, repas liquide et barres solides - et procède au stratégique changement de pneumatiques, comme je l’avais anticipé. Ce choix, combiné aux soins chirurgicaux opérés par Florent, auront eu raison de mon « TFL chagrin », balayé le syndrome de l’essuie glace !
La chaleur commence à s’intensifier, il est temps de repartir et de plonger dans le brasier « Bras Rouge – col du Taïbit ». Comme en 2019, j’ai prévu l’arme fatale, mon fameux collier de glaçons posé autour du cou, un vrai bol de fraîcheur. Je gravis les premières marches depuis la rivière en mode conquérant, et tout semble fonctionner. Je rattrape à nouveau quelques concurrents et me projettent sur une ascension fulgurante, l’espoir fait vivre.
Je parviens au ravitaillement du pied du Taïbit, Florent et son papa m’assistent avant la longue traversée de Mafate qui va s’étirer sur près de 50 bornes. Il fait de plus en plus chaud, mais je suis bien.
Les premiers mètres sont avalés rapidement, je suis confiant et prévois une grosse heure pour vaincre ce col et ces quelques 800 mètres de dénivelé positif. La course bascule à nouveau en quelques minutes, la terrible chaleur commence à faire son œuvre et à user peu à peu mon organisme. Je passe en mode « suffocation » et parviens tant bien que mal à reprendre mon souffle. Le rythme baisse subitement d’intensité, seul lot de consolation, je ne suis pas le seul à voir fléchir mon allure. D’autres coureurs sont dans le même état et connaissent également une importante « baisse de régime ». Je m’accroche, gère et me résigne à accepter de ralentir. Nous sommes au cœur de la matinée, il reste encore de longues heures d’efforts, inutile de s’éparpiller.
Je bascule vers Marla après 1h15 de supplice, la foulée est empruntée, les jambes sont raides. La troisième féminine me passe avec grâce, je tente de la suivre « fers aux pieds », les contrastes sont parfois saisissants !
Je parviens péniblement au ravitaillement de Marla, en sale état, et m’accorde quelques instants de réconfort avec ma première soupe de vermicelles, qui me fait un bien fou. Conscient de ma piteuse progression, je choisis de privilégier la stratégie du « gagne petit ». Je marche lentement, cours peu mais limite la durée aux ravitos et m’interdis tout arrêt intempestif. Ce n’est pas franchement spectaculaire mais finalement assez efficace pour limiter les écarts, on fait avec les moyens du bord.
La remontée « Plaine des Tamarins – col des Bœufs » s’avère aussi pénible que je l’avais imaginée, je suis en « mode survivor », accablé et asphyxié par cette terrible chaleur. Je m’alimente de plus en plus difficilement et parviens à peine à m’hydrater, ça sent le sapin, ou plutôt le tamarin mais je m’accroche… aux branches.
La suite en accéléré : pas de jus, pas d’envie, plus de plaisir, je passe en mode « métro, boulot, dodo », ce raid devient presqu’une corvée et j’ai l’impression de « faire mes 35 heures ». J’erre lamentablement entre Mafate, Salazie et de nouveau Mafate via le sentier scout. Le relief favorise pourtant les relances, je me contente juste de ne pas exploser.
Faisons un point « Réunion La Première » : 15h54 de course, 114ème rang, vitesse moyenne de 4,31 km/h, vitesse ressentie 0,5 km/h… 6 coureurs me laissent sur place, je préfère ignorer l’affront. Je me concentre sur la longue descente qui doit me conduire vers Ilet à Bourse puis vers Grand Place où m’attendent mes collègues de la DAAF, j’ai hâte.
Cela fait maintenant plus de 5 heures que je me traîne, décidément « les temps faibles » s’éternisent cette année. Sur un grand raid, il est crucial de savoir gérer les périodes de « fort vent », je dois m’accorder cette prédisposition, à croire que mon ADN est pourvu du chromosome « masochiste ». Je descends maintenant vers Ilet à Bourse, percevant une agitation inhabituelle, anticipant des retrouvailles bienfaitrices. Pas d’erreur possible, je devine les silhouettes de Christophe, Fabrice, Joël, Gabriel et ses amis. Un immense soulagement m’envahit, je ne serai plus seul à « traîner ma misère » et me prends à rêver de jours meilleurs.
« L’effet DAAF » est spectaculaire, d’autant qu’il agit en 2 temps et quelques mouvements.
1ère étape - la rédemption : je quitte Ilet à Bourse et retrouve un semblant d’allure, au sens propre comme figuré. Je parviens à échanger quelques mots, ces visages connus m’insufflent une énergie positive. Les relances sont appuyées, les jambes se remettent en action et l’adrénaline coule à flot, un vrai torrent de bonheur.
2ème étape – la métamorphose : j’entends quelques cris d’encouragement, le reste du groupe DAAF vient à ma rencontre à l’entrée de l’ilet de Grand Place. Ce qui va ensuite se dérouler restera dans les annales de cette diagonale. Imaginez une nuée de « ravitailleurs ouvriers » exécuter une danse nuptiale autour de leur reine, lui offrant nourrissage et soins attentionnés, persuadés que l’avenir de la colonie est entre ses pattes. Plus sérieusement et sans la jouer « pathos », MERCI pour votre immense accueil et pour toute l’énergie que vous avez su me communiquer durant ces quelques minutes. Incontestablement, il y aura eu un avant puis un après Grand Place.
Ça tombe bien, je suis maintenant dans l’après, bien décidé à donner à ma course un visage plus présentable. J’ai maintenant décidé de reprendre mon destin en main et de ne plus subir, j’attaque les premières marches vers le col de Roche ancrée plus que motivé, encadré de ma garde rapprochée « Fabrice et Gabriel ». Le rythme est soutenu, je parviens enfin à retrouver une bonne dynamique de course à un moment où la température chute.
Ce n’est d’ailleurs pas le moment d’en faire une, de chute, la descente vers la rivière des galets est acrobatique, il faut rester vigilant et penser à récupérer. La grimpette vers Roche Plate et plus exactement le plateau des Cerfs (précision qui a son importance) s’annonce compliquée.
Sentier Kalla, je ne parviens toujours pas à me relever. Le coureur de la Zembrocal est reparti, je reste seul avec mes doutes, mes craintes. Je fais une première tentative, en appui sur mes coudes, ça tangue, tout tourne autour de moi, il va me falloir un peu de patience avant de repartir. Je m’accroche à un arbre et parviens enfin à me redresser, mon genou opte pour la désobéissance, je ne plie plus la jambe…
Ravitaillement de Roche Plate. Je m’assois quelques minutes en compagnie de Vincent, fidèle parmi les fidèles, qui m’assiste avec calme et expérience. Il me propose différents menus mais rien ne passe vraiment. La montée a été rude, j’ai rapidement coincé après le premier col, me contentant de suivre un groupe de coureurs, incapable de « mettre le clignotant » pour dépasser. La bonne nouvelle, c’est que je n’ai pas eu à mettre le clignotant tout court ! Il aura fallu gérer et notamment lors de l’assaut final, à partir de l’ilet.
Les dégâts sont limités, c’est l’essentiel, je décide de prendre rapidement congés de Vincent car le froid devient mordant. Il me reste un peu plus d’une heure de jour, j’accélère pour rejoindre au plus vite La Brèche et pouvoir profiter des dernières lueurs pour dévaler la pente rocailleuse vers l’Ilet des orangers. La mission est plutôt bien exécutée, je gagne assez rapidement le prochain ravitaillement malgré des douleurs de plus en plus tenaces sous la plante des pieds, préoccupant…
Pour l’heure, je savoure l’instant présent m’appliquant à faire en sorte que cette fin de course soit la plus aboutie possible, chassant par là même les vieux démons de 2019 où j’avais littéralement explosé au 110ème kilomètre. Les relances sont efficaces, je me sens frais et lucide. Je dévore littéralement le parcours, m’adonnant à mon jeu favori, PAC MAN…
J’entends les premières clameurs et encouragements, Deux Bras est en approche. Je me sens euphorique, traversant les guets avec une agilité déconcertante, je marche sur l’eau !
Guy Joël et Nathalie sont prêts à prendre l’apéro, dommage l’EPO est interdite sur la course. Ils délaissent leur fameux « Eau – Pastis - Olives » pour me proposer des victuailles plus conventionnelles, je cède à leur offrande. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mise à part cette douleur tenace sous les pieds. J’hésite quelques secondes et finis par me laisser convaincre par une rapide pause podologue, lourde erreur. Dans un ultra, la frontière entre « survie et confort » est souvent tenue, on le constate souvent trop tard. Mon arrêt va s’éterniser, 20 longues minutes, et surtout casser ma belle dynamique que je ne retrouverai jamais plus. Cela devient presque rassurant de faire encore des erreurs après autant de courses.
Pendant que j’abandonne mes précieux « petons » aux podologues, Guy Jo me donne du biberon, j’oscille entre la fraîcheur d’une eau de Cilaos et l’amertume d’un café noir et bien corsé. Je repars, confiant et conquérant, pour m’attaquer à l’ultime grande difficulté de la course, le mur de Dos d’âne. La remise en jambes est poussive, j’ai perdu le rythme et commence presque à perdre pieds. Je grimpe « au train » mais ce soir c’est plutôt TER que TGV… Le chrono sera fidèle à mes sensations du moment, une grosse heure vingt pour presser le bouton du robinet au sommet, pas fameux mais j’ai limité la casse comme depuis le début de cette diagonale.
Je relance gentiment dans le sentier de bord, sans excès, je « déroule » et reste en éveil. Nous attaquons la deuxième nuit et toujours pas le moindre moment de somnolence, c’est bon signe. Je bifurque vers le sentier Kalla m’accrochant aux arbres, aux troncs, aux branches, aux lianes. Cette partie est « Tarzanesque », je devine quelques gorilles, premières hallucinations nocturnes ! Je parviens avec grande prudence à rallier le ravitaillement de chemin Ratineau, au menu, des bananes, ça ne s’invente pas…
Je perds le moins de temps possible et gravite péniblement la ravine de la Kalla, cela devient de plus en plus difficile pour pousser sur mes jambes.
Je parviens au sommet et débute une brutale descente, piégeuse, glissante…
Nous sommes le vendredi 23 octobre, il est 23h58, je suis quelque part entre Dos d’Ane et La Possession, et plus précisément sur le sentier de La Kalla au point 20°57'05.6"S - 55°21'23.3"E…
Epilogue
Avant de prendre le départ de cette diagonale, je m’étais convaincu de « débrancher le cerveau » à partir de La Possession, trouvant cette fin de parcours sans relief et saveur. Je ne trouve donc pas vraiment utile de vous relater ces dernières heures, vécues en mode « je marche donc je suis ». Seul éclair de plaisir lorsque Stéphane et Rudolph m’ont triomphalement accueilli et ravitaillé à La Possession. Un immense remerciement, vous avez égaillé cette triste nuit, rendant cette fin de traversée moins monotone.
Je n’oublierai évidemment pas ce « feu d’artifice familial », à La Redoute sur la ligne d’arrivée. Quelle immense satisfaction de boucler cette traversée accompagné de mes petits derniers, Jeanne et Aubin, et couvé du regard bienfaiteur de ma Cécilou adorée. Un clin d’œil également à Fred, la maman des mes grands enfants, assurant leur présence par procuration.
Merci également à mes très nombreux ravitailleurs que j’associe dans cette réussite et à tous mes soutiens à distance, présents dans mes pensées et à chacun de mes pas.
Epilogue (suite)
« Putain, 30 ans déjà »… trois décennies durant lesquelles j’ai pu m’adonner à ma passion dévorante et plus vraiment maîtrisée, celle qui m’a vu grandir depuis l’âge de 20 ans à l’ombre de ces magnifiques forêts, arpenter les innombrables sentiers, dévaler ces monstrueuses pentes, vaincre ces fantastiques sommets… Quelle belle REUNION, que de délicieux grands raids, que d’intenses moments de partage !
Pourvu que ça dure encore longtemps !