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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 13:48



Une course de 555 km non-stop dans le désert
du 8 au 22 novembre 2008
Organisée par Alain Gestin Organisation


L’année dernière, j’ai participé à la 333, le même principe de course, sur 333km. Cela m’a donné envie de faire plus long. Alors va pour la 555 cette année.
Parcourir 555km dans le désert, de jour comme de nuit, avec des points de contrôle obligatoires tous les 22km qui servent de ravitaillement. On y trouve de l’eau et un repas sommaire. Il n’y a pas de sentier dans le désert, l’orientation se fait au GPS, qui indique le chemin le plus direct, en faisant fi du relief. Car le désert, ce n’est pas du tout une étendue plate de sable.
Tout cela le plus rapidement possible.
Et avec l’organisation Gestion, c’est-à-dire qu’il vaut mieux aimer l’aventure. Le prochain ravitaillement ? On ne sait pas ce qu’on va y trouver. S’il est là, tant mieux, sinon tant pis, on se débrouillera sans.


Je tiens tout d’abord à remercier les partenaires qui m’ont permis de participer à la 555 :

VEOLIA PROPRETE LA REUNION
REUNION TERRASSEMENT
AUTOMOBILES REUNION
RD TRONIC
REP
SBTPC
CREDIT AGRICOLE DE LA REUNION
3A CONSULTING


et l’association A2R




Départ :
Je retrouve le groupe de coureurs à Roissy le samedi 8 novembre, pour le vol vers Le Caire. Nous sommes 22 à tenter l’aventure de la 555, dont 4 femmes, bonne proportion !
Arrivée en Egypte le soir et nuit à l’hôtel au Caire, avant le transfert en bus à l’oasis de Barahia, dans le désert à l’ouest du Caire. Nous y arrivons en début d’après-midi.
Nous aurons l’après-midi à l’hôtel pour finir de préparer les drop-bag, les sacs d’affaires personnelles qu’on peut déposer dans les points de contrôle (CP). J’en mets un tous les quatre CP, soit environ tous les 100km. Si tout se passe bien, cela me suffit. S’il y a le moindre problème, ce sera dur. Je suis prête pour y aller à la dure. Je n’ai pas besoin de grand-chose : des chaussettes de rechange, un peu de ravitaillement, de pharmacie et surtout des piles. C’est le plus lourd, et il en faut un nombre certain pour la lampe et le GPS, qui en consomme toutes les 14 heures.
A part ça, je suis le plus autonome possible avec ce que j’ai sur le dos.
Il faut également contrôler les points GPS des CP que j’ai saisis manuellement. La moindre erreur peut être fatale, ce serait dommage de se perdre dans le désert. Nous n’avons aucun moyen de communication avec l’organisation.
Dernière nuit confortable avant le grand départ.
Ultime préparation le matin avec mon équipement de course. Je ne connais que trop le soleil tropical, j’y vais donc bien couverte : collant et manches longues. Pas question de bronzing en plein désert à 40°C. Quant aux chaussures, j’ai des guêtres cousues dessus pour empêcher le sable d’y pénétrer.
Et c’est parti, le lundi 10 novembre à 12h30, à 50km de Barahia. En pleine chaleur, et à l’heure de se mettre à table. Pas pour moi !


Lundi : Jour 1
Je pars en trottinant à mon rythme, dans le sable. Il y a des petites collines, il faut serpenter à travers.
J’opte pour une trajectoire directe, de CP en CP, le chemin le plus court, et aussi le plus éprouvant physiquement en fonction du relief et de la nature du sol. Tant que je n’aurai pas de douleurs aux pieds dans les cailloux ou le sable mou, je garderai ce choix. Après, j’aviserai. Je pourrai passer par les points intermédiaires, il y en 3 entre chaque CP, qui permettent de rallier la piste de 4x4 de l’organisation, ou carrément suivre la piste.
Je cours pratiquement tout le temps jusqu’au CP1. Il y a plusieurs coureurs à vue à l’approche du CP, nous suivons des trajectoires parallèles. Bernard me rejoint. Il me dira à l’arrivée de la course que j’avais l’air très à l’aise. En fait, dès le départ, je ressens une forte montée d’acide lactique dans les cuisses, comme si je n’avais pas couru depuis 3 mois. Ca commence bien, je m’apprête à courir 500km en ayant mal aux cuisses.
Je ressens rapidement des frottements de la sangle du sac sur le ventre. Les frottements, c’est un de mes points faibles. J’en ai toujours. Je me suis bien protégée avec de l’élastoplast, mais c’est bien la première fois que ça chauffe sur le ventre. Je rajoute immédiatement de l’élasto, pas question d’attaquer 500km avec le ventre à vif.
Je dérange un beau scorpion, bien plus impressionnant que les petits réunionnais. 
Courte halte au CP1, juste pour manger un morceau de pain égyptien. De toute façon, il n’y a rien d’autre.
A mon passage, Alain dit qu’un tiers des coureurs est passé.

Je repars avec Paolo, que je quitterai 200m plus loin, il suit la piste et moi je pars bien plus à droite. Je ne le reverrai pas… avant le lendemain de mon arrivée.
Je cours toujours tout le CP, je me sens bien.
On traverse le désert noir. Il y a beaucoup de cailloux noirs dans le sable et des petites collines noires.La nuit tombe tôt, dès 17h30. C’est la pleine lune, et je n’ai pas besoin de la lampe. On voit bien le terrain, pas besoin de rejoindre la piste, même de nuit. Il faut juste rester vigilant.
Il ne fait pas froid pour l’instant. Heureusement, car mes affaires de nuit sont au CP2. J’aurai au moins fait les deux premiers CP très légère, à part les 3 litres d’eau à porter.
J’ai le droit à un couscous au CP2, servi par Isabelle, l’infirmière. Quel luxe !
J’attaque le CP3 et la première nuit. La lune m’accompagne jusqu’à 4h. Elle est énorme. C’est une bonne compagne. Elle me donne le cap, ce qui m’évite de regarder sans cesse le GPS. Il faut juste recaler de temps en temps, car elle bouge.
J’adopte un rythme d’alternance course/marche. Je cours 5km, puis je marche un peu.
Au CP3, les bédouins m’offrent du riz égyptien. Quel délice !


Mardi : Jour 2
Plus de lune en fin de nuit, c’est le noir complet. Juste le petit halo de la lampe.
Le jour se lève.
Le désert est toujours plein de cailloux, avec des couleurs changeantes, noirs, gris, roses. C’est superbe et on ne s’en lasse pas, même à un rythme piéton. Les massifs s’arrondissent.
Je suis seule, je ne vois personne à part les bédouins aux CP qui se succèdent sans problème. Les 100 premiers km sont maintenant derrière moi.
Les douleurs aux cuisses disparaissent. Tant mieux.
Aux CP, je vois les pointages des coureurs qui sont devant, et je suis 5° ! Avec mon petit rythme ! Je ne suis pourtant pas une coureuse rapide, je fais du 8km/h en courant et 6 en marchant, toujours en alternant course et marche. Par contre je ne sais pas du tout ce qui se passe derrière, où est le suivant, et la suivante, et qui c’est.
Il fait chaud en milieu de journée, cela ne me gêne pas. Je fais attention à boire régulièrement, même quand je n’en éprouve pas le besoin. Les 3 litres y passent à chaque CP.
J’atteins les 150 km, pratiquement sans arrêt. Pour moi c’est une bonne base, par rapport au Grand Raid de la Réunion. Je vais me forcer au CP7 à continuer, pour ne pas dormir avant le CP8, à 180km.
J’enlève mes chaussures pour la première fois au CP7, pour me masser les pieds. Aucun problème de ce côté.
On commence à voir des formations calcaires, qui donnent de grosses formes blanches. On approche du désert blanc.

Je galope toujours sans difficulté pour la seconde nuit. Je me sens même euphorique tellement je suis bien. C’est une sensation de bien-être et j’ai l’impression de faire corps avec mon environnement.
J’arrive au CP8 dans la nuit. Alain m’y accueille. Il m’apprend que Pasquale qui était en tête avec une bonne avance a abandonné, ainsi qu’Etienne. Je me retrouve donc 3° !  J’ai des nouvelles des autres coureurs : Roberto qui est devant a les pieds en sang et que c’est Paolo qui est derrière moi, mais où ?
Quand j’arrive, la tente du CP est vide. Pas grand chose à manger, juste des salades et des ananas en boîte, et pas de drop bag. Tant pis pour les chaussettes. Je m’apprête donc à faire 200km de plus avec les mêmes. Je décide de dormir 1 heure, la première depuis le départ. Il n’y a que 2 couvertures dans le CP, elles sont prises. Je pique celle d’Alain. Je mets ma montre à sonner… et me réveille au bout de 2 heures. Je n’ai pas entendu ma montre. Pas grave, c’est que j’en avais besoin. Du moment que je me suis réveillée et que je n’ai pas dormi 8 heures ! Pendant mon somme, Pierre est arrivé, je ne l’ai absolument pas entendu. Et les drop bag aussi. Je peux changer de chaussettes.


Mercredi : Jour  3
Je repars en fin de nuit, bien reposée et toujours en forme.
Je passe une grande dune, puis j’arrive dans les formations calcaires, qui sont phosphorescentes dans la nuit.
Le CP9 est dans les collines. Bernard m’y accueille et me dorlote. Il me signale qu’il n’y a rien à manger au CP10 et me donne des barres de céréales pour que je n’y meure pas de faim. Pierre arrive quand je repars. On se retrouvera plusieurs fois dans les CP suivants.
Encore quelques collines à franchir avant d’entrer dans une grande plaine très sableuse dont on ne voit pas le bout, très large, bordée de dunes. C’est très beau. Le CP10 est au milieu. J’y arrive en fin d’après-midi. Je soigne ma première petite ampoule sur un orteil. Rien de méchant. Voilà les infirmières qui arrivent quand je repars. Trop tard, mon pied est déjà soigné. Elles me confirment que Roberto souffre beaucoup des pieds.
Je repars vers le désert blanc, et croise deux 4x4 de touristes et une moto. Grands signes sympathiques. Je n’ai pas vu foule depuis 3 jours. La troisième nuit s’annonce. J’arrive à une grande descente à travers une magnifique falaise calcaire. Le sable est très mou et il y a plein de traces de 4x4, c’est difficile d’y courir, mais je suis à l’aise. Je retrouve les sensations de la plage de Saint-Paul. J’aperçois devant une petite lumière : Roberto ! Moi je cours sans lampe, et je me rapproche tranquillement et sûrement. Le 4x4 des infirmières me double. Je rejoins Roberto sans effort et le double avec un mot d’encouragement. Il essaie de me suivre, mais il est tout de suite largué. Je pense qu’il a tort de me suivre car je vais tout droit, ce qui n’est pas conseillé pour lui avec l’état de ses pieds. En plus il maîtrise mal le GPS. Soudain je distingue dans la nuit une énorme masse orange devant moi. Une belle dune. Je la franchis sans problème. J’avale les montées comme si de rien n’était. Derrière, c’est un terrain très pierreux. Oui, je plains Roberto. Et moi, je suis maintenant 2°.
J’arrive au CP11 dans la nuit. C’est la petite oasis de Magic Spring. Des petites dunes très vertes avec des palmiers. Le CP est en haut. Il y a foule, c’est le dortoir des organisateurs. Sabine l’infirmière me passe son matelas et son sac de couchage pour 1 heure de repos. Etienne, l’informaticien de service, corrige une erreur sur les points GPS. Mais mon GPS n’a pas aimé. Il ne veut pas redémarrer. Pas rassurant du tout. Le GPS, c’est la seule sécurité qu’on a. S’il est défaillant, on reste sur place. Heureusement, le mien finit par redémarrer, mais par sécurité Etienne me prête le sien. J’en aurai deux maintenant.
Je commence à avoir du mal à m’asseoir et me relever après plus de 200km, tellement les jambes sont raides. J’adopte le déplacement à 4 pattes dans les CP, ce qui fait rire tout le monde, surtout les bédouins, mais est très efficace.
Roberto est arrivé et se fait soigner les pieds. En fait, il n’a rien avec lui pour ces soins !
Alain m’informe que le CP suivant est au Doigt de Dieu, un petit massif calcaire avec des formes très verticales. Pierre aussi est arrivé, il ne s’arrête pas. Il me propose de continuer ensemble, mais il suit les points intermédiaires et pas moi. On se sépare donc. J’arrive dans le massif du Doigt de Dieu. Il faut prendre la bonne vallée, qui monte pendant plusieurs km, dans un sable bien mou. Je n’ai qu’une trace de pas devant moi, celles de Patrice, et une trace de 4x4. C’est magique. Pierre est donc derrière. Je monte sans difficulté.
Au Doigt de Dieu, je suis à 2km du CP12. La lune est couchée, la nuit est d’encre. Le terrain devient très pierreux, je veux suivre la piste, mais la perd dans les pierres, et je tombe sur un énorme pierrier. Impossible de passer, je dois le contourner. Je retrouve les traces de 4x4, et j’arrive à une espèce de col dans les pierres. Mon GPS m’indique que je suis à 700m du CP… avec un sommet entre lui et moi. Ca ne passe pas. Et je suis à 200m du point intermédiaire suivant, celui qui est après le CP12. Il est en fait à 200m en dessous de moi, juste à la verticale ! Bref, je me suis fourvoyée dans ces petites montagnes. Je cherche vainement une autre trace de 4x4… dans la nuit noire et dans les pierres. Sans succès. Demi-tour jusqu’au Doigt de Dieu. Je finis par trouver le bon chemin, avec beaucoup de difficulté. J’étais partie un tout petit peu trop à gauche. J’arrive au col suivant. Mon GPS indique le CP à 200m, 100m, 50m, 20m, quelque part sur la droite. Je ne vois rien, tout est noir, il n’y a qu’une paroi verticale. Puis 50m, 100m. Ce n’est pas possible, je m’éloigne du CP. Redemi-tour. En fait la tente n’est pas allumée, je suis passée devant sans la voir. Je suis tellement sous pression que le bédouin de service en prend pour son grade, et que j’en réveille Pierre qui a largement eu le temps de faire un somme. Il en profite pour repartir. Le pauvre bédouin est charmant après avoir été bien houspillé, il prend soin de moi. Je dors 1 heure, j’en ai bien besoin pour me remettre de mes émotions, ce n’est pas du tout terrible de se perdre en pleine nuit.


Jeudi : Jour  4
Je repars au lever du jour. Je suis rapidement juste en dessous de l’espèce d’à pic où j’étais coincée hier soir. Puis c’est une belle ligne droite dans le sable au pied du massif du Doigt de Dieu, avant de rejoindre à nouveau une zone pierreuse.
Voilà Roberto qui me rattrape. L’infirmière lui a redonné des pieds neufs ma parole. Lui aussi s’est perdu, mais Alain l’a remis sur le droit chemin. Il me demande s’il peut venir avec moi car il ne sait pas utiliser correctement son GPS et ne veut pas rester seul. D’accord, mais je fais ma route et je vais à mon rythme. Il se cale derrière moi et me suit exactement pas à pas.
On arrive à un surplomb, il faut traverser la vallée à nos pieds et trouver un passage pour franchir le mont en face. Puis c’est une zone très sableuse avec des tous petits arbustes. On retrouve la piste de 4x4, et on aperçoit Pierre devant, il n’est pas loin. Roberto démarre en trombe pour le rattraper avant le CP. Quant à moi je garde mon rythme et arrive quelques minutes derrière eux.  Le CP 13 est situé dans une petite oasis, avec une fontaine ! De quoi se débarbouiller, quel plaisir !
Puis Gérard arrive rapidement. Il a été malade au début de la course et n’avançait pas. Maintenant il remonte toute la course. Lui aussi s’est bien perdu au Doigt de Dieu.
On repart tous les quatre les uns après les autres, avec quelques minutes d’écart.
C’est toujours très sableux, avec plein de collines et des zones très calcaires, d’un blanc très lumineux. Nous sommes en plein désert blanc.
Au CP14, Roberto est déjà reparti quand j’arrive. Gérard est là et Pierre débarque quelques minutes après moi. Ils repartent ensemble, devant moi.
J’aperçois au loin la zone des champignons, formations calcaires très caractéristiques. Comme je coupe tout droit, je n’y passe pas.
Au CP15, Gérard et Pierre sont déjà repartis, mais Roberto est là. Il est furieux car il s’est fait doubler en prenant la piste. Il est passé dans les champignons. Peu m’importe, je sais que Gérard est beaucoup plus rapide que moi, hors de question de le suivre.


J’ai des chaussettes de contention pour le sport. Je ne savais pas si je pouvais les garder pendant 500km. Je sens mes pieds qui commencent à gonfler un peu, et les genoux aussi. Si j’enlève les chaussettes, je ne pourrai pas les remettre, c’est sur. Elles maintiennent bien les mollets, qui ne gonflent pas. Je décide de les garder, et les garderai jusqu’au bout.
Et c’est à nouveau une nouvelle nuit qui s’annonce. Je sens que je manque de sommeil au milieu du trajet, et je me couche dans le sable. Il y a beaucoup de vent et il fait froid, 5°C peut-être. Je m’endors illico. Ma montre me réveille une demi-heure plus tard. Quelle curieuse sensation. Je me réveille facilement, mais je mets plusieurs minutes à retrouver mon équilibre, et le sens de l’orientation une fois debout. C’est quoi ces étoiles ? C’est laquelle que je dois suivre ? Et ça repart. Soudain une énorme masse orange se dresse devant moi. Une dune, vraiment énorme. Impossible de la gravir de front, elle est très raide. Je la prends de biais, et finis à quatre pattes. La vue est extraordinaire en haut au clair de lune, et il y a d’autres dunes devant moi. Je dévale la descente dans le sable mou, comme une gamine, en faisant néanmoins attention à ne pas forcer dans les genoux. C’est que les jambes sont bien raides. Encore deux dunes plus petites et faciles à monter. Je monte facilement, sans effort physique particulier. C’est un bon test pour moi, habituée à la montagne. Je sens tout de suite dans les montées si les jambes sont fatiguées. Tout va bien de ce côté là.
J’arrive à une oasis cultivée. L’horreur. Les champs sont en fait des cuvettes creusées dans le sable, les unes à côté des autres, dans un sable très mou, et les bords sont très raides. Il faut absolument rester en hauteur, ne pas descendre dans les cuvettes, ce qui oblige à zigzaguer. Sans voir quel est le meilleur passage puisqu’il fait nuit. Je ne m’en sors pas trop mal. Je dois y faire un arrêt pour changer les piles du GPS. Je suis assaillie de moustiques. En plein désert !
Ce CP a été l’un des plus difficiles de la course pour moi.
Le CP 16 est juste après l’oasis. J’y retrouve Roberto, allongé, en plein délire. Il crie dans son sommeil. Il n’a pas l’air bien dans sa tête, mais le bédouin et moi ne pouvons pas grand chose pour lui. Je suis dévorée par les moustiques sous la tente, ils sont voraces et piquent à travers les vêtements. Comme je suis bien fatiguée, j’y dors tout de même une heure, planquée entièrement sous la couverture. Ni les moustiques ni les cris de Roberto ne me perturbent.


Vendredi : Jour  5
Les pierres réapparaissent, puis encore une belle dune. Il fait jour maintenant, c’est facile de trouver le bon passage pour la franchir. Façonnée par le vent, elle est encore très raide. J’admire celles que j’ai franchies cette nuit derrière moi. Impressionnant.
Au CP17, je vois Pierre qui le quitte juste quand j’arrive. Je suis accueillie par deux jeunes bédouins. Ils n’ont pas grand chose à me donner à manger. La traditionnelle soupe, suivie d’une plaque entière de chocolat. J’ai le droit à un concert de musique égyptienne.
Vers le CP18, c‘est une longue descente en pente douce de plusieurs km, impeccable pour y courir sans effort. Je longe ce qui semble être une mine, il y a un gros trafic de camions au loin. Puis je longe une grande oasis. En bas, je bute sur une belle mare, le point d’eau de l’oasis. Impossible de passer. Ah je n’aime pas les oasis ! Je dois faire un grand détour pour la contourner. Le sol est recouvert d’une croûte de sel qui craque sous les pas. J’en profite pour en manger un peu.
Puis je traverse une route. Et voilà qu’un beau 4x4 rouge s’arrête et l’égyptien au volant me propose de me prendre en stop. C’est gentil, mais non merci !
J’arrive droit sur une grande zone de culture, avec des sillons très profonds et très mous. C’est l’enfer de traverser ça, épuisant.
Décidément, pour arriver au CP18, j’aurai eu des surprises en coupant tout droit. Ca fait partie du jeu.
Une énorme dune se dresse devant moi. La montée est très longue, je la prends de biais. Après le champ très mou, j’en ai plein les pattes. J’y retrouve les trois traces des coureurs qui sont devant moi.
Au CP18, je vois sur le pointage que Pierre a pris un peu d’avance, ce qui ne m’étonne pas. Je décide de dormir une heure avant d’attaquer la nuit. J’en repars à 20h, juste avec le lever de la lune sur les dunes, toute orange. Magnifique spectacle.
M’attendent maintenant 100km de dunes ininterrompues, qui vont dans le même sens que moi. C’est tout droit et plat. Il n’y a qu’à suivre les traces du 4x4 de l’organisation. Facile.
C’est sans compter sur la fatigue accumulée, je n’arrive pas à trouver un rythme de course qui me va, et un arrêt dodo s’impose. Je me couche dans le sable à quelques mètres des traces. J’allais m’endormir, quand le bruit d’un 4x4 me réveille. Mince alors ! Cela fait des lustres que je n’ai pas vu l’organisation, et c’est juste quand je veux dormir qu’ils se pointent. Par prudence, j’allume ma lampe, ce serait bête de se faire écraser en plein désert. Bernard me rassure, on me voyait de loin, avec les bandes réfléchissantes de mon sac, qui me sert d’oreiller. Je ne me lève même pas, trop difficile de passer du stade horizontal à vertical et vice-versa. De quoi ai-je besoin ? A manger ! Il m’offre une boîte de riz au lait que je dévore sur place. Merci Bernard !
Impossible de me rendormir après ça. Tant pis, je repars pour les 8km qui me séparent du CP. Je les fais en marchant… et en dormant. Calée au milieu des traces toutes fraîches du 4x4, j’avance les yeux fermés. Si je dévie, la sensation est différente sous le pied quand j’atteins la trace de la roue, et ça me réveille instantanément. Je me recale au milieu et c’est reparti. Quelle galère ! Une nuit bien difficile et longue, sans admirer les étoiles filantes cette fois-ci !
Je m’écroule au CP19 et j’y dors deux heures. C’est ce qu’il me fallait, je suis ragaillardie pour repartir, avant un bon repas, comme le ravitaillement est passé juste devant moi.


Samedi : Jour  6
Me voilà avec 400km dans les pattes. J’alterne toujours la course et la marche, en raccourcissant les périodes de course à 2km, puis 1km. Je cours toujours à 7km/h.
Tiens, je sens une deuxième ampoule qui pointe son nez au niveau du tendon d’Achille. Elle ne me gêne pas vraiment. Toutefois, après chaque arrêt, je ressens la douleur due aux ampoules. Je fais alors très attention à ne pas modifier ma foulée, pour ne pas compenser par une mauvaise position qui pourrait entraîner d’autres choses beaucoup plus graves comme les tendinites. Mes deux petites ampoules, ce n’est rien à côté, et la douleur disparaît très vite avec les échauffements.
Le spectacle des dunes que je longe et très beau, et pas du tout monotone comme je le craignais. J’enchaîne les CP 20 et 21, toujours avec plaisir.


Au CP21 j’y retrouve Pierre, qui n’a pas le moral. Il veut arrêter. Ah non Pierre ! Il ne reste que 100 petits km ! Il repart. Il y a aussi Bernard n°2 qui est là, un coureur qui a abandonné. Il me donne des nouvelles de l’arrière. C’est Paolo qui est derrière moi. Roberto est à l’hôpital. Son délire du CP16 est plus grave que je ne pensais, mais je n’en sais pas plus.
Je dors une heure avant de repartir dans la nuit vers le CP22. La lune se lève de plus en plus tard. Je trouve que je ne vois pas grand chose, et je nettoie mes lunettes en marchant. Elles sont pleines de poussière de sable. Bien mauvaise idée, car je ne contrôle plus mon GPS et je dévie très vite sans m’en rendre compte, pour me retrouver par inadvertance au sommet d’une dune. Je n’ai rien à faire là, mais mon GPS m’indique exactement l’axe de la crête de la dune, si bien que je ne sais pas de quel côté en redescendre. C’est malin. Je vais devoir suivre la crête pendant plusieurs km avant de rattraper le bon chemin en bas sur la droite. Avant de remonter vers le CP23.


Dimanche : Jour 7
Je dors une heure avant de repartir au lever du jour vers le CP24. Quelle surprise en sortant de la tente : je suis dans un épais brouillard ! En plein désert ! Le soleil ne le perce qu’à 10 heures du matin. C’est une étrange sensation, car si je vois le relief proche, je ne sais pas où je vais, comme dans la nuit. Surtout que ça commence à être bien vallonné, ça monte et ça descend sans arrêt.
Je passe à coté d’un cadavre de chameau bien sec. C’est étonnant, car il n’y a pas de caravane de chameaux en Egypte.
Avec le retour du soleil, le paysage se dévoile. C’est une succession de dunes à perte de vue qu’il faut franchir. Je vois les traces de mes trois prédécesseurs. Puis, c’est une bonne descente vers une vallée bien plate, recouverte de cailloux noirs.
Là me rejoint le 4x4 d’Alain, l’organisateur.
Le relief est de nouveau vallonné au CP24, avec des tas de cailloux. J’ai les pieds en bon état et je peux toujours les lever, je cours tout droit, surtout que la piste a l’air de zigzaguer pas mal.
J’arrive au CP25 en fin d’après-midi. Le dernier ! J’y retrouve Alain. Qui me propose la traditionnelle salade avec ananas. Le même régime jusqu’au bout. J’apprends que Roberto a une péritonite. En plein désert, il a du déguster. J’apprends aussi que l’arrivée n’est qu’à 13km, un tout petit CP !
Il y a un fennec qui se balade autour de la tente, pas farouche du tout. Comme je me déplace toujours à quatre pattes, nous sommes à la même hauteur.
Je repars pour le final à 18h30. Il fait nuit noire, la lune n’est pas encore levée. Alain nous a prévenus qu’il faut prendre un canyon difficile à trouver et qu’il nous mettrait un 4x4 pour nous guider à l’endroit fatidique. Je n’y ai jamais cru, d’ailleurs il n’y a pas de 4x4 au CP. Je suis scrupuleusement la piste, qui est très large. Elle est même repérée par endroit avec des pierres blanches. Le sable est mou et pas très agréable, mais je galope, le cheval sent l’écurie. Près du point du canyon, la piste est bordée par deux parois verticales dont je ne vois que le bas dans le noir. Je suis bien dans le canyon, c’est bon. Puis la piste grimpe tout d’un coup. Et j’arrive à un pierrier bien raide. Ce n’est pas possible. Les 4x4 ne peuvent pas passer là. Je redescends et vois d’autres traces plus à droite, avec des pas. Je les suis, et arrive à un à-pic vertigineux, complètement vertical. Le vent y est violent, ma casquette s’envole. Je n’irai pas la rechercher. Heureusement que la fin est proche, je n’en ai plus besoin. Néanmoins, je suis perdue, à 2km de l’arrivée ! Le décor est complètement montagneux et doit être grandiose, mais pas pour moi ! Désespérée, je fais demi-tour. Monter et descendre dans le sable mou, après 555km, je m’en passerai bien. Il y a des traces de 4x4 partout, lesquelles sont les bonnes ? Je n’ai plus de piles dans mon GPS. Je m’assieds dans le sable, je me calme et je  change les piles. Je finis par trouver la bonne piste. Le voilà le fameux canyon, je le découvre au moment où la lune se lève. Là où je croyais y être, en fait je n’y étais pas encore. Je passe le col et vois une succession de parois verticales impressionnantes sur ma droite. C’est là que j’étais.
Puis c’est une bonne descente dans le sable très mou. Avec le vent, il n’y a plus aucune trace et mon GPS veut m’envoyer à gauche, mais c’est un sommet. J’ai peur de louper à nouveau le passage et je ne profite pas du tout de cette descente.


Je finis par retrouver des traces de pas et de 4x4. En bas, sur la gauche, je vois les lumières de l’oasis de Dakhla : l’arrivée ! La piste est maintenant bien marquée et j’arrive au campement de l’arrivée. Il est 23h. J’aurai mis 4h30 pour faire 13km !
Il n’y a pas âme qui vive. Je rentre dans une des tentes, tout le monde dort. Ce sont les coureurs arrivés avant moi. Je les réveille : ils m’attendaient, mais ils se sont tous endormis.
Quelle arrivée épique !


 


Et voilà mes 555km effectués en 155 heures, soit 6 jours et demi.
Avec une quatrième place, et première féminine pour terminer l’aventure.

 

       

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commentaires

A
Superbe ! Un immense bravo pour cette performance.
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S
555 fois bravo ! belle leçon de courage et de tactique de course. C'est visiblement une merveilleuse course, un peu particulière tu en conviendras. Bon repos maintenant
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