Oui, je me suis fait plaisir sur la première partie mais…non, c’est fini…
lisez plutôt la suite…
Avec Flore, on avait essayé de prévoir au maximum, pour bien gérer notre stress et attaquer cette épreuve dans les meilleures conditions ! montée à Cilaos dans l’après-midi, repas à 19h (pâtes bien sûr + compote), dodo ensuite, réveil bien 2 heures avant pour que le petit déj (640 pour moi) soit bien descendu au moment du départ (4h), 1eres pensées pour les Grands qui sont déjà partis ! « Allez, tenez bon ! »…Et l’imprévu arrive : la poche de Flore est percée…ZUT…Bruno qui m’avait tellement effrayée avec son semi raid d’il y a deux ans m’avait convaincue d’emmener une deuxième poche. Et là, je me suis sentie si bête…J’avais effectivement une deuxième poche identique à la mienne mais sans les fermetures (bouchon, pipette)…Désolée Flore…Panique, heureusement que Bruno et Jean Louis sont là ! Mais c’est donc l’estomac un peu noué de cet événement qu’on se retrouve sur le stade. Des connaissances : Gilbert, un viticulteur de Cilaos, les copines de Flore, René, Bruno…cela fait plaisir d’être entre « fous ». L’attente (bien qu’on soit arrivé tard) est longue. Puis : 5…4…3…2….1…PARTEZ ! et là, comme au grand raid l’an dernier, ça part vite, très vite ! On envahit Cilaos. « Flore, bon courage, ne lache pas, tu vas y arriver ! ! » Puis le peloton de course s’étale de plus en plus mais je reste très très entourée. On file sur la route du Taïbit : je me sens bien ; je crois que je ne suis pas trop réveillée et que le corps suit sans se poser de questions.
On arrive au pied du Taïbit : « Ouah les lucioles géantes éclairent déjà quasiment tout le sentier ! » Ravito express, pas de pointage. Et mais c’est Franck ! « T’es là, ça fait plaisir de te voir ! Oui, à plus tard ! » Franck c’est l’ami d’enfance de ma cousine. Je n’ai pas trop espoir de le revoir sur cette course. Il est moniteur de sport, c’est un bon ! Montée du Taïbit : de nuit, on perd vraiment ses repères, avec 60 km dans les pattes ou juste 7km, c’est pareil. Ce Taïbit, on avance pas et pourtant, le rythme est rapide. Je suis littéralement asphyxiée par les « rejets boucané lentilles » : moi qui adore les lentilles, là j’en ai ma dose ! ! ! et puis, j’ai beau dépasser les coureurs, les odeurs sont toujours là : quelle horreur ! ! ! Je pense à Steph sur la dernière sortie à Cilaos ! Et puis le soleil se lève, enfin les rayons éclairent les sommets du cirque : les montagnes rouges, c’est superbe ! Je suis super contente d’être là ! Le sommet, vite : « tiens Franck ! t’as le droit de me semer en montée mais pas en descente ! » Mais les autres coureurs ne descendent vraiment pas assez vite ! impossible de doubler…tant pis, je me réserve. L’arrivée sur Marla permet quelques dépassements : le bonheur ! de l’air pur (enfin) et un goût d’enfance, aux côtés de Franck, on cavale ! Ravito express encore une fois…Franck a l’air moins pressé mais me suit.
Allez, Marla / Plaine des Tamarins, on a dit 1h ; petit raidillon de 20 min. Un gel, c’est parti. Super dans les temps ! « Coucou Jean Louis ! T’es seul ? t’as pas trop froid ? et les autres ? – René a tracé, toi aussi, dis donc ! – Heu oui, le coach dirait que je vais peut-être un peu trop vite…Mais j’en profite tant que j’avance… Merci ! A plus !» Express encore…La descente : moi j’aime la boue ! ça glisse, je suis très à l’aise ; en plus, le peloton s’est enfin distendu, j’ai de l’espace ! Recharge d’eau et ADEP après col de fourche puis passage rapide en bord de route alors que beaucoup de coureurs s’arretênt: « Allez Sandrine ! Sandrine de la DAF ! - pas mal ! moi c’est CNASEA ! merci ! » (mais je ne peux pas vous dire qui c’était ? si l'inconnu se reconnait...). Et la descente vers le sentier scout. Un coureur me coache : « respirez Madame, soufflez, allez ! » La descente est longue. Je suis encore braquée sur les temps : on avait dit 1h30 pour arriver à Aurère, vais- je y arriver ? ? ? ? enfin la première case de la plaque, ça devient plus dur mais je me répète qu’en principe, c’est une partie agréable à courir sous les filaos. Les enfants d’Ilet à Malheur nous proposent des oranges : sympa ! « Allez Sandrine ! » (tiens comment elle sait ? elle n’a pas pu voir mon dossard ! Je tourne la tête) « Ah ! Salut Audrey ! ! ! » (copine de lycée, instit à Mafate). C’est rigolo de voir des têtes connues, cela fait plaisir ! Allez montée d’Aurère : il fait chaud, très chaud…pourtant c’est à l’ombre mais l’air est sec et la tête tourne un peu. Seb a dit de bien boire. Allez, ça va pas durer. « Madame, encore un petit quart d’heure et c’est fini ! » (Ouais, je suis pas sûre…la fin est loin…est-ce qu’il dit ça à tous les coureurs ? j’espère qu’il a tenu compte du fait qu’on va moins vite que les premiers ! ). Enfin, le sommet, mais où donc est cette école ? Je puise dans mes souvenirs grand raid et puis : « Marie, cool ! T’es là ! » Mag me pointe. Un copain de Raph est là : Olivier (escaladeur). Je pensais pas le rattraper. On parle mais Marie est efficace (recharge de gels, eau) ; grignotage et enfin des nouvelles des Grands ! Doudou fuse ! Les autres vont bon train. Cette pause m’a fait du bien ; je repars. 1h de descente d’après Olivier : faut se dépêcher alors ! Il me demande quel temps j’ai prévu : 12 à 14h. « A ce rythme là, tu vas y arriver ! - Je suis pas sûre, faut pas trainer ! » Et c’est reparti.
Arrivée à Deux Bras après avoir un peu trottiné mais l’estomac a faim : pas très bon. Le sandwich dans le sac ? J’y pense même pas : trop dur à avaler, course trop rapide…Tiens Franck de nouveau ! ! ! Cela doit faire au moins 15 min qu’il est là, toujours zen avec Laurent (autre copain d’enfance). J’engloutis une banane et après leur avoir donné des nouvelles de mon homme, je leur dis : « vous me rattraperez dans la montée ».
Un peu de gel avant d’attaquer et là…début de l’agonie.
Hé oui, cette fameuse montée... Je savais que j’allais prendre un coup, mais je la connais. « Le dernier tiers est horrible, le reste, ça va » : quelle blague ! ! comment ai-je pu dire un truc pareil un jour ! C’est fou au grand raid avec 100 km de plus, j’ai presque apprécié cette montée ? ! ! ! je ne sais pas si c’est la banane mais alors…1h45 pour monter ! et à chaque pas, je me sentais lourde ! Les coureurs qui ne connaissent pas me disent : « mais c’est horrible ! - et encore, le pire est à venir… » Franck passe puis Laurent qui reste un peu avec moi… « Allez Sandrine, accroche le train … - Heu doucement doucement… » Je pense au ravito : Tatie doit m’attendre depuis 10h…je change de chaussures ? non, je repartirai pas sinon…faut écourter la pause au max…Aye aye aye mais quelle horreur ! Quand je pense que j’ai dit à Flore que ça montait pas trop dans cette course…. Surprise en haut : Bruno ! Aye, ça va pas, il est pâle et lâche l’affaire…l’UTMB laisse des séquelles…ne tardons pas parce que sinon, je vais y rester aussi.
Enfin le stade mais dur de respirer jusque là dis donc…je ne sais plus par où commencer : recharger l’eau, les gels…Le classement me remonte un peu le moral : tout le monde est à la rue en ce moment ! Tiens Franck avec son bébé ! Il fait encore une grande pause. Tatie me masse les jambes, ça fait du bien. Je lui laisse ma gourde trop lourde. Son délicieux gâteau qui m’avait aidé à finir l’an dernier ne passe pas…Mauvais signe. Elle ne sait pas trop où en est Raph.
Allez, c’est reparti pour cette fin que je garde comme excellent souvenir au Grand Raid !
L’ascension : faut se motiver là ! mais impossible de respirer. Une douleur dans le bas ventre, insupportable. Je suis malade ou quoi ? ! ! ! et douleur dans le dos aussi, terrible. Sur les hauteurs de Dos d’Ane, je me dis : c’est ta sacoche : le lait nestlé et tous les gels et barres que tu n’as pas mangés, te cassent le dos. Impossible de courir sinon, l’estomac va aller mal. Les coureurs et coureuses passent…dur dur le moral. Et ce chrono…ZUT…je prends la sacoche en bandoulière (ce qui me coince encore plus le thorax mais soulage le dos). C’est fini les courses longues ! Ca fait trop mal ! Trop dur, pourtant les jambes vont bien, je ne titube pas, je sens qu’elles peuvent encore pousser, malgré les douleurs (habituelles) de l’épreuve…elles sont où les « endorphines » ? ? ? Je ne suis pas montée assez pour en sécréter on dirait ! Je pense à Raph, aux autres…je pleure d’avance pour eux quand ils auront à passer par là…Les pauvres… et puis d’un coup, plus mal au dos et surtout le déclic : arrête de penser au chrono, tant pis pour le classement ; il y a qu’un objectif valable, c’est de finir ! ! Allez, avance ! le reste : oublie !
Plaine d’affouche : la bande à Franck (qui m’a redoublé) est là. Un coca et je repars. Aye ! trop vite, pas bon, pas bon du tout…Beurp…non pas ça…ça va être pire après, non …trop tard.. . un endroit de plus dans l’île où j’ai posé ma marque…au moins, le coatch pourra pas dire que je suis pas allée au bout…c’est le bout, là non ? Laurent est inquiet : j’ai vraiment une sale tête. Mais je leur dis que doucement j’y arriverai et que ça m’énerve d’être allée plus vite l’an dernier sur cette partie…Comment j’ai pu courir à fond, là, l’an dernier ? mais comment j’ai fait pour avoir cette sensation de vitesse ? ce que je me traine aujourd’hui! ! ! Maman inquiète remonte le sentier et me retrouve près de la « boule » du colorado, toujours pliée en deux, à respirer comme un petit chien. « Maman, ça va pas ! – il est hors de question que tu repartes dans cet état, tu vas voir le médecin ! – tu crois…mais il reste que 5 km… ». Les nouvelles de Raph (qui carbure) et des autres coureurs me réconfortent ; ils avancent : « allez, tenez bon ! » Au ravito, allongée je respire mieux…mais quand le médecin me dit : pouls à 69, tension à 13/6 ! alors là, d’un bond, je me relève ! « Quoi, je rêve ? ! même au repos je ne suis pas à 69 mais je fais une promenade de santé ou quoi ? ! ! ! je repars ! – Madame, vous avez le temps, vous êtes quasiment arrivée ! Reposez-vous ! Non, je repars si vous me le permettez ! »
Et puis, la fin comme les km précédents…sans sacoche, avec le lait nestlé (sur les conseils de Géraldine et c’est efficace !) et un gel en main, pliée en deux, respiration « petit chien » toujours…Maman me rejoint. C’est presque la fin ; Cécile appelle, Patou aussi : Maman répond car moi je ne peux pas respirer, marcher, parler, manger…et petit sprint sur le stade, dur dur mais c’est la fin. Rebelote chez le docteur. Même pas le temps d’embrasser Papa qui est là, Tatie…Paramètres excellents (glycémie à 1.6, pas de fièvre), ce qui contribue à m’énerver. Est-ce que je me joue la comédie ? je suis pas un peu folle ? et Dr Samira vient me sauver…elle me débloque le diaphragme et là : ouf, enfin, je peux respirer ! ! ! !
Et ce n’est qu’après, après avoir évacué toute cette colère, et que Raph termine aussi son épreuve de fou, que j’ai pu apprécier vraiment : finalement, c’est pas si mal ! et puis, surtout, j’ai fini !
Merci ! Merci à vous tous pour les encouragements ! Merci d’y avoir crû car moi j’ai beaucoup douté sur la fin ! Merci à Seb pour le suivi régulier de l’année sur l’entrainement (qui a quand même bien payé, il faut le reconnaître) et le briefing avant course, Sam pour les préparations (réglage genoux, bassin…) et la délivrance, Yan, Steph, Jo pour les conseils, nos supers ravitailleurs qui nous font vraiment du bien (les filles à Aurère, Jean Louis, Flo même si je ne t’ai pas vu, Tatie qui m’a redonné des jambes, Maman…) et tout ceux qui m’ont soutenu ici en chair et en os ou par la pensée (Did, Vincent, Christophe, Tonton, Nif, Patou… ou de plus loin Nadège, Rôm, Peka, Daniel et Annie, Vincent, Cédric, Christian…) et à tous ceux qui ont partagé l’épreuve avec moi ! Merci à l’équipe A2R (Flore, Cécile, Valérie y compris !) pour l’ambiance chaleureuse et les moments extras que nous partageons ! Et un grand merci au Doudou avec qui je vis ces moments fabuleux et qui supporte les doutes et angoisses des avant courses !
Dédicace spéciale à Illana que je remercie mille fois pour son petit mot ! ça vaut 20 « coups de fouet + sprint air » au moins !