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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 21:16

 

AVRIL 2010

 

Peu après m'être frotté aux 42,195km du marathon de Paris, s'ouvre la période des inscriptions pour le Grand Raid 2010. Le seul avantage que je vois à mon nouveau statut de métropolitain, c'est que je peux désormais éviter les aléas du tirage au sort. Mais faut se décider vite, les dossards vont s'arracher. Après quelques vagues hésitations, la participation de ma grande frangine Sophie qui se lance sur le Trail de Bourbon et la revanche que j'ai à prendre sur mon chemin de croix des 30 derniers kilomètres de l'année dernière finissent par me décider. Je valide mon inscription et réserve mon billet d'avion. Comme ça c'est fait, impossible de reculer !

Antoine, mon plus jeune frère se décide de son côté à venir nous accompagner à La Réunion et sera donc là pour nous assister sur le parcours.  Cela s'annonce bien. Il ne reste plus que quelques mois pour s'entraîner et, en île de France, difficile de trouver du dénivelé quand le point culminant dépasse péniblement les 200 mètres. Pas grave, on fera avec (ou plutôt sans). 

 

Début août, le trail du Tour des Fiz en compagnie de Sébastien, Raphaël et du grand Stéph' confirme que mes palliatifs aux sentiers réunionnais (vive les montées d'escaliers) ne sont pas trop mauvais. J'ai quand même souffert dans les longues côtes du parcours, mais il me reste encore plus de deux mois pour arriver fin prêt.

 

 

JEUDI 21 OCTOBRE

 

 

18h30 :

Antoine démarre la voiture et me conduit en direction de Saint-Philippe et le Cap Méchant. Première halte pour embarquer le grand Stéph, puis deuxième arrêt pour prendre Vincent et c'est parti... Enfin presque. Car après 30 minutes de route, Vincent s'aperçoit qu'il a oublié son dossard. Coup de fil à sa femme qui lui ramène le précieux sésame à une station service où nous l'attendons en chambrant Vincent comme il se doit (avec une petite pointe d'inquiétude malgré tout car le timing n'était pas si large que ça).

 

21h30

Arrivée à Cap Méchant, contrôle du matériel obligatoire dans les sacs et parcage des 2500 fous en attendant le départ. Tout cela me semble familier par rapport à l'année dernière... sauf que cette fois, pas de pluie à signaler! Youpi ! Dans ma tête, j'ai un objectif "raisonnablement ambitieux" : boucler le parcours en 40 heures et en bonne santé, soit le même temps que l'an passé en dépit du parcours rallongé d'une dizaine de kilomètres. Si mes estimations sont bonnes, cela devrait m'amener dans les 300 premiers (j'étais 400ème l'an dernier). Le timing des différents points de passage a été mûrement réfléchi à grands coups de simulations sur des tableaux Excel. Ce Grand Raid 2010, je l'ai déjà fait et refait au moins dix fois... derrière mon ordinateur (ça fait moins mal aux jambes).

 

22h00

Au coup des canons, le départ est donné et on s'extrait laborieusement du stade en veillant à rester tous les trois ensemble. Pas facile car la foule est compacte. Je tiens la main de Stéphane comme ma fille tenait la mienne pour sa première rentrée scolaire.

 

photo generale 2Après quelques kilomètres de bitume qui passent rapidement, nous arrivons à l'intersection avec la route forestière où je  parviens à repérer Antoine malgré la densité des coureurs et des spectateurs présents. Une petite tappe dans la main et on se donne rendez vous à Cilaos 14 heures plus tard, si tout va bien.

 

Les 11 km de route forestière se passent sans encombre en trottinant même si les sensations ne sont pas excellentes. Je reste juste derrière Vincent et Stéphane et ne dit pas grand chose, me contentant de suivre leur rythme. Après 1h45 de course, nous arrivons au sentier qui doit nous emmener tout droit au volcan, là haut, à 2320m d'altitude. 

Les sensations mitigées du début de course se confirment car après seulement dix minutes, de montée, j'ai les jambes coupées et flageolantes. Aîe, ça part pas bien cette affaire! Heureusement, le rythme n'est pas trop élevé. Je bois et mange tout ce que j'ai à portée de main : barres de céréale, pâtes de fruit, gels énergétiques en espérant que ça passe. Pendant ce temps, j'ai laissé Stéphane et Vincent légèrement devant. J'espère les retrouver là haut quand j'aurai réglé mes petits problèmes. 1h30 plus tard, les jambes sont bien revenues mais c'est maintenant le ventre qui fait des bruits bizarres (désolé pour les coureurs qui me suivent). Décidément, les premiers kilomètres de ce Grand Raid 2010 ne me sourissent pas beaucoup.

 

Heureusement, à l'arrivée sur les bords de l'enclos du volcan au niveau de Foc Foc, je retrouve Stéphane et la vision des coulées de lave et du cône éruptif encore actif donne du baume au cœur. Le spectacle de la lave rougeoyante dans la nuit est tout simplement magique. Je resterais bien assis là à contempler les miracles de la nature mais j'ai quand même une course à finir (en fait, elle a à peine commencé...).

On trottine donc jusqu'au ravitaillement de Foc Foc que l'on passe vite pour rejoindre le poste du volcan et le premier pointage électronique.

 

VENDREDI 22 OCTOBRE

 

03h41 - 5h41 heures de course

Pointage du volcan, altitude 2320m

30km et 2600m de dénivelés positifs parcourus

Classement : 364ème

 

Je suis au volcan une quinzaine de minutes plus tôt que l'an dernier. Stéphane (Lardenois) est bien présent au poste comme prévu. Merci pour le ravito ! Les jambes vont bien mais le ventre ne me laisse pas tranquille. Malgré tout, nous avançons sans encombre avec le grand Stéph jusqu'au Piton Textor.

Les choses vont néanmoins se gâter à partir de là : je vais en effet passer les 10 km suivants jusqu'à Mare à Boue à visiter régulièrement en position accroupie les buissons au bord du chemin (je passe les détails peu ragoutants...). Je ne peux pas courir alors que j'avais prévu de le faire dans cette portion relativement roulante et agréable. Beaucoup de coureurs me passent et je prends mon mal en patience. Je suis également contraint de laisser partir Stéphane. La course est longue, ça va forcément passer. A part bien m'hydrater, il ne me reste de toutes façons que la méthode Coué.

 

06h47 - 8h47 heures de course

Pointage de Mare à Boue, altitude 1594m

60km et 3072m de dénivelés positifs

Classement : 402ème

 

Ouf, voici le ravito de Mare à boue. Mes problèmes digestifs ne m'ont pas coupé l'appétit : je retrouve par hasard Isabelle et je m'assois sur un lit de camp pour enfourner mon poulet et mes pâtes... agrémentés d'un sachet de SMECTA et d'une gellule d'ultra levure sortis de ma petite trousse d'urgence. pour faire passer le tout. Miam miam !

Après un gros quart d'heure d'arrêt, je repars pour la longue portion qui doit nous conduire à Hell Bourg via Bélouve. Le parcours ayant changé, je ne connais pas cette section et, bizarrement, je n'en garde pas de souvenir particulier, si ce n'est que mon transit semble redevenir normal et que mon rythme de course en devient du coup meilleur. La direction de course a finalement opté pour l'option chemins au lieu de la route comme initialement envisagé. Ca grimpe et ça tournicote pas mal mais cela reste praticable (cela ne sera pas le cas pour ceux qui passeront plus loin derrière, n'est-ce pas Flore ?). Ca y est, je double à nouveau des coureurs. J'espère du coup pouvoir reprendre Stéphane ou même Vincent (qui cavale visiblement assez loin devant) d'ici Hell Bourg.

 

11h03 - 13 heures de course

Pointage de Hell-Bourg, altitude 1000m

71km et 3578m de dénivelés positifs

Classement : 344ème

 

Effectivement, sur le stade de Hell-Bourg, je retrouve Stéphane qui n'est pas encore reparti. Sa femme Nadine m'offre un petit massage des mollets à l'arnica. Top! Stéphane repart pendant que je change de chaussettes et me dit qu'il y va tranquille pour que je le rejoigne. Ce sera chose fait 10 minutes plus tard.

La montée du Cap Anglais est un gros morceau que je découvre car je n'y suis jamais passé avant. Tout ce que je sais c'est qu'elle doit nous amener, au gîte du Piton des Neiges à près de 2500m d'altitude. Stéphane fait le rythme et je me cale dans son sillage. Ca grimpe dur sur certaines sections. Il faut parfois mettre les mains mais le ventre me laisse tranquille. Pour de bon j'espère. Après trois heures d'ascension plutôt régulière en dépit des difficultés, le gîte de la Caverne Dufour, à quelques encamblures du Piton des Neiges, est enfin en vue. Ravito express car Stéphane ne veut pas laisser Vincent trop loin devant. Je lui dis que je compte faire la descente rapidement pour pouvoir me poser plus longtemps que lui à Cilaos.

 

14h13 - 16h14mn de course

Pointage de la Caverne Dufour, altitude 2480m

81km et 5100m de dénivelés positifs parcourus

Classement : 295ème

 

J'entame donc la descente dans les 300 premiers, ce qui était l'objectif de départ. A ce rythme, il va falloir redéfinir un nouvel objectif : allez, vendu pour le top 200 !

Je chasse ces pensées de ma tête pour le moment car j'ai une grosse descente à faire et que j'ai hâte de retrouver Sophie et Antoine qui m'attendent à Cilaos. Après un bon paquet de concurrents doublés (j'en ai compté 20, ça distrait), j'arrive au pied de la descente avec de supers sensations. J'ai l'impression d'avoir vraiment progressé dans ce domaine car malgré les 1100 mètres de dénivelés négatifs avalés en à peine une heure après près de 90 kilomètres de course, je ne souffre pas du tout des jambes. Finalement, les escaliers de l'Axe Majeur de Cergy, c'est pas si mal comme entraînement !

J'enfile les 3km de route qui me séparent encore de Cilaos avec une bonne foulée et entre dans le stade. J'aperçois Antoine qui m'attend sur la pelouse. Je file directement prendre une assiette (poulets et pâtes, le menu habituel) et m'assois avec lui. Sophie arrive aussi, elle qui attend le départ du Trail de Bourbon prévu le lendemain matin à 06h00 depuis Cilaos. Stéphane débarque quant à lui une dizaine de minutes plus tard.

 

15h36 - 17h36 de course

Pointage de CIlaos, altitude 1224m

89km et 5121m de dénivelés positifs parcourus

Classement : 262ème

 

P1030315Antoine, s'occupe des petits détails (changement des piles de la frontale en prévision de la prochaine nuit, remplissage du sac avec les barres de céréales et les tubes de gel énergétique, etc...). Je n'ai rien d'autre à faire que de me changer et enfiler une tenue plus chaude (collant et tee-shirt long, comme l'an dernier) en prévision de la nuit dans Mafate. Surprise : un coup de téléphone de ma petite Margaux qui me demande si je "cours bien dans la montagne et si je vais lui ramener la médaille". Pas de problème, ma puce, c'est pas encore dans la poche, mais ça va le faire.

 

Stéphane et Vincent que j'ai aperçu furtivement sont déjà repartis et, quant à moi, je reprends la route après 45 minutes de pause salvatrice en famille. Je souhaite bonne chance à Sophie pour demain et je lui donne rendez-vous à l'arrivée de sa course à Saint-Denis dimanche matin. Elle s'est bien préparée, ça va le faire, y'a pas de doute. Quant à Antoine, je dois le revoir dans 1h30 environ au pied du col du Taïbit. En sortant du stade, et malgré une pause plus longue que prévue (oui, je sais Séb, je dois encore progresser là dessus), j'ai gagné près de 30 places. Il faut croire que le début du parcours et la montée du Cap Anglais ont fait des dégâts devant moi. Cela se confirmera par la suite puisque le taux d'abandon de cette édition 2010 sera un record : 45% des concurrents ne verront pas Saint-Denis.

 

Les jambes sont toujours nickel alors j'envoie bien dans la descente vers la Cascade Bras Rouge. Arrivé là, ça remonte version montagnes russes jusqu'à la route au pied du col du Taïbit. Je double, double encore et rejoins Stéphane à ce moment là puis Vincent qui est encore au ravito. Cela faisait plus de 80 kilomètres que je lui courrais après celui-là !

Antoine s'est fait amener en stop par la route et nous rejoint donc pile dans le timing au pied du col. Il nous accompagne pendant une quinzaine de minutes sur les premiers hectomètres de montée.

 

17h51 - 19h51mn de course

Pointage du début du sentier du Taïbit, altitude 1260m

97km et 5500m de dénivelés positifs parcourus

Classement 219ème

 

P1020135Après qu'Antoine nous ait quitté, je lâche un peu involontairement Stéphane et Vincent et franchis le col  du Taïbit alors que la nuit est maintenant bien tombée. Une descente rapide vers Marla et me voilà rentré dans le cirque de Mafate. Je suis juste heureux d'être là, en pleine possession de mes moyens et avec l'impression que rien ne peut m'arriver. Mais c'est maintenant, au début de la deuxième nuit, que la course commence vraiment.

 

Je décide d'attendre Stéphane et Vincent et prend le temps de bien manger. Je repars avec Vincent 15 minutes plus tard. Stéphane, partira juste derrière et nous rejoindra ensuite. Après une descente bien cassante comme Mafate en a le secret, nous arrivons à Trois Roches d'où nous repartons tous les trois de nouveau groupés après un arrêt éclair.

 

Je connais bien la portion entre Trois Roches et Roches Plate avec ses deux grosses bosses. J'en garde un bon souvenir de l'an dernier. Dès la première, je décide de faire le train et pousse fort sur les jambes. Derrière, ça ne suit pas. Tant pis, pardon les gars, je décide maintenant de faire ma course et de profiter de mes jambes encore presque neuves.

La musique dans les oreilles, j'avale la première bosse, court dans la portion plate jusqu'à la deuxième que je grimpe aussi rapidement. Je double quelques coureurs. Je retrouve cette sensation d'euphorie que j'avais éprouvée au même stade du parcours en 2009. C'est grisant, et en plus, cette fois, rien à signaler au niveau des genoux.

Après cette dernière bosse, la descente vers Roche Plate se passe bien... mais pas pour tout le monde apparemment car je m'arrête auprès d'un coureur qui a manifestement fait une  mauvaise chute. Deux autres concurrents sont auprès de lui. Ils ont déjà appelé le médecin de Roche Plate qui n'est heureusement pas très loin. Je boucle les 500 derniers mètres me séparant de Roche Plate où je rejoins Jean-Louis et Florent, qui, comme d'habitude, ont installé leur campement à l'école où ils sont connus comme le loup blanc. Là, je suis comme dans un stand de Formule 1 : je m'assois et ils 'occupent de tout. Une demi-bière (ben oui, faut se faire plaisir), du saucisson, de la soupe...

 

22h26 - 24h26mn de course

Pointage du de Roche Plate, altitude 1100m

111km et 6850m de dénivelés positifs parcourus

Classement 188ème

 

Dix minutes plus tard, après avoir fait le plein de leur bonne humeur communicative, c'est reparti, toujours avec la grosse patate, direction l'ilet des Orangers où j'arrive sans encombre... et en repars presque aussitôt car la nuit est fraîche et mieux vaut ne pas rester trop longtemps arrêté.

Après l'ilet des Orangers, on descend vers la Rivière des Galets et le ravitaillement de Deux Bras, porte de sortie de Mafate. Cette portion n'est pas évidente. Celle là non plus, je la connaissais pas. La descente, entrecoupée de petites remontées est bien casse-pattes. L'altimètre ne descend pas assez vite à mon goût. Faut que j'arrête de le regarder !

Si les jambes sont toujours OK, en revanche, les pieds commencent à souffrir à cause d'ampoules multiples. Pour me distraire, j'essaie de les compter juste en localisant les douleurs. J'arrive à un compte de six. Bon score! Alors que je pensais m'arrêter brièvement à Deux Bras, je décide finalement de faire un stop chez les podologues. Je suis très en avance, il vaut mieux ménager la monture car la route est encore longue et bien cassante.

 

SAMEDI 23 OCTOBRE

 

02h09 - 28h09mn de course

Pointage de Deux Bras - altitude 253m

126km - 7515m de dénivelés positifs parcourus

Classement : 166ème

 

Les tentes de Deux Bras sont encore assez vides, j'ai donc la chance d'avoir une podologue pour chaque pied et une kiné pour me masser chaque mollet. Cela a du bon, de faire la course dans les 200 premiers avant le rush du gros du peloton.

Mes ampoules soignées et mes jambes chouchoutées, je pars à l'ascension de Dos d'Ane. Je ne l'ai jamais faite de nuit, du coup, je manque de repère et la fin me paraît bien longue, jusqu'à l'apparition salvatrice des gros bambous. J'annonce à mon compagnon de montée qu'on y est presque ! Vu que je lui répète ça depuis déjà 15minutes, je ne suis pas certain qu'il me prenne au sérieux.    

 

Ouf, on y est. Encore un gros morceau d'avalé. Un petit effort pour rejoindre le ravitaillement 500m plus loin et, pas le temps de souffler, puisque après une longue montée, c'est maintenant une grosse descente qui se profile puisqu'on doit redescendre au niveau de la mer à La Possession. Cela commence par une portion bitumée où je cours à grandes enjambées alors que le jour commence tout doucement à pointer le bout de son nez marquant la fin de ma deuxième nuit sans sommeil.  Après ces quelques kilomètres de route, la descente se poursuit par le sentier de la Kalla. Je l'avais emprunté en montée lors de la course du même nom l'an dernier, mais dans le sens de la descente, c'est un supplice : les racines et les cailloux commencent à me fracasser les cuisses. Ca descend, ça remonte, je n'en vois pas la fin et profite d'être seul pour laisser échapper quelques jurons à haute voix. Même si ça ne fait pas avancer plus vite, ça soulage quand même !

 

Enfin, me voilà arrivé à La Possession. On m'annonce 152ème. J'appelle Antoine qui doit être en train de redescendre en voiture depuis Cilaos pour vérifier qu'il est bien dans les temps pour être au prochain ravitaillement de la Grande Chaloupe. Je lui dis que je ne m'arrête pas à La Possession car les places sont dures à gagner et que l'objectif est maintenant d'essayer de finir dans les 150 premiers. Tout va bien, il est sur la route et sera là à l'heure. Good job frérot !

 

07h15 - 33h15 de course

Pointage de La Possession - altitude 15m

142km - 8473m de dénivelés positifs parcourus

Classement : 152ème

 

J'embraye donc tout de suite en direction du chemin des Anglais et ses pavés complètement défoncés (super pour les articulations qui n'avaient pas besoin de ça). Malgré l'heure encore matinale, c'est un véritable cagnard. Il n'y a pas un arbre et donc pas d'ombre. On pourrait faire cuire un oeuf sur le plat sur les pavés. Je plains ceux qui passeront ici entre midi et deux et je m'asperge avec les bidons en essayant de ne pas perdre de vue les coureurs que je vois au loin devant moi, mais c'est dur. Après une succession de montées et descentes, j'arrive à la Grande Chaloupe et Antoine m'attend en bas du chemin. Il m'accompagne sur les 500 mètres jusqu'au ravitaillement. Ca y et, je commence un peu à accuser le coup. Aucune blessure, mais la distance et le dénivelé ont fait leur œuvre. Il faut maintenant serrer les dents jusqu'à l'arrivée. Heureusement, elle n'est plus très loin désormais.

 

P1020175A la Grande Chaloupe, je change de chaussures et j'ai la surprise de voir des amis de mes parents en vacance sur l'île et qui m'ont connu gamin à l'époque où on habitait à Béziers qui m'attendent. Comme je suis un garçon bien élevé, je reste dix minutes de plus et prends mon temps au ravitaillement avant d'entamer la dernière grosse difficulté du parcours jusqu'au Colorado. Il ne reste plus qu'un peu moins de 1000m de dénivelés positifs. Une paille !

 

Le rythme est maintenant un peu plus lent mais je ne lâche pas et m'accroche à mon idée de rester dans les 150 premiers. Arrivé à Saint-Bernard, j'ai les yeux qui se ferment en marchant. Tiens comme l'an dernier à peu près au même stade. Je profite d'un stand de ravitaillement en eau pour m'allonger pour la première fois de la course. Je demande aux bénévoles de me réveiller dans 10 minutes où quand 10 concurrents maximum seront passés. Je somnole très légèrement et je les entends annoncer à deux concurrents "145 et 146ème". Je me lève alors et leur emboîte le pas après avoir remercié mes hôtes de fortune.

Je profite d'avoir un peu de compagnie pour parler un peu et tromper le sommeil. Je suis en compagnie de la 4ème féminine et de son compagnon de route. Je la félicite pour sa course et je lui dis que l'applaudirai sur le podium à l'arrivée puisqu'elle devrait figurer dans le top 3 de la catégorie sénior. S'en suivent quelques kilomètres de route bitumée où je décide d'embrayer et de fausser compagnie à mes éphémères accompagnateurs . Pour éviter de m'endormir, je me force à courir jusqu'au chemin qui doit nous amener au Colorado. Encore quelques dernières bosses, quelques ultimes racines, quelques pierres et voici le dernier ravitaillement de la course. Plus que 5km et une bonne descente avant l'arrivée. Si j'étais un cheval, ça sentirait bon l'écurie !

 

Antoine est là comme prévu, ainsi que mon beau-frère Christophe et ses deux enfants, Paul et Maylis.

Je pointe, on m'annonce 144ème. Cela semble être dans la poche pour le nouvel objectif 150 mais mieux vaut ne pas se relâcher. Et puis, j'ai un revanche à prendre sur la descente de Colorado qui m'avait fait souffrir pendant deux heures l'année dernière. Dernier objectif : la boucler en une heure maxi et on sera quitte !

 

11h37 - 37h37mn de course

Pointage du Colorado ) altitude 680m

157km - 9656m de dénivelés positifs parcourus

Classement : 144ème

 

P1020190Antoine va m'accompagner sur cet ultime tronçon en restant derrière moi. Je commence la descente assez vite etreprend deux concurrents. Derrière, cela ne revient pas. On fera donc la deuxième moitié plus "tranquillement" en discutant. A quelques encablures de la fin du sentier, un cameraman m'arrête pour une interview express. Je ne me souviens plus trop de ce que je lui ai raconté mais je repars vite en courant (pour l'anecdote, le cameraman en question sera mon voisin dans l'avion du retour).

 

Ca y'est, le pont Vinh Sanh est en vue et j'entends la musique monter du Stade de La Redoute. Je laisse Antoine filer devant dans les derniers hectomètres de la descente pour qu'ilm'attendre à l'entrée du Stade. Quant à moi, je me pose sur un rocher et prends le temps de savourer quelques minutes tout seul. J'ai une grosse pensée pour ma grande Margaux et mon petit Baptiste que j'ai laissés là bas, en métropole, et à qui j'ai hâte de raconter tout ça à mon retour. Je pense à ces derniers mois qui n'ont pas été faciles au niveau familial et au cours desquels les entraînements pour le Grand Raid tard le soir en rentrant du travail ont bien souvent été mon seul sas de décompression. Je laisse passer l'émotion qui commence à monter, repars et débouche sous le pont. 

 

Frédérique, une ancienne collègue de l'hôpital est là aussi. Elle a scruté ma progression sur internet. Elle me dit que tout mon ancien service de la DRH à l'hôpital a suivi mon avancée. Cela me touche beaucoup.

 

Je fais les derniers hectomètres qui me séparent du stade en courant. La différence avec l'an dernier est saisissante. Là où je boitais bas, je peux cette fois finir en ayant l'impression de faire mon footing dominical. Pari réussi : j'ai bouclé cette dernière descente en à peine une heure!

 

Un quart de tour de la piste du Stade et je passe sous l'arche d'arrivée. Quoi, c'est déjà fini? J'en voudrais encore un peu plus. Non ? Bon, tant pis. On m'enlève le bracelet avec la puce électronique et on me remet ma médaille et mon tee-shirt.

 

Clap de fin !

 

12h37 - 38h37mn de course

Arrivée à la Redoute; altitude 53m

163km - 9656m de dénivelés positifs parcourus

Classement final: 142ème au général et 69ème dans ma catégorie senior homme

 

 

P1020192


 

EPILOGUE :

 

A part mes soucis digestifs du début et quelques ampoules à la sortie de Mafate, ma course s'est déroulée comme dans un rêve long de 163km pour 38 heures et 37 minutes. Pas de blessure et une forme presque constante tout au long du parcours. J'arriverai même à me réveiller sans trop de problème le lendemain à 05h30 du matin pour redescendre au Stade et assister à l'arrivée de Sophie qui, après 24 heures dans les sentiers, en finissait presque tranquillement avec les 90km de son Trail de Bourbon.

 

Cette île est magnifique. Pendant trois jours, elle ne vit plus que pour le Grand Raid. Il faut le voir pour le croire. Et quand on y participe, on se sent privilégié d'être au centre de l'attention de tout le monde.

 

Je ne serai pas là l'année prochaine, j'essaierai de poursuivre d'autres objectifs, découvrir d'autres courses, d'autres aventures. Mais, c'est certain, je reviendrai, il y a trop de bonnes choses à vivre ici. Peut-être dans deux ans pour la 20ème édition avec, pourquoi pas, le doux rêve d'intégrer le top 100 de cette course mythique. Et dire qu'il y a deux ans à peine, je regardais de ma terrasse les lumières des frontales descendre vers l'arrivée depuis le Colorado en me disant qu'ils étaient bien fous tous ces gens de vouloir traverser l'île en aussi peu de temps. Aujourd'hui, avec deux Grands Raids dans les jambes, je suis définitivement l'un d'entre eux.

 

Un merci tout spécial à Antoine, qui était venu de métropole pour nous soutenir, Sophie et moi, dans notre aventure et qui a été d'une aide précieuse. Lui aussi n'a pas beaucoup dormi !

 

Merci à Sophie (et bravo à elle qui m'a littéralement épaté pour sa course menée de main de maître), Christophe et les enfants pour leur accueil chez eux, à La Montagne.

 

Merci aussi aux copains, ceux qui m'ont accompagné pendant une partie de la course ou attendus aux ravitaillements.

 

Merci à tous ceux (amis et famille) qui, de métropole ou d'ailleurs, m'ont accompagné par la pensée ou envoyé leurs encouragements par SMS pendant la course.

 

Merci à A2R pour m'avoir fait découvrir tout ça !

 

Merci enfin aux réunionnais pour permettre tous les ans à 2500 personnes de vivre une telle aventure.

 

Damien

 

GRR 2010-diplôme

 

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commentaires

J
<br /> <br /> Bravo Damien,<br /> <br /> <br /> joli coup. Une course bien maîtrisée du début à la fin.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Un grand merci pur ce récit.<br /> <br /> <br /> Ca me faire revivre ces moments (même l'oubli du dossard au départ) ;)<br /> <br /> <br /> Je me dis que ton classement me ferait un bon point de mire perso pour GRR2011.<br /> <br /> <br /> Comme le dit seb, il va falloir que l'on travaille nos pauses au ravitos !!<br /> <br /> <br /> Merci pour ta bonne humeur et a bientôt sur un sentier :)<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Fantastique ! Un récit à la hauteur de ta course. Finir en moins de 40h sur ce parcours, c'est monstrueux, d'autant que ta préparation n'a pas été des plus sereines... Bon, si je résume, en<br /> enlevant les près de 3h que tu as perdu lors des différentes haltes, en spécifiant davantage tes entraînements et en profitant de ton expérience de multi finisher, le top 100 (voire mieux ?) est<br /> à portée de guiboles.<br /> <br /> <br /> Bravo à toi Damien<br /> <br /> <br /> <br />
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