Pourquoi aller loin quand on peut se faire plaisir à 2 pas de chez soi ?Alors direction Mada pour une semaine à Diego Suarez en cette fin d’août. 250km à pied m’y attendent.
Il s’agit d’une édition unique organisée par Racing the Planet. A ne pas manquer !
Je me suis inscrite un mois avant le départ, j’ai eu la chance d’avoir la place d’un désisté.
250km donc, en 6 étapes sur 7 jours, répartis en 4 x 40 km, 80 km et 10 km. Le tout à parcourir en autosuffisance, l’organisation ne fournit que l’eau et la tente.
Outre les équipements obligatoires, ça on n’y coupe pas, il faut porter 1 semaine de ravitaillement, on n’y coupe pas non plus, comprenant au minimum 14000 kcal.
Je prépare mon sac minutieusement, tout est pesé. En effet, il sera lourd en début de course et s’allègera au fur et à mesure du temps qui passe et surtout de mon appétit. Mes 14000 kcal représentent 2,2 kg au départ.
Vendredi à Gillot pour le départ, j’ai une grosse surprise : il y a plein de voyageurs déguisés en coureur. Et ils vont courir à Mada ! Incroyable ! Je pensais être seule dans l'avion Réunion / Diégo. En fait le vol Air France Paris / Tana du mardi a été détourné sur la Réunion car l'aéroport de Tana était bloqué par des manif, et les gens sont depuis 3 jours à la Réunion. Du coup l'avion était plein.
Et voilà même qu’on me reconnaît, c'est Philippe, qui était au Gobimarch il y a 2 ans.
Je partage un taxi à l'arrivée à Diego, une splendide 4L jaune branlante, avec une américaine qui va à un hôtel dans la même direction que le mien et qui est bien contente d'être avec quelqu'un qui parle français pour se débrouiller. Je la prends pour une coureuse, mais elle est médecin.
Nous sommes 230 coureurs, et il n'y a pas d'hôtel de grande capacité à Diégo, donc nous sommes disséminés dans plusieurs établissements. Le mien est dans la rue principale du quartier chic de Diégo, voisin de celui de l’organisation.
Je viens de récupérer les 2 patchs des logos de l'organisation que je dois coudre sur toutes mes manches. Ils ne me les ont pas envoyés car le délai de mon inscription était trop court. Je commence mon séjour par une après-midi couture avant d’aller me balader.
Samedi, le briefing est à 9h, suivi du contrôle des sacs.
Je passe à 11h, j'ai le temps de profiter de la piscine de l'hôtel, pas le mien d'hôtel, celui de l'organisation. Je suis la seule amateur de natation.
Au contrôle, on pèse mon sac : 7kg sans l'eau, c’est un des plus légers.
Après le déjeuner, nous partons en bus vers le 1° campement. Nous faisons le tour de la magnifique baie de Diégo jusqu’au bout de la route, dernière plage de la baie, à Ramena. On campe sur un terrain militaire, gardé par l'armée. La sécurité est assurée. Chanteurs et musiciens malgaches nous accueillent.
Je découvre mes compagnons de chambrée. Philippe, spécialiste des sommets à 8000m, Frédéric qui vit à Pékin, Pauline une jeune très bavarde, et 3 chinois dont un seul parle anglais. Ils sont gentils mais pas très communicatifs. Je prends place à côté des chinois.
La nuit tombe à 18h. Philippe a déjà mangé et se couche. Ce sera son rythme tous les soirs.
Je déguste ma barquette riz poulet, repas normal que j’ai amené, pendant que la plupart des autres sont déjà dans le lyophilisé. J'en fais des envieux ! Je fais connaissance avec les 2 autres français de la course, Clément un jeune qui vit à Singapour et Grégory.
Au dodo tôt pour ce soir, on va vivre une semaine au rythme du soleil, levée tôt et couchée tôt. Je me contente d'un morceau de tapis de sol très fin découpé juste à la taille de mon dos, que je renforce au niveau des fesses avec le renfort du dos de mon sac.
Dimanche matin, je suis levée à 5h30 avec le jour. Ce sera mon régime de la semaine.
Le départ est à 8h, pour 36km avec 3CP pour la 1° étape.
Juste avant le départ, le chef de district venu faire un discours me demande... si je suis la plus vieille des coureuses !!! Avec ma casquette il n'a même pas dû voir mes cheveux blancs. Suis-je toute fripée ?
Des jeunes du club d'athlétisme de Diégo nous accompagnent sur les 10 premiers km. Les malgaches courent bien. Certains sont en savates. Dommage qu'il n'y ait pas de coureurs malgaches sur cette course, mais je ne vois pas comment ils pourraient payer les droits d'inscription...
Nous sommes 230 au départ, dont 75 filles. Belle proportion de féminines ! Comme sur toutes les courses anglo-saxonnes, mais pas comme à la Réunion.
Nous parcourons le petit bout de plage avant de grimper un petit col pas bien haut, pour quitter la baie de Diégo et rejoindre l'océan indien. Nous longeons le littoral avec les 3 baies, 3 magnifiques plages. C'est marée haute et je ne coupe pas à la vague trop forte. Me voilà les pieds trempés dès les premiers km. Et l'eau salée, il n'y a rien de pire. Il y a quelques passages de rochers qui ralentissent la troupe. Je saute de pierre en pierre avec allégresse et avec mon gros sac. De quoi doubler les lambins. Je suis juste derrière Philippe, à ma grande surprise.
Nous sommes en pleine période des alizés et nous avons le vent de face. Néanmoins il me fait supporter la chaleur facilement.
Les passionnés de kite-surf s'en donnent à coeur joie dans la baie de Sakalava, la plus grande. La plage de plusieurs km de long est superbe.
Nous passons maintenant sous des petits sous bois par des tout petits sentiers, il est difficile de doubler.
Puis nous quittons les plages par une bonne piste 4x4... très sableuse. Queue de cheval blonde n°1 me double, impossible à suivre. Suivie de Queue de cheval blonde n°2, également impossible à suivre.
J’arrive au CP1 au pied d'un énorme et magnifique baobab. Ils n'ont pas de feuille en ce moment et paraissent tout secs. Je ne m'arrête pas, j'ai assez d'eau.
Nous continuons plein sud, avec toujours le vent de face. La température monte et atteindra 36°C. Nous traversons des zones de buissons, toujours sur cette piste sableuse. Le sable mou ne me gêne pas pour courir. J'adapte ma foulée.
J'arrive au CP2. On m'annonce que je suis la 1° fille. Impossible, il y a au moins 2 queues de cheval blondes devant moi. A moins que je les aie passées au CP1 où je ne me suis pas arrêtée ? Sans doute, je n'ai pas fait gaffe. Et bien, faisons la course en tête !
Ca y est, mon dos commence à frotter, comme d'hab. Je me suis protégée avec de l'élastoplast comme une momie, mais rien n'y fait. Je m'en accommode.
Nous traversons quelques villages de pêcheurs, on ne voit pas la mer mais elle n'est pas loin. Les gens me saluent. Il y a peu de zébus par là, la terre est salée.
Je dois partager la piste avec les camions de l'organisation qui ne sont pas pressés de passer. Je me tape bruit et poussière à gogo. Les portions en sentier sont bienvenues.
Me voilà au CP3. La piste devient de plus en plus sableuse et je dois m'arrêter vider mes chaussures, je n'ai pas de guêtres. A 5km de l'arrivée, une chinoise me double, couverte de la tête aux pieds. On ne voit que les yeux. Les chinoises devant rester le plus blanches possible pour répondre aux critères de beauté, le seule moyen en pays tropical est d'être couverte. A vrai dire, je le suis également et pour la même raison, quoique pas pour la beauté mais pour me protéger du soleil et ne pas avoir à me tartiner de crème en permanence. Je cours avec manches longues et collant, mais tout de même à visage découvert.
Je fais route avec Grégory. On papote, puis je l'abandonne, je vais plus vite.
Rearrêt pour vidage de chaussures. Gregory me rejoint. On est presque arrivé me dit-il, il a un GPS et suit les distances. Je préfère néanmoins jouer la sécurité car trop de sable dans les chaussures va me donner à tous les coups des tendinites du releveur.
En tout cas ce sable mou ne m'empêche pas de courir.
D'ailleurs j'ai pris de vieilles chaussures vu le terrain plat que nous allons parcourir, et je vois qu'elles s'usent à vitesse grand V avec le sable. Je n'en avais pas prévu autant.
Effectivement j'arrive au bout de mes peines 10mn plus tard.
Je finis donc 2° pour cette fois, en 5h05, 4mn derrière Lingyun. Puis un paquet de filles arrivent dans la foulée, l'américaine Suzan, queue de cheval blonde n°1 en tête. Ca promet d'être une belle course si le plateau des filles est si homogène ! En tout cas, je débute bien.
Je consomme 1/2 l d'eau aux 10km, ce qui est très peu par rapport aux autres. Mais ça me suffit, ayant l'habitude de la chaleur. Ca me fait moins à porter. Et j'ai tout l'après-midi pour boire à gogo.
Le campement est sur une très belle plage déserte. Et des cocos verts nous y attendent ! Bien rafraîchissants ! Personne ne sait qu'on peut manger la pulpe à la petite cuillère, je fais des émules. On me demande quand même conseil par rapport... aux troubles digestifs. Il y en a qui ne supportent déjà plus la nourriture malgache ?
Je ne vais pas me baigner, je n'ai pas envie d'être salée sans pouvoir me rincer. Déjà que mon dos frotte.
Philippe est arrivé juste avant moi, puis c'est le tour de Frédéric de débarquer dans la tente. Enfin Pauline.
Déjà hier soir Pauline s'est plaint de ses pâtes déshydratées et Clément de son espèce de porridge. Ils n'ont que ça à manger pendant une semaine. Mes recettes perso de purée Mousseline et de pâtes chinoises aux cacahuètes font fureur.
Si j'ai pris juste les 14000kcal obligatoires, Philippe en a ... 22000 ! Il mange tout le temps. Il ne peut pas faire avec moins sinon il perd trop de masse musculaire. Je suis bien contente de ne pas être une athlète professionnelle comme lui !
Ce soir je suis couchée tôt au doux bruit des vagues.
Lundi, nous partons à 7h ce matin pour 46km, longue étape de 4 CP. Nous commençons par un court bout de plage avant de poursuivre sur un petit sentier dans les buissons, heureusement peu épineux. Suzan me double rapidement, je la redépasse aussi sec. Chinoise multicolore et japonaise short noir sont devant. Et voilà de nouveau la mer et le 1° CP sur la plage. Longue plage magnifique que je parcours avec japonaise maillot vert. Elle parle peu anglais, on fait des gestes pour papoter. Je la dépasse, et je rattrape chinoise multicolore. Décidement, je suis plus à l'aise dans le sable que les autres. Un énorme crabe nous coupe la route.
On croise quelques pêcheurs et leur pirogue, avant de quitter la baie pour un sentier en sous bois. Je double dès que je peux, mais voilà que je perds les marquages, les petits drapeaux roses et bleus. On me redouble. Bon, je reste derrière. Les 2 jeunes canadiens sont passés devant, Mélissa et son copain, qui courent... en sandales très fines.
Nous continuons sur une piste, toujours du sable. Je sème les canadiens.
Me voilà maintenant dans un coin à baobabs. Ils émergent, tout secs. Avec quelques pachipodium fleuris de blancs, qui ressemblent à des petits baobabs. C'est très beau.
Les villages se succèdent, plein d'enfants et de femmes en pagne multicolore. Les maisons ont l'air fragiles, en branchages et couvertes de feuilles de coco.
On traverse une rivière dans l'eau, ce n'est que la 1° de notre périple. Les chaussures mouillées empêchent le sable d'y rentrer, je ne perds rien au change.
Mon dos commence à s'échauffer et à brûler malgré la couche d'élasto que j'ai renforcée. Il faudra bien que je trouve une solution à ce problème. Je n'y pense pas et ça reste supportable.
J'arrive à l'entrée d'un village avec une bifurcation, mais il n'y a plus de petits drapeaux. Je cherche le marquage de tous les côtés, plusieurs allers et retours infructueux. Les gars derrière me rattrapent et ne trouvent pas plus que moi. Une dame arrive mais ne parle pas français. On se fait comprendre par geste et elle nous indique un des chemins. Ah, les drapeaux réapparaissent plus loin. Sans doute les gens les ont trouvés jolis et les ont pris. Le chemin est bordé de cultures d'un côté, bananes, manioc, et d'une rivière de l'autre. Et bien justement, on la traverse cette rivière, les pieds dans l'eau.
Voilà un gros village. Tous les habitants nous attendent et nous encouragent. Je ne fais que passer mais l'arrière de la course n'hésite pas à s'arrêter et à jouer avec les gamins ravis. Une dame m'accompagne et me fait la conversation jusqu'au village suivant et une nouvelle rivière à traverser. Elle court avec moi, pieds nus évidemment. Elle est contente.
La rivière suivante n'est pas large et est franchie sur un pont branlant fait de 2 troncs et d'une branche garde fou d'un seul côté. Quand je pense que les gens doivent le franchir avec de lourdes charges sur la tête.
Une dernière rivière qui coule sur la piste, et j'atteins les rizières. Il faut les contourner sur de petites digues, avec quelques passages humides, c'est à dire de la boue jusque mi mollet. Certains y laissent leur chaussure et n'ont plus qu'à fouiller pour la retrouver. Je suis avec Mélissa, et elle peine avec ses sandales. Je la distance facilement.
J'arrive dans un village, et j'ai un petit creux. Je fais une pause et m'installe à l'ombre devant une maison pour sortir des crakers de mon sac. Je repars quand Suzan arrive. Elle n'a pa plus d'eau. Où est le CP ? J'y arrive à la sortie du village, j'aurai pu attendre pour la pause !
Voilà 40km de parcourus. Je préfère courir tout le temps et m'arrêter aux CP, sauf le 1° où je ne m'arrête jamais. Je ne marche jamais. Au CP, Je prends le temps de m'asseoir, de faire tranquillement le plein d'eau, de manger mes gélules de sel. Comme je suis incapable d'avaler une gélule, et c'est encore pire pendant un effort, je la croque. Beurk, la bouche pleine de sel. Vite, de l'eau. Sinon je ne mange pas du tout pendant l'étape, je n'en ressens pas le besoin.
J'ai la pêche pour les 6 derniers petits km. Je suis avec Suzan et japonaise maillot vert. Je les dépasse dans un passage de sable mou et accélère le rythme, je me sens bien. Elles s'accrochent derrière, japonaise ahane tant qu'elle peut. Voilà encore une rivière qui nous tend les bras. Une dame nous appelle car nous étions allées tout droit. Encore des rizières où je suis à l'aise sur les petites diguettes, puis nous traversons un village dans le sable, en montée. Je distance les 2 filles, qui se rapprochent sur la portion plate sans pouvoir me doubler. Et voilà qu'on entend déjà les tambours signalant l'arrivée, avec une haie de villageois. C'est la fête. J'arrive la 1°, suivie de près par japonaise, puis Suzan un peu derrière. Le pointeur ne trouve pas ma puce que je lui montre sur le dessus de mon sac, et il me pointe après Suzan, soit 5° de l'étape alors que je suis 3° et il me vole 1mn. Je trouve ça désolant car nous sommes à 1mn près. Espérons que ça ne jouera pas au bout de 6 étapes. En tout cas, je dois trouver une meilleure place pour ma puce. J'ai fait les 46km en 7h17.
La tente est vide à mon arrivée, Philippe est derrière ? Eh oui, il débarque peu après. Pauline arrivera de nuit, après avoir profité de tous les enfants dans les villages.
Le camp est dans une clairière, entourée de baobabs. C'est très beau... mais c'est le paradis des moustiques si près des rizières. Ils attaquent vers 17h, à la tombée de la nuit et ça dure 1h. Je ferme les portes de la tente, tant pis s'il fait chaud, et j'en tue une centaine avant d'aller déguster ma purée aux poireaux.
Je mange chaque jour 400g de ravito, mon sac s'allège d'autant.
Mardi, les 42km de la 3° étape vont nous mener dans les tsingy rouges, que j'attends de voir avec impatience. C'est le 1° but de ma course.
Nous commençons par une piste très sablonneuse. La mer n'est pas loin car on traverse des villages de pêcheurs. Et ça y est, la voilà. On se tape de nouveau une longue et magnifique plage déserte, d'au moins 3km de long. Ce sera la dernière du périple. Quand on pense qu'il doit y en avoir des centaines et des centaines comme ça à Mada.
Nous quittons donc la côte, et nous traversons plusieurs larges lits de rivière à sec, paradis des zébus. Je fais un morceau de chemin avec Mélissa et avec une petite chinoise ou japonaise ? qui s'arrête tous les 100m pour prendre des photos, elle me rattrape après chaque photo. Je finis par distancer tout ce petit monde.
J'arrive de nouveau dans un large lit de rivière, mais pas à sec cette fois. Le cours d'eau n'est pas profond mais on y patauge, et il nous amène au CP2, l'entrée des fameuses tsingy.
Les voilà ! Ce sont des espèces de stalagmites en gré rouge dans des petits canyons, formées par l'érosion. J'arrive tout de suite à une petite formation de tsingy. Superbe ! On les quitte en escaladant la paroi du canyon. Je sème les mecs à cet exercice. Puis j'arrive sur un plateau herbacé et buissonnant. Il y a juste un petit sentier à peine tracé. Heureusement c'est bien balisé avec les petits drapeaux roses. Les eucalyptus succèdent aux buissons. Je retrouve une bonne piste, qui conduit à un point de vue surplombant un autre groupe de tsingy. Je fais un petit détour pour les admirer, ça vaut bien ça. Puis c'est la descente dans un petit canyon, bien raide. Et là, patatra, la tête la 1° par terre... dans du sable. Ouf, je m'en sors bien. Et si je regardais où je mets les pieds au lieu d'admirer le paysage ?
Au fond du canyon court une rivière et nous dans la rivière, heureusement très peu profonde, sur du sable rouge.
On sort du canyon et du massif des stingy pour rejoindre la savane, dans l'herbe. Et qui me rattrape ? Margot, avec ses bâtons, une américaine que je n'avais pas encore vue. Elle finit par me doubler. Je ne la suis pas, elle est trop rapide.
Ce sont maintenant quelques bons km de piste bordée de rizières et de villages. Je croise un monsieur qui porte une bonne dizaine d'anguilles. La rivière n'est pas loin. En effet, elle est large à traverser. Mais si rafraîchissante ! Il y en a qui s'y baignent d'ailleurs. Il reste 2 km, qui finissent par monter sur un petit plateau surplombant la vallée. Le campement y est installé.
Cette fois je termine 5° en 5h53. Loin devant moi : Huang la chinoise multicolore, Maki la japonaise short noir, et tout près devant Suzan l'américaine et Margot, l'autre américaine.
Je ne retourne pas me baigner à la rivière. 4km aller retour ne me tentent pas, et je n'ai pas envie de mouiller mes bandes de momie. Et encore moins juste au pied du camp, pour cause de... crocodiles ! C'est la même rivière que celle qu'on vient de traverser...
Mercredi, 4° étape de 40km avec 3 CP, et ça monte ! +500m de dénivelé en faux plat montant continu. On ne s'en apercevra même pas.
Je suis attablée au p'tit déj avec des japonais, très curieux. Nous gouttons nos mets respectifs. Le mien est un mélange céréales/praliné additionné de spiruline pour ma ration quotidienne de protéines, le leur un plat déshydraté à base de riz. C'est bon, mais le rapport poids/calories n'est pas très intéressant.
Le parcours du jour est dans la savane agrémentée de petites collines, mais nous restons sur le plateau. Je suis avec Philippe jusqu'au CP1. Nous sommes pratiquement toujours sur une bonne piste, avant la traversée d'une rivière au CP3.
On emprunte un sentier dans les herbes, qui s'élève jusqu'à surplomber un premier lac sur la droite puis un second sur la gauche. Ce sont les lacs sacrés. Baignade interdite, c'est le domaine des crocodiles. Nous contournons le 2° lac sous les eucalyptus. C'est très beau. Puis on rejoint une bonne piste qui nous amène en ville, à Anivorano. Il y a plein de petits marchands le long de la route. Il me reste 3km sur la nationale 6 (Diégo - Tana), avec grande circulation... piétonne, avant de rejoindre notre campement.
Je termine 5° en 5h17. La chinoise a fait une chute hier, elle a le bras en écharpe et continue en marchant. Ce sont 2 japonaises qui arrivent en tête, short noir puis maillot vert, suivies de Suzan et Margot. C'est l'étape où je perdrais le plus de temps par rapport à Suzan.
Philippe est installé quand j'arrive. Ma place habituelle dans le coin à côté des chinois est agrémentée d'un énorme caillou au milieu du dos. Je déménage et me mets entre Philippe et Frédéric qui va arriver.
Jeudi, 5° étape : 80km avec 7 CP. Je me rends compte que je n'ai jamais couru 80km de plat. Ou ce n'était pas plat, ou c'était plat et plus long. Vais-je alterner course et marche ou courir tant que je peux pour finir par marcher par obligation ? Je vais d'abord courir 40km, ce que je fais depuis 4 jours sans problème. Après, j'aviserai.
J'ai prévu de manger peu pendant le parcours : un barre tous les 20km. Et je garde des crakers sous la main au cas où un petit creux s'imposerait.
Cette étape va nous mener dans le massif de l'Ankarana, au milieu des tsingy, grises cette fois. Chouette ! Je les attends avec impatience.
Nous partons par une bonne piste. On longe un petit ruisseau dans le même sens que lui, donc on descend. Enfin, si légèrement qu'on ne le sent pas. Nous sommes dans la savane jaunie. Il y a peu de villages par ici. Voilà le 1° CP au bout de 10km. Comme je n'ai pas de GPS et que je ne regarde pas ma montre, je ressens les km au feeling, et je suis toujours optimiste. Le CP arrive toujours plus vite que je ne pense, ce qui est extrêmement agréable et me permet de bien profiter de la course depuis le début.
Comme d'hab je ne m'arrête pas au 1° CP, je prends assez d'eau au départ.
A partir du 2° CP, je prends le temps de m'arrêter pour faire le plein d'eau.
On abandonne la piste pour un sentier dans les hautes herbes. J'aime bien. Un troupeau de zébus encombre le chemin. Une dame les chasse du passage. Merci, la voie est libre. Ils ont l'air pacifique, mais sont impressionnants. Mais voilà que... plouf patatra, je voltige par terre. Sur un trajet aussi facile ! J'ai buté dans la seule pierre du coin, à force d'admirer le paysage au lieu de regarder où je mets les pieds. Un gentil chinois me tend la main. Heureusement, pas de mal.
Le massif calcaire tout gris des tsingy se profile à l'horizon et je m'en rapproche à vitesse grand V, enfin, à la vitesse de mes gambettes.
J'arrive au CP3 au pied des tsingy, et j'y suis rejoint par Margot. J'y engloutis ma 1° barre, comme programmé.
Nous changeons de direction pour longer le massif de l'Ankarana par l'ouest et vers le sud. C'est une chaîne toute grise, pas très haute, très massive. C'est du corail, et c'est unique au monde. La piste serpente en sous-bois, mais reste néanmoins en plein soleil. Je croise 2 chercheurs du parc national, ils mesurent le chemin... au décamètre. Il y a des vallées qui pénètrent à l'intérieur, et à chaque fois je m'attends à les emprunter, mais non, nous continuons parallèlement au massif. Je suis seule sur le chemin et mon rythme est bien régulier.
Déjà le CP 4 ? J'avais compris qu'on pouvait rallonger le parcours de quelques centaines de mètres en option pour aller voir les tsingy. Erreur de compréhension anglaise, c'est pour aller voir des lémuriens. Je les laisse tranquille et je pars tout droit. J'ai parcouru les 40km habituels, et je tiens bien le coup. Alors, on court toujours ? Oh yes ! Les 10 km suivants ressemblent aux précédents, l'Ankarana sur la gauche et la petite forêt en plein soleil au-dessus de la tête. Je finis par quitter le parc national, sans entrer dans les tsingy. Alors il faudra que j'y revienne !
On retrouve les villages et... des champs de cannes. Je ne suis pas dépaysée. Le paysage est devenu tout vert. Je vois une grosse fumée blanche au loin vers laquelle on se dirige. Ca ne peut être que la sucrerie.
Les villages se succèdent de nouveau le long de la piste, avec les enfants joyeux, lance pierre en main. Les gens ont même rajouté des bouts de plastique dans les arbres pour renforcer le balisage. Merci !
La piste devient fréquentée. Avec la canne, on y croise des charrettes de zébus, et même des tracteurs. Les maisons sont plus cossues, les toits sont en tôle, et même parfois les murs, et les cours sont fleuries.
Ah, une rivière à traverser. Il y avait longtemps. J'y rejoins quelques coureurs qui font une pause baignade, l'eau est très claire. Et Margot est là. Elle repart devant. Voilà dans la foulée une autre rivière. Oh, mais elle est pleine de boue celle-là. Ca glisse pour y entrer et pour en sortir. Je me rattrape à temps. Philippe y est tombé.
Je suis au CP5. C'est l'heure de la 2° barre de la journée. J'ai toujours le même programme : je cours tout le CP et je fais une courte pause au CP. J'avale les km facilement, sans effort. Alors on continue comme ça. Que du plaisir ! A part mon dos qui frotte toujours, mais j'y suis tellement habituée que je n'y pense pas. Sauf quand je reprends après chaque arrêt, le temps que ça chauffe. Du moins j'ai décidé que je n'y pensais pas.
J’ai trouvé des compagnes, 2 petites chèvres au milieu du chemin me précèdent. Je dois leur faire peur. Je vais donc les suivre sur quelques km, jusqu'au prochain village. Bonne compagnie !
J'atteins déjà le CP6. Il ne reste que 20 petits km, et je vais faire les 10 suivants à un train d'enfer. J'accélère le rythme avec euphorie. Fichtre, je dois être pleine d'endorphine ! Nous sommes maintenant en fin d'après-midi, et il y a du monde sur la piste. Et même des taxis Be. Les voyageurs m'encouragent.
Le CP7 arrive vite à cette allure. 3° repas de la journée, 3° barre. Ca me suffit. Je mangerai bien ce soir. Il ne reste que les 10 derniers km. Evidemment que je vais les faire en courant ! Je ralentis l'allure néanmoins, et j'allume ma lampe, et la lumière clignotante rouge obligatoire à l'arrière du sac. Et oui, il fait nuit à 18h. Les villages sont dans la pénombre, il n'y a pas d'électricité, et les gens vivent dans le noir. On voit peu de points lumineux. Le balisage est phosphorescent, on le voit très bien dans la lumière de la lampe. De toute façon il n'y a pas de surprise, la piste file tout droit. On ressent juste les passages plus sableux où j'adapte ma foulée. Il y a une lumière devant, que je rattrape et dépasse. Un chinois.
J'arrive à l'entrée d'un gros village, et voilà le terrain de foot où est installé le camp. Il est 18h40, j'ai fait 40mn de nuit. Je suis hyper contente, j'ai couru les 80km intégralement. Beaucoup on marché du CP6 au 7, alors que je m'y suis envolée.
Le pointeur a disparu à mon arrivée, avec la douchette dans sa poche. Tout le monde le cherche désespérément, enfin, c'est surtout moi qui suis désespérée. Il mettra bien 2mn à venir. Il ne manquait plus que ça. Ca me coupe ma joie d'être arrivée. Je me suis décarcassée pendant 10h41, et j'ai l'impression que ça n'a pas d'importance. C'est le contre coup de la pression de la journée. Une dame note l'heure à la main et elle tiendra compte de ce temps-là.
Je suis de nouveau 5°, c'est ma place. Suzan et Margot sont arrivées ensemble 10mn avant. Bonne journée pour moi ! Les 2 japonaises sont loin devant.
Philippe se couche quand j'entre dans la tente. Frédéric arrive vers minuit. Je n'ai pas entendu entrer Pauline. Elle n'est pas là à 5h quand je me réveille, elle a fait un malaise en arrivant et est à l'infirmerie. Les 2 chinois restants, il n'en reste plus que 2, arriveront le lendemain matin.
Nous voici déjà vendredi, et c'est repos pour moi, pendant que les marcheurs arrivent encore toute la matinée.
Le campement est installé sur le terrain de foot du village, il n'y a pas de buissons discrets environnants. Me voilà donc dans l'obligation d'utiliser pour la 1° fois les toilettes du camp. Et elles sont très bien ! Certes ce n'est qu'un trou creusé dans le sol, mais ça reste propre. Un nouveau jeu de cabines est inauguré au cours de la journée pour absorber la vidange des intestins de tous les coureurs. J'ai pris des petits chaussons d'hôtel qui tiendront juste la semaine, mais je remets mes baskets pour aller chez Jules, c'est plus prudent.
Après cet intermède hygiénique, je vais visiter le village, ce qui est interdit dans le règlement. C'est un village assez grand, traversé par une route bitumée. Les maisons sont espacées les unes des autres, mais non clôturées. On a l'impression d'être chez les gens alors qu'on peut circuler librement entre les maisons. Il y a des puits communs, l'eau n'est pas profonde. Les enfants sont de corvée pour la puiser. Je rencontre Nicolas qui a eu la même idée que moi. C'est l'italien de la tente voisine, qui arrive toujours 1° dans sa tente, donc nous avons largement eu le temps de faire connaissance avant l'arrivée de nos coturnes respectifs. Nous allons boire un coup à la minuscule boutique et manger des bananes. Des gamins nous proposent de nous montrer le lac. Oh oui ! Douche en perspective ! C'est plutôt un étang, mais l'eau y est claire. On s'y baigne. Oh que ça fait du bien !
En musardant nous tombons sur la laiterie, installée dehors. Le lait est dans des jerrican en plastique. Il bout dans une grande marmite, puis on en fait du yaourt, qui sera vendu en ville. J'en goûterais bien, mais pas avant la fin de la course. Je n'ai pas envie de visiter nos belles toilettes à tire larigo. Normalement on ne risque rien avec du yaourt, contrairement au lait.
Toute ma tente rêve de bananes. La petite marchande va faire fortune, bien qu'elle n'ait pas beaucoup de stock à vendre.
Tiens, un endormi se balade dans l'arbre du camp, sous lequel nous faisons la sieste à l'ombre. Il a un succès fou.
Il est midi passé et les derniers arrivent. C'est assez émouvant. Un de nos chinois en fait partie. Il carburait plutôt bien jusque là, mais il a rendu l'âme sur la longue marche. Certains peuvent à peine marcher, appuyés sur leurs bâtons. On leur amène une chaise sur la ligne d'arrivée.
Je retourne meubler mon après-midi dans le village. J'ai des bons pieds et je peux marcher. Je rencontre 2 petites vieilles qui arrondissent les fins de mois en tressant des paniers et en remplissant des oreillers de kapok. Un monsieur de la ville vient leur acheter leur production 2 fois par semaine.
Pour cette journée de farniente et de balade, j’ai agrémenté mon unique maillot de rechange de manches légères et amovibles pour me protéger du soleil, bien pratiques.
Dans l'organisation, il y a des bénévoles de toute nationalité. Cela permet aux coureurs non anglophones d'avoir un relais. Mathias est le francophone de l'équipe, pour les français, les belges, les suisses, les libanais.
Pauline est requinquée. Plutôt que de jeter son surplus de pharmacie, je lui propose de la donnr à la petite malgahce préposée à l'eau, qui sera ravie.
Samedi, voici la dernière étape qui pointe son nez : 10 tout petits km avec un sac bien léger. Enfin presque. Il nous reste le matériel obligatoire à porter. Je revêts pour l'occasion des vêtements propres, le maillot de rechange et le short que je mettais au campement et qui me servaient aussi de pyjama.
Nous partons en 3 groupes, les tortues à 7h, les pingouins à 7h30 et les lièvres à 8h30. Je fais partie des plus lents des lièvres. J'ai donc largement le temps de musarder au réveil. Mon objectif du jour est de prendre une bonne cadence et de la maintenir sur tout le parcours.
Le départ est lancé. Nous traversons notre village pour prendre une piste, sablonneuse pour changer. Je me retrouve à la fin du peloton comme prévu. Maki japonaise maillot vert reste derrière. Elle a tout donné avant et sa 2° place est assurée. Je double un chinois, puis Jan Jill le hollandais avec qui j'ai fait un bout de chemin tout au long de la semaine et que je largue toujours en fin de parcours, puis Suzan qui n'en peut plus. Margot est plus lièvre que jamais, elle est devant.
Cette fois, ce sont des marcheurs que je double, tortues ou pingouins. J'approche d'Ambilobe, la grande ville du coin et les habitations sont de plus en plus nombreuses et en dur. Il commence à y avoir de grandes maisons. J'arrive sur la route. Je maintiens une bonne cadence régulière. Je traverse toute la ville, c'est jour de marché et il y a foule, et heureusement peu de voitures. La police dégage la voie. Les malgaches nous font une haie d'honneur, c'est l'arrivée finale.
Une bonne THB m'attend, mais d'abord je retire dare dare toutes mes couches d'élasto qui m'ont transformée en momie. Des brochettes de zébu et du manioc frit accompagnent la bière, ainsi que des danses malgaches. Mais comme je suis arrivée une des dernières, je ne profite pas longtemps de la liesse de l'arrivée. C'est dommage. J’ai loupé une demande en mariage et ceux qui déploient le drapeau de leur pays sur la ligne d’arrivée. Nous sommes 43 nationalités représentées.
J'ai fait les 10km en 55mn, ce qui est tout à fait honorable pour moi qui ne suis pas une spécialiste de cette distance et avec 240 bornes dans les papattes par dessus le marché. Je fais 4°, c'est Margot la plus lièvre, suivie de Mélissa qui était dans le groupe des pingouins, et Mayumi est juste devant moi. Je peux être satisfaite de ma performance du jour !
Bilan de la course :
Je termine 4° féminine en 35h pour les 250km. Pas mal ! Et 26° au scratch.
Suzan est 20mn devant et Margot 10mn derrière. Maki est 2h30 loin devant, avec Mayumi.
Mes points forts : la 1° étape avec l'habitude de la chaleur, mon sac "léger", mon hydradatation dromadaire, je bois peu par rapport aux autres, et courir dans le sable mou
Mes points faibles : mes chaussures pleines de sable à vider et les frottements de mon sac sur ma délicate peau
Puis c’est le retour en minibus à Diégo, 4h sont nécessaires pour faire 130km vu l'état de la nationale pleine de trous.
Je n'ai qu'une envie : retourner dans les tsingy grises pour rentrer à l'intérieur du massif.
Le soir, c'est la soirée traditionnelle de remise des prix. Je suis 1° des quincas. J'écope d'un horrible trophé en plastique fabriqué en Chine, alors qu'il y a un artisanat très varié à Mada. Ma tablée le trouve magnifique. En tout cas, je leur fais découvrir le rhum arrangé local à ma tablée.
Je regagne mon lit assez tôt, alors que la plupart poursuive en boîte fortement alcoolisée. Très peu pour moi.
Le lendemain je repars dans les tsingy grises pour y randonner, une autre façon de les découvrir.