Je n’ai pas l’habilité en rhétorique de mon grand père ni la « plume » du Doudou ou du Coach mais je vais tenter de vous faire partager mes émotions sur les 45 heures et 21 minutes de Raid.
Le départ a été difficile. Toute la journée précédente (le jeudi), Raph et Florent se sont dopés de potion magique : hydrixir, malto, hydrixir+malto…Bref, je me suis laissé tentée : quelle erreur ! mon estomac n’a pas apprécié du tout ! et moi ne comprenant rien et mettant ça sur le coup du stress, j’en ai même rempli la gourde du départ…Assise dans un coin du stade, parquée avec les autres comme des moutons, la mine grise, le ventre contracté et Tatie venue nous accompagner au départ à 5 m derrière des barrières…Bref, pas terrible ce départ.
1h, 0 KM, St Philippe : Et puis, après le discours de lancement de la course (assez comique il faut le dire), Flo à mes côtés, nous avons senti une forte poussée de centaines de personnes et c’était parti !! Raph avait déjà filé : « à samedi Doudou !! Fonce ! » A une heure du mat sur la route nationale de St Philippe, mille personnes devant nous : c’est là qu’on se dit : « ça va pas vraiment la tête pour faire un truc pareil !! Mais ce qu’on est content d’être là !!! C’est génial ! » Et nous avons tenté d’appliquer le principe de Joël : alternance course / marche. L’objectif était de gagner un maximum de place pour éviter de se faire coincer, après les 17 km de route forestière, dans l’étroit sentier du volcan ; l’attente peut être de 10 minutes m’avait–on dit !! « vite vite ! » mais mon estomac était loin d’avoir dit son dernier mot ! Ne pouvant plus, j’ai arrêté de courir et laissé Flo.
3h20, 16eme KM, Fin de la route forestière : Je me suis débarrassée (enfin) de ce poison dans ma gourde et j’ai entamé la fameuse montée bien entourée ! Plusieurs hommes m’avaient déjà proposée de faire la course avec eux : à quelques km du départ, c’est un peu tôt pour trouver ces compagnons de route !Mais ceux qui l’avaient déjà fait m’ont donné plusieurs conseils que je n’ai pas oublié : merci à eux !
La montée a été dure ; j’ai eu du mal à m’habituer à ma banane qui porte mon bidon en travers : pas pratique ! J’avais repéré le parcours déjà deux fois mais là, des crampes dès le départ ! et une ampoule sur le bout de pied… « Ben ce n’est pas gagné cette histoire !! » Sébastien m’avait dit, c’est important dans les moments de difficiles de repenser aux raisons qui t’ont poussé à faire ce challenge et aux moments d’entraînements où tu t’es fait plaisir. Et en pensant très fort à mes petits secrets (vous m’excuserez, c’est la seule chose que je ne vous livrerai pas), le soleil s’est enfin levé pour découvrir un superbe panorama sur St Philippe…Ca discute beaucoup autour : les premiers slogans « on ira tous au…à la redoute, on ira… », les premiers abandons, les premiers compagnons : « les personnes ensemble au volcan arriveront à 1 heure prês ensemble à St Denis ». Je ne pense pas que ce soit vrai pour moi.
24emeKM, Focfoc : rapide arrêt pour boire un peu, je suis dans les millièmes. Je ne pensais pas car j’ai pu monter à mon rythme sans attendre plus de 3-4 secondes dans les endroits difficiles. Je regarde l’heure : aye, faut que je me dépêche un peu pour être à 8h à la Plaine des Sables comme sur le planning initial « Désolée Maman, j’étais stressée hier et je pensais que j’étais capable d’arriver un peu plus tôt, tu dois attendre dehors depuis un bon moment… ». Allez : il faut courir un peu ! On alterne, course /marche…Allez, vite, Maman attend.
8h, 31ème KM, Plaine des Sables : Enfin : le ravitaillement ! Maman m’appelle et prend des photos : « on se retrouve derrière ». Je file pointer. Dominique Olivier de SR m’accueille et me félicite ! « Un peu de soupe ? » - Et Raph ? « il est passé il y a bien longtemps, un super temps ! en pleine forme ! » Il doit arriver à Marabout bientôt. Un ami m’aborde : Félicitations ! moi aussi je l’ai fait plusieurs fois ! (zut je ne le reconnais plus…sympathique mais d’où ??)
Cela fait du bien de s’arrêter un peu mais pas trop ; principe du coach « l’objectif du ravitaillement est d’en repartir et le plus tôt possible »…on refait le plein de bonbons (Vives les bonbons au miel !!!) et autres sources d’énergie et on y va. Bon : l’oratoire Ste Thérèse, on l’a fait avec Raph, il y a 3 semaines, un détail cette minie montée. Allez ! Ca y est, je sais ! le supporter, c’est un partenaire du cours de danse et ben dis donc, il en a fallu du temps !! Et maintenant, il faut courir ; ce n’est que de la descente jusqu’à Marabout. Plusieurs fois, le sentier recoupe la route. Sachant que Papa et les parents de Raph vont se rendre au volcan, je me dis que j’ai une chance de les voir sur la route…non, personne de connu à l’horizon mais beaucoup d’encouragements de la part de supporters le long de la route, cela fait chaud au cœur ! La partie des prairies, toujours agréable et enfin au loin le prochain ravitaillement. Là j’ai du retard sur le planning.
11h30, 50ème KM, Marabout : bon, il y a la route nationale à traverser puis la route à remonter vers le départ du sentier du Piton des Neiges. Que c’est long ! Mais qui vois-je ?? Petite blonde débordante d’énergie, c’est Aline !!!! Quel accueil ! On rigole, elle trouve que j’ai bonne mine, elle alerte les musiciens : « il faut jouer pour ma copine ! » et je l’embrasse très fort et repart en courant vers ce fichu ravitaillement si loin… Cela fait du bien de l’avoir vu ; elle m’a donné des nouvelles de tous : les mauvaises (abandon de Yann, le Doc mal en point) et les bonnes (Bruno et Joel marchent ensemble, le Doc et Flo aussi, Raph fait une super perf !). Enfin, Maman ! Je vais pointer. Papa, Annie et Daniel ne sont pas là. Ils sont rentrés car c’est bouché pour voir le volcan. Je pensais que nous picniquerions ensemble à Marabout, tant pis ; Papa suit mes perf depuis son ordi : elle est 19eme ! Là, le dos fait un peu mal ; Maman me masse les mollets et le cou (A ma demande, elle s’écrit estomaqué : « Mais tu ne m’as pas appris ! » Elle sera rodée pour les prochains ravitaillements !), cela fait du bien. Je n’avale pas grand chose mais rempli mes poches. Bon, c’est reparti !
Aye aye aye la montée du Kerveguen…Pas de boue jusqu’à maintenant, c’était inouï et là ça se gate…Et ça monte. Cette pente crève cœur est en train de tuer ! Pourtant je la connais ! Les hommes abordent facilement les femmes. Plusieurs me font partager leurs souffrances physiques et psychiques (psy jusqu’au bout). Un raideur en profite même pour évoquer ses malheurs en amour et se vexe un peu quand j’arrive à placer Raph dans la conversation : il ne s’imagine quand même pas que sous prétexte qu’on est ensemble par hasard sur cette montée du Kerveguen en pleine nature, je fais finir par faire sa cuisine et son jardin, non ??? Enfin, j’accèlère un peu. Lui hélas aura du mal et la Croix rouge finira par le récupérer. Il faut que je double deux couples car ils grimpent bien mais ont peur de glisser à la descente : je ne veux pas être gênée après le ravitaillement. Bon un petit coup de fouet pour la fin et une bonne soupe en haut : musique à fond, la grande montée est finie !!!
15h00, 59ème KM, Kerveguen : On ne traine pas au ravitaillement ; Seb m’attend en bas. J’ai repris assez d’énergie pour me faire plaisir sur la descente. A l’entrainement, on s’était bien amusé avec Raph.
Aye aye, aye…je ne sais pas où avec Raph on avait trouvé la descente agréable pour courir, car franchement, je ne sais pas : à chaque virage, je me dis : ça y est, tu vas pouvoir dérouler ! quelle illusion ! Je peste toute seule, en me disant, si maintenant, tu peux courir ! Enfin, la route !
16h00, 63ème KM, Bras Sec : Seb appelle : « mais tu es où ? » « J’arrive, j’arrive, je suis à Bras Sec. » « Ok tu en as pour une demi heure. A tout de suite ! » Un conseil : ne jamais écouter Seb sur les temps de course ou de rando !!!! sauf quand il parle à Raph ! Car la petite ravine à traverser est loin d’être une petite ravine : seul bout du parcours qu’on avait pas reconnu avec Raph. Je m’attendais vraiment à un radier, pas à ça !!!!!! Heureusement, je ne suis pas seule : repartie au dernier pointage avec un couple, nous nous soutenons pour arriver à Cilaos ensemble.
16h50, 67ème KM, Cilaos : ce cirque que j’aime tant. Hé bien, je pensais y arriver plus mal en point que ça. Un peu mal partout quand même. Seb et là avec ses parents : merci, merci ! J’enfile la tenue de nuit (collant, haut à manche longue, petite polaire). Pas le temps de voir un kiné ni un podologue. Son père me masse les jambes et les pieds : quel soulagement ! tandis que Seb s’est occupé de mon sac : quel efficacité ! Il est un peu inquiet de voir que je n’ai mangé aucun sandwich…ça passe pas. La petite famille m’envoie à la cantine et redescend rapidement dans les bas car Seb doit remonter au Maïdo et redescendre à Roche Plate pour m’accompagner tout à l’heure. Il n’arrête pas depuis cette nuit ! Au ravitaillement, j’essaye de manger quelques pates, pas terrible. Je tremble comme une feuille. Un raideur à côté se rend compte de mon état et me fait un sacré sermon pour que j’aille prendre une soupe : merci, merci cher inconnu (mignon en plus !) de m’avoir forcé à avaler cette soupe car j’en ai eu vraiment besoin après ! Je ne traine pas car trop froid. C’est avec un coup d’œil et une pointe de regret vers le stand des podologues que je quitte Cilaos…
Nous sommes 3 filles. La discussion va bon train (« pourquoi tu fais le raid, qu’est ce que tu fais dans la vie… ». Les jambes suivent, il fait encore un peu jour sur la descente. Sarah, une des deux filles avance un peu plus vite mais se force à rester avec moi : » puisque nous sommes ensemble, nous arrivons demain midi, je resterai avec toi ! ». Je lui réponds que cela me semble difficile et que j’ai tablé sur le début de soirée. Elle est très sportive et je ne veux pas me forcer à suivre un autre rythme que le mien. Elle rejoint un autre groupe. Nous nous croiserons que les différents ravitaillements sur lesquels je ne traine pas mais elle me redoublera sur les sentiers. J’ai un rythme assez régulier en montée.
74ème KM, Bas du Taïbit : c’est avec surprise et beaucoup de plaisir que je suis accueillie par un confrère du Pied de Raisin, Jean Laurent qui pointe les coureurs ! Le travail d’assistance et de pointage est aussi très long et difficile pour tous ses bénévoles qui rendent ce challenge possible : merci à vous tous !
Ascension du Taïbit : dans les récits de course, on maudit souvent le Taïbit. C’est pourtant une ballade agréable à faire à la journée mais au milieu d’une Cimasa ou d’un Grand Raid, même si on connaît chaque marche, c’est dur. L’association des 3 Salazes nous offre chaleureusement un ascenseur ! « Avec ça, on ne peut qu’arriver en haut ! » ; Je repars toute seule ; quelques personnes devant, quelques personnes derrière. On ne reconnaît rien de nuit. Rien. Après chaque virage, je m’attends à être au Plateau des fraises. Je mets un peu de musique pour me motiver mais les paroles me tournent la tête. Au col, beaucoup de vent. Je dois appeler Seb pour le prévenir : répondeur ; j’ai une voie d’outretombe. Il est temps de prendre un tube de guarana pour se stimuler un peu : beuarkkkkkkkkkkkkkkk quelle horreur !!! Ca accompagné d’un bout de powerbar suffisent largement à me retourner l’estomac. La descente de marla se fait doucement doucement. Certains coureurs s’arrêtent pour m’aider mais tout va mieux maintenant que l’estomac est vide… Je ne regarde même plus l’heure ; je suis « hors délai » par rapport au planning.
23h00, 80ème KM, Marla : Pause au ravitaillement ; il faut que j’enlève ses chaussures qui me brûlent la plante de pieds. Je me mets dans un coin et me masse un peu. Il faut froid. Ca ne va pas fort. Je me bouge un peu pour me mettre sous les tentes. Il faut que j’arrive à manger un peu : coca pour ménager cet estomac si capricieux, puis soupe. Sarah est parterre dans sa couverture de survie, elle n’est pas non plus au meilleure de sa forme…On discute beaucoup avec les compagnons de cette folle aventure : Stéphane, Nadine,…Doudou m’appelle : dur dur , il est à Aurère. Je pensais être un peu plus dynamique quand on s’appelerait…J’appelle Flore pour la prévenir de mon arrivée. Elle me motive en me disant qu’il y a des kinés à Roche Plate. Les jambes, les genoux et surtout mes pieds qui brûlent ! Je crois faire une marche sur le feu à chaque pas ; quand à l’estomac, n’en parlons même pas…Allez, c’est reparti ; Steph de son côte se met en route et de Roche Plate vient me trouver sur le chemin. C’est fou, je me fais sans cesse doubler et pourtant je gagne des places : bizarre ? je gagne au ravitaillement où je ne traine pas ?
Trois Roche, 3 KM après Marla : ayant complètement oublié la partie Trois Roches / Roche Plate (je vous jure qu’aujourd’hui je le l’oublierai plus !). Je m’imagine que Steph est déjà là ! Déception…Bon, coca et c’est reparti. Et là, c’est vraiment avec une lenteur d’escargot que j’avance, que j’essaye d’avancer. Les douleurs sont vraiment durent à supporter : on peut dire que cette partie a été la pire de toutes…Ce qui est étonnant c’est que les yeux ne se ferment pas. Je n’ai pas à lutter pour les garder ouverts. Un seul objectif : St Denis. Surtout ne pas penser à tout ce qu’on vient de parcourir, surtout ne pas rappeler au corps ce qu’il vient de faire, il ne le sait que trop. Enfin : « Stephane !!!! » « mon sauveur !! dis moi qu’on est plus loin de Roche Plate !!! » hé là, le mythe tombe… « Il y en a pour une heure environ : Une première longue montée, un replat, une deuxième plus courte, un replat, une troisième petite et 20 min de descente, et on sera arrivés ». AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH, je veux mourir !!!!!
Alors là, c’est l’enfer : chaque fois qu’on nous double, j’en profite pour m’asseoir sur un roche et attendre…quoi ? Steph est désespéré : « Sandrine, je ne peux rien faire pour tes jambes, je ne peux rien faire pour te pieds, je suis désolé ; allez, on y va ! » L’Agonie… Stéph essaye de me motiver en me disant que Seb est en chemin, on arrivera ensemble…je crois qu’il n’y a plus grand chose qui puisse me motiver sauf…Le kiné !!!! Et sur la descente, que vois-je ? un groupe de raideurs nous rattrape et va Me voler Ma Place chez Mon Kiné !!!! Alors là non ! je pars en trombe, juste en disant à Steph : « vite, ma place chez le kiné !!!!! » Steph ; au téléphone avec Flore pour la réveiller et lui dire qu’on arrive, hallucine complètement : « elle va arriver avant moi ! »
3h50, 89ème KM, Roche Plate : « Vite, Salue Seb ! où sont les docteurs ??? Vite ! » Lui, tout comptant d’être arrivé quasiment en même temps que nous, croit qu’on va pouvoir repartir dans 10 min : il rêve !! Bon, l’infirmerie est remplie de cadavres mais un lit se libère par chance à mon arrivée. Dany et Flore arrivent ; Flore va me sauver grâce à son tube de niflugel et son sourire. L’infirmier (épuisé) accepte de me masser la plante des pieds (ni bleue, ni jaune, pas d’ampoules, mais alors ce que ça brûle). Dany aussi (merci mille fois à vous tous) me remet les jambes à neuf. Le coach m’accorde un petit repos (1h que je ne vois pas passer). Quand il revient avec Dany me réveiller, c’est assez terrible. Flore et Steph me diront par la suite, qu’à mon départ, ils n’y croyaient plus… Je n’ai pas l’impression d’avoir dormi du tout. Allez : soupe, on remplit le sac, et c’est reparti ! Il est 5h30, ce samedi matin. Si je veux profiter de l’hôtel et de la piscine réservée par Maman, il faut arriver ce soir !
Le 640 goût vanille passe assez bien. Cela fait longtemps qu’on n’a pas eu de nouvelles de Flo : que se passe-t-il ? peut-être qu’il a dormi aux orangers ou aux lataniers, on le récupérera en passant. Le journée se lève et avec lui : l’espoir et la forme reviennent, c’est assez magique ! Seb me raconte avec passion la lutte acharnée des premiers : Félicitations à Thierry et à Karine Herry ! Je réalise que je me suis trompée sur mes temps de passage et ma tenue de jour (short, T-shirt) se trouve à Deux Bras : on y sera pas avant 14 h , ouah !!!! D’après Seb, ça devrait aller : on fait la montée de Cayenne à l’ombre, le reste est couvert et après descente depuis Aurère.
On a un bon rythme. Le massage m’a rendu mes jambes et mes pieds, c’est merveilleux ! Joel appelle Seb pour prendre des nouvelles ; lui a dû abandonner à cause du genou : « Comment va Sandrine ? » Je réponds : « Mal partout mais ça va ! »
Et qui croise-t-on en bas de la descente des lataniers ? Flo !!! Je me mets à crier : « Allez ! Vive l’équipe A2R ! La seule encore en course !!! On va finir ! Allez Flo !! » Sauf que Flo n’a pas tout à fait le même enthousiasme que moi et grimace à chaque pas…Aye…Sur la remontée de Cayenne, Seb me dit : « Ne casse pas ton rythme, continue, je vais retaper Flo, on te rejoint. Ne ralentis pas ! »…Je n’y crois pas une seconde. C’est avec tristesse que je repars seule. J’ai vraiment envie d’appeler le Doudou pour lui dire que Flo est vraiment mal et que Seb me raconte des bêtises pour que je continue…Je continue tant bien que mal jusqu’à Grand Place. J’ai repéré une raideuse Sylvie que j’ai dejà croisé plusieurs fois. On se suit à distance.
8h30, 99ème KM, Grand Place : Pointage. Tiens je n’ai pas perdu tant de places que ça avec mon long arrêt de Roche Plate ; beaucoup ont fait comme moi. J’appelle Maman pour lui dire que je suis repartie : « et Raph ? » « On l’attend, il va arriver d’une minute à l’autre ! » Enfin une bonne nouvelle, allez Doudou ! Je te rejoins !! Repose toi bien, Félicitations ! Je repars en suivant Sylvie de loin.
Les montagnes russes de la boucle entre Grand Place - Ilet à bourse - La Plaque – Ilet à Malheur - Aurère, je les connais. Un raideur me laisse passer en descente et me redouble systématiquement en montée : chacun son rythme ! Petit problème technique. Je n’ai pas repris de l’eau depuis Roche Plate. Et il n’y a plus rien jusqu’à Aurère : pas grave : je me sers dans le petit ruisseau d’Ilet à Malheur. Au point où j’en suis, la diarrhée attendra bien mon arrivée. Sylvie et moi nous serrons les coudes sur la montée.
12h00, 108ème KM, Aurère. Moi qui pensais faire une bonne pause (« Mon royaume pour des chaussures !!»), je me laisse entrainer par Sylvie : une soupe, un toast, une salade de fruits, un petit massage de pied (grâce à sa crème : Merci encore !!) et 1 cachet de ??? qu’elle me donne contre la douleur (merci mille fois !!!), et on repart. A vrai dire, elle repart juste 5 min avant moi et je n’ai pas pu la rattraper sur la descente. Seb et Flo ne sont pas loin : Flo va mieux, c’est cool !
Je fais la descente avec de sympathiques rastas dont certains font l’assistance d’autres la course. On rigole bien et ils m’empêchent de dormir car à partir de là, je dors vraiment debout. Un de plus qui dira : je t’emmène avec moi à St Denis. Mais…il ne comptait pas sur l’arrivée inattendue et violente de Flo et Seb ! Allez, on file à St Denis ! Prends le train en route ! Et mes rastas hébétés n’ont pas suivi !
12h48 : Texto de Line (qui a fini le semi raid en championne, la veille) : « Que la force soit avec toi !» Elle ne me quittera plus…
14h00, 117ème KM, Deux Bras : Quelle chance que Mafate soit couvert aujourd’hui ! Finalement, je n’ai pas souffert de la chaleur et je vais garder mon collant jusqu’au bout. Flo ne s’arrête même pas. Nous juste, 4 min pour recharger le sac et boire une soupe (je n’en peux plus de ces soupes ! mais il faut reconnaître que cela descend bien). Encore un peu de 640 : quel produit miracle (c’est une sorte de Cérélac en moins bon) !
La grosse dernière montée se passe sans problème. Sylvie nous suit. Elle ne connaît pas le parcours. Moi, devant je parle à Seb mais ce n’est pas toujours lui qui répond !! C’est assez drôle ! Et les autres coureurs continuent la conversation comme si de rien n’était !!! Sur la fin qui finit pas, la pause technique devient vraiment problématique. Aucun espace mis à part le petit sentier et les ravitailleurs descendent à la rencontre des coureurs : pas moyen d’être tranquille !! Seb finit par arrêter des marcheurs pour que je puisse me soulager ! Pas évident d’être une fille sur une course !!!
Les encouragements pleuvent le long de la route (cela manquait un peu dans Mafate) et toujours beaucoup de respect et d’admiration pour les femmes et ceux qui les accompagnent ! Le stade est encore caché derrière plusieurs rues, c’est long !
16h10, 124ème KM, Dos d’Ane : On a un peu d’avance sur ce qu’on avait prévu : heureusement Tatie et Tonton sont là !! Merci !!! Je souris mais ça ce voit que je plane un peu. Je rêve toujours d’un podologue pour mes petits pieds et de changer de chaussures : Miracle ! Voici mes vieilles montrail pourries que j’ai vraiment regretté de ne pas avoir dans Mafate ! Les voilà enfin !! Après un super massage (Merci Seb), me voilà dans de vrais chaussons : le bonheur ! Tatie nous offre de son délicieux gâteau marbré qui m’aidera à finir cette course ! Tonton me demande si le pire du Grand Raid c’est cette montée de Dos D’Ane : Non ! C’est Marla – Roche Plate de nuit le pire ! Flo a 20 min d’avance, il fuse. Laurent est là aussi. On s’était vu à Roche Plate à l’infirmerie, il était bien mal…Là, la forme. Allez, dernière vraie montée, puis les 400 marches du coup de cul et après c’est roulant. On se donne rendez-vous au Colorado avec Tatie et Tonton : d’ici 5 h !
Et là, je commence vraiment à planer…J’entends Seb qui me dit : « C’est magnifique ! Dommage que je n’ai pas l’appareil photo ! » Je lui réponds : « Tu me raconteras, je dors ! » Effectivement le coucher de soleil sur Mafate et Dos d’Ane est superbe !!! Et je me souviens alors de plusieurs voix qui me disaient : « Dos D’Ane à Colorado, c’est très roulant, agréable pour courir. Mais de toutes façons, tu ne courras pas sur cette partie ! » « Et Pourquoi pas, Messieurs ??? Hé bien si !!! » Les paysages se mettent à défiler, et on file comme l’air pour faire un maximum de jour. Je ne veux pas entamer la troisième nuit ! J’ai trop souffert la nuit, je ne veux pas !!!! Séb me dit ce serait super si on arriverait de jour aux kiosques ! Quelle énergie retrouvée ! Je suis en train de rêver que je finis le Grand Raid ! je suis en train de vivre les rêves que j’ai fait avant d’entamer cette folle aventure ! Je suis complètement en dehors du temps ! Et mon esprit est complètement déconnecté de mes jambes. J’ai l’espoir vain de rattraper Flo. Le fait que Ilena, sa fille l’attende à l’arrivée lui a aussi donné des ailes ! Je me fais doublée par une folle en K-way vert fluo : c’est Sarah ! « Et Attends, on a dit qu’on finissait ensemble !! » Mais on ne la rattrapera pas. On court comme des fous à travers les goyaviers, malgré la pente, malgré les branchages, on court. De temps en temps, je m’écris : zut mon k-way ! Mon super K-Way Hi Tec ne doit pas être égratiné ! C’est la seule pensée terre à terre qui revient de temps en temps. Ca ne finit plus…Cette descente et ces petites remontées (je m’imagine toujours que ce sont les dernières) m’achèvent ! Enfin, le Colorado : un peu triste de nuit. Malgré le sens d’orientation de Seb, on arrive à trouver le stand à travers le brouillard. De la musique !
20h30, 138ème KM, Colorado : La famille est là : surprise, Olivier et Marie aussi ! Merci ! Par contre Tatie n’est pas là, est-elle rentrée ? Nous sommes séparés par une grille, c’est un peu frustrant ! Le temps de remplir les gourdes, un bisou au Doudou et hop. C’est reparti pour les 5 derniers km mais alors quels kilomètres ! Aye Aye Aye. Je ne les connais que trop bien…Et je n’ai pas du tout envie avec mes pieds qui brûlent et mes jambes endoloris de les parcourir. Le téléphone sonne : C’est mon frère !! Il a suivi la course toute la nuit, il s’est levé toutes les heures pour voir où on en était !!!! « Allez, c’est la fin !!! » Mais mes objectifs sont atteints, je vais finir et finir samedi soir. Je sors de la course et craque complètement devant ces cailloux et branchages ; cette descente qui nous nargue avec le stade au loin…J’ai mal partout. Moi qui ne suis pas tombée une seule fois sur la course, je vais tomber tous les 500 m, rattrapée de justesse par Seb. Nous sommes avec deux raideurs métropolitains qui ne connaissent pas le parcours et sont à bout comme moi. On essaye de se soutenir. Des filles passent, tant pis. Je ne me suis pas battue pour la place ; je ne vais pas commencer maintenant. Je dis à Seb que je suis désolée mais mon objectif est atteint ; je ne peux pas faire plus. Et le calvaire de Marla recommence : je m’arrête chaque fois qu’on me double…Avec un coup de fouet, je repars un peu…Enfin les lacets de la fin que j’avais coupé à l’entraînement. Mais ce n’est pas fair-play d’après le coach : alors nous les faisons tous…Enfin le panneau St Denis. Moi qui avait prévu de pleurer en le voyant, je suis si fatiguée que je passe à côté sans sourciller…
22h20, 143ème KM, St Denis : La dernière avenue qui mène au stand : allez, il faut courir pour le « fun ». Eh : « Thierry ! Le champion !!! Félicitations ! Bon, je vais pointer à tout de suite ! ». Et le bout de la descente : « Tatie ! Tu es là ! » « Attends, je veux te prendre à l’arrivée, attends ! » Mais là, je n’ai plus qu’une envie : franchir la ligne et le plus vite possible ! Un sprint ! Qui aurait dit que je finirais en sprint !! Je vois Cécile qui essaye de courir devant pour les photos ! Et enfin, le panneau : 45h20 ! Ouah ! Où sont Raph et Flo ! Je pensais que l’équipe A2R franchirai la ligne ensemble !!!! Ah, ils sont là derrière la grille ! On s’embrasse ! et je constate hélas qu’ils ne sont plus en état de courir ….
Et le coach, celui qui m’a sorti de Mafate : où est –il ?? Encore à papoter avec Thierry ! Toute la famille est là, Bruno, Valérie, Olivier, Marie, Cécile, Thierry aussi : cela fait du bien ! Enfin, c’est fini ! Enfin, je peux enlever mes chaussures et m’allonger, enfin…
Merci à tous ! Merci !!!