Le désert du Namib est l’un des plus beaux déserts du monde. C’est aussi le plus vieux, la bagatelle de 80 millions d’années. Et l’un des plus riches, plein de diamants et d’uranium. Allons y faire un petit tour, peu après le Grand Raid, ça me changera.
C’est parti pour 100km, en 4 étapes : les 100km du désert du Namib.
La course a lieu du 5 au 10 décembre, en plein été austral.
Nous sommes 54 coureurs, dont 14 femmes. Voilà que je me retrouve la seule française. Le plus gros de la troupe est italien, l’organisation étant italienne. Complété par deux anglais, trois allemands, deux espagnols et une namibienne.
L’italien, c’est facile. Il y a 3 mots indispensables :
- Ciao, lancé à tout bout de champ dès qu’on croise quelqu’un,
- Bellissima, indispensable qualificatif pour tout ce qu’on peut voir,
- Bravo, brava, bravi, suivant que l’on s’adresse à un monsieur, à une dame ou à plusieurs personnes.
Avec ça je suis parée pour une semaine.
Je rejoins le groupe à l’aéroport de Windhoek, capitale de la Namibie, après une semaine de repos en safari. L’avion en provenance de Francfort a deux heures de retard, pour cause de neige. J’avais oublié que cela pouvait exister.
C'est aussitôt le transfert en bus 4x4 vers le désert du Namib et notre lodge. On y arrive après 8h de trajet et pas mal de piste. On traverse la réserve de Naukluft, ce sont des petites montagnes de granite rouge. C'est très beau. On voit régulièrement des babouins, des girafes, des pacochères.
Le lodge est situé dans une vallée entre la réserve de Naukluft d’un côté et le parc du désert du Namib de l’autre, entre les montagnettes de granit rouge et un cordon de dunes rouges. Il s’étend sur pas moins de 45 000 ha pour nous tous seuls. Il n'y a pas de mur d'enceinte ni de clôture, les bungalows sont dans la savane parsemée d’une herbe courte et sèche. Les couleurs sont magnifiques. Il y a un point d'eau près du restaurant, les springbocks et les autruches viennent boire. Les chacals essaient de glaner un peu de nourriture. Je partage un bungalow avec une anglaise.
Le lendemain la matinée est consacrée à l'enregistrement et aux contrôles. L’après-midi au repos, la piscine est bienvenue avec la chaleur, même si elle est petite et ne permet pas vraiment de nager.
Les organisateurs me demandent déjà si je vais gagner. Ma réputation désertique m'a précédée. Un mois et demi après le grand raid, je suis venue me faire plaisir avant tout. Les autres coureurs sont tous des marathoniens, donc bien plus rapides que moi. Plusieurs d’entre eux me demandent des conseils, notamment les allemands.
La 1° épreuve de 15km a lieu le soir à 18h, après la chaleur. Le départ est donné de l'hôtel. Le personnel nous fait un petit chant namibien d'encouragement. On emprunte une piste dans la savane en direction des montagnes, avec les springbocks comme spectateurs. C'est un faux-plat montant. Je me retrouve vite 3° féminine derrière Adèle la namibienne et Isabel l'espagnole. Puis c'est Anne l'allemande qui me double. On quitte la piste, il n'y a plus de chemin et ça monte un peu plus. Le sol est très sec, avec plein de petites boules de terre dures, ça fait un peu comme les gratons réunionnais sans être coupant. Anne peine et je la redépasse. Au pied des montagnes c'est le retour par une autre piste, donc descente en pente douce. Le coucher de soleil est devant nous, avec au fond les dunes rouges. C'est splendide. Anne me redouble peu avant l'arrivée. J'ai mis 1h32. Toutes les autres filles derrière sont des italiennes.
La 2° étape est le lendemain matin, 20km, avec un départ à 5km de l'hôtel à 6h et arrivée à l'hôtel.
L’origine du désert du Namib est très particulière. Le fleuve Orange, qui fait la frontière entre la Namibie et l'Afrique du sud, emmène de grosses quantités de sable jusqu'à son embouchure. Là il y a tout le temps un très fort vent vers le nord qui ramène ce sable vers les terres au nord. Et ce depuis des millions d'année. De quoi faire un désert, tout en longueur, le long de la côte atlantique. Il existe un courant froid sur cette côte, si bien qu’il y a des phoques et des pingouins sur les plages désertiques. Notre hôtel est situé sur le bord intérieur du désert, à 150km de la mer.
On démarre par une petite descente dans les cailloux. J'y vais de bon coeur, et me retrouve avec les 3 premiers de la course ! C'est bien la première fois de ma vie que je suis avec les 3 premiers ! Tout le monde a descendu cette descente timidement. Ma quatrième place ne dure évidemment pas. Les 3 donzelles me dépassent allègrement, Isabel, Adèle, puis Anne. Nous sommes sur une piste qui serpente dans la savane, et qui nous mène vers l'entrée du canyon de Sesriem. Les dunes du désert sont derrière nous. Héléna me double juste avant la descente de l'entrée du canyon. J'y vais de nouveau de bon coeur, mais pas elle. Elle n'a pas l'air d'aimer les descentes. Je ne la reverrai plus jusqu'à l'arrivée.
Nous sommes dans le lit d'une rivière sèche, que des pierres, entourés de falaises ocres. Le défilé fait 3km de long, et il est superbe. Sauter de pierre en pierre ne me gêne pas du tout, je double quelques coureurs moins à l'aise. On sort de là par un escalier. Puis c'est de nouveau la piste dans la savane en longeant une grande dune rouge, avant de regagner la route principale pour 2km qui nous ramène à l'hôtel. Nous traversons le village des employés de l’hôtel sous leurs encouragements. J'ai mis 2h04. Je suis toujours 4°, Isabel est loin devant, et Adèle, Anne et moi sommes dans un mouchoir de poche.
Les pierres du canyon ont fait quelques dégâts aux chevilles, et il y a déjà une déshydratation.
Le pire, c'est qu’à 8h30, j'ai fini la course, et qu'il n'y a pas grand chose à faire de la journée après, à part se rafraîchir à la piscine et bouquiner. Il n’y a pas de vrai village. Vraiment dommage que la piscine soit si petite, mais dans un désert, on ne va se plaindre d’avoir un peu d’eau. Il n’a pas plu depuis 4 ans dans le coin.
En fin d'après-midi je vais faire un safari avec mon anglaise. Même s'il n'y a pas beaucoup d'animaux dans cette région sèche, c'est toujours intéressant d'être avec un guide. Il nous montre en particulier des renards. Et des peintures rupestres des bushmen dans les montagnes.
3° étape : le lendemain on enchaîne sur 42km. Pour beaucoup de coureurs, c'est le stress, et les organisateurs en rajoutent pour faire monter la pression de la difficulté. On part à 5h30, à 3km de l'hôtel, le jour se lève. Quand il y a des drapeaux oranges, on n'est pas obligé de suivre la piste qui zigzague, on peut aller droit, de drapeau en drapeau. Jusqu'ici j'ai couru en short, mais aujourd'hui j'ai sorti le collant et les guêtres, je suis la seule pour le collant. On commence par longer la bande de dunes sur une piste qui serpente dans la savane pendant 20km. Isabel et Adèle sont devant, Anne me double, puis arrivent Héléna et Marta. Voilà les drapeaux oranges. On abandonne la piste, et tout de suite les italiennes lâchent prise.
On se dirige droit vers les dunes. J'attaque la montée, elle n'est pas très forte, et il y a encore une peu d'herbe sur le sable. Pas de difficulté pour moi pour continuer à courir. Je suis la seule. En haut, voilà le sable mou, ça se corse. Tiens, une petite descente dans ce sable. Chouette ! La suite du parcours est vallonné, on reste en crête des dunes, avec alternance de sable mou et de passages herbacés. Je cours toujours, alors que certains se sont mis à marcher. Peu avant le sommet de la dernière côte, je double Anne, elle marche. Puis c'est la dernière descente pour retrouver la savane en pied de dune.
Je vois un drapeau orange. Appliquant strictement les consignes, je trace direct. A ma grande surprise, tous les coureurs devant moi suivent la piste qui fait un détour, y compris Adèle. Suis-je dans mon bon droit ? Tous les coureurs derrière moi me suivent. Adèle me dira après que j'ai eu raison et qu'elle n'avait pas vu le drapeau. Deuxième drapeau, je coupe encore plus court, avant de rejoindre la piste qui file droit maintenant, au milieu des oryx. Il commence à faire chaud, et je sens de plus en plus la soif. Je prends de l'eau fraîche à chaque fois que je croise un véhicule de l'organisation, car la mienne est chaude maintenant.
Soudain, Adèle me double à grande vitesse. Je suis surprise qu'elle aille si vite, car j'estime qu'il nous reste encore 4km. Aussi je l'encourage. Je reconnais le site du départ, il y a un ravitaillement, et encore 3km jusqu'à l'hôtel. Je m'arrête boire, et je repars d'un bon train. Stop, stop ! C'est fini ! C'est l'arrivée. Je comprends le sprint d'Adèle ! J'étais persuadée que l'arrivée était à l'hôtel. Il faut dire que la veille, j'étais en safari au lieu d'écouter le briefing. Du coup je finis cette fois 3° en 4h43, à quelques secondes d'Adèle. Quant à Isabel, elle est 1/4h devant.
J'ai impressionné ceux qui ont couru à mon niveau, car je cours tout le temps. Quand j'ai vu Adèle sprinter pour me doubler au bout de 40km de course, je me suis dit que je ne la suivrai pas, elle le paierait le lendemain. Et ça n'a pas manqué.
Je ne regrette pas du tout de courir en vêtement long. Ca protège de l’ardeur du soleil. Beaucoup n'ont pas mis de guêtres et certains pieds commencent à souffrir. Le sable est très abrasif.
Les derniers coureurs arrivent à 14h, par 45°C au soleil. Il vaut mieux courir vite et finir tôt ! Et faire une bonne sieste à cette heure-là avant d’être au frais au bord de la piscine.
Dernière étape : 23km. On part à 5h de l'hôtel pour un transfert de 45km à Sossusvlei. Le coup d'envoi est donné à 6h. Nous sommes dans une vallée entre deux cordons de dunes, toujours rouges. Là il n'y a que du sable. Au soleil levant, ça vaut le déplacement. On court 15 km dans cette vallée au pied des dunes sur un sol dur, sans piste. Isabel et Anne sont devant, je double très rapidement Adèle. Elle abandonnera au 15° km, quand les difficultés apparaîtront. Héléna me rejoint au 15°km.
Là nous bifurquons droit sur les dunes. Le sable est mou et le sera jusqu'à la fin. Première petite dune à franchir, Héléna rend l'âme, elle marche. Deuxième dune un peu plus haute, je cours toujours et en dépasse quelques-uns. Puis une bonne descente. Yaouh ! Il y a un ravitaillement en bas, je ne m'arrête pas, contrairement aux autres. On se retrouve dans une nouvelle vallée qu'on suit pendant quelques km, sur un terrain un peu plus dur. C’est un lac asséché, où il y a de l’eau quand il pleut.
Nouvelle bifurcation et nouvelle montée de dune, qui nous mène au pied de la fameuse "Crazy Dune". C'est la plus haute du monde, 300m de haut. Que c'est beau ! La grimpette se fait le long d'une crête de pente irrégulière, que je ne trouve pas si raide à première vue. Je m'attendais à pire. J'attaque la montée bien régulièrement, c'est le seul endroit où je ne courrai pas, c'est trop raide et trop mou. Je cale bien mes pieds à l'horizontal en les enfonçant dans le sable mou, et j'appuie sur les cuisses. Je suis la seule à monter comme ça, et je double 6, 7, 8 coureurs, peut-être plus, je ne compte pas. Dès que la pente est plus faible, je me remets à courir, même sur une petite distance. A 20m du sommet, qui vois-je ? Anne, qui n'en peut plus. Elle me laisse passer, admirative. Et Isabel ! Elle entame la descente. Et dire qu'elle était 1/4h devant moi la veille ! J'ai mis environ 40 mn pour monter, je ne sais pas exactement car je n'ai pas regardé ma montre au bon moment en bas et en haut.
Et maintenant la descente. Ah, quelle descente ! Impressionnante. 300m plus bas au bout d'une pente raide, il y a une espèce de dépression argileuse toute blanche. C'est là qu'on va. Je la fixe et m'élance, bien en équilibre, en me laissant glisser dans le sable à chaque foulée. On m'a dit que je volais, et j'ai épaté tout le monde tellement je descendais à l'aise. Ceci dit, 300m, c'est long ! Il faut tenir sans ralentir.
En bas on traverse la dépression, où il y a des troncs d'arbres morts. On l'appelle le Dead Valley. Les arbres ont 500 ans paraît-il.
Enfin, la dernière dune à gravir. Fastoche celle-là. La même que la précédente, mais en miniature. Je la passe en courant, avant d'entamer la dernière descente vers l'arrivée finale. Je finis à 1 mn d'Isabel. Qui n'a pas de guêtres et qui, elle, finit pieds nus. Quant à Anne, qui n'a pas de guêtres non plus, elle marchera en chaussettes pendant les 2 jours suivants, les pieds à vif.
Je boucle la dernière étape en 3h04, et termine 2° au général. C'est l'étape que j'ai préférée.
J'ai impressionné beaucoup de coureurs les 2 derniers jours, dès que ça devient un peu technique.
J'ai demandé aux organisateurs de faire une 5° étape, j'étais bien la seule !
Le soir, nous avons eu un bushbraii. Le braii est une institution en Namibie, c'est un barbecue. Et c'était dans le bush, la savane. Aux flambeaux. C'était très chouette.
Le lendemain matin, c’est le retour vers Windhoek. Nos bus 4x4 ont crevé 2 fois, des fois il vaut mieux se déplacer à pied !
Ciao !