L’assistance c’est d’abord plusieurs étapes préalables
1 à 2 semaines avant, tout le monde s’y colle : arrêter les postes, les doublettes, envisager les passages…sans oublier une petite bouffe. Super sympa.
Quelques jours avant : Par doublette, récupérer (Merci Flo) les petits (gros parfois !) paquets des champions préparés avec science et amour .
La veille au soir : Faire le sac…les sacs : il en faut de la place pour les petits ? paquets et pour son propre ravitaillement, parce que ça mange et ça boit une paire de ravitailleurs lâchée dans Mafate par une nuit sans lune. Il en faut des réserves (de la viande au vin rouge, en passant par le charbon de bois, la bière et les casseroles, sans oublier la tente…) pour tenir le long siège de Roche Plate.
C’est ainsi que vendredi, au petit matin, vers 3h30, on se retrouve à jeter au fond du coffre un sac qu’on n’oserait jamais coller sur le dos de son meilleur copain…non, je blague.
1ère étape : le croisement des sentiers de Marla et La Nouvelle, au cœur de la plaine
des tamarins. Arrivée vers 5h ½. Il ne fait pas chaud.
Nos 1ers raideurs sont prévus vers 7h, mais peu après 6h1/2 voilà que pointe le 1er ORANGE – CANAL+. C’est René, fringant comme un jeune poulain, en tête d’un groupe 6, lancés à fond la caisse dans la petite descente. Un rapide « ça va René ? » et il est déjà à 20 mètres, puis à 50 quand m’arrive son « oui, très bien », lâché dans un large sourire. Il a dû oublier une casserole sur le feu !!
A peine ¼ d’heure et voilà Bruno. « ça va Bruno ? » « oui, oui » mais son sourire est un peu crispé. Il ne semble pas dans un grand jour aujourd’hui Bruno.
7h05. C’est pas vrai ! déjà Sandrine. Large sourire, assurance, calme olympien. Elle me dirait presque « qu’est ce que je peux faire pour toi ? ». Petite halte. Juste le temps de compléter les réserves, de papoter un peu et la voilà repartie. Elle est intenable aujourd’hui.
Tiens, le téléphone « Allo, c’est Geneviève. J’espère que tu n’es pas encore parti. Tu peux laisser mes affaires, je viens d’arrêter ». « Ah merde, la tuile ! Tant pis pour les affaires, elles vont faire le voyage bien au chaud au fond du sac »
7h40, voilà Flore, toute guillerette avec sa copine. Elle semble libérée d’une pression qu’elle s’était doucement mise, et radieuse après avoir changé sa poche à eau qui lui faisait quelques misères. Et c’est reparti pour la suite de l’aventure. Dans ses yeux, je lis l’adhésion prochaine d’une nouvelle A2Rienne !!
Nos 4 concurrents sont maintenant passés. Bon vent à eux. Leur route est encore longue.
Pour nous, c’était une petite mise en jambe, un petit galop d’essai pour préparer la suite auprès des grands raideurs. Et puis la plaine des tamarins c’est bien, main on ne va pas dormir là. Alors, sac au dos, et direction Roche Plate. Et vite si on veut y arriver avant la tête de la course.
La descente du Bronchard est raide. Je l’ai faite 1 fois, mais elle s’appelait montée !! Mes chevilles et surtout mes genoux me rappellent que j’ai pris du poids, à moins que ce ne soit le sac ! Alors doucement. En route je rencontre 2 membres de l’organisation qui finissent le balisage. « Vous descendez camper au fond » « Non, je vais ravitailler des copains à Roche Plate » « Bon courage alors. La montée en face est raide ». Le coup d’œil qu’ils jettent à mon sac puis à la montée en face ne me dit rien de bon. Et ils avaient raison. Elle est rude la montée, et en plein cagnard ! Je peste comme un malheureux. Mais tout a une fin, la montée aussi.
J’arrive à Roche Plate juste pour voir Thierry Chambry, frais comme un gardon, terminer son échauffement sous l’œil noir de Delebarre qui repart 1 minute devant lui.
Petit à petit on s’installe, on s’étale, on établit notre camp de base ; on (Flo) monte la tente, on frime un peu dans notre tenue d’enfer : ORANGE et NOIR. Elle en jette. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle fait de l’effet, à tel point que dès qu’un concurrent dans les tons orange arrive, quelqu’un nous appelle « 1 concurrent à vous » C’est super.
Et les concurrents défilent, espacés d’abord, puis de plus en plus proches.
Et au fur et à mesure que le temps passe, les visages sont de plus en plus marqués, puis les corps de plus en plus atteints. Et le phénomène ne fera que croître et embellir.
Mais on n’en est pas encore là. Pour l’instant, le téléphone chauffe. Où en sont nos champions ? On suit les pointages, on appelle les potes. Seb n’est pas bien. On est mal pour lui.
Enfin Raph et Yann arrivent. Il est un peu plus de 16h30. Les sacs sont ouverts, prêts. Rien à envier à Ferrari lors des grands prix !! Ils sont 2, on est 2. Chacun le sien. Je m’occupe de Raph, presque rigolard, gonflé à bloc, loquace. Flo s’occupe de Yann, un peu plus « en dedans ». On le sent préoccupé. J’admire tout le savoir faire de Flo pour tenter de le décontracter, de lui faire oublier momentanément la course. C’est magnifique. Après un gros ¼ d’heure les voilà repartis. Flo leur fait un petit bout de route.
Et puis c’est l’attente qui reprend, le suivi du pointage, les conjectures sur les prochaines arrivées. On suit de près la relance de Seb.
Et pendant tout ce temps, le long flot des concurrents s’écoule, et on sympathise de plus en plus sur le poste. Tout le monde se prépare à la nuit, la fraîcheur tombe petit à petit. Notre beau maillot finit par disparaître, couvert par un peu de chaleur.
20h45, voilà Seb. Tout est prêt ! On s’empresse. 2 pour 1. On le bichonne. Il n’arrivait pas à s’alimenter, il avale une saucisse grillée. Le nœud à l’estomac a disparu. Il a repris du poil de la bête, le mors aux dents, la hargne du compétiteur. Sa superbe 2ème partie de course le confirmera. Le voilà reparti très décidé.
Avec la nuit, et des corps de plus en plus fatigués, voire usés, la plate forme devant l’école s’est transformée en hôpital de campagne. Sous les couvertures de survie, les concurrents prennent un peu de repos. C’est pas le grand confort, pas de matelas, juste un carton pour les plus chanceux, le béton nu et brut pour les autres. Quand on voit passer les 1ers, pleins d’allant et d’envie, on regrette de ne pas faire partie de la meute. On s’imagine bien dans la course. Mais devant toute cette fatigue cherchant un peu de répit, devant cette douleur même que certains masques ne peuvent cacher, l’envie n’est plus tout à fait la même.
D’après nos calculs Joël et Steph ne devraient pas trop tarder. On scrute les arrivées. A travers les arbres, en surplomb de l’école, de temps en temps un chapelet de petites lumières perce la nuit. Impatient d’attendre, Flo part à leur rencontre, pour les ramener dans sa foulée peu de temps après. Il est presque 22h.
Comme tout à l’heure, 2 pour 2. On les bichonne. Ils on décidé de prendre un peu de repos. Un petit somme est prévu. On refait les sacs, on pousse à la consommation, soupe, boisson, saucisses, et même un petit coup de rouge pour Joël ! Après s’être refaits la santé il faut bien repartir. On sent les corps fatigués, mais les volontés sont fermes. C’est pas seulement du physique ce grand raid. Et ils repartent. Ils semblent apprécier à ce moment là, le fait d’être à 2. Bonne route. Il est 23h.
En attendant le Doc, c’est lui qui doit arriver maintenant, on relance la braise. Il reste des grillades, et la chaleur est bien agréable. D’autres autour de nousviennent aussi en profiter. On suit les pointages, la tête de la course, la progression de Seb, et aussi malheureusement l’abandon de Yan. Quelle poisse ! On est très malheureux pour lui.
Voilà Philippe. Il est presque minuit. 2 pour 1. Là encore on bichonne. Il a l’air très frais. Les grillades sont chaudes, à point, la bière est fraîche. Un vrai gueuleton ! Il peut repartir, presque tout neuf.
Tous nos « hommes » sont passés. Il reste l’équipe féminine, amputée il est vrai d’un élément puisque Geneviève a eu des ennuis musculaires. Compte tenu des pointages, nous les attendons pour le petit matin. Et pendant ce temps là le flux continue. Beaucoup de regroupements se sont faits. C’est sans doute plus facile d’aller en groupe la nuit Ce sont donc souvent des grappes qui se succèdent. Plus ou moins fatiguées, plutôt plus que moins évidemment. La place se fait rare sur la plate forme. On en voit qui s’endorment sans la couverture de survie, comme fauchés par le sommeil en touchant le sol. D’autres repartent, sans doute chassés par le froid plus que par la réparation du sommeil. Beaucoup, les yeux hagards, demandent la route.
Vaincu par le sommeil (quelle heure est-il ??), je m’en vais dans la tente pour réapparaître vers 5h30. Flo est parti à la rencontre des suivantes. Il revient avec Line vers 6h. Elle est fatiguée mais radieuse. Elle sent qu’elle va aller au bout. On est aux petits soins. Elle peut aller dormir un peu. Il ne reste que M Agnès qui arrive vers 8h-1/4. Elle aussi est marquée par la fatigue, mais sa volonté d’aller au bout paraît tellement forte . Elle n’a pas besoin de le dire, cela se ressent dans son regard. Simon, son fils est là. Il n’a pas dormi de la nuit. Elle est l’objet de toutes les attentions. 8h30, elles peuvent repartir. Décidées comme elles sont, c’est sûr elles vont aller au bout. On a fait quelques calculs : objectif Deux Bras avant la nuit.
Flo est allé dormir un peu.
L’ambiance n’est plus la même au petit matin. Après l’excitation aux premiers passages, l’enthousiasme de l’après midi et de la soirée, le calme relatif de la nuit, c’est un peu le champ de bataille après la bataille, voire la cour des miracles au petit matin. Quelques éclopés un plus graves commencent à sortir de ce qui doit ressembler à une infirmerie. Les derniers qui arrivent commencent à compter avec les fermetures des différents postes à venir. Une certaine peur commence à s’emparer des derniers concurrents engagés dans une espèce de course contre la montre.
Il est temps pour nous de refaire les sacs. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ils sont aussi lourd qu’à l’aller. On traîne un peu. On prolonge avec les bénévoles de l’organisation. Une certaine complicité s’est installée entre nous. On a quand même été là pas loin de 24h. Et puis on n’est pas très pressés de « reprendre langue » avec ce foutu Bronchard. Le soleil est haut et le col des bœufs est loin.
Allez, malgré tout il faut y aller, on n’est pas d’ici. Je vais encore maugréer comme un malade en montant vers la Nouvelle…et après aussi. C’est ce que j’ai fait évidemment.
Le grand raid 2007 est terminé. L’assistance telle qu’on l’a vécue, telle que je l’ai vécue tout au moins, c’est extraordinaire.
Pour l’ambiance générale. On ne fait pas la course, on est un peu à l’extérieur de l’intérieur !, mais on est dedans et bien dedans. Et c’est une vraie ambiance.
Pour les relations entre nous et avec vous les compétiteurs. C’est quelque chose ! On rigole , c’est vrai, mais pas seulement. Depuis l’organisation, et jusqu’à la remise des prix, il se passe plein de choses, et beaucoup de choses passent entre les uns et les autres. Mais le clou, c’est le ravitaillement : attendre, accueillir, lire dans les yeux de celui qui arrive la joie et le plaisir de retrouver quelqu’un qu’il connaît et qui est là pour essayer de lui apporter quelque chose, ça n’a pas de prix. On en redemande, j’en redemande.
Merci à tous pour tout cela.