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25 septembre 2009 5 25 /09 /septembre /2009 18:47

 Salut Raph, c’est Seb qui parle

Salut Seb, c’est Raph qui parle


La préparation
:

L’objectif GRP avait été fixé à l’automne 2008 après mûres réflexions, motivées principalement par l’idée des retrouvailles avec les dalons d’A2R qui, après l’UTMB, souhaitaient y participer. Car au niveau purement sportif, je savais que l’entraînement en région dijonnaise allait être dur mentalement…du plat, du froid…

Du plat et du froid j’en ai bouffé tout l’hiver, avec quelques notes de brouillard givrant : de janvier à mai : 2 voire 3 sorties hebdo au seuil d’une heure avec quelques séances de fractionné pour un travail de fond.
A partir de Mai, j’ai commencé à rallonger les sorties, en essayant de trouver du dénivelé du côté du Val Suzon (180 m de D+ grand max par côte). 1h30, puis 2h, puis 3h par entraînement, toujours en courant, mais bien souvent qu’une seule fois par semaine.
Fin Mai je devais participer à ma première course de l’année pour me jauger, la Transjurassienne (70 km, 3000 D), tombée à l’eau à cause du boulot.
A partir de Juin, bien trop tard, je me suis lancé dans les longues sorties dominicales, en allant notamment par 3 fois dans le Jura. Même là bas les pentes trop douces permettent de trottiner continuellement et n’habituent pas à la marche en côte. 3 sorties de 6h-7h en moyenne sur 50 km, et peu de déniv.
Fin Juin participation au marathon du Mont Blanc en accompagnement de potes (42 km, 2500 D+ en 7h), je suis rassuré au niveau matos, articulations, il faudra voir si sur un rythme plus poussé la machine arrive à suivre…
A partir de là, la motiv’ ne suit plus, les chemins dijonnais me rebutent, je les connais par cœur, plus envie de prendre la voiture pour courir, je pars encore faire 2 sorties de 5h (vers les sources de la Seine et derrière les côtes viticoles), et ça sera fini pour l’entraînement, jusqu’à fin août.
Plutôt légère comme préparation, peu de dénivelé, pas de longues descentes pour tester les genoux, pas d’entraînement de nuit, mais surtout, m’étant entraîné continuellement en solo, pas de compétition qui m’aurait permis de me situer un peu...

Le GRP :

Je retrouve avec grand bonheur Sandrine, les parents et toute la caravane A2R le jeudi midi. Peu de temps pour discuter de la course, de la stratégie, des ravitos, pour préparer les sacs… Heureusement que Seb est là pour me renseigner sur les temps de passage, Sandrine pour organiser mes ravito.

Réveil 3h15, j’ai réussi à fermer l’œil, c’est déjà un bon départ ! Pti dèj avec Seb, Cécile et Sandrine.
Sur la ligne à 4h30, beaucoup d’appréhension, et une pointe de pression, car c’est pour moi l’OBJECTIF de l’année, non seulement sportif, mais tout simplement objectif et challenge personnel. La confiance en soi a besoin d’aventure de la sorte pour se régénérer. De plus, de nombreux supporters ont fait le déplacement, mes parents notamment, et tout ceux qui vont veiller sur leur ordi pour nous suivre (hein Béru !). Pas question de les décevoir !
Pas d’ultra depuis 2 ans, la présence de Seb à mes côtés me rassure.


Vielle Aure – Col de Portet (Km 10)

Départ donné à 5h, on se retrouve avec Seb dans le premier tiers, le train est rapide, la première partie de la montée roulante façon piste forestière sur le GRR. Le relief dijonnais m’a habitué à allonger sur les faibles pentes, je prends un peu d’avance sur Seb et trottine à bon rythme jusqu’à Espiaube. La pente se redresse, on emprunte ensuite une piste noire jusqu’au col. La longue chenille des frontales des coureurs s’étire maintenant sur toute la vallée, c’est toujours aussi féerique. L’aube se lève, le plafond nuageux est bas, brouillard au col de Portet. Au ravito, recharge en eau, un verre de thé et je repars très en avance sur le plan de course.

Salut Raf, en forme? Bien dormi? Y s'fait quelle heure?
Un ti'dèj difficilement avalé puis séance élastopast. On prend soin des points de frictions, merci les filles !
4h05, c'est l'heure d'y aller. Pourvu qu'un sanglier ne traverse pas la route... Je suis collé à ma Cécilou à l'arrière du carrosse Princier (souhaitons qu'il soit royal à notre retour !).
Nous y voilà, la banderole de départ nous fait face, c'est l'heure de tordre le cou à ces maudits 150 kms qui hantent nos douces nuits depuis si longtemps. Nous nous plaçons dans les boxes, prêts à bondir tels des morts de faim. « Raf, on serre à gauche pour pas se perdre ? ». Le « coup de pétard » est donné à 5h05, les fauves sont lâchés... Notre foulée est légère, le souffle est régulier. On en profite pour «tchatcher». Ton boulot, c'est cool ? La vie dijonnaise, sympa ? Arthémiss et Caciopée, obéissantes ? On évacue le stress comme on peut...Notre conversation tourne rapidement au monologue : Raf pose les questions et fait les réponses. Mon souffle est court, mon pas aussi...je ralentis. Ça doit faire 30' de course et je donne son billet de sortie à Raf : « Vas-y, t'es plus à l'aise et plus rapide. Fais ta course ». Et il s'éloigne d'un pas gracieux, léger... ce Raf a une classe de champion du monde ! Pour ma part, je m'accroche à la foulée du vainqueur 2008, ça rassure...On passe Espiaube puis attaquons le col de Portet et ses célèbres pistes de ski. La déclivité est impressionnante (jusqu'à 40%), je suis obligé de tenir une cadence infernale pour ne pas redescendre ! Mon souffle est régulier, les jambes poussent (2000 kw/s), mon allure soutenue. Je pointe au sommet en 1h50, tous les voyants sont « au vert ».

 Col de Portet – Artigues (Km 29 )

 On longe le lac de l'Oule par un sentier herbant... rouleux, bref pour un coureur qui aime courir, pas pour un réunionnais qui se complaît à «cabribondir». J'ai la sensation de bien dérouler mais de nombreuses « fusées » me déposent, tout est finalement question de relativité...On traverse à présent des sentiers caillouteux avec le col de Bastanet à gravir. Je rencontre Claude Escots près d'un refuge, il m'accompagne gentiment quelques minutes, l'occasion de se rappeler au bon vieux temps. Mon pas devient lourd, mon esprit s'embrume. Je suis nettement moins bien et ce n'est pas la beauté du site qui parvient à me changer les idées. Je broie du noir et suis peut-être déjà dans le rouge... La descente du col de Bastanet vers Artigues est annoncée cassante sur ses premiers kms puis roulante... je la trouve cauchemardesque tout du long ! Mes muscles sont encrassés, la machine poussive. Je m'alimente, récupère et essaie de positiver : « des passages à vide t'en as connu, tu en as pour une ou deux heures, laisse passer l'orage ». Artigues me tend les bras, les parents aussi. Je suis heureux de revoir tout ce petit monde prêt à écourter ma pause. L'équipe n'est pas encore bien rodée mais le coeur y est, c'est bien là l'essentiel. Je repars à l'assaut du col de Sencours, le sandwich jambon beurre entre les dents...


Je me sens bien, mais décide de ne pas trop m’emballer, je reste avec un petit groupe sur la partie roulante en balcon au dessus du Lac de l’Oule. Le ciel se déchire, le paysage est superbe, je profite…

A partir du Lac Supérieur, la pente s’élève, le chemin redevient plus technique, je recommence à doubler quelques coureurs. Col de Bastanet, puis superbe descente au milieu d’une multitude de petits lacs d’altitude. Je me retrouve déjà seul.
Apres le lac de Greziolle, on quitte l’espace minéral d’altitude pour retrouver les pâturages. Je recolle un groupe de 4-5 coureurs, le chemin entre en sous bois mais le fond de vallée est encore loin, la descente est longue… 1300 m de D-, cette première grosse descente m’a un peu cassé les pattes. On replonge dans le brouillard à Artigues. Je retrouve mes ravitailleurs. Changement de pompes pour la partie suivante qui s’annonce moins caillouteuse, j’avale deux soupes, du fromage et je recharge total mon sac en victuailles car le prochain gros ravito à Villelongue est à plus de 35 km.

 

Artigues – Villelongue (Km 70)

Je repars seul dans la purée de pois direction le Col de Sencour. La descente sur Artigues m’a réveillé les tendinites redoutées aux 2 genoux. J’essaie de maintenir un bon rythme. Plus possible de trottiner, la pente est trop forte. Ça monte sévère, l’altitude se fait sentir, je n’ai plus l’habitude de courir au dessus de 2000 m, le cœur commence à taper, j’essaie de m’accrocher aux basques du coureur de devant, je coule ma bielle…
Mon premier coup de bambou sur ce parcours… les genoux tiraillent et le moral est dans les chaussettes. Des idées d’abandon surgissent mais sont vite refoulées. Heureusement, le soleil réapparaît, le col n’est plus loin, le pic du Midi est juste au dessus de nous. Les premiers texto d’encouragements arrivent, merci Béru !
Je m’accorde une bonne pause au ravito du Col. Etirement, soupe, fromage, cake… La suite s’annonce plus favorable pour moi, un chemin en balcon, puis une succession de cols à franchir façon montagnes russes. J’accroche le train de 2 coureurs, ça court tout le long… Il fait chaud, je pense à bien m’hydrater, bien m’alimenter toutes les demi heures. Col de la Borida vite avalé, Col d’Aoube un poil plus long, passage au dessus du Lac Bleu, splendide, puis col de Bareilles où les nuages nous reprennent, pour plus jamais nous quitter… Ces cols sont courts mais raides et commencent à laisser des traces. Dans les descentes, j’essaie d’y aller en souplesse pour préserver les genoux. Malgré la douleur, le moral est revenu.
Un dernier méchant coup de cul, la Hourquette d’Ouscouanou, avant de basculer sur le long faux plat descendant jusqu’aux crêtes d’Hautacam sur un bon chemin, on allonge la foulée au maximum, ça file vite ! Rapide ravito, et je poursuis la descente interminable sur Villelongue, une piste forestière puis un large chemin qui appelle à lâcher les freins. Je rattrape encore des gars. Je rejoins un réunionnais et tape la discute jusqu’au ravito.

La pente est douce et progressive, le temps humide : brouillard, crachin. Je gère mon ascension, agacé par le bruit incessant des battons des autres coureurs . Et si on en faisait en mousse?
On passe au-dessus d'une mer de nuages, le temps est extraordinaire, le paysage « à couper le souffle ». J'en prends « plein les yeux » mais aussi plein la « g.....le ». Je suis scotché au sentier...1,2,3,4...,6...,10 trailers « m'enrhument » . La souffrance physique trouve une alliée de circonstance : la détresse psychique. Je jette un coup d'oeil furtif au tableau de bord, les voyants sont au rouge : appareil musculaire, système cardio-vasculaire, réserves énergétiques, ressources mentales... Seule la « case Abandon » clignote en vert... Seb le diablotin s'empare de la salle des commandes : « A quoi bon ? Jette l'éponge et rentre te reposer, un bon lit, un bon bouquin, c'est ça la vie... ».
Seb Le Sage s'affirme. « Et à tous les ravitailleurs, tu y songes un peu ? La course de Mayotte et le serment prononcé ce jour là ... tu as déjà oublié ? : « seul l'abandon sur blessure t'est permis. Un Ultra Trail, ça se mérite, ça se respecte, ça se gagne quelque soit les circonstances ».
Le col de Sencours devient supplice : A l'aide ! Oh Sencours.... l'assaut final est éloquent, une pente meurtrière : je rampe, je titube, je m'asphyxie. Enfin le ravito pour panser mes plaies et me reposer quelques minutes. C'est un fait, ce 28 août n'est pas un grand jour ! Je déroule dans la descente en tentant de reprendre mes esprits. Le « moteur a sérieusement chauffé » et les jambes ne sont pas au rendez-vous. Je n'ai plus qu'a gérer cet U.T.P qui ne sera pas un bon cru mais qui doit être consommé jusqu'à plus soif. Je m'y suis engagé. La pause est hélas de courte durée. Les montagnes russes, pardon, Pyrénéennes font de nouveau leur apparition : Col de Bonida, col d'Aoubé, col de Bareilles. A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai beau activer mes neurones, seul leur nom et leur montée finale me reviennent à l'esprit ! J'attaque l'ascension d'Hourquette d'Ouscouanou. C'est moins raide et ça va mieux. Pour la première fois, je parviens à suivre le pas d'un concurrent (Ariégeois) et en distance un autre (basque). Allélouia ! Seb le diablotin peut repartir se coucher seul, ma décision est prise : J'IRAI AU BOUT ! Je «déroule» vers Hautacam en restant très vigilant au tracé. Lors du brief, les organisateurs nous ont mis en garde sur d'éventuels égarements. Mon GPS est branché, mon cerveau placé en alerte maximale. Nous sommes trois à nous relayer tels de vieux cyclistes baroudeurs. Nouveau ravito ou j'ingurgite une soupe puis repars seul, tel un vieux cycliste... solitaire.
Mon alimentation restera le gros motif de satisfaction de cet U.T.P. J'avale régulièrement ma boisson miracle (prenez six doses de produit « Fenioux », incorporez dans un litre et demi d'eau des Pyrénées, agitez puis réservez) et ingurgite les gels « Eat fit » les uns après les autres. J'ai juste quelques petits soucis de compatibilité avec mes barres. Villelongue n'est pas si loin, j'en profite pour « tailler la bavette » (à défaut de l'avaler) avec un nouveau dalon. C'est fou le nombre de fous qu'on rencontre. Je croise alors un supporter qui remonte à contre-courant les fous. Est-il plus fou que les fous ? Il m'interpelle : « Je cherche le 515, vous l'auriez pas vu ? ». C'est confirmé, il est bien plus fou que les fous... « Oui, oui, le 515, il court en ce moment avec le 412 et le 202. Je crois même qu'ils ont distancé le 54... ». La chute de cette histoire de fous est que cet étrange énergumène s'appelle Christophe et que c'est mon copain « d'il y a vingt ans » que je n'ai même pas été fichu de reconnaître. Il cherchait le 115 (c'est moi) pour l'accompagner et le ravitailler comme nous en avions convenus avec mon autre pote, Jean-Philippe. Oui, une vrai histoire de fous ! J'échappe donc de peu à l'asile et rallie Villelongue où m'attendent des gens sensés... Cécile, les parents, Sandrine, les parents de Raf sont aux petits soins. Je laisse les consignes pour mon sac et vais me restaurer : soupe, coca, chocolat.

Villelongue - Cauteret
(Km 90)

Changement de stratégie : j'enfile mes « Hardrock 2007 » et me saisit des bâtons. Je passe plus tôt que prévu en mode randonneur. Je prend direct la foulée d'un autre trailer, il doit être 15h30. Je suis très largement en avance sur mes temps objectifs (17h à Villelongue pour 30h de course). Ce nouveau coéquipier m'annonce le sommet du Cabaliros en 3 h30... va falloir gérer.
Je reste avec ce camarade d'infortune très longtemps, « flairant le bon coup ». Il faut dire qu'il dispose d'une carte de visite qui en impose : 15 Templiers, 6 UTMB, tous finis, avec une marque à 24h30 dans les Alpes. Les connaisseurs apprécieront. Il me décrit une montée lente, progressive avec un assaut final indigeste. L'ascension du Cabaliros est effectivement facile sur le début, je crois être bien mais au vu des coureurs qui me doublent, cela reste une vue de l'esprit. Cette fameuse relativité... La première féminine me dépose tel un débutant, elle impressionne d'aisance, relançant dans les faux plats montants.
Le refuge atteint et une bonne soupe avalée, je me dirige vers le sommet du Cabaliros. La pente s'accentue, on traverse des estives « coupant droit ». Les jambes sont très très lourdes, je serre les dents. Les autres concurrents ne sont pas au mieux. On ne distingue pas le sommet, les nuages en ont décidé autrement. Une antenne est maintenant en vue, on y est après 3h15 d'efforts. La descente vers Cauterets démarre. L'objectif pour mes dalons et moi est de rallier le village avant la nuit. Nous prenons moins de 2h pour atteindre notre but, nous relayant de nombreuses fois sans ne cesser de courir.

 Toute l’équipe est là avec mes parents, ceux de Seb, Cécile et Sandrine. J’apprends que je suis 15 ieme, je ne m’étais pas renseigné jusque là. Cette nouvelle me rebooste bien. L’objectif était de finir, si possible autour de 30h, mais là, je vais tout donner pour garder cette place ! Je me pose 5 minutes pour une plâtrée de pâtes, refais encore le plein de mon sac, et point important, je décide de prendre une paire de bâtons avant d’affronter la terrible étape qui se profile : l’ascension du Cabaliros, 1900 m de D+ situé à la mi-parcours…

Le faire de jour serait un énorme plus, car la partie sommitale se fait hors piste.
Je repars, en trottinant pour traverser la vallée.
La montée est d’une longueur interminable, sur de biens beaux sentiers d’alpages. La pente est relativement douce jusqu’au Turon de Bene (1500 m), mais impossible de trotter, les cuisses commencent à raidir, c’est là que les bâtons commencent à être d’une utilité redoutable. Jamais encore je n’en avais utilisé en trail, et c’est vraiment le jour et la nuit ! L’impulsion donnée par le haut du corps permet de maintenir un rythme plus soutenu, tout en soulageant les genoux. Bon par contre ça fait travailler bras, épaules, abdos, trapèzes…Je rattrape et double un concurrent, Christophe. A la mi course de chacun des mes Ultra, je rencontre mon partenaire de course, avec qui, sans le savoir, je finirai…
Cette fois ça sera lui, un Toulousain super sympa à l’accent incomparable. Au Turon de Bene, la brouillasse est bien installée. Rapide ravito. Je repars en compagnie de Christophe. On gravit la deuxième partie du Cabaliros ensemble, à un gros rythme. Il connaît le chemin, ça aide dans cette purée de pois…

Pour le suivre, je me mets dans le rouge, sers les dents, peste contre cette pente herbeuse sans chemin, ou le sommet invisible se fait attendre. Vers les 18h30, on bascule enfin sur Cauterets. Je laisse filer Christophe, mes genoux refroidis ne peuvent pas le suivre. Une bonne chose de faite, le Cabaliros tant redouté est vaincu, désormais, plus que …. 3 grosses montées se profilent devant.

Chaque chose en son temps, je file à grandes enjambées sur Cauterets, 1300 de D- à se taper. Vers les 20h, je retrouve au ravito mes parents, Brigitte et Guillaume qui me prend en charge tel un urgentiste sur un grand blessé. Je suis strappé, changé, ravitaillé, nourri, brieffé sur le parcours, les mollets branchés sur électrodes en un tour de main ! en 25 min, je repars comme neuf.


Cauteret – Luz St Sauveur (110 km)

Toujours personne derrière moi, le trou est fait… j’attaque seul la montée du Col de Riou, 1000 m de déniv. Le soir tombe, j’allume la frontale à l’approche du sous bois. La montée est progressive, piste forestière puis chemin. La bruine qui tombe finit par pénétrer les vêtements, les chaussures se retrouvent vite trempées, heureusement, la température est plutôt douce. Je m’impose encore une fois une bonne cadence, j’aime marcher de nuit, tous nos sens sont en éveil, les paysages disparaissent mais les bruits prennent d’autres dimensions.

La descente du Col est plus délicate, la bruine persistante diminuant considérablement l’efficacité des frontales. Je tente de courir, les pieds se posent un peu au ptit bonheur la chance… Au petit ravito, double ration de soupe. Je suis passé 13 ieme en n’ayant doublé personne… L’ours serait-il passé par là ??

Allez, une longue descente m’attend…, toujours dans le brouillard, fatiguant…
Béru et François me donnent des nouvelles régulières du classement, merci les gars !
Seb n’est pas loin derrière, allez A2R !!
Les jambes ont du répondant, je continue de courir à bonne allure… jusqu’à 4 km du ravito de Luz St Sauveur où les organisateurs n’ont pas pu faire autrement que de faire passer le parcours sur la route. Là ça commence à coincer, 4 km de galère…

Ravito de Luz, il est 0h. Ca commence à sentir bon. Mais ne t’emballe pas trop, les fins de course sont toujours les plus… douloureuses !
Cette fois ce sont Sandrine, Cécile et ses parents qui sont là à nous supporter et dorloter.
Christophe est là aussi !

Il est moins de 21h lorsque je traverse Cauterets où m'attendent Guillaume (mon cousin), Brigitte (son épouse) et les parents de Raf (toujours au poste depuis ce matin). Le ravitaillement dure 10mn, juste le temps nécessaire pour enfiler ma tenue de soirée. Gui est efficace, il retrouve rapidement ses automatismes acquis en 1996 sur la diagonale des fous.
L'ascension du col de Riou m'est annoncée facile, elle l'est... mais pas après 90 kms. Je progresse bien mais, ce n'est toujours pas la grande forme. Je double un concurrent, entend les voix de deux autres mais ne verrai pas leurs dossards ! Yes, me voilà déjà au sommet, du vrai gâteau Pyrénéen, pour la première fois depuis ce matin !
La descente vers Luz St Sauveur est extrêmement raide au début puis routière pour la deuxième partie (surtout lorsqu'on manque les raccourcis indiqués !). Je la trouve interminable d'autant qu'il est environ minuit, je « marque sérieusement le coup ». Seules les retrouvailles promises à ma dulcinée me « dopent ». Je traverse le village et retrouve avec un immense plaisir Cécilou, ses parents et Sandrine qui n'en finit plus de sauter en l'air. Quelle énergie ! Courte pause dans le gymnase de Luz puis départ pour un ultime marathon.

Luz St Sauveur – Tournabou

Paul (mon beau papa) me fait la gentillesse de prendre ma foulée pour les 42,195 derniers kilomètres. J'apprécie son geste, d'autant que crapahuter la nuit sous la pluie n'a jamais été sa « tasse de thé ». Sa présence me booste, j'ai le moral mais toujours pas les jambes. Jusqu'au village de Barèges, nous empruntons un sentier qui alterne montées et descentes, je suis mieux. Le ravito de Tournaboup me requinque, il doit être 2h du mat' et je sens que mes jambes s'activent...il était temps !

Je ne m’éternise pas, et rattrape Christophe. On tape la discute, je relance le rythme, puis il prend ensuite le relais… pour ne plus jamais le quitter, jusqu’à la fin.
Je pensais que ce tronçon serait facile, il n’en est rien !! le chemin n’est pas technique, mais grimpe constamment par pallier, alternant plats, faux plats, coups de cul…sur les plats, Christophe arrive à relancer en courant, alors je fais de même… La fatigue fait son travail de sape, la vigilance baisse, les paroles se font moins nombreuses…Nous traversons plusieurs villages endormis, devant des panneaux « hôtels » qui nous tendent les bras…

Nous arrivons au ravitaillement de Tournabou en plein cœur de la nuit, je m’écroule sur une chaise, grosse lassitude, fatigue, mal aux genoux, mal partout finalement… Nos valeureux supporters ravitailleurs ont fini par aller se coucher eux aussi, leurs encouragements me manquent. Christophe qui connaît par cœur le parcours se lance dans des calculs de temps de parcours qui me foutent le cafard… « alors de là au col 3h30, ouais sisi sans dec y’a de la pente et gavé de caillasses, pi derrière c’est pire, que du cailloux que dedans tu peux pas courir et après c’est des racines glissantes, je te parle pas de la remontée sur piste noire au Col de Portet droit dans la pente ! Faut bien 8h encore »
Olalaaaaa Pfffff 8h ?!! T’es sûr ??
Dans la tente abritée du vent on retrouve un coureur également bien attaqué, il se joint à notre caravane, et on repart.


Tournabou - Vielle Aure (km 150)

De la caillasse, de la caillasse bien humide et glissante, de l’éboulis, de la pente. Je m’arrache pour suivre Christophe qui continue sur son rythme, je tourne dans le rouge, je ne veux rien lâcher, sûr que si je lâche, je n’avancerai plus…Notre 3 ieme dalon sert aussi les dents. La fatigue revient, la fin du Col de Barège est dure, très dure. Je pousse comme un taré sur les bâtons, l’altitude se fait à nouveau sentir. La haut, le ciel est clair, nous sommes au dessus des nuages… nous doublons un coureur à la dérive, l’invitons à nous suivre, il est vidé.

Arrivée au col, en avance sur les prévisions, c’est bon pour le moral, mais je suis cassé. Je voudrais bien me poser 5 minutes au Col, l’air frais nous en dissuade, on enchaîne alors sur la descente, raide, technique.
Tendinites et courbatures sur muscles refroidis m’empêchent de suivre mes camarades, bons descendeurs, ils s’éloignent inexorablement… La pente se radoucit, j’arrive à recoller. Nous entrons dans la partie boisée aux racines et chemin toujours accidenté, toujours en courant. Cette fois c’est notre 3 ieme larron qui s’éloigne un peu, pour se taper une crise de nerf carabinée, nous entendons quelques bribes de son monologue
« ptain de chemin de merde… ça monte ça descend, aie… ça pète les genoux… ras le bol… qu’est ce que je suis venu foutre ici…. Chiotte… aie… Pas possible de m’faire chahuter par un chemin pareil… »
5 minutes plus tard il nous rejoint, régénéré.
Il fait toujours nuit, ma frontale n’éclaire plus, piles HS… Heureusement nous arrivons au petit ravito du Lac d’Oule. On se pose 5 minutes, changement de pile, grignote un peu. Cette fois le plus dur est fait, Christophe avait un peu sur estimé le temps à mettre, heureusement.
On repart sur une piste longeant le Lac, que l’on ne voit toujours pas. Christophe file devant toujours au pas de course, je ne le verrai qu’à l’arrivée, le lendemain, il nous aura donné un super tempo. On reste à deux, à marcher, l’attaque de la dernière montée est sévère, sur une piste noire bien raide… on s’accroche, l’aube se lève, enfin, elle était attendue celle là !
Le Col se profile, la dernière montée de ce GRP va s’achever…On rattrape encore un concurrent, encore plus haché que nous. Il est 6h30 au col, on éteint nos lampes, se prend un dernier coca au ravito. J’essaie de relancer la machine, petit pas par petit pas, la démarche est chaloupée mais j’arrive à courir encore un peu, mon collègue lui ne peut plus que marcher… J’ai hâte de finir, je donne tout ce qu’il me reste et file devant. La dernière descente, comme toutes les dernières descentes est d’une longueur inimaginable, mais la douleur se trouve adoucie par les rêves prochains de lit, de retrouvailles, de café croissant chaud, de douche, de sommeil…

J’entends les cloches sonner 8h, ça va faire 27h de course, encore 1 km de route avant de rejoindre l’arrivée, je savoure ce moment, tant rêvé toue l’année, de me retrouver là au petit matin, pour franchir la ligne… en compagnie de ma Doudou qui est venue à ma rencontre ! Dans la brume matinale, tout le monde est là pour fêter l’arrivée des A2Riens, merci merci !

Je rattrape un à un les concurrents, même une puisque la première féminine fait aussi les frais de ma résurrection. Petit rictus machiste, c'est mon côté réuninnais qui prend le dessus ! Néanmoins, je reste impressionné par sa performance, chapeau bas Madame. Le sentier est technique : des blocs rocheux immergés sous un ruisseau capricieux. Ça « glissouille » mais ça « merdouille » pas. Mon rythme m'auto-impressionne, je m'envole vers le col de Barèges bien décidé à finir « en boulet de canon » comme il m'est souvent donné de le faire sur mes ultra trails. Paul s'accroche comme il peut, je le sens moins à l'aise sur ce sentier réunionnais, handicapé de surcroît par la pénombre. Il assure malgré tout.
Le sommet franchit, nous basculons vers le lac de l'Oule puis le col de Portet. La descente est raide, c'est le moment de profiter de mes qualités « cabribondesques ». J'essaie d'accroître le rythme quand soudain de vives douleurs me clouent au sol. Mes pieds chauffent, brûlent, s'enflamment. La faute à de nombreux gravillons qui ont élus domicile dans mes chaussures et qui chatouillent mes pieds trempés... Chaque pas devient supplice, il me faut marcher, nouveau coup dur. La forme étant là, mon pas reste malgré tout alerte. Les concurrents avalés sur la montée vers le col de Barèges ne sont guère loin, je sens leur présence. Je m'accroche mais sais que l'ascension du col de Portet risque de m'être fatale.
Arrêt obligatoire au stand de ce col (après une montée extrêmement raide) pour changer de pneumatiques. « Point de podologue », me dit-on, « faudra ramper jusqu'à l'arrivée ». Je repars du ravitaillement le couteau entre les dents, la rage d'en finir. Qu'importe la douleur, je m'accroche, pense à mes prochaines vacances (changeons nous les idées) et fonce vers Vielle Aure. Paul reste dans mon sillage, quel plaisir de courir ensemble.



Merci Papa Maman, Parents de Seb et Cécile, Rom Dily Sandrine, Genevieve pour le soutien et les ravito tout au long de la course, même tard dans la nuit.
A Béru, Luc, pour les encouragements et la logistique internet de suivi heure par heure ! Tout comme à mes collègues de travail, notamment pour les « je suis à l’apéro, je bois à ta santé » en pleine montée du Cabaliros…
Des GR comme celui là, j’en ferai tous les mois !! Une organisation impeccable, un parcours magnifique à la fois roulant et technique, minéral, sauvage et pastoral avec comme fil conducteur de superbes lacs d’altitude.
Encore une fois une aventure sportive et humaine inoubliable.

C'est donc après 28h et 3 minutes (celles que j'ai perdu en vidant ma vessie une fois de trop !) que je franchis la ligne d'arrivée. « L'objectif 30h » est largement atteint, je rugis de plaisir et de fierté d'être « allé au bout ». Immenses remerciements aux nombreux soutiens dont j'ai bénéficiés pendant cette course : Annie, Daniel, Jean Philippe, Christophe, Guillaume, Brigitte, Sandrine, Paul,Anne Marie, Chris, Maman, Cécile... et à celles et ceux qui m'ont encouragé à distance. Affectueuses pensées pour mes deux loulous, Katell et Renan. Et puis, un grand bravo à toi, Raf, pour ton impressionnante 10ème place. Chapeau bas également à Ben pour son 7° rang sur le Grand Raid des Pyrénées, à Jérôme, pour sa première expérience réussie et tous mes encouragements à Geneviève qui vivra des jours meilleurs sur d'autres trails.
Enfin, nombreux remerciements aux organisateurs qui nous ont offert une course EXCEPTIONNELLE organisée de « main de maîtres ». Bravo à vous.

RAF et SEB

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commentaires

I
<br /> super les gars !<br /> Les Pyrénées, c'est réputé coriace. Encore bravo.<br /> <br /> <br />
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D
<br /> je suppose que c'etait une très belle experience;-)<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Bravo, à la fois pour vos perfs respectives et pour vos superbes récits ! On s'y croirait.<br /> <br /> Après avoir lu tout ça, j'ai fait le plein d'énergie pour le 23 octobre !<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Vraiment, un très grand bravo à vous deux pour ces très belles performances. Mais vous n'avez pas oublié d'ouvrir grands vos yeux et votre coeur tout le long de ce terrible raid. Encore bravo et<br /> merci de nous faire partager cette aventure.<br /> <br /> <br />
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