Nous y voilà ! Une année que j'attendais ce moment... 12 longs et interminables mois que je préparais ma vengeance. Le Grand Raid rimait vraiment avec revanche (tiens, ça rime pas !) tant ma déception fût grande en 2007. La rage au ventre et de la suite dans les idées, voici quel était mon état d'esprit avant de prendre le départ de mon 8ème GR. Alors que nous étions parqués sur le stade de Cap Méchant tels des fauves prêts à bondir, je me repassais sereinement le film de la course, étant bien décidé à en écrire le scénario. Sûr de mon état de forme, des bienfaits de ma préparation et de mon mental que je jugeais à « toute épreuve », j'étais paré à en découdre. Le décompte final fût lancé par maître Chicaud, je fermais les yeux savourant les dernières secondes...3...2...1 GO, les fous étaient lâchés.
Très rapidement, je prenais la foulée de mes dalons de fortune et restais au contact de Bruno et de Yan. Le peloton était impressionnant, les coureurs avaient visiblement l'intention de « mener un train d'enfer ». Brusquement, alors que je m'apprêtais à emprunter le sentier de Mare longue, deux invités surprise intégraient mon « packtage » : Carole la Luciole et Oscar le Cafard. C'est leur histoire, leur traversée de La Réunion que j'ai choisi de vous narrer...
- Carole la luciole : Ouah, que c'est beau toutes ces loupiotes, on dirait des lucioles. T'as vu, y en a encore plus derrière nous ?
- Oscar le cafard : Mouais, mais celles de devant s'éloignent plus vite !
- Toi et ton mauvais esprit ! Tu pourrais pas être plus positif non ? Regardes là, on dirait Jalabert. Il a pas l'air dans ses souliers, il se « met déjà en danseuse ».
- Tu vas voir comment il va nous envoyer valser dans un instant. Jaja, c'est un tueur, 7 fois vainqueur du prix de la combativité, oublies pas.
- J'oublie pas. Tiens, y a des gars en orange qui nous collent aux basques, tu les connais ?
- Ouais, c'est Yan et Bruno. Je crois qu'ils font équipe avec notre hôte.
- Qu'il est beau ce sentier, on commence à gagner de l'altitude.
- Moi, je trouve plutôt ça long, chi... et monotone. Et puis notre monture se traîne, on doit être dans les 300. Je vois le point de ravitaillement, 1h42, va falloir passer la seconde !
- T'inquiètes, Oscar, départ prudent, parcours gagnant ! Regardes, le sentier s'élève, y a des racines, de la boue, ça sent bon pour notre monture...
- Tu plaisantes ? Ça avance pas, y a une file d'au moins 20 coureurs devant nous, et en plus ça bloque.
- Aies confiance, je sens que notre mulet a du coffre. Il est « un peu diesel » mais attends qu'il enclenche son turbo. Tiens, regardes, ses deux co équipiers lâchent, c'est bon signe.
- Oui, ils lâchent, c'est pas nous qui accélérons ! On se traîne...
- ça y est, ça vient. Tu sens le souffle du vent, Oscar, la brise qui caresse nos antennes ? Je te l'avais dit, on décolle !!! on double, le turbo est enclenché.
- J'ai le mal des airs...
- Décidément, toi, jamais content. Tiens, c'est déjà le ravito.
- Mais il fait quoi notre bourricot ? Me dis pas qu'il veut du repos ?
- Juste un peu de sucre. Mmmhh, le coca est délicieux, viens y tremper tes antennes.
- Ouais, c'est pas mal mais ... bzzzz, bzzzz, mes ailes sont collées, à l'aide ! Carole, tires moi de là.
- C'était moins une mandibule ! Un poil de plus, et tu y restais... Regardes le volcan au petit matin, féérique, non ?
- Pff ! Si tu crois que j'ai que ça à faire. Je suis tout gluant, dégouttant, dégoulinant...
- Et voilà ce que je te disais, notre hôte carbure au super, on double, on vole, on s'envole...
- Ouais, t'excites pas Carole, on n'est pas non plus dans la monoplace d'Hamilton.
- Je vois des lumières, ça y est, on arrive au ravitaillement du Volcan. Quelle heure est-il Oscar ?
- 5h10, on est 187ème... c'est plutôt dans le baquet de Bourdais qu'on est monté !
- Et alors ? Tu peux au moins admirer le paysage Oscar. Si tu avais migré dans le sac de Parny, tu aurais déjà attrapé un gros rhume à l'heure qu'il est.
- Pour sûr, là, ça risque pas de m'arriver.
- Regardes, nous voilà rendu à l'oratoire de Sainte Thérèse...
- Sainte Thérèse, priez pour nous, pardonnez notre hôte qui vous a offensé, donnez lui la force de gravir ces montagnes...
- Te fatigues pas Oscar et gardes ta salive pour l'encourager. Je crois qu'il en a grand besoin.
- Ouais, t'as remarqué aussi. On nous double depuis 10 minutes, on dirait qu'il va pas bien. Je lui demande...
- Alors Carole ?
- Début de crampes, manque de jus et moral en baisse. Ça sent le « passage à vide ».
- « Passage à vide, passage à vide », c'est plutôt une défaillance, un effondrement que dis-je un anéantissement : notre mentor est mort au Textor ! Pas beau ça ?
- Je préfères plutôt : il gère son « coup de mou » jusqu'à Mare à Boue...
- Toi et tes idées... tu vois pas comme il ramasse. Au prochain arrêt, c'est décidé, je change de cavalier !
- J'aperçois une banderole « A2R », qui c'est tout ce monde Oscar ?
- Les parents de Sandrine (du réconfort au meilleur moment) et Bérénice, la soeur de Yan.
- Ah oui, le gars en orange... et il est où d'ailleurs, ce serait sympa s'il pouvait recoller maintenant.
- 10 minutes qu'il lambine, allez, il se remet en selle le bourricot,
- Calmes Oscar ! Nous voilà sur le départ à l'assaut du Piton des Neiges et cette fois, je le sens, ça va dépoter.
- Pour qu'il dépote, Carole, faudrait d'abord qu'il soit dans son jardin et là, franchement, le Kervéguen, il en attrape tous les ans des boutons !
- Ah ah ! Regardes plutôt... on rattrape un à un les concurrents, et ils sont pas seuls... bonjour Loulou le Pou ! Mes hommages Ursule la libellule... c'est fou les amis qu'on rencontre sur cette course.
- Ouais, c'est la parasite party !
- Oscar, je vois au loin le poste de secours du Kervéguen, ça commence à sentir bon !
- Moi, je crève de chaud et meurs de soif. Il fait comment notre bourricot pour avancer ?
- Je te l'avais dit, on a choisi la bonne monture. On bascule vers Cilaos et son bloc.
- Carole, je suis pas bien, ça valdingue dans tous les sens.
- Admires plutôt ce magnifique panorama : le col du Taïbit, les trois Salazes, le Grand Bénard...
- et Cascade Bras Rouge qu'on devine à peine tellement il va falloir descendre !
- Ouf ! Enfin du public pour encourager. On entre dans le stade, des gens s'approchent de nous... on dirait qu'il les connaît ?
- J'espère surtout qu'il les reconnaît... ce sont ses parents !
- Ah ! Bon, top chrono, je veux voir combien de temps il va se faire dorlotter.
- Ok, moi, je fais une sieste de trois heures, si c'est comme l'an passé, t'auras même pas à me réveiller !
- Pas la peine de t'endormir, Oscar, le voilà qui repart déjà. 20 petites minutes et puis s'en vont.
- C'est 10 de trop...
- décidément, on ne te changera pas... il attaque maintenant la descente vers Bras Rouge, le ciel est gris, c'est bon ça !
- Brr !!! il mouille...
- Quoi ?
- Non, je parlais de la pluie... je crois qu'on va prendre froid.
- Oui, surtout qu'il presse le pas. On reprend encore du monde, décidément, c'est la grande remontée...
- ...avant la grande descente ! Nous voilà déjà au col, et tout mouillés ! J'aperçois Marla entre deux nuages, c'est pas trop tôt, y se fait quelle heure, Carole ?
- 15h30, on doit maintenant être dans les 100. Pas mal ? C'est déjà aussi bien que l'année dernière.
- Minute Carole, c'est loin d'être fini.
- Tu l'as dit bouffi, il va nous en remettre une couche ! Ça défile : Maison Laclos, passerelle Ethève, Trois Roches et bientôt Roche Plate.
- T'as oublié la Plaine aux sables...
- Tu vois, ça va vraiment trop vite !
- Pff, débile ! Il nous fait quoi notre bourricot ? On dirait qu'il sent l'écurie alors qu'on arrive à peine à Roche Plate ! Je lui demande ...
- Alors ?
- Il me dit que deux potes l'attendent, Jean Louis et le grand Stef, ils feraient partis d'A3R... comprend rien ! Nous y voilà à Roche Plate. Carole, c'est qui ces deux allumés ?
- Ses dalons, je pense. En tout cas, ils le chouchoutent.
- Mouais, et y en a un qui lui montre le chemin. « Oh, dugenou, tu vas nous laisser. Tu sais qu'on risque une pénalité si tu continues ? ».
- Calmes, Oscar, c'est juste pour la descente. Tu sais, c'est qu'au bout de 19h de course en solitaire, il commence à fuir de la cafetière notre camarade !
- Enfin des paroles sensées, Carole. Zut ! Son lièvre rebrousse chemin au pire des moments : la montée de roche Ancrée...
- Outch ! Va falloir gérer.
- On est dans le dur, Carole. 40 minutes qu'on est parti et je sens ses jambes défaillir. Pourvu qu'il lui reste du mental...
- Pas d'inquiétude la dessus. D'ailleurs, je crois qu'on arrive au sommet. Tu sens la bizzz Oscar ? Il est quelle heure ?
- 19h30, je crois. Le crachin continue, les rochers glissent dans cette descente vers l'école de Grand Place. C'est pas franchement "le pied".
- Et voilà, on y est, reste deux ravines à franchir et puis c'est Aurère.
- Pourvu qu'on y soit à l'heure (humour !).
- Gardes ton énergie pour plus tard et profites du paysage : voici le ravito d'Aurère puis la descente vers 2 Bras.
- A faire de préférence debout sur ses jam...
- Arrêtes de faire de l'esprit Oscar, ça te fatigue !
- Ça "bringuebanle" de partout, que se passe-t-il ?
- J'sais pas. Je descends à l'étage inférieur pour demander à Hugo l'asticot...
- Alors ?
- Trois satanées ampoules, il a l'air de déguster.
- Si ça pouvait au moins éclairer son chemin...
- ...
- On est à la caserne de 2 Bras, des bidasses partout. Et il fait quoi là ?
- Arrêt chez le podologue mais visiblement, on veut pas le soigner.
- Ça doit être à cause de l'odeur de ses pieds.
- Allez, douze minutes de halte et nous voilà repartis. A nous Saint Denis !
- 1,7 Km/heure ! Je vais m'enrhumer à cette vitesse !
- Je voudrais bien t'y voir, Oscar. Avaler le mur de Dos d'âne après 120 bornes d'effort.
- Ouais, moi je préfère monter sur son dos, à cet âne !
- Tiens, on rattrape une autre loupiote. Il a pas l'air au mieux le monsieur.
- Pas au mieux, pas au mieux, il est toujours derrière nous.
- Nous voilà enfin à Dos d'Ane, Oscar, un ravito pour soigner les bobos ?
- Ouah, t'as vu qui s'est le fameux monsieur ? Charles André Fontaine, le vainqueur du GR 2005 et multirécidiviste dans le top 10...
- Et ben ! Accepter de terminer dans le pur anonymat avec ce palmarès, tu peux mette un « M » à Monsieur !
- Tiens, notre mulet embrasse une demoiselle. Qui est-ce, Carole ?
- J'en sais rien moi, sûrement pas son percepteur ! Ça doit être son amie, en tous les cas, elle le soigne « aux petits oignons ». Mais les meilleures choses ont une fin, nous voilà repartis. Il est 2h du mat' et on se rapproche de Roche Verre Bouteille, Oscar.
- A la tienne Carole !
- On attaque maintenant la dernière descente vers le Colorado. Ça glissouille mais il a l'air de s'éclater et de trouver son second souffle.
- Il était temps, c'est peut être un peu tard, 51ème ?
- 45 au poste du Colorado. Les poursuivants sont 7' derrière, c'est gagné s'il ne flanche pas.
- C'est qui ce fan club, Carole ?
- Y a ses parents, ses enfants, sa moitié... je reviens de sa joue gauche, ça glissouille aussi...
- Bon, pas de temps à perdre. La Redoute n'est plus très loin, le soleil se lève, c'est le moment de tout donner.
- T'inquiètes Oscar, il les lâche maintenant ses chevaux, notre âne bâté !
- Ben, il fait quoi ? Et le raccourci, c'est pour qui ?
- Pour les tricheurs, Oscar !
- Ouais, et y en a 3 qui en profitent pour revenir comme « des balles ». 35' pour descendre depuis Le Colorado, sont forts les Monsieurs ?
- Pour eux, tu peux mettre un « m » !
- On arrive au pont, Carole ! Youpi !!! c'est qui ce petit bonhomme tout de noir vêtu ?
- C'est Renan et voici Katell. On franchit la ligne tous ensemble, quelle joie !
- Ça y est Carole, nous sommes à Saint Denis, tout le monde descends ! Tu fais quoi ?
- Chut ! Je reste dans son sac, des fois que l'envie lui reprenait, un de ces jours...
J'associe tous mes potes d'A2R à cette fabuleuse aventure, mes parents, mes enfants, ma Cécilou au pur bonheur que j'ai connu lors de cette traversée. Merci à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures...