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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 18:40

Nouvelle destination, nouvelle organisation : je vais découvrir le centre désertique de l’Australie.

Canal Aventure, organisation française, propose une course de 520km en 9 étapes, d’Alice Springs à Uluru, nom local aborigène d’Ayers rock. Une arrivée au rocher rouge mythique, voilà qui me tente beaucoup ! Je suis déjà allée dans la très grande Australie, mais pas dans ce coin.

Australie Le centre rouge Mai 2023

La course comprend des étapes de 30km à 137km, la plus longue étant la dernière. Le principe est une auto-suffisance du coureur, l’organisation fournit la tente et de l’eau froide, c’est tout. Il faut donc porter ses affaires et sa nourriture. Celle-ci est divisée en 2 lots de 5 jours, nous prenons le 2° lot à mi-course, c’est-à-dire que l’on porte au maximum 5 jours de ravitaillement. Cela fera tout de même un sac conséquent.

Il y a une petite liste de matériel obligatoire, certes moins importante que pour certaines autres courses du même principe, mais elle comprend tout même des choses inutiles pour moi comme le réchaud dont je me passe allègrement. Il est demandé 20 pastilles de combustible solide pour le chauffer. Je n’en ai que 12 à la maison, et il est impossible d’en trouver à la Réunion. Heureusement, un copain fait une virée à Paris et m’en ramène. Merci Seb !

 

Une autre contrainte est imposée, alimentaire cette fois : il faut 20000 kcal pour toute la course, divisées en 10000 kcal pour chaque lot, avec une différence de poids admissible entre les 2 de 5% ! D’abord c’est beaucoup trop pour moi, ensuite cela ne tient pas compte de la longueur des étapes. En effet nous allons parcourir 217km les 5 premiers jours et 305km les 5 suivants, dont la longue étape de 137km, et donc y consommer plus de calories.

Il faut aussi savoir que l’Australie est très stricte sur les produits arrivant dans les bagages des voyageurs à l’aéroport. J’avais compris que toute alimentation fraiche ou faite maison était interdite. J’amène donc mon ravitaillement dans les emballages d’origine, pouvant être facilement identifiés par la douane : purée et soupe déshydratées, poudre d’amande, céréales, tucs, spiruline, et 4 sachets de pâtes carbonara lyophilisés. Je ne suis pas fan des lyophilisés, et c’est exceptionnel que j’en prévoie.

A l’aéroport de Perth, sans surprise, les douaniers ouvrent tous les bagages des arrivants de mon avion. Et voilà que les lyophilisés ne plaisent pas du tout ! Ils me sont confisqués. Je vais devoir trouver 4 repas australiens de remplacement.

J’arrive en Australie pour une semaine de tourisme avant la course. Cela me permet de préparer tranquillement mes portions de repas, calculatrice en main, ayant à ma disposition la balance de cuisine de mon neveu de Melbourne. Merci Raphaël !

 

Je ne me suis pas foulée pour substituer les lyophilisés. Ce sera chips et noix de cajou. Pas du tout équilibré, mais calorique.

Me voici arrivée à Alice Springs le soir de la veille du rendez-vous avec l’organisation. C’est la grande ville du centre de l’Australie, une bourgade de 25000 habitants. Je m’installe dans une auberge, située au pied de petites montagnes rouges. Le coin est très beau. C’est dimanche soir et il n’y a qu’un restaurant ouvert au centre-ville. J’y tombe sur une tablée de l’organisation, histoire de faire connaissance, et sur une autre de coureurs germanophones. Brigit et Marco m’y accueillent à bras ouverts. Nous étions ensemble sur la 1200 en Mauritanie il y a 6 mois.

 

Le lendemain matin, dans la cuisine commune de l’auberge, je tombe sur une affiche que je n’avais pas vue la veille : le chat de l’auberge ne suffit pas à éradiquer les souris, ne laissez pas de nourriture dans les chambres. Oups, j’ai 10 jours de ravito dans la mienne et j’ai en plus laissé mon sac ouvert la nuit. Effectivement, le sac plastique qui renferme mes précieux sachets caloriques présente un petit trou bien rongé, et quelques flocons de purée sont éparpillés dans mes affaires… Il y en a une qui s’est régalée. Ca commence bien !

J’ai la matinée libre avant de rejoindre le groupe à 13h. C’est une bonne occasion d’aller au musée ethnique pour renouer avec la culture aborigène, maintenant reconnue par le gouvernement australien. Alice Springs étant une petite ville, je m’y rends à pied. Ma balade croise beaucoup de loriquets, petits perroquets vert, rouge et bleu, et encore plus de somptueux galahs, plus gros et roses. Je suis ravie. Je le suis moins en arrivant au musée qui est fermé le lundi. Je me contenterai des oiseaux.

 

Je finis par rejoindre le groupe de la course. Nous commençons par 1 heure de bus pour atteindre Ellery Creek dans la chaîne montagneuse de MacDonnell Ouest où le campement est installé, planté dans le sable au pied d’une petite montagne de grès rouge. Le coin est boisé. C’est très chouette. Nous allons y rester 2 nuits.

 

Important : les toilettes sont dans une petite tente, c’est un simple trou creusé dans le sable, on y met de la sciure à chaque utilisation. Le PQ doit être mis dans une poubelle spécifique et sera brûlé. Autre point, nous trions nos déchets, ce qui est brûlable et ce qui ne l’est pas.

Nous sommes un petit groupe de 26 coureurs, ce qui est convivial, dont 10 filles, ce qui est une forte proportion. Le gros de la troupe vient de France, Allemagne, Italie et Suisse. 2 Américains, 1 Australien et 1 Irlandais vivant en Australie complètent le tableau.

Je partage ma tente avec Marisa, une Italienne de Milan. Nous nous rendons compte que nous étions ensemble sur la 555 en Egypte il y a 15 ans. Je ne me souvenais que de son prénom, mais pas du tout de sa tête. Elle n’avait alors pas terminé la course.

Avec étonnement je m’aperçois également que je connais pas mal d’autres coureurs : Marco le suisse de la 1200 en Mauritanie, Brigit l’allemande avec qui j’ai couru plusieurs fois, Dominique le français sur la 1000 en Mauritanie, Grégory, autre français croisé en Chine, Mark l’allemand en Géorgie.

Je suis surprise qu’il n’y ait pas de jeunes sur cette course. Toutes les filles ont plus de 50 ans, et la pétillante Anne la doyenne en annonce 70. La jeunesse n’est pas prête à faire 500km avec un sac lourd !

Je fais aussi connaissance avec l’organisation, dont Jérôme est aux commandes. Nous avons le droit à 2 médecins et 2 infirmiers. Quel luxe ! Le staff est français, à part Easer qui est australienne.

Dès que la nuit tombe à 18h30, le froid s’installe. Christelle nous prépare un bon repas, et nous mangeons sur une table et des bancs de l’aire de camping, bien emmitouflés. Je profite de ce dernier confort, car cela ne va pas durer. On a le droit à un feu de camp, mais il faut qu’on le fasse nous-mêmes. Marco en deviendra le spécialiste.

Le lendemain est consacré aux contrôles, ce qui va prendre toute la journée. C’est longuet pour si peu de coureurs. Je passe l’avant-dernière dans l’après-midi. On doit remettre notre sac d’affaires personnelles que nous ne prenons pas pour la course lors de cette vérification, je garde donc à ma disposition une tenue normale et surtout un bouquin pour la journée. Je ne m’en tire pas si mal. Je m’installe dans le sable avec mon livre, un peu à l’écart du camp, sous un arbre particulièrement affectionné par les galahs. Il fait bon dans la journée à l’abri du vent. Je visite aussi le coin, le petit lac de la crique coincé entre 2 montagnes est très joli, mais froid. Des gens s’y baignent, pas moi. Je me contente de m’y laver.

 

Mon tour pour le contrôle vient enfin. Je suis en tenue de course désormais, tout le reste n’est plus disponible à partir de ce moment, le sac personnel étant rendu.

Le matériel obligatoire est passé en revue, Laurianne ira même jusqu’à compter les pastilles de sel ! Il en faut 20, j’en ai 20 juste. Je transpire peu, je n’en ai pas besoin. Les fameuses calories des repas sont pointées, chaque portion doit être repérée par jour. Les 2 lots de nourriture sont pesés. Il y a une différence de 10% entre mes 2 paquets. Je dois revoir ma copie. J’inverse 2 repas, les petits déjeuners du 1° et du 6° jour n’étant pas à porter, je me suis octroyée un gros paquet de biscuits pour chaque. Je m’en tire avec 2,2kg pour 5 jours. Le sac complet est également pesé. Je vais porter 6,4 kg au départ sans l’eau. Puis au fur et au mesure qu’on mange, ça s’allège, jusqu’à reprendre le 2° lot de nourriture le 6° jour.

Côté pharmacie, j’ai confondu bande de compression et de contention. Je n’ai pas la bonne. La mienne est adhésive, c’est ce qu’on demande sur toutes les courses, mais pas cette fois. Il ne faut pas une bande pour strapper une entorse ou une tendinite, mais pour les morsures de serpent. L’Australie compte des serpents parmi les plus mortels de la planète, et je passe pour les araignées. Je ne suis pas spécialiste des morsures de serpent. Je suis autorisée à ramener la bonne bande ultérieurement. Doris m’en prêtera une.

Puis je passe au médical. Je présente mon certificat à Maxime, l’un des médecins.  Il connaît le mien ! Il est venu faire une mission à la Réunion et ils étaient ensemble.

J’ai le droit à un petit cours de première urgence en cas de morsure de serpent.

1° S’arrêter et attendre les secours.

2° Ne pas faire de garrot.

3° Enrouler la bande de compression serrée autour du membre mordu, jambe ou bras, sur toute sa longueur.

Avec ça, je suis parée pour toute rencontre intempestive.

Je vais courir en tenue longue pour me protéger du soleil : casquette saharienne, maillot à manches courtes + manchettes, collant long, chaussettes en mérinos, baskets de trail en montagne de Décathlon, petites guêtres sur les chaussures. Les chaussettes ont prouvé leur efficacité de confort et de protection des pieds sur longue distance dans le sable de la Mauritanie. Les baskets Décathlon suffisent, il n’y a que 2 étapes de montagne sur 9.

Je prends un sac de 35 litres, qui ne sera pas plein mais qui ne me donne pas de frottements, et qui contient : un maillot léger à manches longues, un mini short et des petits chaussons pour se changer au campement, un petit gilet en laine très léger et chaud, une veste coupe-vent, un buff, une seconde paire de chaussettes, une mini serviette de toilette 20x20cm, un vrai mouchoir, un sac de couchage, un matelas gonflable, une poche à eau de 2 litres, 2 lampes frontales et leurs piles, des lunettes de soleil, un petit réchaud Esbit que je n’utiliserai pas et ses 20 pastilles de comburant solide, une barquette qui me servira d’assiette, une cuillère, 10000 kcal de nourriture pour 5 jours, 20 pastilles de sel, un mini tube de crème solaire, un mini tube de crème antifrottement, 2 bandes d’élastoplast, quelques comprimés de paracétamol, un petit couteau et ciseaux, une couverture de survie, une mini boussole. Je n’ai pas de bâtons. Avec ça je suis parée pour 10 jours.

En fin d’après-midi, le froid arrive à grand pas. Je me couvre avec ce qui me reste sous la main : collant, gilet et veste. Nous profitons de chaises et table et Christelle nous régale une dernière fois.

 

L’intérieur de la tente se pare immanquablement de sable. J’en fais la chasse si on ne veut pas en avoir partout. Marisa est moins assidue que moi sur ce sujet.

 

Le départ est donné le lendemain matin à 8h. Marisa et moi n’avons pas les mêmes horaires de lever, mais on s’en accommodera mutuellement. Elle se réveille à 5h30 et se prépare à la frontale dans le froid. Très peu pour moi. Je préfère sortir du sac de couchage à 6h30 au lever du jour, et encore, si tôt parce que l’organisation nous demande de libérer la tente pour 7h, histoire de poireauter 1 heure dans le froid.  Surtout que j’ai des biscuits au petit déjeuner ce matin, donc rien à cuisiner.

Passons aux choses sérieuses.

Nous allons suivre le très réputé Larapinta Trail pour les 3 premiers jours, qui est bien balisé. La première étape est la plus courte et la plus montagnarde : 30km et 700m de dénivelé. Il ne fait pas chaud et j’enlève veste et gilet au dernier moment.

Ca part tout de suite en montée par un petit sentier très caillouteux qui serpente au milieu des herbes et des buissons. Chouette, je suis tout de suite dans mon élément. J’y cours allègrement. Quelques coureurs me distancent lentement devant, le gros de la troupe est derrière. Pour l’instant, c’est cap plein ouest, au pied de la chaîne de Heavitree, à 250m au-dessus de ma tête, culminant à 900m d’altitude.

 

Dans un virage, je vois une pierre plate recouverte de grandes tâches écarlates. Je cherche vainement au-dessus un arbre qui aurait pu donner des fruits rouges à point venant s’éclater sur le sol. Il y a là un mystère de la nature. Je descends vers le CP1 au bout de 15km, dans la gorge Serpentine. Christelle me demande si j’ai vu du sang sur une pierre. Giuseppe a fait une belle chute et s’est profondément ouvert la main. L’énigme est résolue, c’est du sang frais italien que j’ai repéré.

 

Je n’ai pas besoin de prendre de l’eau, j’en ai encore assez, mais comme c’est obligatoire, je n’ai pas le choix que de remplir ma poche à eau pour la vider sitôt le CP dépassé. C’est quand même dommage. Bon, j’arroserai la flore.

J’emprunte une ravine. J’y bondis de pierre en pierre. Je tombe sur Shame, le photographe de l’organisation, qui me serre de près pour me mitrailler. Puis j’oblique sur la droite pour attaquer la montée de la journée. C’est raide mais pas très long, que du plaisir pour moi. Au sommet, je suis la crête. Le sentier n’est que cailloux et je dois bien regarder mes pieds. Ca ne m’empêche pas de profiter du paysage. Je surplombe une vallée de chaque côté, couverte d’une petite végétation de zone sèche, avec la chaîne des MacDonell sur ma droite toute rouge de grès. C’est très beau.

 

Après 7 ou 8 km, un panneau indique un point de vue tout droit. Jérôme nous a bien dit qu’il ne faut pas y aller. Je tourne à gauche pour la descente dans la vallée. J’y double allègrement Grégory. En bas il me talonne une fois le terrain moins escarpé. Nous restons ensemble un petit moment, puis il finit par partir devant. Je cherche désespérément des wallabies, ces petits kangourous, mais je n’en vois aucun.

 

Grégory arrivera 7 minutes avant moi. Marco est loin devant. Giuseppe, Marc et René finissent juste à ma suite. Je les croyais aux avant-postes, mais ils sont allés faire un tour au point de vue par mégarde. Marisa pointe 20 minutes plus tard.

C’est avec une grande surprise que je termine donc 3° de cette étape en 5h02. Je vais avoir tout l’après-midi pour me reposer, ce qui est toujours appréciable dans les courses à étapes. Le campement est près de Serpentine Chalet Dam, dans le sable. Il fait très chaud au soleil, il y a heureusement quelques arbres aux alentours car c’est intenable dans la tente. Le repas purée à l’eau froide est vite englouti. J’ai suffisamment d’eau dans ma ration quotidienne pour me laver, et cela s’avère une vraie gymnastique pour se doucher avec une poche à eau sans se mettre du sable partout. De son côté Marisa est une adepte des lingettes et ne touchera pas une goutte d’eau de toute la course.

Le camp se peuple progressivement tout au long de l’après-midi. Les autres filles marchent. Un groupe a profité du point de vue par inadvertance et débarque bonnes dernières. Quant aux 2 américains, ils jettent l’éponge définitivement, on ne les reverra plus. Il y a déjà des prétendants à la tente médicale. Ampoules et tendinites font leur apparition pour certains, la priorité revenant à Giuseppe qui écope de 5 points de suture à la main.

Marisa et moi n’auront pas non plus les mêmes habitudes le soir. Elle mange tôt et dort tôt, à 18h30 dès qu’il fait nuit. J’attends 19h pour me sustenter, histoire de garder un rythme de vie normal. On se fait de longues nuits, et je dors très bien.

Le lendemain le départ est donné à 7h pour la 2° étape, pour 40km et 1000m de dénivelé. Cela devrait me plaire encore plus. J’ai quelques courbatures dans les cuisses au réveil, certainement dues au poids du sac, ce qui n’est pas gênant. Il faut libérer la tente à 6h, dans la nuit et le froid. Heureusement Marco nous a concocté un feu de grand matin.

Nous partons d’abord sur une piste sableuse. Je me retrouve à l’avant du peloton. Puis nous remontons une ravine, il n’y a plus de sentier, il faut progresser au milieu de gros rochers. J’y caracole à l’aise et je largue mon groupe rapidement. Une petite grimpette s’annonce, vite franchie, et me voilà déjà au CP1 où exceptionnellement il n’y a pas de ravitaillement en eau. J’ai ce qu’il faut pour continuer.

 

J’attaque la grande montée de la journée, toujours dans les cailloux. J’y suis seule et la franchis allègrement, le poids du sac ne me gêne pas. Au sommet, je suis la crête plein ouest. La vue est magnifique, plongeant sur les vallées adjacentes et les chaînes de grès rouge parallèles des 2 côtés. Je dois tout de même rester vigilante au milieu de toutes ces pierres.

 

Je finis par redescendre dans la vallée, parsemée de petits arbustes. Je rattrape et double le groupe des garçons partis vite, Mark, René et Giuseppe. J’arrive au CP2 où je fais le plein d’eau obligatoire. Je n’ai pas besoin de tout ça, et je revide l’excédent après l’arrêt. Les gars en profitent pour pointer et me doubler. Il faut dire aussi qu’ils ont tous des bidons d’eau, plus rapides à remplir que ma poche. Mais je n’aime pas les bidons à porter devant. Bruno le médecin est tout excité de me voir aux avant-postes.

Le sentier est agréable et serpente dans de petites collines. Je croise un petit lézard, mais toujours pas de wallaby en vue.

 

 

Je mets 8h pour cette étape, 20 mn de plus que le sympathique groupe des 3 gars. Filippo et surtout Marco sont loin devant. Gregory, que je n’ai pas vu de la journée, me talonne à 1 mn. Je suis donc 6° cette fois. Bruno est déçu que je n’aie pas coursé les gars. Marisa surgit 50 mn plus tard.

Le camp est superbe, à Finke river camp. Nous sommes bien sûr dans le sable, près d’un petit lac. Il fait encore suffisamment chaud pour une vraie douche fraîche. Je ne me le fais pas dire deux fois.

 

Les abandons se poursuivent, Dominique débarque la tête bandée. A son tour d’avoir chuté dans la première grimpette, ce qui lui vaudra 8 points de suture. Tout le monde repartira le lendemain, c’est autorisé, même quand on ne va pas au bout d’une étape.

Pour la suite, ce sera tout plat, et je serai moins à mon affaire, je le sais bien, et cela surprendra tout le monde. La 3° étape est courte, elle annonce 38km. On rejoint rapidement une route à emprunter sur 4km près d’un village aborigène, suffisamment pour que les coureurs de plat me devancent : Marisa, Doug, Jürgen, Rolf. Sur le bord de la chaussée il y des panneaux : « Attention chevaux », ou du moins un cheval représenté dans un losange jaune, comme toutes les signalisations en Australie de rencontre animalière possible. Il paraît qu’il y a des chevaux sauvages dans le coin. Puis nous reprenons un chemin sablonneux où je rattrape le groupe, sauf Marisa.

On arrive au bord d’un beau lac, entouré de hautes falaises. Les couleurs sont splendides, bleu et rouge. Là un petit bateau gonflable genre grosse bouée nous attend pour franchir l’obstacle lacustre, à défaut de nager. Il navigue, tiré par une corde par 2 personnes de l’organisation, permettant d’aller dans les 2 sens. Je me déchausse pour prendre place la première dans le frêle esquif avec les 3 autres coureurs, et je mets malencontreusement les pieds au milieu de l’embarcation, ce qu’il ne fallait pas faire. Je me retrouve les petons trempés, ce qui n’est pas top en environnement sableux.

 

Après avoir bien râlé, je débarque sur la rive abrupte, je me rechausse, et j’ai le droit à une progression genre escalade pour rejoindre le sable. La suite de la journée sera dans le lit sec de la rivière, dans les gorges de Glen Helen, avec une succession de zones sableuses et pierreuses. A ce petit jeu, je devance mes dalons dans le sable mou et les pierres, et ils me rattrapent dès que cela devient moins technique. Nous passons ensemble le CP1.

Soudain surgissent Mark, René et Giuseppe, qui devraient être loin devant. Ils ont loupé l’embranchement menant au lac et se sont retrouvés dans un camping. Ils s’éloignent rapidement.

Ca y est, j’ai largué mes corrélégionnaires et je me retrouve seule. Pas pour longtemps car Marisa apparaît à l’horizon. Elle a du mal avec le sable mou et les cailloux, alors que j’y jubile. Elle disparaît rapidement derrière.

Je profite pleinement du paysage, fond sec de la rivière Finke avec un peu de végétation, enserrée entre 2 belles parois rouges.  Je croise un arbre couvert de galahs, il y a longtemps que je n’en avais pas vus. Je me régale. Plus loin, un petit lac se présente sur ma droite. Un rapace me survole. Puis je découvre de grands oiseaux genre grue. Je suis aux anges.

 

On quitte la rivière pour reprendre un chemin plus classique et Doug m’y rejoint. Il finira par passer devant sur ce terrain moins technique.

 

Le CP2 est vite avalé. Easer m’y accueille, elle a toujours un mot gentil et est très souriante, c’est agréable. Je comprends facilement son anglais. Il reste 8km sur la route qui mène au village de Hermannsburg, où il n’y a guère de circulation. Elle est goudronnée depuis peu paraît-il. Régulièrement des panneaux annoncent une submersion de la chaussée possible avec une échelle graduée de hauteur d’eau de plus d’un mètre. Il ne pleut pas souvent par ici, mais quand ça se décide, ça y va !

 

Je réalise cette étape en 5h30, en 7° position. Marco et Filippo sont toujours en tête. Mark, René et Giuseppe ne sont qu’à 3 mn devant moi et Doug 1 mn. Bonne journée ! Gregory est juste derrière et Marisa met 15 mn de plus.

Cette dernière apparaît, la tête enturbannée. Elle a fait une chute bête dans un des pierriers.

J’ai de nouveau un après-midi de repos fort agréable dans une tente à l’ombre et à l’abri du vent fort. Il se calmera avec à la tombée de la nuit. Je peux manger tranquillement mes plats vite prêts. On a le temps de papoter avec Marisa qui est très stressée en attendant ses 6 points de suture programmés en soirée.

Le 4° jour compte 49km, ça s’allonge. Comme je prévois de manger une fois arrivée, je modifie l’ordre des menus. Je préfère la purée au petit déjeuner, qui tient mieux au corps que les céréales. Je les garde pour « midi » au campement suivant.

Peu avant le départ, Jacob s’aperçoit qu’il transporte trop de nourriture et me donne un petit paquet de chips. Je les mange tout-de-suite pour ne pas avoir à les porter moi non plus. Et… j’y perds une dent. Je garde précieusement le pivot pour rendre une petite visite à mon dentiste plus tard.

De nouveau quelques km de route avant de reprendre une piste très large. Je me fais rapidement doubler par les coureurs de plat. Il n’y a plus de partie technique, nous sommes sur un bon terrain, à part un peu de sable mou de temps en temps. Je devrai vider mes chaussures en fin de parcours. Mon sac s’allège au fur et à mesure des repas passés, mais je le trouve toujours trop lourd pour courir à l’aise sur le plat, alors qu’en dénivelé cela ne me gêne pas. Direction plein sud maintenant, dans le parc national des gorges Finke pour toute la journée. Dans l’hémisphère sud, cela signifie un max de soleil dans le dos.

 

Dans les parties un peu sableuses, je repère des traces de chameaux sauvages, mais je n’en verrai pas. Ils ont été importés d’Afghanistan et se plaisent beaucoup dans le centre sec de l’Australie. Il y en aurait plus d’un million.

 

Le dernier CP se trouve à la sortie du parc, à Boggy Hole où se trouve un petit étang. Un couple d’australiens pas très jeunes est affalé sur leur chaise, prenant le soleil. Ils m’encouragent et on plaisante un peu. J’y croise un beau lézard. Il ne me reste que 5km avant l’arrivée.

 

Je suis au campement à 15h15, il fait encore bien chaud. Le site est magnifique, grande esplanade de sable blanc, petit lac qui ne se fait pas attendre pour faire trempette et délasser les jambes, gros arbres pour s’ombrager.

 

Il n’y a que les mouches qui viennent m’importuner, comme à chaque halte. Elles sont bien connues dans cette région australienne, et j’ai confectionné une voilette maison avec de la moustiquaire que je pose au-dessus de ma casquette pour m’en protéger.

 

Je suis de nouveau 7°. Marco, Filippo, Mark, René, Giuseppe sont devant, ainsi que Grégory à 15 mn. Suivent Jürgen et Rolf, puis Marisa à 25 mn. Les autres filles sont loin derrière. J’ai maintenant plus de 2 heures d’avance sur Marisa, mais ce n’est pas assez sécuritaire par rapport à ce qu’il nous reste à faire, surtout sur terrain plat.

Le matin, l’organisation nous oblige toujours à libérer les tentes 1 heure avant le départ. Ce matin, le 4x4 de Shame s’ensable. Quand nous partons à 8h, ils sont toujours dessus, ou plutôt dessous. C’est bien la peine de nous presser pour ne pas pouvoir transporter le matériel dans la foulée.

C’est parti pour 59km.

On sort définitivement des gorges, le paysage et l’horizon s’élargissent.

Je cours bien sûr tout le temps, mais à mon petit rythme bien régulier. Maintenant que les étapes s’allongent, je dois casser la croûte en route. C’est le seul moment où je ralentis. Pas facile de manger des céréales écrasées dans le vent en marchant.

 

Aujourd’hui Marisa part tout-de suite en avant. Doug me double rapidement. Il porte en permanence un buff sur le nez et la bouche, en course et au campement, incognito. Bref, on ne connaît pas son visage. Je croise régulièrement Rolf et Jürgen.

Les kilomètres s’étendent au milieu d’une belle et haute graminée qui ondule dans le vent. En milieu de journée sous la lumière ardente du soleil, cette Spinifex prend un reflet bleu doré magnifique. Je ne m’en lasse pas. C’est une herbe très dure qui pousse en grosses touffes. Les aborigènes font du pain avec les graines. Elle est parsemée d’arbres isolés, dont beaucoup de filaos du désert avec leurs longues feuilles effilées. Car je rappelle que les filaos sont des feuillus, et pas des conifères comme on pourrait le croire. Ils sont plus petits que les nôtres à la Réunion. Leur forme juvénile donne des petits arbres élancés qui développent d’abord leur racine en profondeur pour trouver l’eau, avant de s’étoffer plus en boule et en hauteur. Cela donne un paysage très spécifique, sur fond de terre rouge. Leurs fruits sont beaucoup plus gros que les réunionnais, mais on reconnaît bien la forme.

 

 

 

C’est toujours Easer qui tient le dernier CP.  J’y sors mon petit gobelet bleu pliable estampillé Grand Raid de la Réunion. Cela me permet d’étancher ma soif avec une plus grande quantité d’un coup, comme je bois peu en course. Elle le trouve très mignon, et surtout pas comme les autres. Elle me fera bien rire avec ça à chaque CP3 où je le sortirai systématiquement.

 

Mon sac n’a jamais été aussi léger, je ne porte plus que 2 repas pour la journée. Mais il va malheureusement de nouveau s’alourdir comme nous récupérons ce soir la 2° partie de notre ravitaillement. Ce n’est pas pour autant que j’ai des extras alimentaires.

Cette étape me prend 9h, j’y suis 8°. Marisa est passée 20mn avant et Doug 30mn. Rolf et Jürgen me suivent à 3mn, puis Grégory dans la foulée. Ce qui fait que je commence à arriver en fin d’après-midi à ce camp de Palmer River, et que je n’ai plus beaucoup de temps de profiter de la chaleur. Notamment je ne traîne pas pour me laver.

 

Cela fait plusieurs jours qu’il n’y a pas d’accès au réseau téléphonique, donc personne ne peut passer des heures scotché sur son petit appareil, et c’est très plaisant dans les contacts et les échanges entre nous. J’apprécie beaucoup. Marisa arbore maintenant un œil violacé et gonflé, outre son pansement sur le front.

Nous repartons avec un sac lourd chargé de nourriture pour 58km. Rapidement une foule de coureurs me dépasse. Les habituels, Marisa fonce devant, Doug s’avère rapide. Je fais route un moment avec Jürgen et Rolf qui finissent par me larguer. Je ne ressens aucune difficulté, je ne vais pas vite, c’est tout. C’est vraiment tout plat maintenant, sans relief aux alentours.

Je continue sur la même piste jusqu’au CP1, qui en rejoint une autre très large : Ernest Giles Road, plein ouest maintenant.

 

Je traverse une zone de prairies d’élevage extensif. Le CP2 est au niveau d’une « outback station », une dépendance de ferme isolée, avec son éolienne reliée à une station de pompage d’eau. Exactement comme dans les westerns. Néanmoins je ne vois pas la moindre corne à l’horizon.

 

Sur une belle portion toute droite, je croise un long serpent, malheureusement écrasé par un véhicule. J’aimerais bien en voir un vivant, même s’il est dangereux, cela ne me fait pas peur du tout.

 

Un peu plus loin un gros engin de chantier me double. Cela me donne un peu de distraction au vu de la circulation nulle rencontrée, certes agrémentée de poussière. Il repassera dans l’autre sens en fin d’après-midi, rentrant de sa journée de travail dans les pâturages.

Le soleil tape vraiment à partir de 11h, m’obligeant à mettre les manchettes pour m’en protéger.

 

J’arrive en fin d’après-midi au camp. J’ai mis 5 mn de plus qu’hier, et je suis 10°. Jürgen et Rolf sont à 5mn devant et Marisa me met 1h10 !

Et, surprise, Laurianne me fait un contrôle de sac. On s’installe dans le sable et je déballe tout pour vérifier le matériel obligatoire. J’aurais préféré profiter des dernières chaleurs pour souffler, car le froid tombe très vite. Il paraît qu’on retrouve trop de choses à la poubelle dont les coureurs se débarrassent pour s’alléger et l’organisation, qui a l’air de faire les poubelles, donc, veut s’assurer que j’ai encore le matériel obligatoire. Impossible de mettre la main sur ma boussole, qui est très petite et qui a dû s’échapper du sachet ziplock où elle est rangée avec les autres petites choses inutiles que nous devons trimballer. Laurianne me laisse la chercher au fond de mon sac. J’emprunte celle de Doris qui est une grosse boussole et peux la présenter à la contrôleuse du jour. Je retrouverai la mienne peu après traînant dans une poche improbable du sac. Je ne sais pas comment elle a pu se retrouver là.

Je sens un sol un peu dur au milieu de la nuit. Mon matelas serait-il dégonflé, voire crevé ? Il n’est pas totalement à plat en tout cas. J’aviserai demain. En attendant je passe une 2° moitié de nuit plutôt inconfortable. Heureusement que j’ai du sable sous les fesses.

Je retrouve aussi le matin une petite mare sous ma poche à eau. Elle aussi serait percée ? Je ne repère pas de goutte qui perle sur le plastique. Au moins ça ne coule pas à flot.

Je redoute l’étape du jour pour ses 66km. Non pas sur la distance, mais sur le temps limite. Nous avons 11h pour la parcourir, et je ne suis pas rapide rapide sur le tout plat avec un sac lourd sur le dos. Pourtant je cours tout le temps.

La piste rejoint une route goudronnée au CP1, Luritja Road, que j’emprunte sur 1km. Je me fais tout de suite doubler par la plupart de ceux qui courent encore. Néanmoins je vois régulièrement Rolf et Jürgen. Puis je prends la direction plein sud sur une petite piste parallèle à la grand-route, avec de nombreux passages dans du sable plus mou.

 

Je traverse une zone de prairies d’élevage extensif. Un abreuvoir à bétail signale le CP2, avec son éolienne pour la pompe à eau.

 

La distance prenant de l’ampleur, la durée de course également, et je dois me ravitailler en route, à midi pile. Je sors mon sachet de chips écrasés que je mange à la cuillère, en marchant. Et donc si je marche, je suis immédiatement attaquée par les mouches, alors qu’elles ne m’embêtent pas quand je cours. Le repas ne s’avère pas très agréable.

Les CP sont longs, jusqu’à 18km, mais la piste serpente, ce qui rompt la monotonie du trajet. Et peu m’importe puisqu’il faut avancer et les faire. Heureusement le paysage me ravit toujours avec ses filaos et ses spinifex.

 

Je ne vois toujours pas d’animaux. Je cherche vainement les kangourous. Quant aux koalas, il ne risque pas de se pointer, il n’y pas d’eucalyptus en vue.

Après le CP3 je me retrouve même avec Hervé, qui ne court pas beaucoup mais veut arriver dans les temps sur cette étape, c’est son défi du jour, car il a déjà abandonné sur cette course. Il accélère même, et je ne le suis pas.

 

18h s’annonce, et la tombée de la nuit approche. Arriverai-je sans avoir besoin de sortir la lampe ? Que nenni. Me voilà assise par terre au milieu de la piste à fouiller mon sac pour la trouver, car trop optimiste, je ne l’avais pas préparée. Un quart d’heure plus tard, je vois le camp de Angus Downs et j’ai le droit à un comité d’accueil. Car j’ai mis 10h56, ouf ! Passée à temps ! Brigit derrière moi n’aura pas ma chance, elle est encore à 15km de l’arrivée à l’heure fatidique. Tous les autres derrière débarquent en 4x4 plus tard.

Je finis 11° et dernière des arrivants, 5 mn après Hervé. Marisa est là depuis 1 heure. Ce n’est pas du tout agréable d’arriver de nuit, dans le froid. Je ne fais pas long feu, je me couvre, mange et me couche illico. Pas de bavardage avec les autres ce soir.

 

Je prends néanmoins le temps d’inspecter la valve du matelas. Je ne relève pas de défaut. Et de nouveau au milieu de la nuit je me réveille sur le dur. Cette fois je regarde l’heure pour savoir en combien de temps le matelas se dégonfle. Il est minuit. Ca vaut le coup que je le regonfle, il tiendra jusqu’au matin. Quant à la poche à eau, maintenue bien verticale, elle est sèche.

L’avant-dernière étape se profile : 46km de piste facile m’attendent.

Je longe des petites collines, qui diversifient le paysage. Et soudain le sommet d’un monolithe tout plat apparaît au loin devant moi, au-dessus de la cime des arbres. Tout rouge, il est magnifique. C’est le mont Conner, et je m’en rapproche doucement au fur et à mesure de ma progression. Mon regard s’y accroche, en fonction de l’angle dans lequel il apparaît.

 

Le CP2 est situé au croisement avec la grand-route vers Uluru, Lasseter Highway. Les 17 derniers km se font sur le bitume, avec de la circulation. Jérôme nous a demandé de rester sur le bas-côté, mais c’est impossible, surtout pour courir. La petite végétation gêne l’avancement. Je me remets rapidement sur la chaussée et ne m’en écarte qu’au passage des véhicules. Ce n’est pas marrant.

J’arrive 8° au campement après 7h15 de course, entre Jürgen et Rolf et30 mn après Marisa.

Nous sommes installés dans un vrai camping, ombragé. Il y a un kiosque avec table et bancs et une citerne d’eau non potable. Voilà de quoi pouvoir se laver correctement et rincer ma brassière, avant la longue étape de demain.

Mais avant le brin de toilette, un nouveau contrôle du sac me tombe dessus. Cela devient une habitude ! Laurianne ne tique même pas sur la boussole différente du contrôle précédent.

Les coureurs se débarrassent de leurs dernières charges excessives à porter, je me délecte de quelques barres.

J’ai identifié la fuite de ma poche à eau : un minuscule trou sur le bord tout en haut, bien placé pour ne plus m’embêter, un morceau d’élastoplast fera l’affaire pour l’étancher. La plupart des coureurs ont des bidons, et beaucoup ont des ennuis de casse non réparable.

Nous croisons une Française qui fait le tour du monde en vélo couché, transportant sa wingsuit, son objectif premier étant de voler sur son parcours. Belle rencontre !

Ce soir, Marisa a mal partout, les pieds, le dos, le ventre. Et moi je n’ai mal nulle part.

Et c’est parti pour les 137 derniers km le lendemain matin, qui seront encore tout plat. Nous sommes répartis en 3 groupes, les plus lents partant en premier. Je suis dans celui du milieu, donc je devrais me retrouver logiquement la dernière. Mais les plus rapides seront encore derrière moi, du moins le temps qu’ils me rattrapent. Pour une fois, je verrai passer Marco.

Il y a une barrière horaire au km 45, CP3, et il ne faut pas traîner pour la passer. Je commence une longue journée de course ininterrompue pour ne pas la subir. Mon sac qui s’est bien allégé me semble néanmoins toujours trop lourd.

Nous partons sur la grand-route goudronnée Lasseter Highway qui mène tout droit à Ayers Rock et je me retrouve assez vite en queue de mon groupe. Puis je bifurque sur la piste très large d’un terrain privé, en direction du mont Conner. Je longe un grand lac, le paysage est magnifique, l’eau d’un côté et la montagne de l’autre.

 

J’arrive déjà au CP1, situé près d’un abreuvoir à vache avec son éolienne. Il y a des kangourous dans le coin, mais je n’en verrai pas. J’y retrouve du monde, un groupe du premier départ et… Marisa. Elle souffre. Elle repart avant moi.

La piste est maintenant parallèle à la longueur du mont Conner. Comme il est beau ! Marco en profite pour me doubler comme une fusée, avec maints encouragements mutuels. Maintenant je m’éloigne progressivement du mont pour rejoindre la route au CP2. La bagatelle de 90km de bitume me mènera désormais plein ouest direct à Uluru.

 

Nous sommes en territoire aborigène protégé, et il est interdit de fouler leur terre, donc interdit de quitter la route. C’est pourquoi il n’y aura plus de piste jusqu’à l’arrivée

Je me cale sur le bord de la route, mais les voitures et surtout les camions passent vite et ne quittent pas leur voie, c’est à moi de basculer sur le bas-côté à chaque fois, dans les hautes herbes. Cela me freine beaucoup. C’est une highway, mais la circulation reste tout de même faible.

J’arrive au CP3 dans les temps, à Curtin Springs, il est 18h, devant un restaurant. Comme certains coureurs s’y sont arrêtés, j’y rejoins Rolf et Marisa. Pour ma part ma gestion alimentaire est bien cadrée, je déguste ma portion de ravitaillement toutes les 5h exactement. Je n’ai pas besoin de restaurant. D’ailleurs je n’ai pas d’argent sur moi.

 

Nous repartons ensemble sur une courte portion de piste avant de reprendre le bitume. Marisa me propose de faire route conjointement. Oh non ! D’abord c’est l’heure de mon repas. Je vais donc marcher en mangeant des chips à la cuillère. Et nous n’allons pas à la même allure. Marisa et Rolf partent donc devant.

Je vois enfin des vaches ! Cela égaye ma soirée. Jusqu’ici je n’avais vu que leurs abreuvoirs.

Je suis désormais la dernière sur le parcours. Tout le groupe des « rapides » m’a doublée, et les « lents » qui ont abandonné sont avancés en véhicule. Ce qui veut dire que je vais me taper la voiture balai… Ce qui n’est pas joyeux.

Il fait nuit maintenant et ça se rafraichit. Je sors la veste. Courir ne présente aucune difficulté. Il n’y a plus de circulation, je peux me caler sur la route. Je n’ai pas besoin de regarder mes pieds, ce qui est confortable de nuit.

De retour sur la grand-route, je suis suivie par le 4x4 balai. Il y en a 2, qui se relaient à chaque CP, avec 2 tactiques différentes. Avec Laurianne et Lucas, c’est l’horreur. Ils me collent aux basques. Je ne sais pas comment ils font pour rouler aussi doucement que moi. Je ne peux même pas faire d’arrêt pipi tranquille. Alors je ne me gêne pas, je me mets les fesses à l’air à leur vue sans vergogne, comme il n’y a pas de buisson dans les parages. Avec Maxime et Vivien, c’est le bonheur. Ils s’arrêtent 20 minutes et en profitent pour dormir, puis ils me rattrapent. Dès qu’ils me voient, ils repiquent un roupillon de 20 minutes. Au moins je profite de courir dans la solitude, comme je l’aime.

 

Il n’y a pas de lune, le ciel est très étoilé, c’est très beau. Je distingue la silhouette des arbres. Je m’imprègne de cette tranquillité nocturne.  Mais il fait de plus en plus froid. Je me couvre de tout ce que j’ai dans mon sac, c’est-à-dire pas grand-chose, de la tête aux pieds. Buff en cagoule sous la capuche, mon maillot léger de rechange au-dessus du maillot de course, le petit gilet, la veste. Que me reste-t-il ? Ah oui, des chaussettes sales. Elles feront une parfaite superbe paire de moufles, je ne suis plus à ça près en matière de propreté. La température descend à 3° dans la nuit. Seule consolation, maintenant mon sac est léger.

Une espèce de souris traverse la route devant moi. Ce serait bien un dunnart. Si je n’ai pas vu de gros marsupial, j’en aurai vu au moins un petit.

Je vois une lampe devant moi, qui ne va pas vite et qui a des bâtons. C’est Marisa. Elle marche à petits pas, ce n’est pas bon signe.  Je cours toujours.  Je la double mais ne discute pas, emmitouflée sous ma capuche. Et je lui laisse la voiture balai avec plaisir, chacun son tour.

Le CP5, km 86, n’est pas loin. Je fais le plein d’eau et ne traîne pas à cause de froid. Marisa arrive et… ne repart pas. Elle abandonne pour cause de problèmes digestifs. Me voilà donc seule fille encore en lice. Comme je suis en pleine forme, aucun doute pour moi, je gagne. Malheureusement, je me retape la voiture balai.

Je passe au pas pour manger, des biscuits pour dénutris au menu. J’ai tout mon temps maintenant, je fais tout le CP en marchant. Je découvre un grand serpent écrasé au milieu de la route. Je le détaille sans hésiter.


Je reprends la course au CP6, km 102. Le jour pointe et va me réchauffer. Et que vois-je ? Uluru dans le sommeil levant ! Magnifique. Je sais qu’on le voit au dernier moment. C’est pour ce moment que j’ai choisi cette course. Je n’aurais pas aimé arriver de nuit.

 

Je longe quelques sites de camping autorisé avant d’arriver au CP7 où il y a des tentes où on peut se reposer. Il y a aussi du monde, tout le groupe des « lents » est là, et un bon feu. Les autres partent quand je profite de m’allonger 10 minutes pour reposer les jambes. Laurianne croit que je vais pioncer un moment. Pas du tout, il n’est pas question de dormir à 20 km du final.

Je m’apprête à partir quand Shame me propose un repas lyophilisé laissé par un coureur. Pourquoi pas, je n’ai pas encore mangé et c’est mon heure. Mais Laurianne intervient pour me l’interdire car ce n’est pas une nourriture que j’ai portée. Je préfère m’enfuir du CP pour ne plus la voir.

Je sors donc mon dernier sachet de chips pour me sustenter. Et comme je suis de nouveau dernière, la voiture balai me suit pas à pas une fois de plus. Je repars après en courant, et en forme. En approchant de Yulara, la ville spécialement construite où les touristes doivent obligatoirement loger, la circulation augmente, ce qui n’est pas très agréable. Heureusement le rocher rouge d’Uluru s’approche lui aussi, il est magnifique.

 

Soudain j’aperçois une file de piétons qui progressent comme moi au bord de la route. Ce sont les marcheurs du groupe lent. Une petite côte suffit à les doubler. Je vois tout d’abord les derniers, dont Hervé qui est toujours dans la course au temps. Il est en très mauvais état et va très lentement. Il se tient complètement penché vers la droite, sans doute dû à un décalage du bassin, ce qui est fréquent chez les coureurs lors des longues distances.

Puis je quitte le bitume pour une belle piste très sableuse et sinueuse pour les 10 derniers km, qui pique droit sur Uluru. J’y double Brigit, affalée par terre, pieds nus. Elle aussi était dans le groupe lent. Je lui fais confiance, elle va s’en sortir pour le petit peu qui reste.

Peu après je rejoins Rolf qui marche, exténué. Allez Rolf, suis-moi ! Et il repart en courant à mes côtés. Je profite des derniers instants avec cette superbe vue sur Uluru. Je passe devant un hôtel *****. Tiens, ce n’est pas là que nous allons ? Nous nous contenterons d’un vaste champ au bout pour l’arrivée, que je passe donc avec Rolf. Il est 9h45, j’ai mis 26h45, je suis en forme et je GAGNE !

Il y a quelques tentes pour se reposer, mais aussi tellement de vent qu’elles s’envolent et sont inutilisables. J’aspire à enlever mes chaussures, mais je n’ai plus les petits chaussons, et à une douche, mais il n’y en pas dans notre camping. Heureusement, je peux profiter de la vue d’Uluru tout proche, et je m’en délecte à max.

 

Les derniers groupes arrivent progressivement. L’ambiance est joyeuse, bien que l’épuisement soit très présent et quelques-uns dorment même. Pour ma part, je reste toujours calme et je ne ressens pas de fatigue particulière.

Une fois tout le monde débarqué, vers midi, Christelle nous concocte un petit déjeuner pantagruélique. J’improvise un sandwich œuf – bacon – beurre de cacahuètes – miel, un délice. Que dis-je, pas un sandwich, mais un certain nombre.

Nous sommes enfin transportés à l’hôtel à Yulara, une douche, des vêtements propres, un vrai lit. Je partage ma chambre avec Brigit. Je retrouve les galahs, il y a longtemps que je ne les avais pas croisés. Je ne me sens pas trop fatiguée et pendant que la plupart font la sieste, je vais en « ville » pour organiser les 2 jours que je vais y passer. Enfin je rencontre des aborigènes. Je pensais en croiser sur la course, mais ce ne fut pas le cas, l’organisateur ne travaillant pas avec des locaux.

Le soir nous avons le repas de fin de course au restaurant de l’hôtel. Tiens tiens, les pieds ne font plus souffrir grand monde pour danser.

Le lendemain matin c’est la remise des récompenses au sommet d’une petite colline surplombant l’hôtel, face à Uluru. Il y a beaucoup de vent et il ne fait pas si chaud que ça. La virée de 520km m’a pris la bagatelle de 89h et je termine à la 8° place, 1° et seule féminine à terminer. Je gagne un panneau de circulation « attention kangourou ». Bof, je n’en ai pas vu un seul. Je donne ma petite tasse pliable à Easer comme souvenir.

 

Puis je prends le bus pour aller au pied du rocher. Uluru est une formation rocheuse de grès rouge de 3km de long. Il culmine à 350m, mais il est interdit de le gravir car c’est un site spirituel pour les aborigènes Anangus. Il paraît posé au milieu de la brousse buissonneuse toute plate. Un sentier sableux de 10km en fait le tour. Voilà ce qu’il me faut puisque je suis en pleine forme physique. Je suis la seule de notre groupe à y aller. J’y découvre quelques peintures rupestres et des sources. J’y passe un après-midi tranquille et fascinant.

 

Je reprends le dernier bus pour rentrer et j’y retrouve quelques coureurs qui se contentent du tour en bus après leur sieste. Et ô surprise, il y a un arrêt obligatoire à un point de vue coucher de soleil. Uluru se pare de rouge encore plus rouge. Bon, il y a un peu de monde. Néanmoins je tombe par hasard sur une dégustation offerte de vins et champagnes australiens avec petits fours. Voilà de quoi fêter ma victoire ! En plus la sommelière est française. J’en profite pour avoir un petit cours sur la viticulture locale, avec force comparaison de la nôtre. Je ne suis pas du tout spécialiste en la matière.

Presque tous les coureurs repartent le lendemain. Je reste encore un jour pour aller voir un autre monolithe à 50km : Kata Tjuta, également en grès rouge et très beau, et découvrir un peu plus la culture des Anangus.

 

 

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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 10:04
Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

En 2019, j’ai couru 1000km dans le désert mauritanien. Ce fut envoûtant. En 2022, Alain Gestin propose une rallonge de 200km. Le départ est donné à Atar en plein désert pour une arrivée à Nouadhibou sur la côte, 1200km plus loin donc, à parcourir en 20 jours, en passant par Chinguetti et l’œil de l’Afrique.

Le parcours est d’abord similaire à celui de 2019, ce qui me plaît moyennement car j’aime les nouveautés, puis une partie inconnue de moi, malheureusement courte, et enfin 400km de ligne droite le long d’une voie ferrée, ce qui n’est pas ma tasse de thé. De plus au tiers de la course, nous devrons nous grouper par 2 pour avoir une assistance tous les 20km par 4x4, or j’aime courir seule. Bref, je suis moyennement emballée.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je me présente tout de même sur la ligne de départ. Nous sommes 10 participants.

Le vol depuis Paris nous amène à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, à 4h du matin. Après une courte nuit, nous sommes transférés en 4x4 à Atar, et logeons dans une auberge en dehors de la ville. Le lendemain est consacré à la préparation de nos sacs.

En effet, sur les 400 premiers km, nous irons de CP en CP, une tente disposée tous les 20km avec natte, matelas, eau chaude et froide. On y trouvera de quoi grignoter des sardines et des dattes. Puis ce sera le fameux 4x4 pour 2 qui nous précèdera pour monter une tente similaire. L’organisation doit nous donner un repas chaud tous les 60km. Nous devons prévoir de petits sacs avec nos besoins immédiats, qui seront disponibles tous les 40km pour la 1° partie. Avec le 4x4, nous aurons accès à toutes nos affaires à tous les CP. Vous avez tout compris ? Heureusement c’est clair pour moi pour m’organiser.

Mes sacs sont déjà prêts, et par prudence j’en ai pour tous les CP où nous ne serons pas nourris. Hormis l’alimentation, ils contiennent des piles, de la pharmacie et des vêtements de rechange.

Pour 1200km, 57 CP m’attendent. Sur une pareille distance, je prévois du matériel de secours : 1 paire de chaussures, 1 lampe, 1 poche à eau et des bâtons en réserve, au cas où j’aie du mal à me traîner. La mise à disposition du 4x4 évite d’imaginer où je peux avoir un éventuel besoin de ces équipements, ils seront disponibles à ma convenance.

Ma nourriture est composée de préparations maison, basées sur un mélange de purée déshydratée ou semoule, soupe déshydratée, poudre d’amande et spiruline, ce qui est complet et énergétique, et de quelques plats lyophilisés pour varier les menus, bien que je ne sois pas fana de cette pratique. Des biscuits protéinés pour dénutrition complètent le tout.

La protection solaire et contre le sable prime. Je cours en manches longues, collant long, grande casquette saharienne que j’accroche au maillot avec des épingles à nourrice en cas de vent, c’est-à-dire la majeure partie du temps, bonnes lunettes de soleil, et de grandes guêtres cousues sur les chaussures et qui s’insèrent sous le collant. J’enfile une veste la nuit, quand ça rafraichit. Avec ça je suis parée pour des températures comprises entre 45° et 10°.

J’ai bien l’intention de bichonner mes pieds. Je protège les endroits sensibles avec de l’élastoplast, derrière les 2 talons. Je les enduis de crème anti-frottement. Et je teste grandeur nature de nouvelles chaussettes en laine de Mérinos, qui restent sèchent et sentent bon.

Mon sac de course est léger. Il contient une veste, un bonnet, 2 lampes, des piles, un peu de pharmacie dont de quoi soigner les ampoules, un tube de crème anti-frottement, une couverture de survie, un mini tube de crème solaire, le ravitaillement du CP impair suivant, un paquet de nouilles chinoises comme repas d’urgence, des noix de cajou comme ration de survie. Et bien sûr de l’eau, 1.5 litres par CP de jour et 1 litre par CP de nuit, ce qui paraît peu mais me suffit.

Nous nous dirigeons au GPS, sur des points définis tous les 10 ou 20 km, suivant la nature du terrain. Mon GPS est un antique Garmin Foretrex 101, qui fonctionne très bien, mais je dois saisir manuellement 167 points. Cela m’a occupé quelques soirées. Et ô surprise, je suis la seule à avoir le nom des CP dessus par rapport à l’import numérique des données, si bien qu’on me demande souvent à quel CP on est et à quel CP on va. A croire qu’il n’y a que moi qui suis ma progression.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le départ est donné le lundi 30 octobre à 8h, sur la place du marché à Atar, suscitant la curiosité de la population, direction Chinguetti. La passe d’Amodjar n’est malheureusement pas accessible par la montagne pour cause d’éboulement, nous devons suivre la piste.

Je pars en trottinant, et Atar s’éloigne rapidement. Le CP1 est au pied de la montée d’Amodjar. Marion, notre dynamique médecin, nous y attend avec un délicieux pain d’épices maison. Nous y arrivons assez groupés, ce qui ne va pas durer. Les montagnes noires sur fond de sable sont splendides.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

La grimpette est rude et je n’arrive pas à marcher vite. D’ailleurs Benoît me double, et Eric passe comme une flèche. Quant à Takao, il est déjà sujet à des problèmes digestifs, et n’a guère de place pour planquer ses fesses à l’air.

Plus loin je me retrouve à partager un bout de chemin avec Benoît. Quand je trottine, je passe devant lui et quand je marche, il passe devant moi. Décidément, je lambine. Je n’arrive pas à accélérer et j’ai les jambes bien lourdes. A l’arrêt aux CP, ça fourmille à max dans mes mollets, sensation anormale et très désagréable. Je suis dépitée. Pourtant je n’ai jamais eu de problème d’adaptation à la chaleur.

Au CP2, une boîte de raviolis froids m’attend, un vrai régal.

Au CP3, je retrouve Dominique qui devrait caracoler loin devant. Il n’est pas bien du tout et abandonne. Mince alors.

Je double Patrice qui a un coup de mou. Il me redoublera peu après. Il ne court pas mais marche vite et je ne peux pas le suivre.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

La nuit tombe. La lune est presque pleine, on y voit bien, j’en profite pour ne pas utiliser ma lampe. J’aime courir la nuit sans éclairage, dès que c’est possible. Le GPS est également inutile puisque je suis la piste.

Et justement, voilà un carrefour évidemment sans direction indiquée. Par contre il y a un grand panneau pour l’auberge de Ouadane à gauche toute. Je ne vais pas à Ouadane, je continue donc tout droit.

Puis une lueur apparaît au loin, ce sont certainement les lumières de Chinguetti. Je continue à trottiner. J’arrive à un contrôle routier. Les policiers m’encouragent et me souhaite la bienvenue à Chinguetti. C’est une petite ville réputée pour ses très vieilles bibliothèques, dont les livres se conservent bien dans ce climat très sec désertique. Mais je ne suis pas là pour faire du tourisme.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Dès qu’on entre dans la ville, le terrain devient très sableux. Le CP est dans une auberge, aux premières maisons. Un monsieur me fait signe que c’est bien là. J’ai fait 100 km.

Dominique me tombe dessus. Ai-je vu Patrice et Eric, censés être tous les 2 devant moi ? Eh non. S’ils ne sont pas là, j’en conclus qu’ils sont tout bonnement allés à Ouadane, ces nigauds. Personne au CP n’avait pensé à cette éventualité. J’ai raison. Ils débarqueront 1 heure plus tard, rapatriés en 4x4.

Le temps pour moi de prendre un bon repas offert par l’aubergiste et 1 heure de repos, où je ne parviens pas à dormir avec cette agitation.

 

Je repars à minuit. Fini la piste, place maintenant à du bon sable bien mou. Je dois allumer ma lampe.

Je pars plein est, tout d’abord dans un fond de vallée, puis je grimpe une dune - la première ! – tout droit le long d’une clôture d’une plantation de dattiers. La nuit se poursuit dans une succession de dunettes. Je vois encore longtemps les lumières de Chinguetti derrière moi. Je passe devant quelques maisons, bien endormies.

Dès que je lève le nez, je suis sous une pluie d’étoiles filantes. C’est magique. Ca me requinque le moral, car je suis toujours dans un état d’avancement très lent et pénible.

Le jour se lève juste avant d’arriver au CP6. Je passe un barbelé et traverse une plantation de pastèque, parsemée de coloquintes. Je suis sur le même parcours qu’en 2019, et je reconnais même l’arbre sous lequel est le CP. Au menu, ma préparation à base de purée, que je complète avec des sardines, puisqu’il y en a. Cela augmentera l’apport en protéines.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je repars dans une longue plaine entre des cordons de belles dunes. Pourtant je reste insensible à mon environnement. Je ne suis toujours pas dans les clous physiquement, je m’oblige à courir sur ce terrain facile, et de plus je connais le chemin, au point que j’éteins mon GPS. Je n’en ai pas besoin, le cap du CP7 m’est connu. Je n’ai même pas le plaisir de la navigation, je subis le « déjà vu ».

Le vent est fort et je l’ai de face, ce qui ne me gêne pas mais me ralentit encore plus. Je l’aurai ainsi jusqu’au km 400.

Je retrouve Patrice et Eric qui se sont alliés, mais nous ne prenons pas le même chemin. Un beau champ de dunes blondes m’attend, que je traverse, alors qu’ils le contournent. J’adore les dunes, mais cette fois je n’y éprouve aucune satisfaction. Je dois me forcer à lever les yeux de mes pieds.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Alors là, cela devient inquiétant. Si c’est comme ça sur 1200km, autant arrêter. Comme j’ai un billet d’avion retour par Casablanca, je ferai mieux d’aller crapahuter dans l’Atlas. Mais c’est quoi ces idées ? Je pourrai aussi basculer la course en rando tranquille. Tout cela tournicote dans ma tête.

Pour l’instant, j’arrive au pied de la dernière montée pierreuse, avant une belle descente qui m’amène en fin d’après-midi au village de Tanouchert et à son auberge où est le CP8.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Normalement, j’aurais dû y faire un arrêt de 2 heures. Mais puisque que j’adopte la rando tranquille, une douche s’impose. L’eau promise au pommeau n’est pas au rendez-vous, ce sera au seau.

Un bon couscous est servi. Ce qu’on appelle couscous est de la semoule avec des patates douces et des légumes, mais pas de viande. Puis je m’installe pour une nuit de sommeil.

Entre temps Patrice et Eric arrivent enfin. Ils repartiront rapidement. Puis c’est au tour de Takao de se pointer, et même Benoît. J’ai enfin un sursaut bénéfique, il est temps que mes histoires psychologiques prennent fin, je ne peux plus rester sur place. Je me lève et donne mon matelas à Benoît qui râlait parce qu’il allait se coucher par terre. Mais impossible de trouver le cuistot pour avoir à manger avant de repartir. J’appelle, je klaxonne au 4x4, je fais le tour de l’auberge. Personne. Je finis par dégoter sa chambre, où il pionce dur.

Il est minuit. Je repars cette fois pleine d’énergie. Enfin ! Je cours allègrement. Par contre je suis toujours en terrain connu, ce qui est négatif. Je sors de la clôture de l’oasis et me tape la même petite dune à 4 pattes qu’il y a 3 ans… Avant une bonne surface plus plate.

Les étoiles filantes fusent de nouveau. Ma liste de vœux est largement insuffisante pour y pourvoir.

Le jour pointe après le CP9. C’est un moment très agréable, avant que le soleil n’apparaisse de face. Il fait encore frais et les couleurs du sable et du ciel sont magnifiques.

Deux gerbilles sortent de leur terrier à la fraîche et s’enfuient devant moi.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Eric a des chaussures énormes, et j’ai l’impression de suivre les traces d’un dinosaure. Même dans les passages de cailloux, elles sont marquées. Malheureusement pour lui, ses pieds ne les aiment pas et il va beaucoup en souffrir.

Je vise l’antenne qui surplombe le gros village de Ouadane. Je dévale la rue toute en sable vers l’auberge du CP10, tellement vite que je passe devant, bien que je la cherche. J’entends des femmes qui crient derrière moi. Stop stop, c’est là. J’ai fait 200km.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Marion est là. J’en profite pour faire un contrôle de mes petons avec elle. Ils se portent très bien. L’élasto qui protège l’arrière de mon talon gauche est efficace. J’y ai eu une grosse ampoule sur la 1000, et la zone est toujours sensible. Mais ça tient bon.

J’ai le droit à un dessert de musli lyophilisé, laissé par un coureur précédent, ça ne peut être qu’Eric.

Ouadane est dans une vallée dont je suis l’oued parsemé de quelques épineux. C’est une région d’élevage, j’y croise quelques beaux troupeaux de chameaux, qui se débrouillent par eux-mêmes.

J’y découvre aussi de magnifiques fourmis argentées, très brillantes. Je resterais bien à les observer, mais ce n’est pas le moment.

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Je me dirige vers un gros cordon de dunes et le CP11, porte d’entrée du guelb de Richat, l’œil de l’Afrique. Le guelb est une dépression parfaitement circulaire de 60km de diamètre d’origine volcanique, formée d’anneaux concentriques et entourée de plusieurs cordons de dunes.

Je passe quelques habitations fort précaires en branchages, et un grand troupeau de chameaux avec son chamelier, puis une petite dune, et me voilà dans le guelb. J’attendais ce moment, car j’en avais été subjuguée en 2019. Et là, je n’ai rien reconnu. J’ai vainement cherché les petits cailloux multicolores, ils ont disparu.

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Je traverse une zone boisée, je dois même faire évoluer ma trajectoire en fonction des bosquets.

Takao apparaît soudain devant, sur ma gauche. Nos directions sont parallèles, mais assez éloignées. Il court un peu, mais je vais nettement plus vite et je le double assez rapidement car je progresse bien. Je ne sais pas s’il m’a vue.

Avec cette végétation, je croise quelques habitations et quelques gamins. Le CP est à côté. Au moment de repartir arrive Eric. Il aimerait partir avec moi car il ne veut pas faire la nuit caillouteuse tout seul. Mais je cours et il ne pourra pas me suivre. Peut-être qu’il attendra Takao qui ne devrait pas tarder ou Benoît.

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Ca commence par monter fort tout droit dans les pierres, jusqu’à la piste 4x4, dans un sable très mou, encaissée entre 2 cordons de dunes. Il fait nuit. Je dois tourner bientôt, mais je n’entends pas le bip du changement de direction annoncé par le GPS. Je dois donc faire demi-tour, et cela s’avère toujours  compliqué de rattraper une nouvelle direction de nuit et face à une grosse dune. Je reviens donc sur mes pas pour retrouver l’endroit exact où j’aurais dû bifurquer, il doit y avoir un passage plus aisé.

A ce moment arrive un 4x4 en face de moi. A ma grande surprise, c’est un de nos chauffeurs. Il me conseille de continuer sur la piste. Mais non, c’est justement ce que je ne veux pas faire et il ne comprend pas ma démarche. De son côté, il va à Ouadane chercher du pain. En pleine nuit… En fait il va voir sa femme.

Je quitte donc la piste de bon coeur et je progresse sur un plateau couvert de pierres noires. C’est difficile d’y courir et ça me ralentit.

Puis c’est la dernière montée très raide vers le CP12, la maison de Théodore Monod. La tente est installée à côté de la petite maison de pierre. J’y trouve le cuisinier dormant profondément, J’ai du mal à le réveiller. Il est seul, le chauffeur étant parti en goguette à Ouadane.

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Eric pointe pendant mon sommeil. Je lui conseille de prendre le matelas du cuisinier, car c’est pour nous, et il hésitait. Puis arrivera Takao, juste avant que je reparte au petit jour. Eric se joint à moi cette fois. Voilà aussi le chauffeur, de retour de la boulangerie. Le pain frais de la nuit, c’est trop tard pour nous.

Nous continuons dans le relief pierreux pendant un moment, avant de traverser une zone bien plate. Eric est un compagnon agréable, mais je ne parle pas beaucoup. L’air est trop sec, et dès que j’ouvre la bouche, je dois boire beaucoup plus que la normale.

Une zone de tan, étendue humide asséchée, à traverser se présente. La surface paraît dure, mais J’y enfonce l’épaisseur de la semelle de mes chaussures. Eric sonde avec ses bâtons, car il est beaucoup plus lourd que moi. Nous passons sans plus d’encombre. Ce ne sera pas le cas de tout le monde. Suivant le point de traversée, certains s’enfonceront jusqu’aux genoux. On s’en tire bien.

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Nous atteignons le CP13 installé sous un arbre, abandonné. On se débrouille avec la théière et le réchaud pour s’alimenter. Un 4x4 arrive, c’est le chauffeur du CP et son aide, qui repartent tout de suite. Ils cherchent Patrice, qui est devant. C’est quoi cette histoire ?

En fait un 4x4 s’est embourbé dans le guelb, et c’est panique à bord dans l’organisation, mais on ne s’en aperçoit pas encore. Si nous avons trouvé une tente vide, Patrice est au CP14, sans tente.

Nous repartons, encore une portion plate avant de monter une dune tout droit, et d’en longer le bord supérieur. Nous quittons définitivement le guelb sur un plateau de nouveau pierreux, pour le CP14.

Pour nous la tente est en place et il y a de quoi se restaurer.

Eric a très mal aux pieds et une tendinite au releveur. Il ralentit et ne peut plus me suivre. Mon releveur côté droit commence aussi à se faire sentir. Pour les néophytes, c’est le tendon qui permet d’abaisser et relever le pied, on le sent sur l’avant de la jambe. Ca ne me gêne pas et ne m’empêche pas de courir.

Je passe le CP15 de nuit, et j’arrive au CP16 en fin de matinée suivante. Et ô surprise, Patrice m’attend devant la tente, assis sur une chaise, torse nu en plein soleil. La tente est vide, à part de l’eau, une théière et un réchaud. Il m’explique qu’il n’y a plus de logistique devant pour nous, ce qui signifie pas de tente et pas d’eau. Il n’y a plus qu’à attendre au CP16.

Quel dommage, j’ai retrouvé toute mon énergie et je ne demande qu’à carburer.

La voiture embourbée monopolise toutes les ressources. Ils mettront 24 heures à la sortir, avec des renforts venus de Ouadane.

Pendant ce temps, nous, on poireaute. La compagnie augmente, Eric se pointe, suivi par Takao. Un 4x4 arrive enfin, il va nous monter le CP suivant. Par hasard il transporte la valise de Takao, qui nous partage son ravitaillement japonais. Les mangues sous vide sont bienvenues et délicieuses.

Nous pouvons repartir. Takao aime beaucoup se filmer, je lui propose de le faire pour lui au lieu d’être limité par la longueur de sa perche.

Il est rapidement largué en termes de vitesse, et nous continuons à 3 jusqu’au CP17, en bavardant, ou nous arrivons en fin d’après-midi. Et voilà que ça se peuple. Un 4x4 amène Alain et Marion. C’est ainsi que nous apprenons les boueuses péripéties. Donc nous pouvons aller jusqu’au CP suivant, qui est dans un ancien fort militaire où il y a des puits, il n’y a pas besoin de tente pour avoir de l’ombre, mais il n’y a rien d’autre, et surtout pas d’eau potable.

Patrice part tout de suite. Je préfère faire une pause d’une heure. Eric et Takao restent sur place. Je n’ai pas besoin des soins de Marion, je strappe moi-même ma tendinite.

Je cours facilement en repartant. J’arrive à un petit terrain d’aviation dans le sable, balisé par des pierres, que je n’avais pas vu en 2019 car j’étais passée là de nuit. D’ailleurs elle arrive, avant que J’atteigne l’entrée d’un magnifique canyon au fond très sableux, qui plonge entre 2 parois de rochers noirs. Le sol est très mou, passage obligé des 4x4. Il fait bien 8km de long. Je ne peux guère y courir.

Les piles de mon GPS sont déchargées avant le CP, mais je n’ai n’en pas besoin et je continue sans indication de direction ni de distance jusqu’au fort, je me souviens parfaitement du chemin.

J’amorce le changement de direction vers l’ouest, et le fort apparaît sur ma droite. Il y a plusieurs bâtiments, je ne sais pas dans lequel sera installé le CP, ni où est Patrice. J’inspecte toutes les salles, avant d’apercevoir une petite lumière tout au bout. C’est là qu’il s’est installé. Il a trouvé un tas de sable sur le sol en terre battue bien dur, de quoi faire un matelas.

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Nous n’avons plus qu’à essayer de dormir pour attendre. Le matelas est tout de même inconfortable, et j’ai mal partout. Un 4x4 finit par arriver. Il nous dépose de l’eau et une natte. Le sol est toujours bien dur. Il repart aussitôt. Un autre se pointe. Je demande au chauffeur s’il a un matelas. Il allait nous quitter sans nous en laisser. Nous récupérons un matelas, qu’on partage à 2.

Enfin le staff débarque, Alain, Marion et Patrick. Comme par hasard, les matelas se multiplient.

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Le jour se lève et nous ne partons toujours pas, la logistique n’étant pas assurée à l’avant. J’en profite pour prendre une « douche » au puits. L’eau n’est pas profonde est cela s’avère facile de remonter le jerrican plein. Il est percé au fond, laissant couler le liquide comme au robinet.

Puis arrivent Eric, Benoît et Jacques. Takao, théoriquement devant eux, pointe absent. Il y a aussi beaucoup de chauffeurs maintenant. L’un d’eux l’a vu en fin de nuit à la sortie du canyon. Je fais remarquer qu’il n’y avait aucune lumière à ce CP 18. A tous les coups il est passé devant le fort sans le voir et doit être maintenant au CP19, tout seul. Alain finit par y envoyer un véhicule pour le récupérer le ramener au fort, pour le remmener finalement au CP 19, manœuvre incompréhensible. Ce qui fait qu’il a 1 CP d’avance sur nous, qui avons sagement poireauté.

C’est à partir de maintenant que nous devons nous grouper pour être précédés par un 4x4 perso qui transporte nos affaires. Les duos sont faits par niveau, on m’octroie donc Patrice. Notre chauffeur sera Ismaël et le cuisinier Bolé.

Nous repartons à midi ensemble. Ce qui me fera en tout 20 heures de course perdues.

Pendant ce temps et à l’abri de ces péripéties, Marco caracole en tête loin devant désormais avec sa voiture suiveuse particulière, et impossible à rattraper.

Patrice et moi n’avons pas la même gestion de course, mais nous devons nous entendre. Il marche et dort peu et dans le sable, je cours et je dors dans les CP. Comme le côté course et performance n’est plus d’actualité, nous décidons d’un commun accord de profiter de la suite du parcours, en marchant et en dormant correctement.

Patrice progressant plus vite que moi, il donne le rythme. Ayant besoin de plus de sommeil que lui, j’organise les repos, et toujours dans les CP : 30 minutes après le CP du matin, 1 heure après le CP de l’après-midi et 4h la nuit. De plus comme un véhicule nous suit avec toutes nos affaires personnelles, il n’y a plus grand-chose à porter sur soi, le sac est allégé. Bref, on va se la couler douce.

 

Nous changeons de direction pour se diriger plein ouest, vent dans le dos et soleil brûlant de face l’après-midi. Nous retournons vers Atar, de l’autre côté du massif de l’Adrar que nous contournons. Je retrouve à main gauche les montagnes noires et à main droite un magnifique cordon de dunes blondes.

D’ailleurs je m’y dirige sur un terrain très sableux, où je trouve le CP19, bien planqué sous un arbre.

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Ismaël parle peu français, Bolé le pratique bien. Il sera donc notre interlocuteur privilégié. Il nous apprend qu’il a la consigne de ne pas nous nourrir, même pas tous les 60 km, comme prévu. Heureusement Patrice et moi avons de quoi nous sustenter par nos propres moyens pour tous les CP.

L’ordre des choses que nous faisons au CP est immuable : manger puis dormir. C’est au moment de partir que notre staff mange, et Bolé nous en propose tout de même gentiment. Mais c’est trop tard, notre repas est déjà pris et nous ne traînons pas sous la tente.

Le CP20 me rapproche de la montagne, dont je longe la base beaucoup plus caillouteuse. C’est dans ce coin que je m’étais fourvoyée par inadvertance en 2019, de nuit, et j’avais bien galéré. Mais cette fois, tout se passe facilement, de nuit également.

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Néanmoins, nous passons le point du CP. Nous faisons demi-tour, et nous finissons par dénicher la tente sous des arbres. Bolé n’y a pas mis de lumière, et elle est invisible. Nous tombons d’abord sur Ismaël, qui dort très profondément sur son lit de camp dehors. C’est son habitude. Dans la tente, Bolé pionce, tout aussi intensément. Je le réveille, et nous lui expliquons qu’il doit toujours mettre un éclairage la nuit à l’entrée de la tente. Il va falloir qu’il apprenne le métier.

Je repars en douce montée, qui mène en haut du surplomb d’un très joli petit canyon. Il y a beaucoup de pierres, il vaut mieux suivre la piste qui serpente. Puis c’est la descente dans la plaine du village d’El Bayyed, et je retrouve le sable. Je longe les dunes, à ma droite.

Le village apparaît au loin sur la gauche dans les arbres, avec sa mosquée. Une jeune femme vient à notre rencontre, ses voiles flottant dans le vent. Elle vend de petits bracelets de perle. Ce ne sera pas pour moi. Je n’ai même pas un Ouguiya mauritanien sur moi.

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J’arrive au puits, signe de la bonne douche tant attendue. L’exercice s’avère périlleux, sans mettre les pieds dans le sable brûlant ni dans l’eau. Je repars toute pimpante, avec collant et maillot humides qui vont me tenir au frais un bref moment.

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Je croise une armada de 4x4 touristiques. Ils ont l’air de bien s’amuser à conduire dans le sable.

La végétation est omniprésente et le CP21 est à l’ombre. Je dois me protéger du vent pour réhydrater ma purée sans que mon repas ne s’envole.

Je repars après une courte pause. Le sable est plutôt mou dans le secteur.

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Les CP défilent, assez plats et avec quelques arbres. Avec Patrice nous progressons d’un bon pas, sans difficulté pour moi, je ne sens plus du tout ma tendinite au releveur. Patrice a mal aux pieds, il supporte.

C’est facile pour moi, je n’ai qu’à le suivre, il est devant, je n’ai même pas besoin d’utiliser le GPS, je confirme juste la direction, notamment la nuit.

De temps en temps j’entends le tuut caractéristique du Sirli, petit oiseau gris difficile à voir dans le sable. Je le connais maintenant, et je le repère facilement. C’est toujours un grand plaisir de l’entendre dans cet environnement silencieux.

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Je vois un beau cap à viser, une grosse tache blanche droit devant. Mais… mon cap bouge ! C’est un chameau en goguette. Les chameaux ne sont pas tous marron.

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Et soudain, des gazelles du désert ! Je m’approche d’un petit troupeau avec des longues cornes qui s’enfuient devant moi. A y voir de plus de plus près, ce ne sont que des ânes et leurs oreilles. Certes, j’ai une mauvaise vue, l’illusion aura été de courte durée.

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Aujoud’hui, Secma, le chef des chauffeurs, est passé au CP. Il a amené du ravitaillement pour ses hommes. J’ai le droit à une mandarine comme faveur.

Cependant Bolé a décidé d’améliorer mon régime frugal. Le soir il fait du pain dans une marmite sur son réchaud. En plus, il le réchauffe pour le « petit déj », juste avant de partir dans la nuit. Accompagné de dattes, c’est délicieux.

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Désormais quand j’arrive aux CP de nuit, une tente est dressée à côté de la mienne. C’est celle de Takao que je rattrape petit à petit, ce dont je n’ai pas douté un instant, car je suis plus rapide que lui. Ca va prendre plusieurs jours de le dépasser complètement. Mais je ne le vois jamais, comme nous avons des tentes et un staff différent, ce qui n’est pas très convivial. J’ai des nouvelles uniquement par Bolé.

De temps en temps je croise un squelette de dromadaire. Cette fois, il est même « frais », avec tous ses poils. Le climat très sec le conserve longtemps, et sans odeur.

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Au CP25, le trajet se rapproche des dunes pour éviter la traversée du lac salé, qui est paraît-il boueux.

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Le CP27 est dans un village, bien qu’on n’y voie aucune âme qui vive. Le 4x4 nous attend au sommet d’une petite côte. Le chauffeur annonce nous emmener en voiture pour ce CP, en compensation du temps perdu. Mais je n’ai pas demandé de compensation ! Surtout que ce CP est très pierreux, ce que j’adore. Pas de discussion possible et patience pour manger.

La position assise sur un siège est toujours pénible sur les courses longue distance quand on n’enlève pas ses chaussures. Le dessous des pieds se met à brûler. Néanmoins autant profiter de ce court répit pour dormir, même si le terrain me secoue dans tous les sens. Je ne verrai pas le moindre contour d’un caillou, plongée dans mon demi-sommeil.

La pause ravito se fait au CP28, à l’ombre de la voiture.

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Je croise un grand troupeau de chèvres gardées par de jeunes bergers. Ils tentent quelques mots de français.

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J’arrive au CP29 en fin d’après-midi. Alain et Marion nous attendent. Elle vérifie l’état de mes pieds, tout va bien. Je ne lui donne pas beaucoup de travail. Elle intervient en plein vent, par terre, dans le sable. Je suis allongée sur le ventre sur la natte, le pied posé sur un sac.

Alain propose un CP de compensation… Mais on l’a déjà eu ! En fait c’était celui destiné à Takao et notre chauffeur a vraisemblablement copié. Plutôt qu’une compensation, je préfère que Bolé me nourrisse. Je serai entendue, et il le fera désormais de bon cœur.

Je quitte la plaine pour passer au nord d’Atar. La boucle est bouclée.

Au CP30, km 600, je change de chaussettes, comme toutes les 200 bornes. Je suis très satisfaite des Mérinos, toujours agréables au bout de 200km.

J’aborde une zone assez boisée. Le sol est recouvert de magnifiques dalles bleues. J’y trouve aussi un endroit plein de petits coquillages. Plus loin, les dalles sont oranges, puis vertes.

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Le chemin vers le CP31 suit une grande oasis, et moi je suis sa clôture. Puis c’est le lit d’un oued, très sableux.

Vers minuit, un vieux 4x4 qui transporte une citerne d’eau s’arrête à ma hauteur. Le monsieur, d’un certain âge, ne parle pas du tout français, mais je comprends qu’il me demande où je vais et qu’il est prêt à me prendre à bord. Choum, Choum, je vais à Choum, certes, c’est encore un peu loin, et non, je ne monte pas.

J’arrive de nuit au CP33, dans un village. La tente est dressée au milieu des maisons en pierre. Ce n’est pas pour ça qu’il y a du monde. Les gens doivent être sur place uniquement au moment de la récolte des dattes. Au réveil, le jour pointe, et je suis étonnée de me trouver au milieu d’habitations. Je commence à ne plus me souvenir de ce qui se passe avant de plonger dans mon court sommeil réparateur, dont les 4 heures quotidiennes peuvent s’avérer un peu brèves.

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La route goudronnée qui relie Atar à Choum est toute proche. Je l’emprunte sur 4km, marquant un changement de direction vers le nord, la frontière marocaine et le fameux train de minerai de fer. Elle descend une belle falaise en lacets avec une vue splendide sur la plaine, encaissée entre deux bords de monts noirs.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je trouve un passage dans les cailloux pour couper les virages. En haut, Ismaël s’est arrêté et me fait de grands signes sympathiques.

Il est tôt et il y a peu de circulation, juste quelques taxis brousse, et une gerboise qui pointe son museau parmi les pierres.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

J’arrive dans la vallée, dans un village. Je quitte la route, passe les quelques maisons éparses, et bute sur le coin d’une clôture, juste sur ma trajecoire. Je décide de passer sur la droite. Puis le GPS m’envoie en plein sur un joli mont de pierres noires. J’aime ça. Mais mon acolyte Patrice n’aime pas. Je lui propose de le contourner par la gauche, mais pour finir il va droit dessus. Je grimpe sans difficulté dans le pierrier. Patrice peine derrière. La descente de l’autre côté s’avère abrupte, voire carrément verticale à certains endroits. Je sautille de pierre en pierre, alors que Patrice souffre.

La plaine en bas est boisée. J’attends Patrice. Peu de temps après, il paie son exploit montagnard et préfère s’arrêter à l’ombre pour souffler. Je continue et il me rejoindra au CP. Nous ne sommes pas obligés d’aller à la même vitesse.

La direction est parallèle à la route principale de Choum d’un côté, avec la montagne en fond à tribord, et à l’autre ligne de montagne à bâbord. C’est très beau.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le CP34 est sous un grand arbre. Ismaël ne comprend pas que je m’y pointe seule. J’ai beau lui expliquer que Patrice a eu besoin de se reposer et qu’il va arriver, il ne conçoit pas. Il va arriver quand ? Mais je n’en sais rien. Au bout de 2 minutes, Ismaël panique et part en 4x4 à la recherche de l’absent. Les chauffeurs doivent avoir la hantise du coureur qui se perd dans le désert.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Patrice apparaît tranquillement comme prévu, au bout de 20 minutes, pas du tout par la piste de la voiture. Ismaël revient après, évidemment sans l’avoir trouvé.  Il aura compris que nous avons le droit de ne pas toujours être ensemble.

Du coup ma sieste du midi en est rallongée.

La suite du terrain sera beaucoup plus plate.

Le soir et le CP36 me rapprochent de Choum. J’y passe au plus près à 2 km. Cette petite ville s’est développée grâce au train de la mine de fer.  Ca y est, je bute sur la fameuse ligne de chemin de fer, et ce juste au moment où arrive un train. Mon premier !

Je l’entends émerger de loin. Une antique locomotive tire quelques wagons citerne, il n’est pas très long. C’est le train de l’eau, qui va approvisionner la mine au milieu du désert.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Changement radical de direction puisque je ne passe pas la ligne, ce sera désormais plein ouest jusqu’à la mer, pendant 400km le long du train. Les 400 derniers km ! Une bagatelle. J’ai l’impression d’être très proche de la fin, car ce sera peu varié.

Le CP37 est la première nuit le long du chemin de fer. Le terrain est plat et sans difficulté. Je longe le monolithe de Ben Amera, très beau paraît-il mais je ne le verrai pas de nuit. C’est un des plus grands du monde.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

J’arrive au CP38 au petit matin. Je traverse le village de Ben Amera. J’y trouve quelques minuscules commerces, tous fermés à cette heure matinale. D’ailleurs il n’y a personne en vue. Comme à tous les endroits où la circulation s’intensifie, le sable y devient très mou, ce qui rend la marche plus difficile. Et comme à tous les endroits habités, les déchets sont omniprésents par terre, beaucoup de plastiques, des bouteilles, des vieilles savates.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le CP39 marque les 800km. J’y ai prévu un changement complet de tenue. J’abandonne avec regret le maillot X-Bionic rose pour un raidlight à manches longues, moins bien mais propre et confortable. Je troque mon vieux collant qui a bien tenu le coup contre un neuf plus sayant.

Patrice a maintenant très mal aux pieds. Cela ralentit notre moyenne horaire. Après chaque arrêt, il doit se « chauffer les pieds », le temps que la forte douleur devienne plus supportable. Cela prend bien une demi-heure pour faire 2km. Puis nous pouvons accélérer plus normalement. Jusqu’ici il était en tête, maintenant c’est moi qui mène. Lorsqu’il désire faire une petite pause, je continue doucement jusqu’à ce qu’il me rattrape. Ce n’est toujours pas mon truc de m’assoir dans le sable pour attendre.

Il demande aussi quelques fois un arrêt plus long que ce qui devrait être, signe de fatigue. Pourtant il est réputé avoir besoin de dormir beaucoup moins que moi.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je ne peux pas rater les trains. Je les entends arriver de très loin. Le jour un gros nuage de poussière s’élève, et la nuit, ils ont des phares très puissants. Ils sont impressionnants. 3 michelines tirent 2 km de wagons chargés de minerai de fer. Les conducteurs vont me connaître au bout de quelques jours et me font de grands signes de la main. Il y a aussi des passagers installés sur le chargement des wagons pour voyager gratuitement, baignant dans la poussière et le soleil. Il y a 7 trains par jour dans les 2 sens, en majorité la nuit. La ligne est longue de 704 kilomètres, elle relie les mines de fer de Zouerate au port minéralier de Nouadhibou. Ces trains sont parmi les plus longs du monde.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le village suivant de Temeimichat se trouve 100km plus loin. J’y suis dans la matinée. Il y a de l’activité. Les gamins jouent, les boutiques sont ouvertes, les hommes sont assis par terre devant, quelques biquettes traînent, les femmes sont invisibles. Un train est « en gare », les denrées des commerçants sont en cours de chargement pour ravitailler ceux des villages de la mine. Le conducteur me propose de visiter son train. Désolée, je n’ai pas vraiment le temps de musarder.

Comme dans tous les villages, je m’enfonce dans le sable. J’ai hâte d’en sortir.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Je chemine le long de la ligne unique de chemin de fer après, le sable juste à côté est assez dur. Mais il s’avère plus facile de marcher sur la voie elle-même, malgré le panneau d’interdiction d’y évoluer. En fait elle paraît minuscule quand on est dessus, sous-proportionnée par rapport à la puissance qui y circule. Puis la ligne s’incurve, et je la quitte pour couper tout droit.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

De petits panneaux indiquent les km le long de la voie. Je peux les voir quand je la suis d’assez près. Les premiers sont dans les 480km. Il n’y a pas de quoi me saper le moral sur la distance ni sur une avancée qui pourrait sembler lente. Cela n’a pas d’emprise psychologique sur moi.

Beaucoup de traverses et de morceaux de rail jonchent le sol. Mais ce n’est pas toujours perdu. Les traverses servent de charpente aux petites maisons regroupées ici et là. Parfois il n’y a plus que la charpente elle-même. On les croirait abandonnées, mais que nenni. Il paraît que les habitants y viennent en villégiature.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Les CP vont se succéder jusqu’au n° 57 pendant 6 jours, mais je ne les compte pas. Je vis au quotidien.

Comme le paysage devient monotone, c’est la température qui rythme les journées. Le CP du matin est le plus agréable, à la fraîche. Avec Patrice nous papotons. Le départ de l’après-midi est plus difficile en pleine chaleur, mais cela ne me gêne pas trop. Patrice en souffre beaucoup plus que moi. Le soleil incandescent passe son cap droit devant. Je marche en m’en protégeant le plus possible, la tête baissée et le cache-nuque de la casquette bien fixé au maillot, surtout quand il y a du vent. Je ne pipe pas un mot, l’air est trop brûlant pour ouvrir la bouche. Je me contente de chanter dans ma tête. Et heureusement, boire de l’eau chaude ne me gêne pas. La nuit, un coupe-vent suffit. Patrice me demande de lui parler beaucoup pour ne pas penser à ses maux de pied. Moi qui ne suis pas bavarde, je me découvre un talent d’oratrice nocturne et je monologue durant tout le trajet.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

De temps en temps de petites fleurs surgissent du sable, par taches blanches, jaunes, rouges. Ou une dune apparaît, variant les couleurs de sable. Il y a aussi beaucoup de traces de petites bêtes, mais j’en vois très peu, insectes, scarabées, lézards. Aucun chameau ni troupeau en vue sur tout le parcours, malgré un puits croisé.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Un soir vers 20h, par nuit noire, il y a longtemps que la lune n’est plus pleine, une forte lumière se déplace rapidement juste de l’autre côté de la voie ferrée. On dirait qu’elle se met à courir pour me rattraper. Une voix en arabe s’élève fortement, puis passe en français. « Gendarmerie nationale, contrôle des passeports ! ». Patrice et moi pilons net. Patrice sort son passeport, que la maréchaussée prend en photo avec son téléphone. Quant à moi, je jette un coup d’œil à mon GPS pour avoir la distance du prochain CP. Je n’ai pas mon passeport sur moi, il est dans la voiture, à 2km 350m, dans cette direction. L’explication suffit, et après quelques blagues, l’homme en uniforme me lâche les baskets.

Le lendemain, la journée cette fois, c’est un 4x4 de l’armée qui fait un détour jusqu’à ma personne. Je n’ai toujours pas mon passeport sur moi. Mais ce n’est pas le sujet. C’est juste pour savoir si tout va bien.

 

Je longe quelques camps militaires dans le coin. Le Maroc est à une dizaine de km.

Une autre fois un véhicule de la ligne de chemin de fer me croise, là aussi pour s’assurer que tout va bien.

S’il n’y a pas de chameau dans ce désert, il y a des gens qui s’inquiètent pour moi.

Mon moment préféré est le lever du jour, la lueur orangée surgit doucement dans mon dos. Les couleurs du ciel et du sable sont magnifiques, et la température très agréable.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Les muqueuses n’apprécient pas le désert, les miennes résistent bien pour l’instant. Je tartine mes lèvres de beurre de cacao en journée. Je mouche beaucoup de sang. Heureusement j’ai prévu un gros stock de mouchoirs XXL fabrication maison. Et tous les soirs je me rince les naseaux avec du sérum physiologique. Ca dégage bien, sinon je ronflerais à gogo.

Les mains gonflent tous les après-midi avec la chaleur. Heureusement elles dégonflent sans problème la nuit.

Si je ne vois jamais Ismaël la nuit, enfoui dehors sous sa grosse couverture sur son lit picot, Bolé fait beaucoup de progrès. Maintenant il m’accueille, le repas est préparé, même si le menu est peu varié : différentes pâtes et des légumes, avec deux fois du poulet si on est près d’un village ravitailleur. Je complète avec les sardines et les dattes, omniprésentes. Il remplit ma poche à eau dès que j’arrive et l’eau chaude est toujours prête pour le thé. Il se lève spontanément pour le départ au milieu de la nuit, me servant le thé et le pain chaud.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Mais ce matin, vers 10h, pas de CP en vue au point GPS requis. Le 4x4 déboule en trombe dans mon dos. Patrice en rigole, pas moi. Je n’aurai pas aimés poireauter en plein cagnard parce qu’Ismaël ne s’est pas levé. Ca lui a servi de leçon, car par la suite il fera systématiquement le trajet entre les CP dès que je suis partie.

Au CP47, ma tendinite au releveur se réveille légèrement. Elle ne me gêne pas. Je prends néanmoins un antiinflammatoire le lendemain, le seul médicament que j’aurai avalé sur tout le parcours.

Je suis au CP49, le 1000° km est atteint. il reste moins de 10 CP, ça sent la fin et le dernier changement de chaussettes.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Ce midi je prends ma demi-heure de sieste à l’ombre de la voiture. Je sens quelque chose sur ma jambe. Un gros insecte ? J’ouvre les yeux et je découvre… un tout petit oiseau posé sur mon collant. Je vois régulièrement ce piaf, mais celui-ci est particulièrement familier. Je n’ose pas bouger, lui non plus.

A tous les CP j’enlève systématiquement les chaussures, cela détend les pieds, mais pas forcément les chaussettes. Je les masse toujours soigneusement.

Ma faim est grandissante au fil des km. J’engloutis désormais des portions doubles de celles du début de course. Pour mes ravitaillements personnels, j’ai prévu. Par contre je dois rallonger les lyophilisés qui sont censés faire un repas normal, et hop, de la semoule en rab dans le couscous.

Toutes les nuits en me réveillant, je suis incapable de me souvenir si le train est passé, tout en ayant la sensation de l’avoir entendu. Bien sûr il est passé, et même des fois juste au moment où je m’assoupis. A chaque réveil, c’est la première question que je pose et la réponse est immuable. C’est l’accumulation du manque de sommeil qui fait son effet.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

De même une fois, allongée sous ma petite couverture, je réclame qu’on ferme la tente. Elle est fermée, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas de toile de mon côté et que je dors dehors. Quand le train passe, je crois être couchée à l’extérieur juste à côté des rails et qu’il est à 1m de moi, tout ça sans pouvoir ouvrir les yeux. L’effet est saisissant.

Néanmoins, comme c’est moi qui donne le signal du lever dans la chambrée, j’ai toujours entendu sonner ma montre. Je ne suis donc pas trop épuisée. Patrice ne la perçoit jamais.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Il a maintenant moins mal aux pieds et retrouve du poil de la bête. Si les démarrages sont toujours laborieux, le rythme est plus soutenu après.

A ma grande surprise, la monotonie de cette longue partie passe bien. Il est vrai que je n’ai pas à me plaindre. Je n’ai aucun problème physique, je ne ressens pas de manque de sommeil, je n’ai qu’à marcher, ce qui n’est pas spécialement difficile. Même les CP de nuit que j’appréhende normalement sont aisés.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

La dernière nuitée s’annonce au CP52. Alain me croise peu après. Il veut m’avancer en voiture d’un CP, il le fait pour tous. Il a l’air d’avoir hâte d’en finir, bien plus que moi. Il me dépose au CP53. Comme d’habitude le trajet en voiture est pénible pour la voûte plantaire qui se met à brûler.

Je progresse désormais entre la voie ferrée à ma droite et une grande route à ma gauche. Le sable est assez mou, avec de petites dunettes à franchir. Quelques maisons endormies jalonnent mon chemin.

Côté route, des lumières rouges apparaissent. C’est une usine de traitement de minerai de fer. D’ailleurs une sirène retentit dans la nuit.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

D’un commun accord avec Patrice, l’arrêt au CP54 est écourté. Nous n’avons pas besoin de dormir 4 heures pour terminer sereinement.

La tente est juste à côté de la route, qui est très proche de la voie. Je propose de marcher désormais sur le bitume, beaucoup moins pénible physiquement que dans le sable. De plus à cette heure, il n’y a pas de circulation.

Le jour se lève, le dernier. Soudain apparaît sur la gauche une belle étendue bleue entre quelques petites dunes. La mer !

Nouadhibou est située au bout d’une péninsule parallèle à la côte principale et je chemine côté intérieur. La surface de l’eau s’avère donc très calme. Elle ressemble à un beau lac immense coincé par des ondulations sableuses.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Après le CP55 et l’heure s’avançant, la circulation augmente. Le trajet sur la route se révèle loin d’être bucolique. Les bas-côtés sont jonchés de carcasses de pneus déchiquetés. Je me dis que si un pneu éclate à côté de moi au passage d’un camion, je meurs.

A chaque venue de véhicule, dans un sens ou dans l’autre, je me précipite rapidement sur le bas-côté, dans le sable. En effet, ils sont nombreux sans âge, dans une forme très vétuste, ou lourdement surchargés. Je tiens à la vie.

Un piéton vient faire la causette. Je vais où ? A Nouadhibou, à pied. Rien ne les étonne. Plus loin un ânier mène son âne au puits.

Dès qu’on s’approche des zones habitées, je trouve beaucoup de déchets étalés par terre, surtout des bouteilles d’eau en plastique.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Le CP56 est proche de quelques maisons. Je ne m’y attarde pas. Je reprends la route sous la chaleur de fin de matinée pour le CP57, le dernier. Mais Alain a déplacé l’arrivée, et je dois suivre le 4x4 pour atterrir à une auberge. Ce qui représente une fin bien morose : de la route, et derrière une voiture, tout ce que je n’aime pas.

Heureusement l’emplacement du repos attendu est sur la plage, ce qui compense les contraintes.

Je dois évidemment me plier aux traditionnelles photos d’arrivée, au lieu de pouvoir enlever définitivement mes chaussures le plus vite possible. Car les quatre choses que je souhaite faire dans un ordre d’urgence sont : enlever mes chaussures, prendre une douche, manger, et dormir.

Il est 14h le 16 novembre, j’ai mis 16 jours pour faire 1200km. Je suis 2° avec Patrice, si tant est qu’un classement puisse encore vouloir signifier quelque chose après toutes les péripéties de cette course. Marco est arrivé depuis longtemps, 4 jours plus tôt.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Bolé a pris en main le restaurant de l’auberge et m’a préparé un bon vrai repas appréciable. Je prends possession de ma tente, et je requiers la douche. En effet, l’utilisation de la pompe à eau du puits se fait sur commande.

A noter que je n’ai pas perdu de poids, ce qui est parfait.

Comme je suis en excellente forme et que mes petons sont intacts, je peux profiter pleinement de la baignade dans cette mer d’huile et de balades sur la plage. Il y a plein d’oiseaux marins et limicoles migrateurs venus d’Europe passer l’hiver au chaud. Je ne les connais pas, mais je m’en mets plein les yeux. Je rends visite à la petite colonie de flamants roses installée dans l’anse voisine.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Les autres coureurs arrivent petit à petit, Takao dans la nuit, puis Brigit le lendemain, suivie de Benoît et Eric. Jacques ferme la marche 2 jours après moi. Deux coureurs manquent à l’appel.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

J’abandonne la tente et j’émigre dans une chambre de l’auberge, que je partage avec une petite souris.

A la question de ce qu’on désirait le plus pendant la course, tout le monde a rêvé d’un bon repas, sauf moi. C’est une baignade en mer à laquelle je pensais pendant les heures brûlantes d’après-midi le long de la voie ferrée.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Après le repas de fin de course, nous prenons la route pour Nouakchott. J’y profite d’une journée de tourisme, visite du marché, baignade en mer côté atlantique cette fois, avec de puissantes vagues, tour au port de pêche. Les centaines de longues barques en bois toutes peintes de couleurs vives déchargent le poisson à la main, directement sur la plage. Il est amené sur la tête des pêcheurs directement à l’usine de fabrication de farine, pour exportation en Europe. C’est impressionnant. Parallèlement l’état mauritanien autorise la population à se pourvoir en poisson gratuitement.

Balade mauritanienne de 1200 km, novembre 2022

Puis c’est le retour à Paris, et à la Réunion pour moi.

Comme d’habitude après une longue course de ce type, mes pieds de jeune fille vont peler intégralement.

Au final, cette édition ne me laissera pas un souvenir impérissable. Côté technique j’adopte définitivement les chaussettes en Mérinos et les biscuits pour dénutris.

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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 08:57
Putain, 30 ans déjà…

Quelque part entre Dos d’Ane et La Possession, et plus précisément sur le sentier de La Kalla au point 20°57'05.6"S - 55°21'23.3"E.

Je suis allongé, meurtri, exsangue, effondré. Ma diagonale vient de s’achever en quelques dixièmes de secondes, la faute à une stupide chute (mais y a-t-il des chutes intelligentes? Des chutes qui nous rendent admiratifs : « sympa cette gamelle, belle exécution, on va mettre un joli 8,35/10 ! »). Le regard vide, le genou retourné, je gamberge et me reviennent de nombreuses images en un flash, tels les derniers instants du condamné à mort qui voit défiler sa vie en accéléré…

Putain, 30 ans déjà…

Quelque part à Saint-Pierre, et plus précisément sur le secteur de la Ravine Blanche au point 21°20'21.3"S - 55°27'32.3"E.

Je suis debout, impatient d’en découdre avec ces 160 kms qu’on nous annonce redoutables. Deux nouveautés cette année, un départ par vagues, je suis verni, vague n°1, et une amputation de parcours de 5 kms pour éviter Le Maïdo. Là, j’aime moins, préférant les parcours exigeants et sélectifs.

L’ambiance est festive, l’excitation est à son comble, les appétits sont féroces après deux ans de privation de droits sportifs, COVID oblige. Je suis heureux de pouvoir faire partie des quelques 2 600 fous qui ont décidé de pratiquer leur jeu favori et de ne se déplacer qu’en diagonale…

Je m’élance d’un pas décidé, pas besoin de « jouer des coudes » cette année, nous ne sommes que 500 par vague et le ras de marée annoncé est plutôt contenu. Les premiers kilomètres sont maîtrisés, je progresse à une vitesse honorable pour une « béquane 5.0 » tout en restant à l’écoute de mon mollet récalcitrant. Il faut dire que ma préparation a été sérieusement mise à mal depuis le mois de juillet, perturbée par une vilaine déchirure m’obligeant à stopper tout entraînement en course à pied et autres sorties montagne. 6 semaines à ne faire que du vélo, j’aurais du prendre un ticket pour la grande boucle.

Je me situe plutôt dans le « ventre mou » de cette première vague et parviens à Domaine à Vidot en 1h24 à une vitesse moyenne plus qu’honorable de 10,5 km/h. Très belle première section « en ressenti », je suis rassuré par mon état de forme et celui de mon mollet, je vais pouvoir « me lâcher ». Je traverse le ravitaillement en une petite minute, dégainant mes flasques aussi vite que le règlement m’y autorise. Pas d’excès de vitesse aux stands, ce serait bête de prendre une pénalité. Dès la sortie du stade, je me jette littéralement vers les premières marches et premiers mètres de sentiers, enfin, nous sommes en montagne, je vais pouvoir m’exprimer sur mon terrain de jeu favori.

L’enchaînement course / marche est violent, je sens mes muscles se contracter brutalement et m’envoyer un premier signal d’alerte, je suis déjà dans le dur. Le pas est lourd, le souffle court, les premiers concurrents me dépassent, « j’accuse sérieusement le coup ». Il doit être environ 22h30, je passe en mode gestion et réduis brutalement l’allure. Les mètres de dénivelé gagnés se muent en pénibles centimètres, je change d’unités de mesure et par là même d’ambition. L’objectif est de limiter les dégâts et de reprendre peu à peu mes esprits, le départ a été rapide, peut être trop. Trois féminines me passent successivement, ça deviendrait presque vexant, je me retourne à guetter le retour des goélettes… Je courbe l’échine, évite une branche basse, pas mon suivant immédiat qui percute violemment l’obstacle. Nous constatons tous les deux les dégâts, lui pissent le sang, moi je pisse l’ennui. Je me morfonds et gamberge de plus en plus, ça commence à durer. Et si ma préparation s’avérait insuffisante, et si mon manque de compétition était préjudiciable, et si ma rupture des ligaments à ma cheville finissait par m’handicaper, et si, et si…

Le ravitaillement de Notre Dame de La Paix surgit de nulle part, au milieu de la nuit, je suis surpris et mets quelques instants à me mettre en action. Poussif, besogneux, cette première ascension est décidément manquée.

Malheureusement, la suite n’est pas plus enviable (cela nous aurait fait rire un peu), je suis toujours autant en peine de retrouver un semblant d’allure. Les kilomètres se suivent et finissent par se ressembler, j’opte pour un brin de causette avec un Toulousain venu chercher l’enchaînement « Ultra Trail des Pyrénées – Diagonale des fous ». Je le félicite pour ce beau chantier, me concentrant sur mon nouveau défi « Tour du pâté de maisons – parcours de santé de Saint-Paul ». Le parking du Nez de Bœuf est en vue, je désespère

Putain, 30 ans déjà…

Je suis « à l’horizontale », incapable du moindre mouvement, osant à peine respirer. Un concurrent de la Zembrocal me rejoint et s’inquiète de me trouver dans cette position inconfortable :

- « ça va, tu as besoin de quelque chose ? » (non, tout va bien, je me refais une beauté, un peu d’argile et quelques brins de lichens et je vais enfin pouvoir effacer ces vilaines rides !),

- « je ne sais pas trop, je ne plie plus le genou, j’ai du prendre un sacré coup, »

(Il constate les dégâts et finit par livrer son diagnostic)

- « ah ouais, c’est pas joli, tu as un bel hématome, tu as quelque chose pour straper ? Le mieux que tu aies à faire c’est de retourner vers le chemin Ratineau pour te faire soigner. »

(ce n’est pas comme ça que je voyais les choses, l’idée de devoir faire demi-tour m’est inconcevable, contraire à ma conception de l’ultra trail. Autant monter un escalier automatique à rebrousse marches, rouler en vitesse arrière sur l’autoroute, manger des cerises à Noël…).

Putain, 30 ans déjà…

Je m’élance en direction de Mare à Boue pour retrouver mes fidèles ravitailleurs, Jean-Marc et Anita. Je m’accroche à cette pensée positive et étonnamment, mon rythme s’accélère, je parviens enfin à doubler timidement quelques concurrents et surtout, à sentir ma foulée devenir plus régulière, plus alerte. Les parties de parcours bétonnées sont faites pour relancer, je relance, les parties enherbées sont faites pour accélérer, j’accélère, les parties rocailleuses sont faites pour s’équilibrer, je trébuche… Ma lucidité retrouvée me permet d’éviter le pire, je rétablis la situation et repars de l’avant. Tout va décidemment beaucoup mieux, les premières belles sensations « pointent enfin leur nez », après environ 5 h de laborieux efforts, il était temps. Le temps justement, est maussade, nous traversons une vague de brouillard lorsque je devine le mètre quatre vingt douze de Jean-Marc. Présent, près à s’activer pour deux minutes d’intense et brutal effort, un ravitaillement express à 4h du mat’ où la moindre approximation peut se payer cash. 2 ans d’entraînement pour être au top le jour « J » et je peux constater avec satisfaction que l’exécution des tâches est parfaite, telle une chorégraphie savamment orchestrée. Les œufs mollets sont servis « aux petits oignons », le vin du chai d’Aptonia coule à flots, c’est la fête à la Plaine des Cafres. Merci Jean-Marc, merci Anita.

Mais il est déjà temps de repartir pour admirer les premières lueurs du jour et rejoindre le Coteau Kerveguen. Ma nouvelle dynamique se confirme, je grimpe d’un pas décidé, reprenant un à un mes concurrents. Le sentier est des plus boueux, force est de constater que cette année encore, Mare à Boue porte bien son patronyme. Je devine les premiers rayons de soleil dans le dernier tiers de l’ascension, c’est magique et je m’autorise enfin quelques secondes contemplatives. Le Piton des Neiges, Cilaos, le Gros Morne, le paysage est fantastique, je prends un vrai shoot de bonheur et répète en boucle mon mantra favori : « ici et maintenant, ici et maintenant, ici… ». Je reprends peu à peu mes esprits à l’approche de la vertigineuse descente du Kerveguen que je devine glissante. J’opte alors pour une progression des plus prudentes, me résignant à m’écarter au passage de certains kamikazes, et joue l’équilibriste dans un monde de déséquilibrés. Ma progression est réduite, d’autant que je perçois une douleur de plus en plus vive au genou gauche. Pas besoin d’être chiropracteur (ça sonne mieux que kiné) pour diagnostiquer le syndrome « de l’essuie glace » malgré une météo ensoleillée… Je ralentis considérablement l’allure, écartant mes pieds « à dix heures dix » pour soulager les tendons, et profite de ce temps de pause pour me restaurer en ingurgitant mon « quatre heures ».

Je franchis prudemment le bras de Benjoin puis rallies Cilaos au km 66 et retrouve avec bonheur ma deuxième équipe de ravitailleurs, Florent et son papa, Eric. Leur contribution va s’avérer déterminante…

Il est environ 7h15, je fais la grimace et commence sérieusement à m’inquiéter pour mon fascia lata, c’est un peu tôt pour boiter bas. Florent met en œuvre ses talents de « serial kiné » (finalement, ça sonne bien) pour poser strap’ et tap’, c’est beau la science. Je poursuis mes emplettes - eau de Cilaos la bien nommée, repas liquide et barres solides - et procède au stratégique changement de pneumatiques, comme je l’avais anticipé. Ce choix, combiné aux soins chirurgicaux opérés par Florent, auront eu raison de mon « TFL chagrin », balayé le syndrome de l’essuie glace !

La chaleur commence à s’intensifier, il est temps de repartir et de plonger dans le brasier « Bras Rouge – col du Taïbit ». Comme en 2019, j’ai prévu l’arme fatale, mon fameux collier de glaçons posé autour du cou, un vrai bol de fraîcheur. Je gravis les premières marches depuis la rivière en mode conquérant, et tout semble fonctionner. Je rattrape à nouveau quelques concurrents et me projettent sur une ascension fulgurante, l’espoir fait vivre.

Je parviens au ravitaillement du pied du Taïbit, Florent et son papa m’assistent avant la longue traversée de Mafate qui va s’étirer sur près de 50 bornes. Il fait de plus en plus chaud, mais je suis bien.

Les premiers mètres sont avalés rapidement, je suis confiant et prévois une grosse heure pour vaincre ce col et ces quelques 800 mètres de dénivelé positif. La course bascule à nouveau en quelques minutes, la terrible chaleur commence à faire son œuvre et à user peu à peu mon organisme. Je passe en mode « suffocation » et parviens tant bien que mal à reprendre mon souffle. Le rythme baisse subitement d’intensité, seul lot de consolation, je ne suis pas le seul à voir fléchir mon allure. D’autres coureurs sont dans le même état et connaissent également une importante « baisse de régime ». Je m’accroche, gère et me résigne à accepter de ralentir. Nous sommes au cœur de la matinée, il reste encore de longues heures d’efforts, inutile de s’éparpiller.

Je bascule vers Marla après 1h15 de supplice, la foulée est empruntée, les jambes sont raides. La troisième féminine me passe avec grâce, je tente de la suivre « fers aux pieds », les contrastes sont parfois saisissants !

Je parviens péniblement au ravitaillement de Marla, en sale état, et m’accorde quelques instants de réconfort avec ma première soupe de vermicelles, qui me fait un bien fou. Conscient de ma piteuse progression, je choisis de privilégier la stratégie du « gagne petit ». Je marche lentement, cours peu mais limite la durée aux ravitos et m’interdis tout arrêt intempestif. Ce n’est pas franchement spectaculaire mais finalement assez efficace pour limiter les écarts, on fait avec les moyens du bord.

La remontée « Plaine des Tamarins – col des Bœufs » s’avère aussi pénible que je l’avais imaginée, je suis en « mode survivor », accablé et asphyxié par cette terrible chaleur. Je m’alimente de plus en plus difficilement et parviens à peine à m’hydrater, ça sent le sapin, ou plutôt le tamarin mais je m’accroche… aux branches.

La suite en accéléré : pas de jus, pas d’envie, plus de plaisir, je passe en mode « métro, boulot, dodo », ce raid devient presqu’une corvée et j’ai l’impression de « faire mes 35 heures ». J’erre lamentablement entre Mafate, Salazie et de nouveau Mafate via le sentier scout. Le relief favorise pourtant les relances, je me contente juste de ne pas exploser.

Faisons un point « Réunion La Première » : 15h54 de course, 114ème rang, vitesse moyenne de 4,31 km/h, vitesse ressentie 0,5 km/h… 6 coureurs me laissent sur place, je préfère ignorer l’affront. Je me concentre sur la longue descente qui doit me conduire vers Ilet à Bourse puis vers Grand Place où m’attendent mes collègues de la DAAF, j’ai hâte.

Cela fait maintenant plus de 5 heures que je me traîne, décidément « les temps faibles » s’éternisent cette année. Sur un grand raid, il est crucial de savoir gérer les périodes de « fort vent », je dois m’accorder cette prédisposition, à croire que mon ADN est pourvu du chromosome « masochiste ». Je descends maintenant vers Ilet à Bourse, percevant une agitation inhabituelle, anticipant des retrouvailles bienfaitrices. Pas d’erreur possible, je devine les silhouettes de Christophe, Fabrice, Joël, Gabriel et ses amis. Un immense soulagement m’envahit, je ne serai plus seul à « traîner ma misère » et me prends à rêver de jours meilleurs.

« L’effet DAAF » est spectaculaire, d’autant qu’il agit en 2 temps et quelques mouvements.

1ère étape - la rédemption : je quitte Ilet à Bourse et retrouve un semblant d’allure, au sens propre comme figuré. Je parviens à échanger quelques mots, ces visages connus m’insufflent une énergie positive. Les relances sont appuyées, les jambes se remettent en action et l’adrénaline coule à flot, un vrai torrent de bonheur.

2ème étape – la métamorphose : j’entends quelques cris d’encouragement, le reste du groupe DAAF vient à ma rencontre à l’entrée de l’ilet de Grand Place. Ce qui va ensuite se dérouler restera dans les annales de cette diagonale. Imaginez une nuée de « ravitailleurs ouvriers » exécuter une danse nuptiale autour de leur reine, lui offrant nourrissage et soins attentionnés, persuadés que l’avenir de la colonie est entre ses pattes. Plus sérieusement et sans la jouer « pathos », MERCI pour votre immense accueil et pour toute l’énergie que vous avez su me communiquer durant ces quelques minutes. Incontestablement, il y aura eu un avant puis un après Grand Place.

Ça tombe bien, je suis maintenant dans l’après, bien décidé à donner à ma course un visage plus présentable. J’ai maintenant décidé de reprendre mon destin en main et de ne plus subir, j’attaque les premières marches vers le col de Roche ancrée plus que motivé, encadré de ma garde rapprochée « Fabrice et Gabriel ». Le rythme est soutenu, je parviens enfin à retrouver une bonne dynamique de course à un moment où la température chute.

Ce n’est d’ailleurs pas le moment d’en faire une, de chute, la descente vers la rivière des galets est acrobatique, il faut rester vigilant et penser à récupérer. La grimpette vers Roche Plate et plus exactement le plateau des Cerfs (précision qui a son importance) s’annonce compliquée.

Putain, 30 ans déjà…

Sentier Kalla, je ne parviens toujours pas à me relever. Le coureur de la Zembrocal est reparti, je reste seul avec mes doutes, mes craintes. Je fais une première tentative, en appui sur mes coudes, ça tangue, tout tourne autour de moi, il va me falloir un peu de patience avant de repartir. Je m’accroche à un arbre et parviens enfin à me redresser, mon genou opte pour la désobéissance, je ne plie plus la jambe…

Putain, 30 ans déjà…

Ravitaillement de Roche Plate. Je m’assois quelques minutes en compagnie de Vincent, fidèle parmi les fidèles, qui m’assiste avec calme et expérience. Il me propose différents menus mais rien ne passe vraiment. La montée a été rude, j’ai rapidement coincé après le premier col, me contentant de suivre un groupe de coureurs, incapable de « mettre le clignotant » pour dépasser. La bonne nouvelle, c’est que je n’ai pas eu à mettre le clignotant tout court ! Il aura fallu gérer et notamment lors de l’assaut final, à partir de l’ilet.

Les dégâts sont limités, c’est l’essentiel, je décide de prendre rapidement congés de Vincent car le froid devient mordant. Il me reste un peu plus d’une heure de jour, j’accélère pour rejoindre au plus vite La Brèche et pouvoir profiter des dernières lueurs pour dévaler la pente rocailleuse vers l’Ilet des orangers. La mission est plutôt bien exécutée, je gagne assez rapidement le prochain ravitaillement malgré des douleurs de plus en plus tenaces sous la plante des pieds, préoccupant…

Pour l’heure, je savoure l’instant présent m’appliquant à faire en sorte que cette fin de course soit la plus aboutie possible, chassant par là même les vieux démons de 2019 où j’avais littéralement explosé au 110ème kilomètre. Les relances sont efficaces, je me sens frais et lucide. Je dévore littéralement le parcours, m’adonnant à mon jeu favori, PAC MAN…

J’entends les premières clameurs et encouragements, Deux Bras est en approche. Je me sens euphorique, traversant les guets avec une agilité déconcertante, je marche sur l’eau !

Guy Joël et Nathalie sont prêts à prendre l’apéro, dommage l’EPO est interdite sur la course. Ils délaissent leur fameux « Eau – Pastis - Olives » pour me proposer des victuailles plus conventionnelles, je cède à leur offrande. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mise à part cette douleur tenace sous les pieds. J’hésite quelques secondes et finis par me laisser convaincre par une rapide pause podologue, lourde erreur. Dans un ultra, la frontière entre « survie et confort » est souvent tenue, on le constate souvent trop tard. Mon arrêt va s’éterniser, 20 longues minutes, et surtout casser ma belle dynamique que je ne retrouverai jamais plus. Cela devient presque rassurant de faire encore des erreurs après autant de courses.

Pendant que j’abandonne mes précieux « petons » aux podologues, Guy Jo me donne du biberon, j’oscille entre la fraîcheur d’une eau de Cilaos et l’amertume d’un café noir et bien corsé. Je repars, confiant et conquérant, pour m’attaquer à l’ultime grande difficulté de la course, le mur de Dos d’âne. La remise en jambes est poussive, j’ai perdu le rythme et commence presque à perdre pieds. Je grimpe « au train » mais ce soir c’est plutôt TER que TGV… Le chrono sera fidèle à mes sensations du moment, une grosse heure vingt pour presser le bouton du robinet au sommet, pas fameux mais j’ai limité la casse comme depuis le début de cette diagonale.

Je relance gentiment dans le sentier de bord, sans excès, je « déroule » et reste en éveil. Nous attaquons la deuxième nuit et toujours pas le moindre moment de somnolence, c’est bon signe. Je bifurque vers le sentier Kalla m’accrochant aux arbres, aux troncs, aux branches, aux lianes. Cette partie est « Tarzanesque », je devine quelques gorilles, premières hallucinations nocturnes ! Je parviens avec grande prudence à rallier le ravitaillement de chemin Ratineau, au menu, des bananes, ça ne s’invente pas…

Je perds le moins de temps possible et gravite péniblement la ravine de la Kalla, cela devient de plus en plus difficile pour pousser sur mes jambes.

Je parviens au sommet et débute une brutale descente, piégeuse, glissante…

Nous sommes le vendredi 23 octobre, il est 23h58, je suis quelque part entre Dos d’Ane et La Possession, et plus précisément sur le sentier de La Kalla au point 20°57'05.6"S - 55°21'23.3"E…

Epilogue

Avant de prendre le départ de cette diagonale, je m’étais convaincu de « débrancher le cerveau » à partir de La Possession, trouvant cette fin de parcours sans relief et saveur. Je ne trouve donc pas vraiment utile de vous relater ces dernières heures, vécues en mode « je marche donc je suis ». Seul éclair de plaisir lorsque Stéphane et Rudolph m’ont triomphalement accueilli et ravitaillé à La Possession. Un immense remerciement, vous avez égaillé cette triste nuit, rendant cette fin de traversée moins monotone.

Je n’oublierai évidemment pas ce « feu d’artifice familial », à La Redoute sur la ligne d’arrivée. Quelle immense satisfaction de boucler cette traversée accompagné de mes petits derniers, Jeanne et Aubin, et couvé du regard bienfaiteur de ma Cécilou adorée. Un clin d’œil également à Fred, la maman des mes grands enfants, assurant leur présence par procuration.

Merci également à mes très nombreux ravitailleurs que j’associe dans cette réussite et à tous mes soutiens à distance, présents dans mes pensées et à chacun de mes pas.

Epilogue (suite)

« Putain, 30 ans déjà »… trois décennies durant lesquelles j’ai pu m’adonner à ma passion dévorante et plus vraiment maîtrisée, celle qui m’a vu grandir depuis l’âge de 20 ans à l’ombre de ces magnifiques forêts, arpenter les innombrables sentiers, dévaler ces monstrueuses pentes, vaincre ces fantastiques sommets… Quelle belle REUNION, que de délicieux grands raids, que d’intenses moments de partage !

Pourvu que ça dure encore longtemps !

Putain, 30 ans déjà…
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19 novembre 2021 5 19 /11 /novembre /2021 18:19

საქართველო

Le Grand Caucase

 

GEORGIA 2021

Me voilà débarquant en Géorgie, ex URSS, pas celle des USA, baskets aux pieds. Gamarjobat ! Bonjour !

Je passe sur le voyage en période Covid…

Racing The Planet y organise un 250km par étapes, que j’attends avec impatience. Au programme, 6 jours de course, 4 x 40km, 80km, 10 petits km pour conclure et 5700m de dénivelé au programme, dans le petit Caucase où les sommets culminent à 3000m. C’est alléchant ! En fait la région s’appelle Samtskhe-Javakheti. Ah Ah ! Excellente introduction à la prononciation du géorgien.

Le tout en autosuffisance, ce qui est moins marrant. Il faut porter toutes ses affaires de jour et de nuit, sauf l’eau et la tente. Et la liste du matériel obligatoire est impressionnante, incluant une pharmacie et 14000 kcal à ingurgiter en une semaine. C’est la 3° fois que je cours avec eux, je connais la chanson.

Tbilissi, la capitale, m‘accueille 3 jours avant de rejoindre la course, de quoi découvrir le coin et les habitudes locales. Je loge chez l’habitant, juste à côté de l’hôtel du rendez-vous. Au dernier moment, le gouvernement géorgien nous demande un test PCR de moins de 72h avant la course. Je commence donc par ça le lendemain de mon arrivée.

GEORGIA 2021

Je rejoins la troupe le 13 août à l’hôtel en début d’après-midi. D’abord un petit coucou obligatoire au médecin avec le résultat du test. C’est ambiance retrouvailles parmi les coureurs. Je n’y reconnais aucune connaissance.

L’organisation est un peu différente de la normale, on embarque tout de suite pour le camp 1 en bus, une personne par rangée. 2h plus tard nous sommes dans le parc national d’Algeti, et une petite grimpette à pied plus tard, nous découvrons le camp, situé à 1600m d’altitude, près du petit lac de Gokhnaris, surplombant la vallée. Il va faire frais ce soir.

Le camp est délimité par les tentes disposées en cercle. Les indispensables toilettes sont derrière, un simple trou creusé dans le sol. Il n’y a pas de douche. Je partage une tente spacieuse prévue pour 6 avec 2 autres coureuses, ce qui permet de respecter les fameuses distanciations : Simone, du Luxembourg et Sunanda, Américaine vivant au Caire. C’est la tente des quinquas.

GEORGIA 2021

Je fais connaissance avec mes proches voisins. Tente de gauche : Alex l’Américain et Brian le Canadien, puis Iris et Christian, un couple d’Allemands habitant en Suisse. La tente de droite est jeune avec Martha, USA, Sandra, Autrichienne et Lynne qui doit arriver d’Angleterre dans la nuit. Nous nous retrouverons régulièrement pour partager les repas.

Nous sommes 58 coureurs, ce qui est peu, Covid oblige. 26 nationalités sont représentées, les grands absents sont les Chinois et les Italiens. Nous sommes 4 français : Ronan et Chérif, les Parisiens, Marie-Paule qui vit à Londres, et moi. Ah, il y en a un 5°, Malo, qui fait partie de l’organisation. Etudiant en STAPS, il est responsable du chrono, et accessoirement serre-file.

Pour l’organisation, la Réunion n’est pas la France et semble être un pays aux services publics peu fiables. Ils n’ont pas voulu m’envoyer les patches obligatoires avec le logo de la course à mettre sur les maillots, j’ai dû les récupérer en métropole.

Nous avons encore le droit à nos affaires normales, notamment pour les repas. Ce soir, ce sera menu local pour moi, avec des légumes et des fruits frais, et un katchapouri, pain rond et plat fourré au fromage. Un délice. Certains sont déjà aux lyophilisés. Ils ne vont pas en avoir assez cette semaine
 ?

Cette fois j’ai sacrifié la sacro-sainte optimisation du poids au confort : j’ai un matelas gonflable, très léger, 200g, et peu volumineux. D’habitude je prends un morceau de matelas mousse de 2cm d’épaisseur de la taille de mon thorax. Mais ça, c’était il y a 10 ans… Seul bémol, le gonflable, ça couine au moindre mouvement. Mes voisines vont déguster…

Sunanda s’est étalée dans la tente, elle a vidé son sac, il y en a partout, et trop, beaucoup trop. On s’y met à plusieurs pour l’aider à éliminer le surplus inutile et lourd. Dans l’énumération du matériel obligatoire, je sursaute aux 2 paires de gants.

Mince, je n’ai pas pris les gants blancs de papa et je n’ai qu’une paire. J’ai un petit nécessaire à couture avec moi, et un mouchoir taille XXL. Ni une ni deux, je vais de ce pas avoir une paire de gants bleus avec des arabesques blanches, en mouchoir. C’est vite fait, jolie forme. Néanmoins, c’est immettable, j’espère juste qu’on ne me demandera pas au contrôle de les enfiler et qu’exhiber 5 doigts suffira.

Nous passons la journée complète du lendemain au camp et nous avons quartier libre le matin. Je vais me balader au lac. Il y a plein d’oiseaux, dont certains courent sur les tapis de plantes aquatiques. Malheureusement je ne les connais pas. Il y a aussi beaucoup de champignons que j’aimerai bien goûter, jeunes vesses de loup et petits rosés des prés. Un troupeau de vaches mené par leurs cow-boys vient boire. Les gamins s’amusent en faisant cabrer leur cheval.

GEORGIA 2021

Soudain le ciel s’obscurcit, le tonnerre gronde. Je me précipite pour mettre une grande bâche sur la tente. Pas facile avec sa hauteur et le vent. On a juste le temps de s’abriter avant qu’une pluie de grêle ne s’abatte sur nous.

L’après-midi est dévolue au contrôle des sacs. Il y a du stress dans l’air pour les non habitués, plus ou moins bien camouflé. Outre le sac de course avec toutes les affaires et nourriture pour une semaine, nous présentons plusieurs autres sacs. Le dropbag n°1 facultatif avec un sac de couchage chaud, en supplément du sac de couchage obligatoire à porter. Je n’ai pas de dropbag n°1. Le dropbag n°2 obligatoire avec des vêtements chauds suivant une liste bien définie, que nous aurons au camp uniquement en cas de grand froid. Le dropbag n°3 facultatif avec une tente individuelle pour ceux qui ne veulent pas d’une tente à partager. Je n’ai pas de dropbag n°3. Pour finir j’ai emprunté une paire de gants à Marie-Paule pour le contrôle à la place de mes gants esthétiques en mouchoir.

Une fois ces obligations terminées, nous nous séparons définitivement pour cette semaine des affaires qui ne servent pas à la course et qui retournent à Tbilissi. Tout le monde en tenue de coureur !

Le soir au repas, autour des feux, les « novices » ont plein de questions pour les « expérimentés », qui ne se font pas prier pour compter leurs exploits passés. Je m’aperçois que j’étais à Madagascar avec mes voisins Alex et Brian, mais nous ne nous sommes pas mutuellement reconnus. Pour ma part, je reste sur ma réserve habituelle.

GEORGIA 2021

En moins de 24h, Simone connaît tout le monde dans le camp. J’en suis loin. Elle m’épate !

Le départ de la 1° étape se profile pour demain matin 15 août à 8h. Je suis prête ! J’ai le dossard 14, je suis dans la tente 14, je vais finir 14° ?

J’ai fait le choix de ne pas prendre de bâtons car je n’aime pas ça. On n’a pas l’habitude d’en utiliser à la Réunion, et je préfère le plaisir à la contrainte, même si cela me fait perdre un peu de temps. Je me contenterais d’appuyer sur mes cuisses dans les montées.

J’estime le poids de mon sac à 7kg avec l’eau, dont 2,8kg de nourriture, qui va s’alléger au fur et à mesure des repas.

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Après une bonne nuit sur un matelas douillet et un bon petit déj de muffins au fromage local, le dernier repas avant de passer au « léger », c’est le coup d’envoi pour 38km. Il suffit de suivre les petits drapeaux roses plantés dans le sol pour trouver son chemin. Je pars en 1° ligne, évitant au maximum les pointes des bâtons des autres. Vraiment, je déteste les bâtons. On commence par faire le tour du plateau en légère montée. 2 ou 3 filles me doublent, j’en redépasse 2 ou 3 dès que la pente s’accentue un peu. 2 ou 3 ? Je ne sais pas, je suis incapable de dire combien. En tout cas je suis bien placée.

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On passe près d’une belle petite chapelle située tout en haut de la colline, avant de plonger dans la vallée. La descente traverse les alpages, dans les hautes herbes parsemées de chardons qui piquent fort. Je ne regrette pas d’être en collant ! Il figure dans la liste du matériel obligatoire, cela permet d’être protégée de l’ardeur du soleil, tout en portant un short dans le sac, ce qui est moins lourd. Je peux donc dévaler la pente sans souci. Je double quelques mecs, dont Tim l’Australien, sous un pommier. C’est le dernier coureur que je verrai avant longtemps.

La descente se poursuit dans une belle forêt, sur un chemin tout en dévers et couvert de branches mortes, pas si facile. Restons concentrée ! Je galope bien. J’adore cette descente.

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Le CP1 est dans la vallée, je ne m’y arrête pas. Je ferai de même à tous les CP1. On ne va quand même se la couler douce au bout de 10km et j’ai assez d’eau.

On commence à remonter la rivière, fort doucement. Je traverse quelques hameaux de maisons en pierre. Je croise un peu de monde :  un couple de randonneurs, une charrette en branchages tirée par un cheval qui trotte allègrement, un cavalier suivi d’un poulain qui gambade lui aussi allègrement, un autre cavalier avec un grand fusil. Je leur lance un joyeux gamarjobat, ça plaît toujours aux gens qu’on leur parle dans leur langue. Néanmoins la conversation s’arrête là.

GEORGIA 2021

Je finis par quitter la rivière, ça commence à grimper sérieusement vers le col, 800 m de dénivelé m’attendent, petit bonheur. Je serpente moitié en forêt, moitié dans les alpages. Il y a quelques bergers avec leurs moutons et leurs gros chiens, et même un jeune garçon qui garde un troupeau de dindes.

Plus haut, je me tape quelques passages bien raides dans la forêt de pins, j’appuie fort sur les cuisses. Un bénévole m’attend juste avant le col et le CP2, où je ne fais qu’une très courte halte, juste le temps de boire rapidement.

Avant de descendre dans la vallée suivante, où j’arrive dans un village. Marc l’Allemand est arrêté au milieu du chemin. Que lui arrive-t-il ? Il m’attend car il a peur de passer seul devant un gros chien qui aboie fort ! Certes les chiens du cru n’ont pas une bonne réputation de sympathie. Ce sont des chiens de berger et ils gardent leur territoire des intrus. Je n’ai pas peur du tout et nous continuons sans encombre.

 

GEORGIA 2021

Le terrain s’aplanit, ce qui est moins mon fort et Marc finit par passer devant. Je rejoins une route qui mène à un gros bourg. Je vise l’église. Mais non, les petits drapeaux roses obliquent à gauche toute, on reprend les sentiers. A la hauteur du village, un groupe de coureurs débarque sur ma droite. Ils ont loupé la bifurcation et se sont tapé un surplus. C’est en me voyant qu’ils se sont aperçus de leur erreur. Ils sont plus rapides que moi et nous nous séparons.

J’arrive au CP3. Je prends juste le temps de faire le plein d’eau. Et c’est reparti par une traversée de rivière. Je suis avec 2 autres gars. J’ai de l’eau jusqu’aux genoux, et c’est plein de vase au fond. Allez, on y va !

GEORGIA 2021

Le sentier serpente dans les champs le long de la rivière. Je retrouve Marc et Kim l’Espagnol. Puis je vois devant moi les drapeaux du camp. Avant de l’atteindre il me faut de nouveau traverser la rivière avant une dernière petite côte et passer devant le tambour qui marque chaque arrivée.

GEORGIA 2021

Ronan est ravi de me voir et m’accueille chaleureusement. Désormais, il m’attendra tous les jours ! Car j’ai la surprise d’apprendre que je suis la 1° fille ! Il est vrai que je n’en ai vu aucune depuis le départ, et toutes les petites jeunettes sont derrière.

Je finis cette 1° étape en 5h25, je suis 9° au classement général. Je n’ai plus qu’à harceler Malo tous les soirs pour suivre les résultats.

Le camp est en bordure du village de Livadi, à une altitude de 1500m. Les gamins viennent nous voir. En tout cas, je profite de la rivière adjacente pour une baignade frisquette, mais ô combien revigorante, surtout sans possibilité de douche. C’est bien mieux qu’une toilette aux lingettes.

Arrivée tôt, je peux profiter de la chaleur de l’après-midi en short avant la fraicheur du soir, et mes chaussures auront le temps de sécher pour demain. Je chausse mes petits chaussons d’hôtel, très légers à transporter. Cela permet également de bien s’alimenter à une heure correcte, car je ne mange rien pendant la durée de la course, et d’avoir une bonne récupération.

Simone arrive 40mn après. Elle est la 2° femme. Nous passons l’après-midi toutes les 2, en attendant Sunanda. Elle tarde. On regarde la ligne d’arrivée à chaque coup de tambour, mais ce n’est toujours pas elle. Elle arrivera après le temps limite, avec les serre-files. Inutile de décrire son état d’épuisement. Elle est en larme, affamée, et collectionne les crampes et les ampoules aux pieds. Nous nous occupons d’elle pour la chouchouter et lui remonter le moral, l’étirer, lui préparer de quoi manger.

Le soir nous retrouvons nos voisins pour le repas au coin du feu. Tout le monde compare son menu lyophilisé et s’étonne de ne pas me voir sortir mon sachet. Oh non ! Je confectionne moi-même mes portions, avec du déshydraté. Je fais mes petits mélanges de ce que j’aime, purée ou semoule, agrémentée de soupe pour donner du goût et d’amandes en poudre ou de noix de cajou mixées pour apporter les calories réglementaires. Pour les protéines, c’est du poisson séché ou de la spiruline. J’ajoute de l’eau chaude et je me régale. Idem pour le petit déjeuner à base de céréales écrasées pour diminuer le volume. C’est aussi l’occasion de découvrir les spécialités étrangères de nutrition de sport comme le beurre de cacahuète à la banane polonais.

La soirée est pluvieuse, il faut ressortir la bâche sur la tente. Ca promet pour les 44km de demain.

Ô surprise, l’organisation m’offre un dossard jaune de leader sur la ligne de départ. Me voilà repérée.

GEORGIA 2021

On commence bien la journée, il faut retraverser la rivière, au même endroit qu’hier. Je tiens à me garder les pieds au sec le plus longtemps possible. Donc je prends la peine d’enlever mes chaussures. Je me retrouve dans la vase. J’ai l’impression que tout le monde me passe devant pendant que je m’extirpe de ce bourbier et me rechausse. En fait il n’en est rien. Puis nous passons près du lac Barati.

La suite du parcours est très humide. D’ailleurs une petite pluie s’annonce, avec des coups de tonnerre en fond de mire. Je chante « I love the thunder, I love the rain » de Jackson Browne. Ce sera ma chanson à chaque orage, ce qui ne manquera pas. J’évite les flaques au maximum en zigzaguant. Evidemment, ça ralentit le rythme.

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Je finis par rattraper Marie- Paule, qui est en fait la seule fille devant moi, dans un village particulièrement boueux. Elle a traversé la rivière chaussée et patauge sans vergogne, pendant que je me fraie prudemment un passage sur les côtés plus secs. Du coup on reste un moment ensemble. Puis ça se met à grimper. Elle ne peut pas me suivre et je pars devant. Ca redescend vers le CP1, qui est dans un bâtiment abandonné. Il y en a beaucoup en Géorgie, y compris en rase campagne. Ce sont les vestiges de l’époque russe.

Je ne m’arrête pas au CP, et on reprend un petit bout du même chemin dans l’autre sens. J’y croise Marie-Paule qui arrive, suivie de Simone. Les 3 premières filles dans un mouchoir de poche au bout de 10km.

La suite s’avère assez plate. Je traverse quelques villages, jalonnés de quelques chapelles. Les pierres de construction sont grosses, et peuvent être de plusieurs couleurs. Ca donne un cachet aux constructions, même si elles paraissent bien vieilles.

GEORGIA 2021

Le sentier serpente dans les champs. J’ai bien failli louper un virage à angle droit. Restons vigilante sur les petits drapeaux roses, ne rêvassons pas trop. Il y a de nouveau une traversée de rivière. Je garde mes chaussures cette fois.

GEORGIA 2021

La montée commence à la sortie d’un gros village où je me suis rafraichie à la fontaine. Il y a du monde et des encouragements. Je me retrouve rapidement dans un paysage d’alpage, les fermiers font les foins à la faux, les bergers gardent les moutons. Dommage, une ligne haute tension me suit. Mais il faut bien que les villages aient l’électricité. Les sommets sont arrondis et avoisinent les 3000m dans le coin.

GEORGIA 2021

Simone me talonne au CP3. On fait un bout de chemin ensemble. Une fusée nous double, drapeau israélien sur la manche. Comment s’appelle-t-il ? Même Simone ne sait pas. C’est Alfonso. Nous nous reverrons souvent. Près du col de Javakheti à 2000m d’altitude, Simone finit par passer devant. Encore un petit bout de descente, mais je ne peux pas la rattraper. Puis les drapeaux du camp apparaissent, flottant au vent.

J’ai parcouru cette étape en 7h20, 2mn de plus que Simone.

Le camp est sur un petit plateau sous le sommet, et surplombe le lac de Tabatskuri au loin. C’est très beau. Le coin est volcanique. Mais quel vent ! Au moins les chaussures vont sécher vite. Impossible de rester dehors, on reste protégé dans la tente, de quoi se reposer et papoter.

GEORGIA 2021

En fin d’après-midi, Simone sort la tête à chaque battement de tambour pour guetter l’arrivée de Sunanda. Elle finit par apparaître au temps limite. Mais dans quel état ! Epuisée, frigorifiée, trempée. Elle s’écroule. Nous devons la materner. Simone s’occupe de la ravitailler, je m’occupe de la changer. Elle finira par capituler et nous quittera définitivement le lendemain matin. Nous sommes la tente des premières et de la dernière, Sunanda est tout de même la première à en rire.

Il pleut de nouveau dans la nuit, et c’est dans la grisaille qu’est donné le départ de la 3° étape pour 37km. J’ai même sorti le pantalon étanche.

Un troupeau de moutons et de chèvres nous regarde passer. Les chèvres ont de magnifiques cornes, grandes et verticales.

GEORGIA 2021

Nous descendons vers le lac, que nous longeons, en serpentant entre les flaques. La pluie cesse, une opération déshabillage s’impose. Nous bifurquons pour une longue montée de 600m de dénivelé sur 10km après le CP1. La pente de la piste n’est pas très forte, je peux courir facilement la plupart du temps.

GEORGIA 2021

Je croise un troupeau de moutons qui prend toute la place, chacun se pousse comme il peut.

GEORGIA 2021

Un engin particulièrement bruyant tente de me doubler. C’est un tracteur qui a l’air très antique, une marque russe. Il a beaucoup de mal à chaque accentuation de la pente et doit s’arrêter souvent pour prendre son élan. On fait un bout de chemin ensemble.

J’arrive sur une espèce de plateau ondulé, entouré de sommets arrondis à 3000m d’altitude. Il y a du monde, pour faucher les foins. Tous les moyens sont employés, de la faux en passant par la débroussailleuse, à la faucheuse tractée par un cheval ou par un tracteur. Ca bosse dur. J’admire les selles décorées et je regarde la moisson, et manque de peu d’en perdre le bon chemin.

GEORGIA 2021

Je passe le col de Tabaskuri à 2400m d’altitude. La vue est très belle vers les vallées. Le CP2 est juste après. La descente se poursuit sur la piste, sans difficulté. Elle est empruntée par les véhicules très hétéroclites qui descendent le foin, le plus courant restant le fourgon chargé en vrac à l’intérieur.

GEORGIA 2021GEORGIA 2021
GEORGIA 2021GEORGIA 2021

Simone me rattrape après le CP3. La descente s’est estompée. Nous faisons route ensemble. Deux jours de suite qu’elle me rattrape, alors que j’ai eu une bonne avance le premier jour. Je ferai mieux de trouver ses points forts et ses points faibles.

Nous quittons la piste pour nous retrouver hors sentier, dans les hautes herbes. Je passe devant. Repérer les drapeaux roses plantés dans l’herbe demande de la concentration. Nous dominons maintenant un village, avec le camp visible de loin, immanquable. On retrouve un sentier bien caillouteux qui plonge vers la vallée. Je cavale, et Simone ne me suit pas. La descente technique serait sa faiblesse ? Elle me le confirmera plus tard.

Le terrain s’aplanit et j’arrive au milieu des champs de pomme de terre. Je ne relâche pas mon effort, j’ai encore un bon bout à faire avant le campement. Je jette un rapide coup d’œil derrière moi à 500m des tentes, il n’y a personne en vue. Les villageois m’encouragent. Je franchis une passerelle sur la rivière, et ça y est, c’est l’arrivée après 4h43 d’effort. Simone apparaît 1mn plus tard.

GEORGIA 2021

Chouette, une rivière. Je peux faire trempette pour me laver, en compagnie de chevaux et d’une cigogne.

Le camp jouxte le village arménien de Bozhano, à 1300m d’altitude. Les enfants nous rendent visite, et une partie de foot est improvisée au milieu des tentes avec les Géorgiens de l’organisation et quelques coureurs. Il y en qui ont encore des jambes !

GEORGIA 2021

Il fait beau, l’étape a été courte, on se retrouve le soir pour un moment convivial au dîner autour du feu de camp. Les « novices » sont maintenant bien dans le bain.

Le lendemain matin, je passe le balai comme tous les jours. Je me suis autoproclamée ménagère de la tente, surtout que nous retrouvons la même pour toute la semaine.

Départ pour la 4° étape de 40km. Elle est annoncée difficile, avec 1000m de dénivelé. Voilà qui me convient parfaitement.

La montée commence rapidement, d’abord faible puis de plus en plus raide. Je me retrouve au milieu des troupeaux de vaches dans les alpages, toujours très fleuris. Les habitations d’été des bergers ont l’air assez précaires, recouvertes de bâches plastique. Les enfants jouent dehors.

GEORGIA 2021

Je coupe les lacets du sentier dès que je peux, ça grimpe bien. J’arrive au lac Levani, beau petit lac de montagne, avant d’atteindre sans encombre un plateau d’altitude et le CP2. Un col se présente sur ma gauche, à 2700m d’altitude, mais les drapeaux roses m’envoient plus à droite vers un autre col un peu plus bas, à 2500m. Dommage. J’apprendrais plus tard que l’itinéraire initialement prévu devait bien passer à 2700m, mais l’organisation a craint de gros orages par là et a changé le parcours par sécurité. En fait il fait beau. En tout cas la vue est très belle vers les vallées et j’en profite.

GEORGIA 2021

J’ai bien doublé dans la montée. Maintenant place à la descente. Je coupe avec entrain dans la pente, et je file tout droit dans les hautes herbes. A ce petit jeu je dépasse 4 mecs. Aucun ne me suit. Le plus coriace est Alfonso. Puis je suis sur une piste très caillouteuse, où je maintiens une bonne vitesse. Les gars restent toujours derrière. Alfonso arrive au CP3 quand j’en repars après avoir fait le plein d’eau. Je l’impressionne, et il m’appellera désormais Isabelle the gazel.

GEORGIA 2021

La vallée approche à grandes foulées. Je longe plusieurs petits lacs, très mignons, avant d’apercevoir un gros bourg. L’arrivée est au milieu de la rue au niveau des premières maisons. Le site n’a rien d’extraordinaire. Le seul point agréable est la présence d’une fontaine, comme il fait très chaud. En fait c’est là que je découvre que ce n’est pas l’arrivée prévue et qu’elle a été changée par peur d’une météo orageuse sur les sommets.

J’ai mis 5h26 pour cette étape, que j’ai beaucoup appréciée. Alfonso devait être bien crevé à la fin car il est arrivé 20 mn après moi.

J’ai à peine le temps de me rafraîchir qu’on nous enfourne dans un véhicule pour aller au campement, où nous aurions dû arriver à pied. On me demande de prendre mon dropbag. Je crois que c’est le dropbag n°1, celui du sac de couchage chaud qu’on récupère tous les soirs au camp et que je n’ai pas. En fait, pas du tout, c’est le dropbag n°2, celui des vêtements chauds auxquels nous aurons droit ce soir. En tout cas pas de Simone en vue. J’ai dû avoir un avantage dans la descente technique.

Le chauffeur n’a pas l’air de savoir où il va. Il s’égare vers la frontière turque puis vers la frontière arménienne, et doit demander son chemin plusieurs fois. Nous arrivons enfin sur les bords du grand lac Paravani, que nous contournons par une piste qui mène au village de Tambovka, habité par des Russes de l’ethnie des Dukhobors, à 2000m d’altitude. Ah ! Effectivement, il fait froid, et je n’ai pas le dropbag n°2 sous la main. C’est malin ! Surtout que nous sommes installés dans un champ qui vient d’être fauché, les meules de foin sont sur place et il y a beaucoup de vent, nous n’aurons pas de feu de camp par mesure de sécurité.

GEORGIA 2021GEORGIA 2021

Le site est superbe, au bord du lac. J’en profite pour me laver à grande eau, même si ça caille. L’accès n’est pas si facile dans de gros rochers. Je vais visiter le village. Il y a beaucoup de maisons en ruine, et il n’y reste que 17 familles. L’école accueille 9 enfants. Les toits des maisons sont curieusement plantés d’herbe. Ce doit être un bon isolant. Je croise un groupe de VTTistes qui traversent la Géorgie. Ca doit être bien aussi !

GEORGIA 2021

Simone débarque dans le véhicule suivant. Elle a terminé 25 min derrière moi aujourd’hui.

Mon drogbag finit par arriver avec la voiture des derniers coureurs. Je peux enfin me vêtir chaudement, surtout pour aller manger dehors. Nous rions ensemble avec l’autre Isabelle de la course que les 2 mêmes prénoms soient première et dernière. Elle est Allemande. Au repas, la tension est palpable parmi les coureurs pour la longue marche de 80km du lendemain. Enfin, pas pour moi en tout cas. Le temps limite est jusqu’au jour suivant à midi.

Je sens qu’un des os proéminent du sacrum commence à devenir sensible dans le bas du dos, avec le frottement du sac. Il n’y a pas de rougeur mais c’est un peu enflé. J’y colle un morceau d’élasto en prévention pour protéger la peau.

Autre sujet, je commence à voir à travers le mesh d’une de mes chaussures au niveau du petit orteil. Elles tiendront bien encore 2 jours !

En tête de course, je songe qu’il serait possible que mon sac soit contrôlé avec le matériel obligatoire. Je récupère les gants du dropbag n°2 pour avoir les 2 paires obligatoires sur moi.

Le lendemain matin, le départ est donné à 9h. C’est bien tard, mais au moins il ne fait pas trop froid. Un pêcheur est à l’œuvre dans sa petite barque en face du camp, le « port » étant juste à côté. Il abrite 2 embarcations tirées sur la rive entre les rochers.

Mon sac s’allège avec bonheur, au fur et à mesure des repas consommés depuis le début de la course.

Comme tous les matins, je fais les premiers 500m en compagnie de Jane, l’Américaine. Mais elle ne peut pas me suivre plus longtemps. Elle fera une belle course puisqu’elle finira 3° pour sa lune de miel !

Nous longeons le lac avant de nous élever dans la montagne. J’arrive rapidement à un petit col, suivi d’une descente vers la vallée suivante. Je coupe le sentier dès que je peux. Le photographe de la course s’en régale.

GEORGIA 2021

Je suis maintenant au pied de la grande montée du jour de 700m de dénivelé. Je vois le CP2 de loin, et je m’y dirige direct. Oups, j’ai été un peu optimiste. Je me retrouve au milieu de très hautes herbes, jusqu’à la taille. Après tout, je l’ai bien cherché. J’arrive tout de même à y courir assez vite. J’en profite pour admirer les fleurs. Très bref arrêt au CP pour boire une gorgée, et je repars vers les bergeries d’altitude et les troupeaux de moutons.

GEORGIA 2021

On contourne la montagne, il n’y a plus de sentier désormais. Les petits drapeaux roses nous mènent tout droit au col au milieu des alpages. Tout ce que j’aime. Il y a un gros pierrier à traverser. Sauter de pierre en rocher, encore tout ce que j’aime. D’ailleurs je ne passe pas où le photographe s’y attendait. Il m’appelle pour que je me dirige vers lui. Ah non, il est trop haut. Le col est atteint peu après, à 2500m d’altitude, surplombé par les ruines de la forteresse Abuli.

GEORGIA 2021GEORGIA 2021

J’enchaîne sur une longue descente sur une belle piste assez roulante, vers la vallée pour rejoindre les villages. J’y croise quelques femmes habillées tout de noir. Un chien hargneux surgit d’un portail et à ma grande surprise me happe le talon. Heureusement qu’il est haut comme 3 pommes avec de petits crocs.

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Je coupe une rivière, qui devient très encaissée dans un magnifique canyon. Je cours avec la tête tournée vers la gauche pour l’admirer le plus longtemps possible.

J’en longe une autre, avant de la traverser sur un très beau pont de pierre du 13°siècle, à la sortie d’un village. Je me retourne pour l’admirer sous tous les angles. Désormais le parcours sera pratiquement plat, au milieu des champs.

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J’arrive déjà au CP4. Marc et Kim me rejoignent. Ils étaient derrière moi ? Ce ne devrait pas être le cas, mais ils viennent de s’égarer et en ont pris pour une rallonge.

Je suis à mi-parcours, c’est l’heure du repas. Je déguste en marchant des tucs écrasés à volume réduit. Du coup les gars s’éloignent devant. Je reprends le rythme course, l’estomac plein. Les tracteurs fauchent les prairies, je croise une charrette tirée par un âne, une autre aux roues cerclées.

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Je dois couper l’autoroute. Ce sera en passant dans un tunnel sous la voie, où s’écoule une rivière. J’y retrouve les garçons. Je me déchausse et monte mon collant, histoire de rester au sec pour la suite du périple. Je remonte à contre-courant, et me rechausse. Mince, je dois dans la foulée couper la ligne de chemin de fer. Rebelote pour le 2° tunnel.

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On voit régulièrement des rapaces, toujours un beau spectacle pour moi. Mais celui-ci est au sol et mort.

Au CP5, l’organisation m’offre un coca, que je décline. Le coca, ce n’est pas ma tasse de thé, je carbure à l’eau. On me dit que le CP suivant est à 12km. Ah bon ? Je pensais que les 2 derniers comptaient chacun 12 km, or il me reste 3 CP à faire.

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Après un petit bout de route, je longe une mine, je ne sais pas de quoi. Je monte légèrement vers une espèce de piste de bobsleigh en béton. En fait cela s’avère être des canaux d’irrigation. Je les quitte au niveau d’une grosse vanne et redescends vers un grand village.

Déjà le CP6. Zeana me demande si j’ai apprécié de traverser les pierres à 4 pattes. Je ne vois pas du tout de quoi elle parle, avant de comprendre que c’est le pierrier du CP3 que j’ai franchi comme un cabri sur mes 2 pattes.

Il me reste 2 CP, j’ai prévu de grignoter maintenant, 2 barres feront l’affaire.

Le temps s’est assombri et je dois sortir ma veste, il commence à pleuvoir un peu. Arrivée à la route, je vois Alfonso juste devant qui se dirige vers un sentier. Non, non ! Il y a un drapeau rose le long de la route. Je l’appelle et nous reprenons la bonne trajectoire ensemble. Néanmoins, s’il y a un drapeau, il n’y en a plus après. Mince ! Nous sommes prêts à faire demi-tour quand surgit un 4x4 providentiel de l’organisation. C’est confirmé, il faut suivre la route, et ce pendant un bon bout de temps d’ailleurs.

Nous sommes en fin d’après-midi et c’est l’heure de rentrer au bercail pour les oies. Elles se débrouillent toutes seules et une petite troupe se dandine sur la chaussée.

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La pluie a cessé. Je peux enlever la veste. Alfonso me fait signe de me retourner. Un magnifique arc-en-ciel se détache sur les montagnes noires.

La route monte un peu et Alfonso part devant. Soudain le bitume s’arrête d’un coup, en pleine cambrousse, sans raison apparente, et je retrouve une bonne piste. Je traverse un petit bois, et je cherche de vue la flamme du CP. J’arrive à une intersection à l’entrée d’un village, il n’y a plus de petits drapeaux roses en vue. A droite ou tout droit ? Un monsieur me fait signe tout droit. A 50m je tombe sur les drapeaux qui annoncent le camp. Mais mais mais…  C’est l’arrivée ? Et moi qui cherche le CP7 ! J’aurai mal comptabilisé les CP ? Il m’en manque un.

Si j’avais su, je me serais accrochée aux basques d’Alfonso à la fin.

Bref, je me rends compte après coup que nous avions aujourd’hui 7 CP et non pas 8. Bon. Il est 19h30, il fait encore jour, et une grosse pluie s’abat sur le camp juste après. La tente est bienvenue. J’ai mis 10h22 sur cette étape. Simone arrivera un quart d’heure plus tard. Elle aura eu la bonne pluie, et tous les autres derrière aussi.

Nous sommes jeudi soir et maintenant, j’ai repos jusque samedi matin. Le camp est à 1700 m d’altitude et nous aurons le dropbag n°2 grand froid le lendemain.

Je n’ai pas faim, ayant mangé à l’avant-dernier CP. Néanmoins je n’ai pas eu un vrai repas de la journée. Je sors ma préparation semoule / soupe / spiruline pour finir de me requinquer.

Toute la nuit les tambours vont battre à chaque arrivée d’un coureur, ce qui ne m’empêche nullement de dormir. Et pourtant à un moment je ne les entends plus. Les derniers sont passés à 3h du matin, ce qui n’est pas mal du tout. Du coup tout le monde aura droit à une journée complète de farniente.

Le lendemain je découvre les environs. Le camp est érigé à côté d’une belle petite église, dont la porte est fermée par une simple pierre. Une visite s’impose. Je fais un tour dans le village d’Apnia, qui domine une profonde vallée. En face dans le côteau, on voit les entrées du site troglodyte de Vardzia. C’est grandiose. Et ce sera notre but final pour demain. Pour l’instant je vais saluer, les cochons, poules, chevaux, vaches et j’en passe, et les villageois qui s’occupent des leurs légumes. Comme dans tous les villages du coin, l’école en préfabriqué métallique bleu dénote parmi les maisons en pierre.

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Un abreuvoir fera l’affaire pour me débarbouiller.

J’aperçois un coureur portant tout son équipement qui descend vers Vardzia en courant. Quelle idée ! Il en redemande !

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Nous nous retrouvons tous au moment du repas de midi, chacun y va de son anecdote de la veille. La grosse pluie de la soirée que j’ai évitée a l’air d’avoir frappé les esprits, ainsi que la traversée du dernier petit bois de nuit où quelques dames n’étaient pas rassurées.

L’organisation nous annonce un changement de programme. Le banquet de fin de course aura lieu ce soir ici même, en extérieur, et non pas en ville à Tbilissi dans un resto. Tant pis pour la performance des 10 derniers km du lendemain.

Les Géorgiens nous concoctent un délicieux barbecue en un tour de main : brochettes de viande et de légumes, katchapouris, les fameux pains fourrés au fromage ou aux haricots, kinkhalis que je découvre, pains ronds fourrés à la viande et cuits à l’eau, très juteux, et qui sont délicieux. Je tombe sur un gros piment dans une brochette de légume. Oulah, il est fort celui-là. De la pastèque et du melon en dessert. La bière et le vin local coulent à flot. Je me contenterai d’une bière et de goûter le vin, dont la Géorgie est un gros producteur.

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Dernière et bonne nuit sous la tente. Les reliefs de la veille me fournissent le petit déjeuner, avec du vrai pain. Je suis la seule à y avoir pensé, les autres en sont toujours aux lyophilisés. Brian m’offre du sirop d’érable pour l’accompagner.

Nous voilà partis pour les 10 derniers km de course. Une grande descente de 600m de dénivelé sur une belle piste nous amène au fond de la vallée, avec une succession de virages en épingle à cheveux. Je cavale, mais Simone cavale encore plus et me dépasse. Je l’encourage au passage. Je me retrouve avec Brian, qui prend le temps de faire quelques photos. Il faut dire que la vue plongeante sur les grottes de Vardzia est unique. Je n’en manque pas une miette, tout en regardant mes pieds parmi les pierres du chemin.

Je traverse la rivière, sur un pont pour aujourd’hui, et j’attaque allègrement la courte et raide montée finale. J’y cours vite, avec beaucoup de plaisir, je suis pleine d’énergie. Je passe la barrière d’entrée du site troglodyte vers l’arche de l’arrivée, grand sourire aux lèvres. Une énorme médaille m’accueille.

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Cette courte étape a duré 51 mn. Et je ne suis qu’à 1mn30 de Simone. C’est bien.

Malgré l’heure matinale, on a eu très chaud. Ca tombe bien, il y a un robinet d’eau disponible pour se rafraichir.

Place maintenant au tourisme, pendant que les autres coureurs vont arriver. Nous avons le site pour nous tous seuls, avant l’heure de l’ouverture au public. J’en profite. Vardzia était une ville troglodyte il y a 1000 ans, avec toutes les commodités de l’époque. Il y a notamment une église sous-terraine, à laquelle on accède par un long escalier creusé impressionnant. Il est éclairé, mais je l’imagine sans lumière pour les habitants. C’est un vrai dédale pour accéder aux entrées des maisons-grottes, et j’ai du mal à m’orienter vers la sortie.

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Nous nous retrouvons tous au restaurant du site près de la rivière. On me demande une interview, au bord de l’eau. Le patron m’offre un verre de vin. On a le droit à une bonne bière et un copieux panier pique-nique. Je n’ai pas faim pour l’instant, il n’est pas midi.

C’est un bel endroit pour la remise des récompenses de la course. Vainqueure, Je récupère une grande assiette comme trophée et un livre de recettes géorgiennes. De quoi passer à table ! La dernière reçoit également un livre de cuisine, c’est sympa.

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J’ai donc couru ces 250km avec 5600m de dénivelé en 34h08, je termine 9° au classement général. Je me rendrais compte après coup que je suis la plus âgée des filles ! Alfonso et Simone, avec qui j’ai partagé un certain nombre de foulées, mettent respectivement 25mn et 1h20 de plus.

Bravo à la représentation française : Chérif et Ronan sont 2° et 3°, Marie-Paule est 4° féminine.

Nous rentrons à Tbilissi. S’il y avait 2 bus au départ, il n’y en a plus qu’un. On ne doit plus avoir besoin de nous protéger du Covid… Néanmoins ce n’est pas suffisant et je me retrouve avec Beth dans un 4x4 de bénévoles. C’est intéressant d’avoir le point de vue des bénévoles sur la course par rapport à celui des coureurs. J’ai faim maintenant et je dévore le pique-nique.

Si je flottais dans mon collant sur la ligne de départ, j’y nage à grande brasse sur la ligne d’arrivée. Je compte bien sur la bonne nourriture géorgienne pour me remplumer.

A l’hôtel, chacun passe la dernière soirée dans son petit groupe. C’est un peu triste de se quitter ainsi, sans cohésion conviviale. Mais nous n’avons pas le choix en cette période particulière.

Pendant notre vadrouille sur les sentiers, la situation épidémique ne s’est pas arrangée et il n’y a plus de transport en commun dans les villes. J’ai bien cru devoir raccourcir la suite de mon séjour en Géorgie, mais non, les transports inter-cités fonctionnent toujours. Car ce sont 10 jours de rando-bivouac au programme dans le grand Caucase qui m’attendent, au nord du pays, au milieu des sommets à 5000m. Mes chaussures ont tenu bon, mon œuf dans le bas du dos n’est pas gênant, les glaciers sont à moi !

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27 avril 2020 1 27 /04 /avril /2020 19:25

Novembre 2019

 

A pied bien sûr !

C’est ce que nous propose cette fois Alain Gestin : une course de 1000km non stop dans le désert mauritanien, que je vais découvrir. J’y cours !

Rendez-vous à Roissy le 2 novembre pour l’unique vol hebdomadaire vers Atar, petite ville au milieu du désert, qui s’est développée avec le Paris-Dakar. Mes voisins d’avion vont faire une mission médicale au centre de soins de Chinguetti.

Nous sommes les 15 plus mordus de la tribu, que je suis ravie de retrouver, avec 2 nouveaux : Takao le Japonais, flanqué de son inséparable photographe perso Tassoukou. Ils ne parlent malheureusement que très peu anglais. Et Brigit l’allemande. On se connaît, j’ai déjà partagé avec elle ma tente à Oman et elle était aussi sur la Transpyrénéa.

L’équipe de Boydya, le responsable de l’agence locale « Les randonneurs » qui va nous bichonner, nous accueille à Atar. Premier contact mauritanien avec un repas dans une auberge, servi par terre sur une natte autour de laquelle nous sommes assis sur des coussins. A ma grande surprise, je suis la seule à enlever mes chaussures pour passer à table. Ben oui quoi, on ne marche pas sur la table avec ses chaussures !

Puis c’est le transfert vers Chinguetti en 4x4 sur une piste excellente. Je suis étonnée du très bon état des 4x4. Ce qui ne nous empêche pas de crever. La roue est changée en 2 minutes. Efficace les Maures ! Nous avons 1h de route, et nous passons derrière une chaine de montagne pour atteindre un plateau via la passe d'Amodjar. C’est très beau.

1000km dans le désert mauritanien

Notre auberge à Chinguetti est très bien, avec de petits bungalows de 3 personnes. Il y a même de l’eau chaude dans les douches. Quel luxe ! Mais ne regardons tout de même pas trop du côté de l’évacuation des eaux usées, ça part dans le sable direct. Quant à l’électricité, la ville est alimentée par un groupe électrogène.

1000km dans le désert mauritanien

Premier coucher de soleil sur le toit terrasse avec une belle vue sur Chinguetti.

Nous allons rester 2 jours à l’auberge, pour se préparer. Je n’ai pas grand-chose à faire, mes dropbags sont déjà prêts.

Pour rappel, le système Gestin est un CP tous les 20km, dans une tente de nomade maure, où on trouve des nattes et des matelas, de l’eau froide et chaude, du thé Lipton (prononcer lipton et pas liptone), des pâtes, des sardines et des dattes. Oui, Alain s’est décidé à nous nourrir juste avant mon départ de la Réunion. Ce qui m’arrange, je n’ai pas eu à transporter tous les ravitos que j’avais néanmoins préparés. Tous les 2 CP, donc tous les 40km, on peut laisser un dropbag, sac avec des affaires personnelles. J’aurai des biscuits pour compléter le menu peu varié promis, et des piles pour le GPS et la lampe, car les piles, ça pèse lourd à porter. Tous les 200km, j’ai prévu des affaires de rechange et une pharmacie. Et au CP40, soit au km800, des chaussures de secours et des bâtons, au cas où je me sentirai une petite faiblesse.

On se dirige au GPS, avec un point tous les 20km au minimum correspondant aux CP, et quelquefois des points intermédiaires pour les orientations délicates. J’ai un Garmin Foretrex 101, non connectable à un ordinateur, j’ai donc saisi la centaine de points à la main. Un petit peu chaque jour, ça m’a meublé quelques soirées.

Nous avons 17 jours pour effectuer ce petit périple.

Lors du briefing, Alain nous dévoile la carte de la course. J’en reste scotchée. Magnifique ! Je n’ai pas besoin de prendre des notes sur le roadbook, j’ai tout en tête.

1000km dans le désert mauritanien

Il nous dote chacun d’une balise par sécurité. Une première sur les courses Gestin ! Je la trouve un peu lourde, 300g. C’est qu’il faudra la porter sur 1000 bornes.

J’ai donc le temps de profiter de Chinguetti. Petite visite guidée :

1000km dans le désert mauritanien

Il y a un vieux quartier, tout en pisé, avec une mosquée ancienne. Je l’admire de l’extérieur, car les non musulmans n’ont pas le droit d’y pénétrer. La ville regorge de bibliothèques. Perdues au milieu du désert ! Chinguetti était un lieu de passages commerçants très fréquenté par les caravanes, et des familles érudites ont conservé de vieux livres et manuscrits, traitant de tous sujets. La sécheresse du climat a conservé tout ça.

1000km dans le désert mauritanien
1000km dans le désert mauritanien

Les chalandes nous apostrophent pour entrer dans les petites boutiques d’artisanat des femmes.

Le jeu des gamins est de sauter sur l’arrière des quelques voitures qui passent. Les 4x4 ont la meilleure cote.

Ah, il y a un camion ensablé au centre-ville. Un autre vient à la rescousse, mais l’élingue casse sans cesse. Ils finiront par s’en sortir.

D’ailleurs la ville subit un ensablement permanent. Toutes les maisons ont un mur sous le sable, en fonction du vent.

1000km dans le désert mauritanien

Je retrouve mes voisins d’avion, qui nous font visiter le centre de santé avec Marion, notre médecin. Les patientes sont surtout des femmes. Le centre draine des dispensaires, jusqu’à 200km à la ronde. Les enfants dénutris sont systématiquement dépistés, et il y en a. Evidemment, nous ne les verrons pas dans notre périple, en tant que touristes.

Les Maures, l’ethnie principale, sont d’origine berbère, ils sont donc clairs de peau. C’est très surprenant en plein désert.

De notre toit terrasse, on domine la préparation des chameaux qui s’apprêtent à partir en randonnée avec des touristes. Ils sont bien chargés. Pour nous, ce sont les 4x4 qui font le plein de matériel et nourriture à l’auberge.

En tout cas, nous avons très bien mangé dans notre auberge. Les galettes de mil sont un régal.

Bon, après 2 jours de farniente, il est grand temps d’entrer dans le vif du sujet et de plonger dans le bac à sable.

Le départ est donné le 5 novembre à 7h, devant l’auberge. Alain est très ému, cela fait plusieurs années qu’il prépare ce projet, et voilà le moment de lâcher les fauves, ou plutôt les dinosaures de l’ultra comme il nous appelle. Je ne me sens pas vraiment ressembler à un dinosaure.

Au revoir Chinguetti.

1000km dans le désert mauritanien

Nous quittons la ville par un oued très sableux, direction plein est. Thierry et Dominique disparaissent vite devant, comme prévu. Je suis en trottinant avec Jacques et Takao. Nous nous séparons rapidement, car ils tirent tout droit au GPS vers une petite plantation de dattiers, ce que j’évite absolument, c’est plein de clôtures et de petites dunettes très molles ces trucs-là. Je préfère rester dans l’oued. Je les aperçois de temps en temps perchés sur ma droite, se tapant d’autres plantations. Tiens, Takao apparaît même tout en haut de la dune, en ayant fait demi-tour. Ah, je préfère mon oued.

Que je finis par quitter pour rejoindre le CP1, une simple natte sous un arbre. Voilà les 20 premiers km d’avalés. Boydya m’offre des dattes bienvenues. Jacques est déjà passé, Patrice et Takao arrivent.

Je repars et trouve un dossard par terre juste après le CP. C’est celui de Jacques. Il commence bien ! Je coupe tout droit au GPS pour la suite. Je suis dans des petites dunettes avec une petite végétation de graminées. Je trottine avec beaucoup de plaisir. J’ai opté pour 1h de course et 1/4h de marche en alternance.

1000km dans le désert mauritanien

Je passe à côté d’un puits avec quelques chèvres qui divaguent dans les parages.

Le CP2 est déjà là. J’y engloutis une soupe de légumes avec quelques morceaux de viande de chameau qui y nagent. Les Maures font sécher la viande chameau, qui se conserve du coup très bien dans le désert. Jacques se pointe. Il a l’air vexé que je sois là avant lui. Nous n’avons pas dû prendre la même trajectoire au GPS. Je ne le reverrai plus après.

Il fait chaud, plus de 42°, bien qu’il y ait des nuages. Ca ne me gêne pas car c’est très sec, on ne transpire pas comme à la Réunion. Il paraît qu’il y a eu quelques coups de chaud derrière.

Je coupe de nouveau tout droit. Et je me retrouve au milieu de belles dunes à franchir. Il y en a pas mal qui se succèdent. J’adore. Bien sûr, ça ralentit l’allure et on ne peut pas courir, mais c’est très chouette.

1000km dans le désert mauritanien

Puis j’attaque la montée d’une petite montagne très pierreuse. J’aperçois la piste loin en contrebas sur ma droite. Au sommet, on domine une petite plaine de sable et l’oasis de Tanouchert toute verte. Je dévale dans le sable entre les pierres vers cette plaine. Je tombe pile sur les traces de Titi et Dom.

Je passe la barrière de l’oasis et arrive à une auberge à la nuit tombante, c’est le CP3. Mais c’est en plein dans la prière. On ne peut donc pas s’occuper de moi. Une dame me fait un vague signe vers le restaurant, une grande case ronde. J’ai du mal à comprendre que c’est là que je dois m’installer. En fait les gens s’avèrent très gentils. Le couscous est prêt, suivi d’une crème de dattes. C’est Byzance.

Je ne m’attarde pas une fois repue et repars dare-dare pour la première nuit.

Et elles vont être longues ces nuits, plus de 12h, et j’appréhende. Je ne raffole pas de la sensation d’endormissement et de tituber en marchant. Aussi j’ai décidé de dormir un minimum chaque soir. Enfin plus tard, pas le premier quand même.

Je repasse la clôture de l’oasis, et me voilà de nouveau dans le sable. Je prends un cap sur une étoile dès qu’elles brillent suffisamment. Et… en voilà une filante ! Ne pas oublier de recadrer le cap toutes les heures, car les étoiles bougent. Quand je ne cours plus, je marche d’un pas rapide.

1000km dans le désert mauritanien

Me voilà déjà au CP4. J’y retrouve Titi et Dom. A vrai dire Thierry n’est pas très présent. Il est allongé par terre devant la tente et vomit toutes ses tripes. Bon, évitons de l’écouter. On est prêt à repartir tous les 3 au même moment. Car je suis 3° ! Enfin, on n’a fait que 80km. Dom me propose que je me joigne à eux. Ah jamais ! Je ne suis pas folle, ils sont beaucoup plus rapides que moi.

La nuit se poursuit au milieu du sable et des étoiles. Je finis par rejoindre des traces de 4x4 à l’approche de la petite ville de Ouadane. Je cherche un peu le CP5, de nouveau dans une auberge.  J’y retrouve Titi et Dom, et même scénario, Titi vomit tout son soûl. Ca devient une habitude. Alain et Patrick le caméraman dorment dans un coin.

Je demande ce qu’il y a à manger. Et bien, rien. Ah, nous sommes pourtant dans une auberge, et normalement il y a des pâtes et des sardines promises. Mais non, il n’y a rien. Ce ne doit pas être la bonne heure, il faut dire qu’il est 4h du matin. Même pas du pain ? Les Maures mangent beaucoup de pain. Non, pas de pain. Le gardien du CP finit par me dénicher des crudités avec de la vinaigrette s’il vous plaît. Il faut juste que les légumes crus ne me rendent pas malade. Dom me file du quinoa, que j’agrémente donc de crudités. Ca ira.

Les gars repartent. Je ne les reverrai plus.

1° nuit, donc 1h de sommeil. Logique.

Bien que je ne ressente pas spécialement l’envie de dormir. Mais on est parti pour un bail, ne l’oublions pas. Et ça me fait 100km parcourus, ce qui est bien. Je sors mon petit sac de couchage très léger, c’est une petite couverture polaire fine, j’enfile le bonnet, et hop, je pionce.

Ma montre me réveille 1h plus tard pour repartir. Il fait encore nuit. Alain roupille toujours et ne s’est pas aperçu de ma présence.

Je reprends ma trajectoire tout droit en courant, appliquant de nouveau mon principe 1h-1/4h qui me réussit bien, je ne fatigue pas. Je suis dans une zone très sableuse, avec de petites dunettes. Facile.

Dès qu’il y a du sable, on ne peut pas manquer les traces caractéristiques des scarabées.

1000km dans le désert mauritanien

Le CP6 est déjà là.

C’est un petit vieux qui tient le CP, il parle peu français, mais me serre dans ses bras. Si l’accueil est chaleureux, le ventre risque de rester vide. Il n’y a rien à manger. Tiens, ça me rappelle quelque chose. En fait, il est 10h, et il me fait comprendre que c’est un peu tôt et que le service est pour midi. Quoi ? Tu as des pâtes ? Oui. Tu as des sardines ? Oui. Tu as des dattes ? Oui. Alors on va manger. Tu utilises l’eau chaude du thé pour faire cuire les pâtes, et à table dans 10 mn. Il a compris et s’exécute.

Par contre, non merci pour le thé mauritanien, qui lui est toujours prêt. C’est du thé à la menthe extrêmement sucré.

C’est là que je remarque que les semelles de mes chaussures commencent à se décoller. Mince, déjà.

J’ai le droit à une nouvelle accolade et des encouragements au moment de partir.

Je me dirige vers le guelb de Richat, l’œil de l’Afrique. C’est un énorme trou tout rond de 60km de diamètre. Cratère météorique, volcanique, ou simple érosion ? On en discute toujours aujourd’hui. Une curiosité géologique. A quoi cela va-t-il ressembler ?

1000km dans le désert mauritanien

Pour l’instant je suis dans de jolies dunes parsemées de cailloux. Et les petits cailloux deviennent multicolores, avec des couleurs très vives, du rouge, du orange, du jaune, du bleu, du vert, du violet, et j’en passe. C’est incroyablement beau. Mes yeux s’emplissent de sable et de petits cailloux, à défaut d’en remplir mon sac, mais ce n’est pas le moment. Dommage. Ce n’est pas le temps non plus de musarder.

Je passe à côté d’une maison de nomades, faite de branchages. Puis c’est une belle descente vers une surface bleutée très plane, calcaire, sorte de dépression.

J’en profite pour cogiter sur mes chaussures. Je les ausculterai au prochain CP.

J’attaque maintenant une belle montée, qui devient très pierreuse, et je finis par rejoindre la piste par un petit col qui mène au sommet et centre du guelb, dans une petite batisse en pierre. C’est la maison de Théodore Monod, qui tient lieu de CP7.

1000km dans le désert mauritanien

Les fenêtres sont curieusement disposées près du sol, très bas. En fait les gens vivant sur des nattes assis ou couchés par terre, les ouvertures se trouvent à leur hauteur, permettant de profiter au maximum d’air frais.

Là, les pâtes et les sardines sont prêtes à être englouties.

Je commence à entourer mes chaussures d’élastoplast, par-dessus les guêtres qui sont cousues, quand un 4x4 arrive. C’est Jean-Claude le photographe et Tassoukou. Mes pompes sont les vedettes du moment. Je ne suis apparemment pas la seule à avoir des problèmes de chaussures, et Alain a paraît-il un scotch miraculeux pour la circonstance. Mais il n’est pas là. Je raconte à Jean-Claude que j’ai des chaussures de secours dans mon dropbag du CP40. Les miennes devront tenir jusque-là, soit 660km…

1000km dans le désert mauritanien

Pour ressortir du cratère, je poursuis dans les petites montagnes rocheuses, avant d’atteindre une belle dune à franchir, recouverte de pierres noires au sommet. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Qui me mène dans une vallée, avec une autre dune en face, à franchir. Et qui me mène etc. Un passage de dune et sa vallée correspondent à 500m horizontal. Le GPS indique 10km jusqu’au prochain CP, ce qui fait potentiellement 20 dunes à franchir… Et pas des petites. Eh bien, allons-y ! C’est un bon exercice !

Il n’y en aura pas 20, heureusement.

En fait elles forment des cercles d’enceintes rocheuses, séparées par des gouttières plates, qui entourent le massif central d’où je viens, le guelb.

Ca s’aplanit à l’approche du CP8. J’y arrive à la tombée de la nuit. Il y a du monde, et un grand feu flambe devant le CP, avec tous les chauffeurs des 4x4 affalés.

1000km dans le désert mauritanien

Sous la tente, je suis seule. Après les pâtes / sardines, je me penche sur l’ongle de mon gros orteil, qui est sensible. Ca ne m’étonne pas, il y a un peu de liquide dessous. Je n’ai pourtant rien heurté, malgré la caillasse de la journée. J’essaie de le percer avec une aiguille, sans succès. Pour l’instant ce n’est qu’une gêne, j’en reste là.

Passons aux chaussures. Ca tient le coup, juste certains morceaux d’élasto qui partent.

Je repars rapidement. Encore quelques dunes, avant d’arriver devant un immense mur, tout orange dans la lumière de la lune. Très beau mais inquiétant. Par où faut-il le prendre ? De nuit, je ne peux pas dire. Alors, allons tout droit. C’est raide, et le sable est très mou et glisse dans la grimpette. Et c’est de plus en plus raide. Je termine à 4 pattes, pour atteindre un espace rocailleux en haut. Je m’accroche à ces pierres pour pouvoir franchir les derniers mètres.

Ce sera la dernière dune, ouf. Mais que c’était bien !

Je vois une lumière là-bas. C’est le CP9, à 5 km. Celui-là au moins on le voit de loin. Je dois traverser un espace de sable dur dessus et mou dessous avant d’y parvenir, pas facile d’y avancer vite. Et… une étoile filante.

Pâtes, sardines et dattes m’attendent.

Il me faut quelque chose de pointu pour m’occuper de cet ongle. Je demande un couteau au gardien du CP. Il a ce qu’il faut, et va se coucher pendant que j’opère. Toujours sans succès. Bon, je garde l’ongle tel quel de nouveau.

2° nuit, donc 2h de sommeil. Logique.

Ma montre me réveille, et… s’éteint définitivement. Heureusement que j’ai pris un téléphone, qui me servira de réveil désormais.

Je repars au lever du jour. Si les grandes dunes sont terminées, je suis toujours dans le sable mou, clairsemé de petite végétation et de pierres. J’y cours bien. Il ne fait pas trop chaud le matin, j’en profite.

1000km dans le désert mauritanien

Mais le bout des semelles de mes chaussures se décolle carrément. Ca fait cuillère à chaque foulée dans ce sable. Ah, de pire en pire. Alors ça cogite. Ce serait vraiment bête de devoir arrêter pour ces pompes, alors que je me sens si bien et que ce n’est que le début du périple. Je me débrouillerai pour récupérer mes autres baskets et continuer, même si je suis considérée hors course.

Je suis très bien accueillie au CP10. Le gardien a fait de la galette, un gros pain cuit dans le sable. Oui oui. On fait un feu dans le sable, puis on met la pâte à pain dans le trou de sable chaud, on recouvre de braises, et on laisse cuire. Et il ne reste aucun grain de sable sur le pain. Quel délice !

J’ai de quoi me bichonner dans mon dropbag du CP10. Je préviens le gardien que je vais me dévêtir. Pas de problème, il sort. Opération changement de tenue et massage.

Je me protège du soleil au maximum. Je porte un collant, un maillot Xbionic, rose de surcroît, ce qui plaît beaucoup à Alain, mais qui n’a malheureusement pas de manches longues, je n’en ai pas trouvé à la Réunion. Je complète avec des manchettes. Et une casquette saharienne très couvrante. Mon maillot est tellement bien, il me maintient au frais quand il fait chaud et le dos est à peine humide avec le sac, que je le garde pour les 200km suivants. Pour la nuit, un petit pull polaire très léger, que je ne mettrai pas. Je ne l’utiliserai que pour dormir, et une veste coupe-vent.

Pour l’instant, je dois m’occuper de mes chaussures. Je rajoute une dose d’élasto sur le bout des semelles. J’ai un stock d’élasto dans mes dropbags tous les 200km.

Quant à l’ongle, il commence à s’infecter. J’arrive à le purger par le côté, mais pas complètement.

Je m’apprête à repartir quand surgissent Boydya et Marion, brandissant mon sac du CP40. Mes chaussures de secours me tombent dessus ! Super ! Jean-Claude a véhiculé mon message du CP7 aux bonnes personnes. Certes, elles n’ont pas de guêtres cousues dessus, mais j’ai l’assurance de pouvoir continuer.

Marion en profite pour désinfecter mon ongle.

Cette fois c’est le bon départ, toute ragaillardie. Je suis toujours dans du sable mou avec une courte végétation. Quelques acacias de temps en temps, et quelques chameaux qui vaquent à leurs occupations.

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Evidemment, il y a du sable qui rentre dans mes chaussures. Et je sens rapidement l’apparition d’une ampoule derrière le talon gauche. J’y mets immédiatement de l’élasto. En tout cas, ça ne m’empêche pas de courir.

Une étrange bête s’enfuit devant moi. C’est un énorme lézard noir avec le ventre orange et une queue ronde. Il me fait penser à une salamandre immense. Il se tortille pour essayer d’aller vite. On voit aussi un tout petit lézard, beaucoup plus commun.

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J’arrive au CP11 en compagnie de corbeaux. On en croise assez souvent.

J’ai le temps de vider le sable de mes chaussures et de percer l’ampoule, car le repas n’est pas prêt. C’est un petit jeune qui tient le CP. Il ne parle pas français et visiblement n’a pas d’expérience dans les courses non stop. Je dois le houspiller un peu pour qu’il mette de l’eau à chauffer pour les pâtes.

Je reprends rapidement ma route.

La nuit pointe déjà. Je suis la piste un moment, en courant quand il n’y a pas trop de pierres, et ce n’est pas ce qui manque. Je me sens bien, il ne fait pas froid, et je profite vraiment du moment présent. Moi qui ne raffole pas des nuits !

Quelques gerbilles pointent leur museau de temps en temps dans la lumière de la lampe.

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Les tentes blanches des CP se voient bien dans la nuit, et je suis déjà au 12°.

Le gardien parle peu français et n’est pas très débrouillard. Il héberge un copain, qui dort profondément. Les pâtes ne sont pas prêtes. J’ai le temps de m’occuper de mes petons. L’ampoule s’est reformée et a grossi. Je la perce de nouveau. Elle ne me gêne pas pour le moment. L’ongle est toujours purulent, je le vide aussi. Il ne me gêne pas non plus.

3° nuit, donc 3h de sommeil. Logique.

Je réserve le petit déjeuner pour mon réveil. Il y aura des pâtes ? Non. Il y aura du pain ? Non. Tu pourras me réveiller à 1h du matin ? Non. Bon d’accord, j’ai compris, je vais rester autonome. Je fais une réserve de petits biscuits mauritaniens. Quand je me réveille, le gardien n’ouvrira pas l’oeil, je n’aurai même pas un thé.

Je reprends mon rythme, course quand il n’y a pas trop de caillasses. Je tombe sur une piste pile à un point GPS intermédiaire. C’est l’entrée de la descente dans un canyon. Il y a là une piste d’aviation, dont je n’aperçois aucunement l’existence dans la nuit.

Dans le canyon, il n’y a qu’un accès possible : la piste. Le sable y est bien mou, mais j’y cours. Avec la lune, je peux distinguer de hautes murailles rocheuses de chaque côté. Ce doit être très beau de jour. Le canyon s’avère très bruyant, les cris des chacals résonnent fortement.

Mais le sable est profond et je dois vider mes chaussures en cours de route.

Le jour se lève à la sortie du canyon. Comme c’est beau ! La partie montagneuse est sur ma droite, et une plaine s’ouvre sur ma gauche. Devant apparaît le fort militaire où est installé le CP13. Il y a quelques bâtiments en pierre, de petites tours et un puits. J’ai même cru que c’était une mosquée.

J’y débarque à l’heure du petit déj, sauf que le mien est bien loin depuis 1h du matin et qu’il fut léger. Le gardien me propose du pain. Il n’y aurait pas des pâtes par hasard ? Eh non, pas à cette heure. Alain est là et pallie mon appétit en m’offrant un sachet de lyophilisé. Ah, je vais déroger aux pâtes alors. Et bien non, menu invariable, ce sont des pâtes bolognaises. J’éviterai seulement les sardines.

Si j’ai des nouvelles de l’avant avec les fiches de pointage dans les CP, et l’écart se creuse doucement mais sûrement avec Titi et Dom, voici que j’ai des nouvelles de l’arrière pour la première fois. Patrice, Gérard et Jacques me suivent, puis Takao. Tout le monde va bien.

Je commence à flotter sérieusement dans mon collant. Heureusement qu’il y a un cordon pour le tenir, l’élastique est soudain devenu méga-large. Mes gambettes de plus en plus maigrelettes vont-elles me porter jusqu’au bout ? Du coup je crains les frottements au niveau des fesses et des cuisses, mais il n’en sera rien, j’y échapperai.

Le gardien se prépare des petits morceaux de pain arrosés d’eau chaude, d’huile et de sucre. Il me propose de partager son repas. Euh, non merci, vraiment.

Je m’occupe de mon ampoule qui a de nouveau grossi. L’ongle par contre s’est calmé.

J’ai le droit à une séquence de filmage par Patrick pour mon départ trottinant.

Changement de direction, ce sera plein ouest désormais pour les 500km suivants, avec vent dans le dos, c’est l’harmattan. J’accroche le rabat de ma casquette à mon maillot avec une épingle à nourrice, pour que ça ne vole pas dans tous les sens et que la protection soit efficace.

Jusqu’ici nous avions du relief, on était sur un plateau pierreux, ce qui demande de l’attention. Maintenant, c’est le plat complet. Ampleur et platitude, que c’est beau ! Une large vallée s’ouvre devant moi à perte de vue, bordée à droite par un magnifique cordon de dunes et à gauche par la chaîne de montagne de grès noir de l’Adrar, dont nous faisons le tour. Un peu de végétation de temps en temps, des acacias, des touffes d’herbe, une euphorbe (Calotropis Procera pour les spécialistes) dont les grandes feuilles rondes ressemblent à celles de notre bois de tambour, mais rien à voir évidemment. C’est une plante très toxique, du coup épargnée par les chameaux et les chèvres. Elle est en fleur, de belles inflorescences violettes odorantes. Les lianes des coloquintes s’étalent sur le sable, seules les graines sont comestibles. Elles sont justement en graine.

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Je croise de petits groupes de chameaux, qui ont l’air de vivre en liberté. Ne nous y fions pas, le propriétaire ne doit pas être loin. Il y a donc des villages dans le coin, invisibles.

Je cours toujours avec beaucoup de plaisir, sans fatigue. L’après-midi je marche quand il fait très chaud. Et j’adapte la quantité d’eau à prendre en fonction de la température : 1,75 litre l’après-midi, 1,5 litre le matin, 1,25 litre la nuit. Je ne bois pas beaucoup et je n’ai jamais manqué d’eau.

Je ne respire que par le nez, car par la bouche, cela l’assèche immédiatement et c’est insupportable.

Je n’ai plus besoin de vider le sable de mes chaussures entre les CP, il y en a peu qui rentre sur ce terrain plat.

J’arrive au CP14. Quelques femmes d’un village voisin ont étalé leur stand de vente d’artisanat. Le gardien du CP a beau leur expliquer que nous ne sommes pas des touristes normaux et que nous n’achèterons rien, elles resteront là plusieurs jours.

Le gardien du CP parle très bien français. Il est fier de me dire qu’il a le bac et qu’il est guide.

Je reprends ma route vers le CP15. Il fait chaud maintenant, ce qui ne m’empêche pas d’admirer le fabuleux paysage. On ne voit pas un cordon de dunes de plusieurs centaines de km tous les jours. Le mien est tout ocre, splendide.

Le gardien du CP15 prépare une galette quand j’arrive. La pâte est prête, il allume le feu dans le sable. Je ne verrai pas la suite et je n’en mangerai pas, je serai repartie. Pour moi, ce sera pâtes et sardines. Néanmoins le menu du soir prévu est couscous au chameau. Je demande à goûter à la viande de chameau séchée, qu’on me donne avec parcimonie.

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La nuit commence à tomber. Je n’ai qu’à suivre les traces de 4x4 dans le sable puisqu’on va tout droit. Facile à l’éclairage de la lampe, pas besoin de regarder le GPS. Le sable clair paraît blanc et j’ai l’impression de marcher au milieu de la neige, à la température près. C’est magique.

J’arrive à un embranchement de pistes. Le GPS m’envoie à droite. Curieusement ça monte, moi qui croyais que j’étais dans la platitude. Je ne me serai pas plantée par hasard, en ne vérifiant pas mon GPS sur la grande piste ? Je passe devant quelques maisons, les chiens aboient, les chèvres bêlent, et j’arrive à un terminus de la piste. Ah, ce n’est pas normal. Une tripotée de femmes sort d’une maison, dans la nuit. Il n’y a aucune lumière à part ma lampe. Elles n’ont pas l’air surprise de me voir, et m’invitent à entrer chez elles. Elles ne parlent pas français. Euh non merci, c’est gentil, mais je dois continuer mon chemin.

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Et justement, il n’y a plus de chemin. Je n’ai pas d’autre choix que de suivre tout droit le GPS. Je tombe dans un pierrier qui de surplus monte. La progression est difficile. Dans la nuit, je vois que je me dirige droit sur une montagne, je dois passer de l’autre côté, le GPS ne connaissant pas le relief. Mais c’est qu’elle a l’air raide cette montagne, une vraie falaise. Je suis vraiment allée trop à gauche en suivant malencontreusement une trace de 4x4 erronée. J’oblique vers la droite tant que je peux au milieu des pierres pour contourner la grosse masse noire. Je finis par rejoindre la vallée et le sable, et le CP16, qui n’était pas loin à vol d’oiseau. J’ai dû mettre 2h pour faire 2km. Et je voyais désespérément mon dodo tant attendu remis à plus tard.

Dha, le gardien du CP, savait que je devais arriver et m’attendait depuis longtemps. J’ai juste eu un petit contretemps. Au moins le repas est prêt quand je débarque. Et, bonheur, du thon remplace les incontournables sardines. C’est que je préfère le thon aux sardines.

Je commence à sentir un léger frottement du sac dans le dos. Comment demander à un homme musulman de mettre de l’élasto dans le dos d’une femme catholique ? Je vais devoir enlever maillot et brassière. Cela ne pose aucun problème à Dha, qui me rend ce service.

4° nuit, donc 4h de sommeil. Logique.

La suite du parcours est plus accidentée, avec des montées sableuses pour franchir un peu de relief pierreux, comme des petits cols. Le cordon de dunes s’est éloigné.

Juste après le CP17 se présente un secteur très pierreux. Il vaut mieux garder la piste, qui serpente entre les gros blocs. Je finis par surplomber et contourner un petit canyon, très beau. Suivi d’une belle descente dans le sable comme on les aime.

Je vois une tente de CP au pied de cette descente. Déjà ? Il en sort quelques gamins, puis une femme. C’est la maison d’une famille de nomades. On se fait de grands signes.

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Je retrouve un terrain plat, en longeant la base de dunes. Au loin le village d’El Bayed qui a l’air assez important, il y a une mosquée, et un puits, fort tentant. Comme il n’y a personne autour du puits et tout ce qu’il faut pour puiser de l’eau, voilà une excellente occasion de se débarbouiller. Comme ça fait du bien !

La piste devient maintenant très molle, et le sable rentre à gogo dans mes chaussures. Je dois les vider toutes les 10 minutes. Que de temps perdu ! En plus c’est le supplice pour remettre les chaussures à chaque fois avec mon ampoule. Et en plus, une nouvelle petite cloque pointe son nez au talon droit, l’autre pied. Quelle chance !

Je croise un berger avec son troupeau de chèvres, avant d’arriver en fin d’après-midi au CP18. Juste quand je me pointe, un 4x4 démarre. Je pénètre sous la tente, et… il n’y a personne. Au bout de quelques minutes le 4x4 revient avec le gardien du CP, c’est le petit vieux très affectueux. Ah le filou, il était parti en goguette chez les bergers du coin.

En tout cas, il me reçoit très bien, le riz est prêt. Du riz ! A la place des pâtes, chouette !

La nuit tombe après le CP18. Pour une fois, je suis la piste, toujours très sableuse. Voilà qu’arrive un 4x4, c’est Boydya avec Philippe, le médecin venu en renfort pendant une semaine. On s’installe par terre pour qu’il examine mes pieds.

Ni une ni deux, il fait un grand trou aux ciseaux dans les ampoules des 2 pieds, pour être sûr de les vider entièrement et qu’elles ne se referment pas pour se reformer. Le pied droit me laissera pratiquement tranquille désormais. Quant au gauche, la peau est toute plissée sur la chair à vif. Si l’ampoule ne se reformera pas, je vais déguster. Mais il faut en passer par là, il faudra bien le supporter.

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La nuit s’installe. J’entends régulièrement des chiens aboyer, il doit y avoir plein d’habitants par ici, mais aucune lumière. Je finis par en voir une assez loin, un peu en hauteur.

C’est celle du CP19, et le gardien m’y attend. Il porte son grand boubou bleu en basin brillant, très imposant. Il m’a préparé une bonne soupe de légumes bien épaisse. Je m’en sers même de sauce sur les pâtes. Un vrai délice. Il me propose un thé mauritanien, mais c’est trop sucré. Il m’en tend un tout de même un peu après, que je refuse. En fait il l’a préparé exprès sans sucre pour moi. Alors là, oui !

Place au sommeil. J’aimerai maintenant alterner une nuit de 4h et une nuit de 3h comme régime de croisière. C’est le tour des 3h.

Je reprends mon chemin ragaillardie, toujours en alternant course et marche, il faut profiter de la fraîcheur de la fin de nuit.

Le soleil se lève, et je me retrouve de nouveau au milieu d’un cordon de dunes ocre sur ma droite et la montagne noire sur ma gauche. Et voici le CP20, et 400km parcourus.

J’y ai un sac bien-être. Une douche s’impose. Je m’installe derrière la tente, sur un coin de natte, avec une bouteille d’eau comme pomme de douche. Sans tout tremper et sans me mettre du sable partout, c’est un exercice d’équilibre. Suivie d’un petit massage avant de repartir. Mon huile de massage se met curieusement à mousser sur mes cuisses, et impossible d’enlever la mousse.

Le vent est fort, et une poussière de sable s’élève des dunettes, partout. Pour l’instant, ça ne me gêne pas et j’avance bien.

Le sol change maintenant, j’atteins le lac salé. C’est très dur, tout gris, totalement plat, et vide.  Il y en a pour 60 bornes, tout droit. En tout cas, c’est facile d’y courir.

Le CP21 apparaît déjà. Le gardien du CP m’explique comment la tente a été installée, avec le sol très dur et le vent, et elle tient très bien. Je ne m’y attarde pas.

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L’air est très sec, la poussière de sable envahit tout maintenant, je dois m’en protéger. J’ai un morceau de chèche que j’attache à ma casquette, elle-même attachée à mon maillot, je rappelle. Cela me couvre tout le bas du visage, le nez et la bouche, et ça flotte dans le vent, si bien que ça ne me tient pas chaud. Impec. Je mouche beaucoup, du sang, cependant j’arrive à garder les narines humides si bien que ce n’est pas embêtant. D’ailleurs j’ai prévu, et j’ai un grand nombre de mouchoirs dans mes sacs aux CP. Quant aux lèvres, elles résistent bien.

C’est l’après-midi et il fait vraiment trop chaud pour courir. Je marche d’un bon pas, bien que je sente davantage mon ampoule en marchant qu’en courant. Comme le terrain est facile et que je n’ai pas besoin de regarder mes pieds, je profite du paysage, en pleine admiration. Et je chante. Tout ce qui me passe par la tête, c’est très éclectique. Enfin, je chante dans ma tête, car pas question d’ouvrir la bouche. Sinon ça brûle immédiatement les poumons. Au sommet du hit-parade se trouvent Brel et Miro. Je compose des paroles sur leurs mélodies, et attention, il faut que ça rime. Je m’amuse bien.

Malgré ça, je sens le manque de sommeil me rattraper une fois la nuit tombée, et je commence à tituber. Sensation horrible, dont je ne veux pas. Dormir 3h, ça ne va pas. Je dormirai désormais 4h par nuit. Du coup, avec la fraicheur, je chante cette fois à tue-tête dans la nuit pour me tenir éveillée.

Le CP22 est au milieu du lac. Je vois sa lumière de loin. J’y ai des nouvelles des coureurs derrière. Pat et Gégé ont lâché Jacques, et ne devraient pas être trop loin. Je dors donc 4h, et je repars, la forme est revenue.

Le jour se lève, et je me retrouve dans une épaisse brume. La poussière de sable réduit drastiquement la visibilité. Vite vite, j’installe mon chèche et reprends ma foulée. Cette fois, le paysage est réduit. Je chante dans ma tête d’autant plus, pour éviter la lassitude des kilomètres plats.

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D’ailleurs, me voilà de nouveau dans le sable, et la poussière s’estompe. Le lac salé est déjà terminé ? Tout compte fait il est passé rapidement.

La vie revient autour de moi, les plantes, les chameaux.

J’avale le CP23 et le 24 dans la foulée. Le sable entre de nouveau dans mes chaussures, ça ne peut pas durer comme ça. Je coupe mon buff en 2, puisque je ne l’ai jamais utilisé jusqu’à présent et j’entortille chaque partie sur le bout d’une chaussure, là où le sable traverse le mesh. Ma fois, si ce n’est pas parfait, cela s’avère assez efficace.

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Une nouvelle nuit s’annonce, je tiens bien le coup au niveau sommeil. Néanmoins, le CP25 étant la mi-course, je vais m’octroyer un extra, un dodo de 5h. Mérité n’est-ce pas ?

J’oblique vers le côté dunes. La piste en gravit une bonne, et moi avec, et mène à un village, que je distingue dans la nuit. Il y a notamment des panneaux solaires.

Je réveille le gardien du CP qui dort dehors. A l’intérieur se trouvent 2 autres dormeurs, Jean-Claude et Tassouko, les 2 photographes. Ca ronfle. Peu m’importe du moment que j’ai un matelas de libre.

Des mouvements me réveillent légèrement, une lampe apparaît. C’est Gégé et Pat qui se pointent. Salut les gars ! Je pensais qu’ils me rattraperaient bien avant les 500km, je les considère comme plus rapides que moi, car ils dorment très peu. D’ailleurs ils ne restent qu’1h au CP, pas comme moi ! Mais pas de chance, il ne reste qu’un matelas et Patrice dort par terre. J’aurai été à sa place, j’aurai viré sans hésiter un des photographes qui se font des nuits normales, priorité aux coureurs.

Je repars aux aurores pendant que Jean-Claude cherche le puits.

La peau de mon ampoule s’est malheureusement arrachée, et elle devient vraiment douloureuse. Ca ne me donne plus envie de courir, je vais uniquement marcher dorénavant.

Je progresse dans des dunettes et je vois régulièrement les traces de Pat et Gégé. Sur la piste je croise un chamelier de grand matin. Il me demande où je vais. Comment lui expliquer ? Je n’ai que des points GPS à lui donner. En tout cas, il a croisé 2 autres gars comme moi un peu plus loin, ils vont bien. Merci des nouvelles, elles circulent vite dans le désert.

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On contourne Atar. Les habitations se font plus nombreuses, et les pistes aussi. Il y a même un monsieur qui m’indique gentiment celle de gauche, vers la ville. Non non, je vais tout droit. Il ne doit rien y comprendre.

La piste s’estompe pour laisser place à un passage sur de grandes et magnifiques dalles bleu roi, je n’en crois pas mes yeux. C’est très facile d’y marcher en plus.

Le sable reprend son droit, avec encore des pierres bleues par endroit, et ça monte, jusqu’au sommet d’une grande dune à dévaler. Quel dommage que mes chaussures sans guêtres n’apprécient pas, car moi j’adore ça.

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Le CP26 est en bas. J’y retrouve Pat et Gégé. Patrice me propose de me joindre à eux. Non merci. Je préfère tracer ma route moi-même, c’est mon plaisir et j’ai besoin de ce côté aventure. Et surtout nous n’avons pas du tout le même rythme. Je dors 4h la nuit et je ne prends pas d’autre repos. Ils dorment 1h par CP et font des pauses dodo de 20 minutes dans le sable le long de leur parcours quand ils ne tiennent plus. Très peu pour moi.

Le gardien du CP est un des petits jeunes. Je le booste un peu pour qu’il se décide à nous préparer les pâtes, sinon on en a pour quelques plombes. Patrice me trouve même un peu dure avec lui.

Je reste sur la piste pour la suite, car il y en plusieurs, avec plein de changements de direction, des villages et des puits. Pas question de se fourvoyer.

Soudain mon GPS indique le point suivant à… 4512km. Ah ! Un peu loin celui-là. Heureusement, je sais d’où provient l’erreur. Lorsque j’ai fait la saisie à la maison, ce sont toujours les coordonnées de la Réunion qui apparaissent et qu’il faut modifier pour avoir celles que l’on veut. J’ai laissé par mégarde l’hémisphère sud au lieu de mettre le nord pour la latitude, même après 2 vérifications de tous les enregistrements. Je passe à 12km en 2 bip. C’est mieux !

Le CP27 est dans belle zone d’acacias avec plein d’oiseaux, dont l’incontournable moula moula ou traquet pour les puristes, tout noir avec sa calotte blanche sur la tête, et d’autres espèces moins voyantes.

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La nuit s’annonce, et je vais dormir 4h au CP28. J’y retrouve de nouveau les 2 gars. Ils sont épuisés, ah ben tiens, et vont dormir plus longtemps que moi.

En repartant, je ne trouve pas la trace de la piste dans la nuit, car le sol est dur. C’est un CP court annoncé, 16km. Je vais couper tout droit. Je me tape énormément de cailloux, avec des surfaces bleues dans la lumière de la lampe. Que c’est beau ! Ca l’est moins pour mes pauvres pieds, et je ne vais pas très vite.

Et soudain, j’éclaire une pierre de forme cubique d’un mètre de haut, gris clair, couverte de gravures rupestres. J’en reste baba, tomber dessus en pleine nuit dans le petit halo de ma lampe ! Je ne manque pas de l’examiner sous toutes les coutures. On y reconnait très bien un homme et une femme, et plein d’autres petits personnages. Mais je dois poursuivre ma route. Je n’ai pas pensé à prendre le point GPS de ma découverte.

Et maintenant je tombe sur des dunes. Très chouette, sauf encore pour mes pieds et je vais aussi moins vite.

Je finis par débarquer au CP29. Pat et Gégé, qui sont partis après moi, y sont depuis 2 heures. Ils ont suivi la piste qui était très facile, même s’ils ont fait bien plus que 16km. Euh oui, de mon côté j’ai fait du tourisme. Mais je ne regrette pas, je préfère mon trajet au leur.

Le CP est plein, Alain y dort aussi. Heureusement il me reste un matelas. Le gardien me bichonne, il m’attendait beaucoup plus tôt.

Je repars, toujours dans la nuit, et cette fois je reste sur la piste, du moins au début. Je la quitte dès qu’il fait jour. Ca grimpe sûrement et régulièrement dans le sable, parsemé de pierres, des fois bleues, des fois vertes, des fois oranges, des fois roses, des fois pourpres, au moins c’est varié, avec pas mal de petites végétations. Tiens, un tapis de tout petits cailloux d’un blanc immaculé, il y en a plein, sur une surface restreinte. Mais non, ce sont des coquillages ! J’aboutis de nouveau en haut d’une grande dune à dévaler. Je ne vois pas tout de suite le CP30, il est pourtant juste là en bas. J’oblique direct vers mon objectif en vue, pas besoin de GPS.

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Pat et Gégé sont là. Ils ont leur sac, mais pas moi. Ah, c’est embêtant, j’y ai mes affaires de rechange des 600km. Le maillot, ce n’est pas grave, mon joli rose fera encore bien 200 bornes, mais LES CHAUSSETTES ? Au secours ! J’en rêve, de changer de chaussettes. Ma grosse ampoule suinte en permanence et elles sont devenues dures comme du carton avec le sable + la lymphe, voire le pus pour l’ongle. Bon, je n’ai pas le choix, je prends mon courage à deux mains, ok, je vais reprendre avec mes cartons aux pieds. Patrice me file une soupe et un Babybel, comme je n’ai pas mes petites douceurs de CP pair. On s’apprête à repartir tous les 3 quand le 4x4 de Boydya arrive, amenant les sacs manquants. Voilà mes chaussettes tant convoitées !

Je change de maillot à regret, le Xbionic me garde vraiment le dos sec, mais il a fait 600 bornes, il ne faut pas exagérer. Je le troque pour un Raidlight, qui, même s’il est bien, s’avère en comparaison moins confortable, j’ai le dos humide avec le sac.

Les gars repartent tandis que je prolonge la pause. Ce sera du coup douche, et change complet. Appréciable ! Je me suis installée en petite tenue derrière la tente sur un plastique avec une théière d’eau pour me débarbouiller, et voilà que je me retrouve entourée d’un va et viens d’âniers et de chameliers. Il va falloir patienter.

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Boydya m’encourage et m’enjoint de ne pas me faire doubler par les garçons. Allez les filles ! Mais c’est tout vu, ils dorment moins que moi, et je ne dérogerai pas à ce point. J’assume ma 5° place au classement.

La montagne que je longe depuis fort longtemps s’éloigne sur ma gauche, je suis maintenant sur de grandes ondulations de dunes couvertes de nombreuses pierres. Je coupe tout droit, sans que la piste ne soit trop loin. D’ailleurs un 4x4 la quitte pour me rejoindre. C’est Philippe le médecin. Il me reconnaît planquée sous mon chèche ? Il vérifie l’état de mes pieds et est fort satisfait de voir la guérison que ça prend, c’est-à-dire que c’est très propre. Certes, mais qu’est-ce que je déguste ! Je lui fais remarquer que ma cheville a tendance à gonfler un peu, absolument sans gêne, et ça redégonfle lors de mon repos la nuit. Il pense à un œdème. Je suis formelle, ce n’est pas ça. J’ai déjà eu des oedèmes, et depuis que je prends du Daflon sur les courses longues, je n’en ai plus. L’autre Philippe l’accompagne, qui a dû abandonner pour cause de défaillance de son GPS. On est sûr de se paumer dans ce cas.

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La nuit tombe quand j’arrive au CP31. Alain est là. Il a modifié le parcours, et je dois rejoindre une route, sans point GPS comme repère. Je n’ai qu’à suivre les traces de Patrice et Gérard, qui eux ont été escortés par un 4x4. Oui bien sûr, de nuit ! Déjà pour partir, je voudrais bien me fier aux traces du 4x4, mais il y en a partout. Le chauffeur me dirige sur quelques centaines de mètres.

J’ai profité du véhicule pour recharger mon téléphone sur la batterie, comme il est allumé 4h par nuit. Il ne manquerait plus que mon réveil soit déchargé.

Je suis sensée suivre la route sur 4km et prendre la piste au 3° radier. D’ailleurs, Isabelle, tu viens de la Réunion, tu sais ce que c’est qu’un radier. Et oui, je connais ! En fait ce sera beaucoup plus long car il y a une belle descente avec quelques virages en épingle à cheveux qui augmente la distance prise à vol d’oiseau par les GPS. Je compte consciencieusement les fameux radiers, c’est en fait au 5° qu’il faut tourner. Il paraît qu’il y a une flèche, que je ne vois pas dans la nuit. Il vaut mieux ne pas se tromper, c’est un formidable pierrier dans le coin. C’est le point GPS du CP suivant qui me conforte dans le 5° radier, sans aucun doute possible. La piste est facile à suivre après.

Le CP32 est parfait pour un somme. J’y retrouve Pat et Gégé qui ont eu du mal avec le nombre de radiers. Ils repartent avant moi.

Je tombe rapidement sur une portion de grosses dunes, très chouettes. Dans ma direction, je dois les prendre en diagonale dans la longueur, ce qui n’est pas le plus facile, surtout sur plusieurs km. En outre mes pieds n’aiment pas, je dois vider plusieurs fois mes chaussures. A la sortie de cette traversée, je tombe sur plein de traces de bétail, chameaux et chèvres, et les traces de Pat et Gégé. Il doit y avoir de la vie dans les parages. Et je perçois des massifs dans la nuit.

Quand le jour se lève, je me trouve effectivement au milieu de petits monts isolés et très noirs qui apparaissent au milieu du sable, comme éparpillés. Ils ont toutes sortes de formes, le moindre creux formant piège à sable, et le manteau blond semble monter lentement à l’assaut des cailloux. Ca fait varier le paysage.

1000km dans le désert mauritanien

Dha m’attend au CP33 et m’a préparé un couscous aux légumes, spécialement pour moi. C’est gentil ! J’ai le droit aux confidences de la vie sexuelle d’un Mauritanien célibataire. Il aimerait bien vivre à la française, avec une fille sans être marié, mais ici, ce n’est pas imaginable.

Mon collant commence à se raidir, une lessive s’impose. Je transforme ma petite couverture en jupe pour pouvoir l’enlever, et le rince à la bouilloire avec l’aide de Dha. Le temps de manger, ça va sécher très vite dehors entre le soleil et le vent, mais Dha tient absolument à installer une vraie corde à linge.

Il y a des passages de 4x4 à proximité, il paraît que c’est un coin à orpailleurs.

Un chamelier passe avec son troupeau. Il chercher du vert, des pâturages quoi.

Juste après le CP le GPS m’envoie droit sur un beau massif. Je le prends par la droite ou par la gauche ? Allez, par la droite. En fait ce massif est tout en longueur et je me morfonds à devoir le longer alors qu’il faut que je le coupe à un moment. Pour finir, il y a une gorge au bout que je ne voyais pas. Il y a un peu de végétation rase dans ce coin, avec quelques chameaux.

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Plus loin ce sont des massifs carrément noirs dont un tout rond, il est magnifique. On dirait des sculptures en métal posées sur le sable blanc. Ce fut un de mes coins préférés.

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Je découvre une nouvelle trace humanoïde, celle de Philippe, très caractéristique, de taille immense, et avec les pointes de ses bâtons. Il a repris du poil de la bête, son GPS a dû se calmer.

Au CP34, je me masse les pieds, comme à tous les CP. Mitou, le gardien, très prévenant, veut m’aider et me propose de me masser des pieds à la tête. Non non, c’est gentil mais ça ira comme ça.

Après, c’est de plus en plus vert. Si la végétation reste courte, il y a beaucoup de petites fleurs, elles sont minuscules mais cela suffit pour faire des tâches colorées, un coup rouge, un coup jaune, un coup blanc, je raffole de ces fleurettes. C’est aussi plein de coloquintes, je marche sur les lianes. Il paraît qu’il a plu deux fois dans ce coin cette année, dont la dernière fois récemment. Ca plaît aux bestiaux, il y a de plus en plus de chameaux, des ânes et des chèvres. Et même des papillons ! Comme c’est bucolique ! Et quelques maisons. Un chamelier coupe ma trajectoire.

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Ca commence à monter, pour arriver à… une mare ! Oui, il a plu récemment. J’y découvre plein de traces d’oiseaux dans la boue, outre les traces géantes de Fifi.

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J’arrive au CP35 dans la nuit. Pat, Gégé et Fifi pioncent et prennent tous les matelas. Fifi se lève et me laisse le sien, il n’arrive pas à dormir. Pour moi, aucun problème de ce côté-là. Quant aux 2 autres, c’est la dernière fois que je les vois.

Je reprends la montée dans les pierres, face à une grosse montagne transversale au fond. J’arrive au sommet d’une falaise assez verticale. Une partie du versant qui l’est moins est sableux, seul accès possible, tout le reste est trop pierreux. C’est parti pour une belle descente ! Je me retourne un peu plus loin, je suis au pied d’une falaise. C’est magnifique.

La suite est vallonnée, avec des cailloutis piquetés de buissons et parsemés d’acacias. C’est très facile de se caler un cap, ce qui permet de ne pas être trop concentré sur la trajectoire et de profiter du paysage. Justement, voilà une parfaite grosse tache noire droit devant. Quand je la refixe de nouveau… elle a bougé. Ah ! En fait, c’est un chameau ! La robe des chameaux passe par toute la palette des marrons, du presque blanc au presque noir. J’en croise pas mal de petits groupes.

J’entends très souvent une note unique de flûte, tuuuuuu, très étonnante. Cela ne peut être qu’un oiseau. Je ne le trouve pas du premier coup, il est petit et beige, couleur sable. Ce chant du sirli me ravit, et je cherche à apercevoir son auteur dès que je l’entends. Il est souvent posé sur le sable en zone découverte.

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Le gardien du CP36 n’a rien préparé quand je débarque. Heureusement il y a toujours des dattes pour patienter en attendant le repas. Je lui demande des pâtes. Au bout d’un quart d’heure, il n’a pas encore mis l’eau à bouillir. Cette fois, oui, je suis dure avec lui. Je lui dis qu’il a 10 minutes pour que ce soit prêt. Il est paniqué. Au bout de 10 minutes, je l’oblige à me servir. Evidemment c’est cuit, al dente comme les coureurs les aiment, et parfait agrémenté des sardines, quant à elles vite prêtes. Mais pour lui, c’est immangeable. Les Maures font cuire les pâtes au moins une demi-heure. Je ne me suis pas fait un copain.

Comme dit Théodore Monod, heures lourdes des débuts d’après-midi, que cette plaine est donc vaste, cette dune épaisse, cette falaise haute. Ce malicieux soleil, si pressé tout à l’heure d’aller se percher sur ma tête, en bonne posture pour lâcher sur mes épaules sa chape de feu, a l’air de se plaire au zénith et de n’en redescendre qu’à regret, en tout cas avec une singulière lenteur. Et toujours de face, je reste bien planquée sous mon chèche.

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A 1 km des CP, je les cherche de vue. C’est comme une chasse au trésor, avec la distance qui diminue sur le GPS. Quand je vois la tente, j’ai trouvé le trésor ! Des fois on la voit de loin, parfois à moins de 100m. Tout dépend des ondulations du terrain et des acacias.

Je retrouve Jean-Claude au CP37. Là encore, le repas n’est pas prêt. C’est le jeune gardien qui ne parle pas français. Jean-Claude s’en occupe. Il lui fait bouillir l’eau et détermine la quantité de spaghetti à mettre, car le cuisinier allait en faire pour un régiment. Certes, j’ai faim, mais tout de même. Ce sera prêt en 10 minutes.

L’ongle de mon gros orteil s’est ravivé depuis quelque temps. Il est de nouveau purulent, et j’ai beaucoup de mal à le purger. Ca ne me gêne pas trop, mais je ne peux pas le laisser comme ça. De plus, les autres orteils jusqu’ici épargnés de malheurs, commencent à se réveiller. Une ampoule pointe sous le petit orteil. Je demande à Jean-Claude s’il a vu récemment Marion, le médecin, mais ce n’est pas le cas.

La nuit est bien là maintenant. Je n’ai jamais souffert du froid la nuit, j’ai même rarement mis ma veste.

Je retrouve Fifi au CP38. Je vais y dormir mes 4 heures.

Le terrain est maintenant très caillouteux et toujours vallonné. Je quitte la piste. Un 4x4 me rattrape. C‘est Alain, qui n’a visiblement qu’une préoccupation : ma balise est en panne. Il est accompagné de Jean-Claude et Patrick. Et moi je n’ai qu’une envie, m’assoir et ne pas rester debout près de la voiture. Le chauffeur me cède gentiment sa place, à la demande de Patrick. Alain reconnecte ma balise. Je ne suis pas très contente de porter le poids d’une balise qui ne fonctionne pas.

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Plus loin un autre 4x4 surgit à mes côtés. Décidément c’est le jour des 4x4. Cette fois c’est Marion, qui me donne rendez-vous au prochain CP qui est à 5km. Elle a eu le message de Jean-Claude pour mes petons.

Donc je la retrouve au CP39. Gérard Cain l’accompagne, qui a malheureusement dû abandonner. Du coup j’ai des nouvelles fraîches de tout l’arrière de la course.

Mes chaussures et mes chaussettes commencent à sentir fort mauvais. Il faut dire que mes blessures suintent en permanence. Je dois tout d’abord me laver les pieds dans une… bassine souple, comme spécialement conçue pour les CP dans le désert. Puis Marion peut dorloter mes pieds.

Je change les pansements quand ils deviennent trop humides. Les mouches adorent, je dois les chasser des plaies avant de les recouvrir le plus rapidement possible.

Elle me demande si je sais encore quel jour on est. Oui, ça je sais. Par contre je ne sais plus situer quand sont arrivés les évènements, car j’ai l’impression que désormais, 1 CP = 1 jour. Ca fait 39 jours que je me balade ?

Le trajet vers le CP40 est de nouveau verdoyant, du moins avant la nuit.

Les dropbags y arrive en même temps que moi. Ouf, j’ai grand besoin de chaussettes propres. Les miennes sont devenues vraiment raides et puantes. Quant aux bâtons en cas d’épuisement, je n’en ai pas besoin. Ils resteront dans le sac. Pat et Gégé n’ont sûrement pas dû avoir leurs affaires.

Le ravitaillement est livré, il y a du pain tout frais.  

Je commence à me déplacer instinctivement à quatre pattes dans les CP, bien que je n’aie pas de problème pour me lever. Quoique je préfère tout de même m’accrocher à quelque chose, non pas par fatigue des jambes, mais pour m’aider à garder mon équilibre. Et il n’y a qu’une chose pour s’accrocher : le poteau central de la tente, qui n’est que posé par terre. Je fais vaciller toute la guitoune à chaque fois.

Je commence à trouver mon sac de plus en plus pesant. Pourtant il n’y a rien en supplément dedans. Je refais le calcul des piles, le plus lourd, sur le temps maxi, on ne sait jamais ce qui peut arriver, pour ne pas en porter en excès, mais j’ai juste ce qu’il faut.

L’heure de mon arrivée aux CP nocturnes se décale de plus en plus, si bien que je vais commencer à passer la nuit entière dehors et à dormir le matin, ce qui ne va pas. Il faut me rendre à l’évidence, je n’ai plus qu’à faire la pause au bout de 2 CP au lieu de 3 pour me recaler de bonnes nuitées. C’est donc dodo au programme.

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Je repars dans l’obscurité. En tout cas, ça monte continuellement. Quand le jour se lève, je suis en train de contourner une montagne vers un col. C’est très beau avec le lever du soleil et la vue en haut est magnifique.

Nouvelle direction, droit vers l’ouest pour accomplir notre grande boucle, et la région de l’Amatlich. Du coup c’est le soleil levant que j’aurai de face, et je n’ai plus besoin de la protection de mon chèche.

Je finis par couper une route, il n’y en a qu’une, c’est la route d’Atar à Nouakchott. Le coin redevient bien vert, avec des arbres. Je passe une antenne, un peu de cultures, et le CP41 m’attend.

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Désormais il y a le réseau téléphonique, et les gardiens de CP se tiennent au courant entre eux de nos arrivées. Ils ne me demandent plus quand va arriver le coureur suivant, question à laquelle je suis bien incapable de répondre, et le repas est prêt à mon arrivée. Ils ont le temps de préparer des légumes avec les pâtes ou du riz.

Justement, c’est du riz au menu. Le cuisinier utilise une grosse écumoire pour le service, qu’il laisse sur le couvercle de la marmite, toute collante de riz. Les sirlis flûtistes du coin s’en donnent à coeur joie pour venir picorer les grains sous la tente. Pas farouches pour un sou. Ca m’enchante

Seul bémol à ma plénitude, et de taille, à chaque fois que je dois remettre mes chaussures au moment de repartir, j’appréhende la douleur intense qui s’annonce, et je me mets à trembler de tout mon corps sans pouvoir me contrôler. Heureusement la pointe de souffrance ne dure pas. Après il faut bien une demi-heure de peine à marcher avant que les pieds soient assez chauds pour que les mauvaises sensations diminuent. Néanmoins ma foulée est modifiée par rapport à la normale, je minimise en permanence l’appui du talon gauche sur le sol, et je crains l’apparition d’une tendinite éventuelle. Mais non, j’y échapperai. Jusqu’à présent je n’ai pas pris de paracétamol pour atténuer la douleur permanente, et je n’en prendrai que si je ne parviens vraiment plus enfiler les chaussures.

Dunes claires, le pays blanc à ma droite, et falaises sombres, le pays noir à ma gauche, s’étendent de nouveau à perte de vue, de part et d’autre de mon cap. Je progresse non loin de la route, je vois les voitures au loin. Je pénètre dans un champ de barkhanes. Elles deviennent de plus en plus grandes, étonnant mélange minéral d’arêtes et de modelés, de brutalité et de tendresse, de vigueur et de courbes. J’essaie néanmoins de les éviter au maximum en les contournant sur la gauche car je dois les franchir perpendiculairement, mais peine perdue, elles s’étendent.

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Mais c’est tellement beau et tellement chouette. Je préfère être là plutôt qu’à longer la route.

Tiens, dans un creux je tombe sur une chamelle et son chamelon, pas vieux du tout ce bout d’chou.

La durée de ma progression étant rallongée par cette forte ration de dunes, une petite faim s’annonce. Ne nous laissons pas abattre. Je m’installe confortablement dans le sable et grignote un paquet de nouilles chinoises. J’en ai dans chaque dropbag et toujours un dans mon sac. C’est mangeable en snack, et les nouilles, ça change… des pâtes des CP.

C’est l’affectueux petit vieux qui m’accueille au CP 42, avec une bonne gamelle de riz. Il est 17h, et j’aimerais prendre l’asphalte pour la nuit, plus rapide que les dunettes, puisque je ne peux pas profiter du paysage. Privilégions la facilité. Pas de problème, le CP suivant est près de la route. Quand j’arriverai à l’antenne, je prends à droite. Il ferme son CP, c’est-à-dire qu’il rabat juste la porte de toile et m’accompagne jusqu’à la chaussée proche. Il n’attend pas son prochain coureur avant demain, et préfère aller passer la soirée avec ses copains du village voisin.

Le bas-côté du bitume est sableux, mais facile pour y marcher. Je me contente de mettre l’éclairage de ma lampe à fond à chaque fois qu’apparaît un véhicule. Il n’y a tout de même pas grande circulation. Les conducteurs ne doivent pas souvent voir une marcheuse sur la route au milieu de la nuit. D’ailleurs en voilà un qui s’arrête pour prendre des nouvelles. Tu vas où ? A l’antenne. Ah, bien, et il repart. Ce n’est pas étonnant que j’aille à l’antenne à cette heure indue ?

Il y a un nombre impressionnant de pneus de camion éclatés sur le bord. A chaque fois qu’un camion arrive, je me dis que si son pneu éclate juste à côté de moi, je n’en mènerai pas large.

A la fameuse antenne, je prends donc à droite, sur une bonne piste qui me mène rapidement au CP 43, dans les arbres. J’y retrouve Fifi. Lui aussi a pris la route. Et pour lui, c’est le maire du village qui allait voir ses chamelles qui s’est arrêté pour prendre de ses nouvelles. Il repart avant moi, car je vais dormir. Il a l’intention de continuer sur la route.

A mon tour de repartir. Alors, route ou dunes ? Je pars d’abord en direction de la route, avant de changer d’avis et de me diriger vers les dunes. Le jour va se lever, et j’en profiterai bien encore. J’ai bien fait car les 2 directions commencent à diverger. Marche, emplis tes poumons de l’air immaculé du désert, repose-toi dans la paix des soirs et repars dans les beaux matins, avec un cœur tout neuf. Car elles sont belles ces dunes.

Il y a de plus en plus d’arbres. Le CP44 est à l’ombre d’un acacia.

Je sors de l’erg pour retrouver un secteur très vert, avec beaucoup de buissons. Il y a beaucoup de nids dans les arbustes. Ca ne veut pas dire qu’ils sont de l’année. Avec toute cette verdure, même si elle est très épineuse, il y a également des maisons et des chèvres.

Eh, je rêve, des grosses gouttes de pluie ! Enfin, quelques gouttes, ça ne dure pas.

Fifi est au CP45. Il a décidé d’y stopper définitivement sa rando.

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Nous avons la visite d’un vieux berger avec un énorme troupeau de chèvres, qui fait la causette avec le gardien du CP.

J’ai besoin de me laver. Je m’installe derrière la tente avec les chèvres. Je suis toute nue ou presque quand le berger sort rattraper quelques fugueuses.

La nuit tombe avant que je parvienne à une bifurcation stratégique qu’il ne faut pas louper. Je suis sur une bonne piste de sable, mou au demeurant, et je dois tourner à gauche pour monter dans un pierrier. Dans le noir je ne trouve pas la piste au point GPS indiqué. Je la cherche vainement par plusieurs aller-retours. Bon, je n’ai plus qu’à me taper le pierrier tout droit. Je ne sais pas où va me mener cette histoire, et de plus mes pieds n’apprécient pas. Coup de bol, je tombe sur la piste assez rapidement un peu plus haut. Ah oui, là au moins on peut marcher, rien à voir avec les quelques centaines de mètres que je viens de faire. C’est un soulagement. J’arrive à un petit col, au milieu des grosses caillasses. J’aurais vraiment eu du mal en hors-piste.

Je traverse un village endormi. Là aussi j’ai du mal à trouver l’embranchement pour l’oasis suivante au point GPS requis. Je dois de nouveau couper tout droit. Et je tombe inévitablement sur la cour d’une maison, et l’enclos à chèvres. Il y a 3 ou 4 chèvres dans une espèce de petite cage dans toutes les cours. On les rassemble en un seul gros troupeau pour la journée.

Je contourne tout ça comme je peux, je finis par sortir du village et je me retrouve dans du sable tout mou, jusqu’à croiser une belle piste, qui s’avère être à peu près dans la bonne direction. Elle va me mener à la fameuse oasis, le CP46 est à l’entrée du village suivant. C’est une maison, en branchages et feuilles de palmiers. Le gardien a eu la gentillesse d’allumer un cyalum devant pour me l’indiquer.

C’est le petit jeune. Il a progressé et fait tout pour m’être agréable. Malheureusement pour lui, ma natte est pleine de fourmis. Normal, je vois des miettes de nourriture qui traînent. Or je ne supporte pas les fourmis, je me bats avec elles chez moi. Je lui conseille vivement de faire le ménage dans son CP et de passer le balai. Le pauvre, il en prend encore pour son grade. Surtout que j’y dors mes 4 heures.

Je commence à ne plus supporter la forte odeur de mes chaussures tellement elles sentent mauvais, ni celle de la crème NOK. C’est que j’y ai le droit à tous les CP quand je les enlève. Il y a maintenant en permanence un horrible jus au fond, mélange de suintement et de sable. C’est peu ragoûtant.

Au lever du jour, je me rends compte de l’environnement. Ce ne sont que de grosses pierres très noires, posées sur un relief montagneux. Impossible de quitter la piste. Heureusement que je l’ai trouvée cette nuit. Et la piste est loin d’être la direction la plus directe indiquée par le GPS. Le prochain CP est annoncé à 21 km, en réalité, c’est beaucoup plus. Je mettrai jusqu’à plus de 10 heures sur ces trajets à rallonge.

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Je traverse le village, où il y a du sable très mou. J’entends même l’appel de la mosquée.  Puis c’est un autre gros village où Il y a du monde. En fait peu de familles y résident à l’année. Par contre ça regorge de monde à la période de la récolte des dattes, en juillet. Le chemin serpente entre les maisons. J’arrive à la barrière de l’entrée de l’oasis. J’aurai dû arriver par là en fait.

Me voilà sur une belle piste, entre dattiers et dunes. Le GPS m’envoie sur la droite, en plein côté sable. Et bien allons-y, j’en ai marre de la piste. C’est un grand plaisir d’escalader le premier monticule. Je me retrouve devant une clôture de plantation. Je passe sous le barbelé, pour en ressortir un peu plus loin, de nouveau dans les dunes. Je descends dans un large oued très sableux et magnifique, où je rejoins la piste. L’oasis à ma gauche est très vaste, avec quelques puits en bordure. A ma droite se trouve une dune immense, très claire. Qu’elle est belle ! Le GPS m’envoie en plein dedans. Mais il est impossible de la gravir. Pourtant, comme elle me tente !

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Je me contente de l’oued, en lorgnant sur ma droite. Apparemment, j’en ai pour plusieurs km pour contourner le monstre. Ah, un passage se dessine, avec quelques traces de chameaux. Je m’y engouffre sans hésiter. Ca grimpe dur, je ne sais pas ce que je vais trouver derrière. Je surplombe un village, et je continue en haut au milieu des vagues blondes de quartz. Quel bonheur !

A la fin de la grosse dune, je culmine une plaine. Quant à moi, je dois redescendre de biais et longer le pied de la grosse dune suivante. Et c’est dans un champ de dunettes que je me retrouve pendant un bon bout de temps. J’y vois les traces de Pat et Gégé, j’ai retrouvé le chemin normal.

Je finis par atteindre une zone plus rocheuse, agrémentée de quelques troupeaux de chèvres.

Le CP47 est planqué sous un acacia. C’est cuisine au feu de bois. Dans la discussion avec le gardien, il m’apprend que l’arrivée est peut-être décalée au CP49. Ah bon ? Peut-être ou peut-être pas ? C’est que ça change tout dans ma gestion des derniers efforts. Je ne peux pas me réjouir trop tôt.

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Je longe une grande oasis. Il y a quelques femmes le long de la piste. Un 4x4 me rattrape. C’est Fifi. Tout le monde me confirme que l’arrivée est bien avancée.

La nuit tombe, ma dernière nuit. Je suis la piste et arrive devant un portail fermé et une longue clôture bien solide. Par où passer ? Jusqu’ici les clôtures ne m’ont pas donné d’état d’âme, mais là, je coince psychologiquement. Je la longe par là droite, par la gauche. Rien à faire, ça ne passe pas. C’est l’heure des insectes attirés par ma lampe, et je suis assaillie dès que je m’arrête. Pour comble de malheur, il y en a un qui a la bonne idée de se planquer dans mon oreille. Ca bourdonne là-dedans, et j’ai un mal fou à faire ressortir le petit papillon.

C’est pourtant évident, la piste est nettement tracée via le portail. Pourquoi est-ce que je ne ferai pas pareil ? Il ne me reste qu’à ouvrir ce portail et à continuer. Je traverse une grande oasis, avant de repasser un autre portail, ouvert celui-là.

Je passe dans un gros village. Le GPS m’envoie à gauche toute, et la piste part à droite. Ca m’énerve ces rallonges. Je finis par prendre à gauche à travers le village. Une nuée de jeunes filles surgit de la nuit. Tu vas où ? A la tente qui ne doit pas être loin, à seulement 1,5km d’après mon GPS. Les filles se proposent de me montrer le chemin et me ramènent sur la bonne piste, elles savent très bien où est le CP.

Et le voilà, le CP48, le dernier avant l’arrivée. Pour finir en forme, je vais y dormir 1h. Je me déleste de tout ce dont je n’ai plus besoin dans mon sac, l’excédent de piles et ma couverture.

Je repars légère, en pleine nuit. Je traverse encore un village. Moi qui n’ai jamais regardé le roadbook, j’ai eu la bonne idée de le consulter au CP. Je dois passer près d’un puits avant une oasis, pour trouver la bonne piste après. J’arrive à la barrière de l’oasis et je cherche le puits. Vainement. Il y a des traces de 4x4 qui partent dans plusieurs directions au milieu des dattiers. Je les suis toutes, sans succès. Elles m’amènent soit à la clôture, soit dans d’énormes rochers, mais aucun puits en vue. En fait il était avant la clôture, je ne l’ai pas aperçu, et je le cherche après la clôture.

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J’ai bien visité cette oasis pendant 2 heures, pour ma dernière nuit, avant de me décider à suivre la piste principale tout droit qui traverse les cultures et de ressortir par l’autre barrière. C’était tout bête.

Ca commence à monter, dans les cailloux. Et ça monte toujours, et il y a de plus en plus de pierres. Le lever du jour pointe. J’y vois un peu plus clair autour de moi.  Ah oui, ça monte, c’est même carrément une petite montagne. Un vallon est couvert de sable très blanc, au milieu de toutes cette roche. C’est grandiose.

Il ne me reste plus que 10km à musarder. Pour moi, ce n’est pas la ligne d’arrivée qui me réjouit, c’est profiter de ces 10 derniers km, les meilleurs. Je suis bien, en plus dans une partie montagneuse, ce que j’aime, et seule au milieu de toute cette beauté, ce que j‘aime aussi. Je m’octroie une petite pause pour en profiter, la seule de cette longue balade, en grignotant les fruits secs de ma ration de survie, qui ne m’a pas servi et qui ne me servira plus.

Un peu plus loin je croise un groupe de touristes français avec leurs chameaux. Leur guide me demande : tu es avec qui toi ? Pour une fois, on ne me demande pas où je vais. Avec Boydya. Ah, le marathon ! Tu es presque arrivée, ce n’est plus loin. Enfin, c’est un peu plus long qu’un marathon. Du coup les randonneurs tombent en admiration. Tu as fait 1000 km ? Enfin, 995 pour l’instant, il m’en reste 5 à faire.

J’arrive en haut du chemin, et voilà, ils sont faits.

Nous sommes le 20 novembre à 9h45, ma virée de 1000km a duré 15 jours et 2h45. Pas mal !

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Alain et Fifi m’accueillent. Je me prête aux photos d’usage d’arrivée, mais je n’ai qu’une hâte : enlever définitivement mes chaussures ! Ce que je fais aussitôt. Alain veut m’offrir un coca frais, il y a une boutique au CP49, mais je n’en ai pas besoin. L’eau me suffit.

Et j’en apprends une bien bonne. Ma balise ne fonctionne plus depuis 3 jours. Quoi ? Toi tu ne te perds pas, alors je ne t’ai pas couru après pour la réinitialiser. Et moi qui trouvais mon sac lourd, j’ai porté ce truc pour rien ? Et les personnes qui m’ont suivie sur internet ont dû me croire occise.

Alain me propose de me reposer avant d’aller au campement, mais Fifi insiste pour qu’on parte tout de suite. Il a raison.

Le CP49 est à la passe de Tifoujar où la vue sur le canyon et la vallée au fond est magnifique. C’est donc en 4x4 que je dévale ce canyon, exemptée du CP50. La descente dans le sable très mou est impressionnante.

On arrive au campement après un grand village. J’y suis accueillie par les quelques coureurs qui sont présents, dont ceux qui ont abandonné et qui me portent ma valise jusqu’à mon bungalow, alors que je me déplace en chaussettes. Comme le sable est omniprésent, je circulerai désormais en sandales et chaussettes.

S’il n’y a pas d’électricité sur le site, il y a un puits avec une pompe solaire, donc une vraie douche ! Quel luxe !

Dom et Titi ont mis 12 jours, Pat et Gégé 14 jours. Takao arrivera le lendemain, et le reste de la troupe le vendredi, date limite octroyée, en 2 groupes : d’abord Brigit, puis le trio Joël, Baudoin et Bernard.

Pendant ce temps, je m’octroie une petite virée à l’oasis de Terjit, merveille du Sahara, petit paradis niché au fond d’un canyon, où coule un vrai ruisseau au milieu des dattiers. Avec l’ombre et l’humidité, les parois sont couvertes de mousses, de capillaires, de plantes hygrophiles. On y trouve même un ficus. La baignade est un bonheur.

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Marion me soigne les pieds après Terjit. En enlevant le pansement de l’ongle, ça remue. Ah ! Et en soulevant l’ongle qui ne tient presque plus, ça s’agite carrément. Je fais un élevage d’asticots. On aura tout vu ! Marion les retire un par un à la pince à épiler.

J’ai fait prendre un bon bain à mes pompes, mais rien à faire, l’affreuse odeur persiste.

Au bout de 2 jours de repos, j’en ai marre d’avoir toujours aussi mal aux pieds, et c’est là que je commencerai à prendre du paracétamol.

Les inséparables Takao et Tassouko viennent me rendre visite pour mitrailler tout mon équipement technique, souvenir à étudier au Japon.

La vie de l’oued se déroule sous mes yeux. Je partage le thé avec les bergers, Mitou le prépare sans sucre spécialement pour moi.

1000km dans le désert mauritanien

Pour clôturer ce séjour dans le désert, c’est la dernière soirée avec la traditionnelle remise des récompenses et un bon méchoui. On termine autour d’un feu avec l’équipe des chauffeurs, et un bon thé mauritanien.

1000km dans le désert mauritanien
1000km dans le désert mauritanien

C’est mieux que le régime CP. J’ai ingurgité une centaine de sardines en 15 jours. Plus jamais de sardines de ma vie s’il vous plaît ! Par contre, la cure de dattes n’est pas limitée.

J’ai perdu la bagatelle de 4 kg dans l’affaire, très vite au début du parcours, puis ça s’est heureusement stabilisé.

Le site du campement est magnifique, dans une vallée d’oued entre 2 barrières montagneuses de pierres ocres. Dernier lever de soleil au milieu de ces ravissantes couleurs, avant le départ pour Atar et l’aéroport.

1000km dans le désert mauritanien

Dans la salle d’embarquement, une dame m’accoste. C’est Mireille, toujours accompagnée de Jean-Pierre ! Ils étaient bénévoles à Oman et sur la Transpyrénéa, et viennent de faire une semaine de circuit 4x4. Ils ont vu la banderole d‘arrivée de la course et m’ont reconnue tout de suite.

Arrivée en France, je fais un saut à Lille chez ma sœur entre 2 avions, en sandales au mois de novembre. Il y aura 3 médecins autour de mes petons !

Bravo à Dominique et Thierry, qui n’ont rien lâché jusqu’au bout.

Bravo à Patrice et Gégé, qui auront mis la bagatelle de 10 CP pour me doubler !

Bravo à Takao, qui a couru seul, comme moi.

Bravo à Brigit, la princesse du désert.

Bravo à Joël, Baudoin et Bernard pour leur ténacité.

Et bravo à Philippe, Benoît, Malek, Gérard et Jacques, qui n’ont malheureusement pas pu arriver au bout, et qui m’ont soutenue le long du parcours au hasard de nos rencontres.

Merci à Marion pour ses petits soins, si prévenante et toujours dans la bonne humeur.

Merci à Philippe, qui n’est malheureusement pas resté longtemps avec nous.

Et surtout un grand merci à Alain, qui m’a permis de vivre cette formidable aventure.

Merci également à Boydya et toute son équipe pour l’organisation sur le terrain, son professionnalisme et sa gentillesse.

Et merci à Nicolas qui s’est occupé de mes petons en débarquant tard le soir à Lille.

De retour à la maison, ils vont se mettre à peler. Je vais avoir des pieds neufs.

Je vais vivre en savates pour un petit bout de temps, ce qui ne pose pas de problème à la Réunion, même au boulot.

Je vais rêver la nuit que je marche dans le sable, sans jamais m’arrêter.

Quant à mes chaussures, elles seront aspergées d’eau de Cologne, seul subterfuge efficace pour une utilisation ultérieure possible.

Pour prolonger l’aventure, je n’ai plus qu’à relire Théodore Monod.

L’Adrar est un immense plateau gréseux grossièrement tabulaire bordé d’une haute falaise, mais en fait à l’échelle du piéton-coureur que nous sommes, il est puissamment accidenté, tout cisaillé de gorges, s’effondrant par endroits, se plissant ailleurs jusqu’à des bancs relevés à la verticale. Quel beau terrain de jeu, entre dunes, regs et buttes rocheuses !

Si une randonnée chamelière vous tente, n’hésitez pas, allez en Mauritanie.

1000km dans le désert mauritanien
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