Cette année, elle a bien lieu. Dans le sens sud – nord pour cette fois-ci. Il y a longtemps que je voulais la faire, mais ça tombait toujours mal. Cette année, c’est la bonne.
En autonomie presque complète ? Ca me va très bien. Mais que faut-il emmener ? 2 priorités : la bouffe et le froid. On est en juillet, en plein hiver. Justement, la météo nous annonce un gros refroidissement dans les hauts… Quant aux ravitaillements de la course, effectivement, que de l’eau, sauf à Cilaos.
Combien de temps je vais mettre ? C’est ce que tout le monde me demande. Je table entre 20 et 24 heures. Histoire de prévoir ce qu’il faut emmener pour ne pas mourir de faim.
Comme le départ est très loin de l’arrivée, puisqu’à 97 km, il faut prévoir la logistique du transport. Nous voilà donc Myrielle et moi samedi à 3h du mat, 2 nanas à poiroter sur le bord de la route à Saint-Louis en attendant notre chauffeur qui nous prend au passage.
Départ à 4h sur le stade de Saint Joseph. Fichtre, nous ne sommes pas nombreux. 126 inscrits et que 85 à répondre à l’appel. Dont 8 femmes, le quota des 10% est respecté. Je ne connais que Myrielle dans le lot. Nous courons souvent ensemble.
On commence par remonter le lit de la rivière des Remparts pendant 15km. Allure tranquille, surtout quand c’est plat, ce qui n’est pas ma spécialité. En fait, c’est du faux plat montant, mélange de sable et pierres. C’était mon terrain d’entraînement quand je préparais mes 555km dans le désert. Myrielle est partie devant moi rapidement. Je fais un bout de chemin avec Stéphane. On papote, l’Anapurna et le duathlon de Cilaos étant des sujets de grand intérêt. Je suis surprise d’arriver si vite à Roche-Plate. Je réussis quand même à me casser la figure en évitant une flaque d'eau. De quoi avoir les pieds trempés, ça promet.
1° pointage à Roche-Plate. On m’annonce que je suis la 2° femme. Ah bon. Myrielle est devant, c’est sûr. Je rattrape rapidement la 1°, et ce n'est pas Myrielle, mais Sophie, que je ne connaissais pas. Je passe devant et attaque la montée avec aisance. La dernière fois que je suis passée là, c’était l’année dernière, mais dans l’autre sens et en VTT pour le Réunion d’Aventures. Le portage dans la partie haute, quelle galère ! C’est bien mieux à pied. Il fait jour maintenant, quelques goyaviers agrémentent le chemin. Le temps à la pluie se lève. La montée n’est pas si longue que ça.
Au Nez de Bœuf, on me confirme que je suis en tête. Sophie est restée juste derrière moi. Où est passée Myrielle ? On m’indique la direction à prendre, il faut rejoindre le GR qui descend vers Mare à Boue, et il y a plein de chemins dans ce coin. Evidemment, j’ai réussi à me fourvoyer. Pourtant je connais bien le coin. Arrivée à une intersection de sentiers avec la piste équestre, j’ai suivi une rubalise vers la gauche, en doutant de la direction. Au bout de quelques centaines de mètres et d’une intense réflexion, non, ce n’est pas possible, je vais vers Bourg-Murat au lieu de Mare à Boue. Demi-tour illico. Effectivement, c’était de l’autre côté, le côté sans rubalise…
C’est la descente vers Mare à Boue. Assez glissante. Je préfère ne pas prendre de risque et reste prudente, même si Sophie est sûrement passée devant. Je la retrouve à Mare à Boue, elle s’est arrêtée avec son assistance. Moi je n’en ai pas et je n’en ai pas besoin. Au ravitaillement, surprise : les bénévoles nous ont concocté des gâteaux. Super le gâteau patates ! Surtout que j’ai peu mangé depuis le départ, je n’en éprouve pas encore le besoin. J’ai le droit à un petit interview de Radio Est. Je repars rapidement, et avant Sophie.
Un peu plus loin, je croise Jean qui m’encourage en faisant sa sortie du week-end. Ca fait toujours plaisir. Plus on monte vers le coteau Kervéguen, plus le sentier est humide, surtout qu’il a plu toute la semaine. Et les pieds avec, même si j’évite consciencieusement les flaques. La montée est maintenant solitaire, plus d’autres coureurs en vue, jusqu’à ce que Sophie me rattrape. On reste ensemble jusqu’au coteau Kervéguen, et nous en profitons pour faire connaissance. Puis vers le gîte du Piton des Neiges, elle part devant, je ne peux pas suivre son rythme.
Je la retrouve au pointage de Cilaos, ainsi que Stéphane. J’ai des nouvelles de Myrielle, elle est bien derrière, mais où ? Il est midi, c’est l’heure de se mettre à table. Après une double portion bienvenue de sauté mines et rapidement avalée, nous repartons ensemble Sophie et moi vers le col du Taïbit, avec d’autres coureurs. A nouveau je ne suis pas le rythme, et Sophie et Stéphane s’éloignent devant. Sophie est beaucoup plus fraîche que moi, et je me dis que si j’arrive une demi-heure derrière elle, c’est bien. En fait elle me mettra la bagatelle d’une heure et demie !
La montée du Taïbit m’apparaît laborieuse, mais tout de même assez rapide. Je ne regarde jamais ma montre, ce ne sont que des sensations. Enfin, la traversée de Mafate s’annonce, roulante jusqu’au bout. Je veux en faire le maximum avant la nuit, qui me ralentira. J’aperçois la rivière des Galets tout en bas. Fichtre, l’eau est haute et boueuse. Pas jojo. On traverse quand même facilement. Par contre à Trois-Roches, le gué est submergé. J’y suis à la nuit tombante. Comme j’ai enfin les pieds secs, je me paye le luxe de me déchausser pour traverser. Priorité au confort de mes petits pieds.
Je m’installe donc pour la nuit, en solitaire. Cela ne me gêne pas du tout. Je pense à Myrielle derrière qui n’aime pas courir seule, et encore moins de nuit. Je pensais qu’elle me rejoindrait à la halte de Cilaos, mais non. De nuit je cours moins. Je préfère que le sentier soit dégagé, ou avec de bonnes marches. Du coup, c’est plus facile de récupérer. J’accélère dans la descente de Roche-Plate. Dans le village, mais il est où ce foutu ravitaillement ? Tout en haut, il ne manquait plus que ça.
J’y suis accueillie par Florent qui m’a attendue spécialement. Il me bichonne, bien qu’il ne puisse pas grand chose pour moi, à part me remplir ma poche à eau et me donner des nouvelles de ceux qui sont devant. Il est 20h, Thierry est arrivé depuis 2h. Chapeau ! Florent m’accompagne jusqu’à la Brèche, il ressort de Mafate par le Maïdo. Aux Orangers, on sait qu’il reste encore cette interminable canalisation du même nom à parcourir. Courage, et on court tout du long, allez, elle est facile. Au niveau estomac, je commence à ne plus pouvoir rien avaler. Ce n’est pas grave car je me sens bien à part ça, même si ce n’est pas très agréable. Néanmoins je m’oblige consciencieusement à mâchouiller demi-biscuit par demi-biscuit. Tout au bout, vers la mer, le ciel flamboie dans la nuit. On dirait qu’il y a un grand incendie. En fait ce ne sont que les lumières du Port. C’est impressionnant. Je croise un coureur qui va dans le mauvais sens, alors que je n’ai plus vu personne depuis un bail. C’est le copain de Myrielle qui la rejoint, elle n’est pas loin derrière, et a le droit à un chevalier servant.
Voilà les 10 ultimes km de descente vers l’arrivée. Ne pas louper le sentier qui raccourcit la piste. Les rubalises ne sont pas évidentes à voir de nuit. J’ai même failli louper le dernier pointage. Il n’y avait personne, j’ai dû appeler. Si près du but, je suis obligée de changer les piles de ma lampe. Le petit sentier est raide et étroit, il vaut mieux bien voir où on met les pieds. Traversée du village de Sans Souci. En bas, heureusement que je connais bien le coin pour trouver le sentier de la cheminée qui évite la route et qui mène à la rivière des Galets, car je n’ai pas vu de rubalise pour le signaler. A l’époque où j’étais à Cambaie, c’était mon terrain d’entraînement.
Traversée finale de la rivière des Galets. Le gué est sous l’eau, mais je n’enlèverai plus mes chaussures. On passe donc la ligne d’arrivée du stade de la Rivière des Galets les pieds trempés. Il est temps, mon estomac est maintenant sérieusement réfractaire à tout effort… Et il me reste plein à manger dans mon sac. Il vaut mieux ça que le contraire, au moins j’ai eu l’esprit tranquille sur ce point, même si j’ai porté pour rien. L’arrivée est très calme, aucune activité, aucun coureur, juste 3 bénévoles. Ca fait bizarre. Moi qui comptais sur une bonne âme se rendant à Saint-Denis pour me véhiculer à l’autre bout de la Possession pour y terminer ma nuit, histoire de ne pas le faire à pied. Un coup de bol, il y a juste une dame qui attend son mari coureur et qui est très gentille de me conduire. Ouf !
Je finis 2° féminine en 21h07. Myrielle arrivera 20 minutes après. Nous sommes 58 coureurs à terminer, et la moitié de ces dames.