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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 18:40

Nouvelle destination, nouvelle organisation : je vais découvrir le centre désertique de l’Australie.

Canal Aventure, organisation française, propose une course de 520km en 9 étapes, d’Alice Springs à Uluru, nom local aborigène d’Ayers rock. Une arrivée au rocher rouge mythique, voilà qui me tente beaucoup ! Je suis déjà allée dans la très grande Australie, mais pas dans ce coin.

Australie Le centre rouge Mai 2023

La course comprend des étapes de 30km à 137km, la plus longue étant la dernière. Le principe est une auto-suffisance du coureur, l’organisation fournit la tente et de l’eau froide, c’est tout. Il faut donc porter ses affaires et sa nourriture. Celle-ci est divisée en 2 lots de 5 jours, nous prenons le 2° lot à mi-course, c’est-à-dire que l’on porte au maximum 5 jours de ravitaillement. Cela fera tout de même un sac conséquent.

Il y a une petite liste de matériel obligatoire, certes moins importante que pour certaines autres courses du même principe, mais elle comprend tout même des choses inutiles pour moi comme le réchaud dont je me passe allègrement. Il est demandé 20 pastilles de combustible solide pour le chauffer. Je n’en ai que 12 à la maison, et il est impossible d’en trouver à la Réunion. Heureusement, un copain fait une virée à Paris et m’en ramène. Merci Seb !

 

Une autre contrainte est imposée, alimentaire cette fois : il faut 20000 kcal pour toute la course, divisées en 10000 kcal pour chaque lot, avec une différence de poids admissible entre les 2 de 5% ! D’abord c’est beaucoup trop pour moi, ensuite cela ne tient pas compte de la longueur des étapes. En effet nous allons parcourir 217km les 5 premiers jours et 305km les 5 suivants, dont la longue étape de 137km, et donc y consommer plus de calories.

Il faut aussi savoir que l’Australie est très stricte sur les produits arrivant dans les bagages des voyageurs à l’aéroport. J’avais compris que toute alimentation fraiche ou faite maison était interdite. J’amène donc mon ravitaillement dans les emballages d’origine, pouvant être facilement identifiés par la douane : purée et soupe déshydratées, poudre d’amande, céréales, tucs, spiruline, et 4 sachets de pâtes carbonara lyophilisés. Je ne suis pas fan des lyophilisés, et c’est exceptionnel que j’en prévoie.

A l’aéroport de Perth, sans surprise, les douaniers ouvrent tous les bagages des arrivants de mon avion. Et voilà que les lyophilisés ne plaisent pas du tout ! Ils me sont confisqués. Je vais devoir trouver 4 repas australiens de remplacement.

J’arrive en Australie pour une semaine de tourisme avant la course. Cela me permet de préparer tranquillement mes portions de repas, calculatrice en main, ayant à ma disposition la balance de cuisine de mon neveu de Melbourne. Merci Raphaël !

 

Je ne me suis pas foulée pour substituer les lyophilisés. Ce sera chips et noix de cajou. Pas du tout équilibré, mais calorique.

Me voici arrivée à Alice Springs le soir de la veille du rendez-vous avec l’organisation. C’est la grande ville du centre de l’Australie, une bourgade de 25000 habitants. Je m’installe dans une auberge, située au pied de petites montagnes rouges. Le coin est très beau. C’est dimanche soir et il n’y a qu’un restaurant ouvert au centre-ville. J’y tombe sur une tablée de l’organisation, histoire de faire connaissance, et sur une autre de coureurs germanophones. Brigit et Marco m’y accueillent à bras ouverts. Nous étions ensemble sur la 1200 en Mauritanie il y a 6 mois.

 

Le lendemain matin, dans la cuisine commune de l’auberge, je tombe sur une affiche que je n’avais pas vue la veille : le chat de l’auberge ne suffit pas à éradiquer les souris, ne laissez pas de nourriture dans les chambres. Oups, j’ai 10 jours de ravito dans la mienne et j’ai en plus laissé mon sac ouvert la nuit. Effectivement, le sac plastique qui renferme mes précieux sachets caloriques présente un petit trou bien rongé, et quelques flocons de purée sont éparpillés dans mes affaires… Il y en a une qui s’est régalée. Ca commence bien !

J’ai la matinée libre avant de rejoindre le groupe à 13h. C’est une bonne occasion d’aller au musée ethnique pour renouer avec la culture aborigène, maintenant reconnue par le gouvernement australien. Alice Springs étant une petite ville, je m’y rends à pied. Ma balade croise beaucoup de loriquets, petits perroquets vert, rouge et bleu, et encore plus de somptueux galahs, plus gros et roses. Je suis ravie. Je le suis moins en arrivant au musée qui est fermé le lundi. Je me contenterai des oiseaux.

 

Je finis par rejoindre le groupe de la course. Nous commençons par 1 heure de bus pour atteindre Ellery Creek dans la chaîne montagneuse de MacDonnell Ouest où le campement est installé, planté dans le sable au pied d’une petite montagne de grès rouge. Le coin est boisé. C’est très chouette. Nous allons y rester 2 nuits.

 

Important : les toilettes sont dans une petite tente, c’est un simple trou creusé dans le sable, on y met de la sciure à chaque utilisation. Le PQ doit être mis dans une poubelle spécifique et sera brûlé. Autre point, nous trions nos déchets, ce qui est brûlable et ce qui ne l’est pas.

Nous sommes un petit groupe de 26 coureurs, ce qui est convivial, dont 10 filles, ce qui est une forte proportion. Le gros de la troupe vient de France, Allemagne, Italie et Suisse. 2 Américains, 1 Australien et 1 Irlandais vivant en Australie complètent le tableau.

Je partage ma tente avec Marisa, une Italienne de Milan. Nous nous rendons compte que nous étions ensemble sur la 555 en Egypte il y a 15 ans. Je ne me souvenais que de son prénom, mais pas du tout de sa tête. Elle n’avait alors pas terminé la course.

Avec étonnement je m’aperçois également que je connais pas mal d’autres coureurs : Marco le suisse de la 1200 en Mauritanie, Brigit l’allemande avec qui j’ai couru plusieurs fois, Dominique le français sur la 1000 en Mauritanie, Grégory, autre français croisé en Chine, Mark l’allemand en Géorgie.

Je suis surprise qu’il n’y ait pas de jeunes sur cette course. Toutes les filles ont plus de 50 ans, et la pétillante Anne la doyenne en annonce 70. La jeunesse n’est pas prête à faire 500km avec un sac lourd !

Je fais aussi connaissance avec l’organisation, dont Jérôme est aux commandes. Nous avons le droit à 2 médecins et 2 infirmiers. Quel luxe ! Le staff est français, à part Easer qui est australienne.

Dès que la nuit tombe à 18h30, le froid s’installe. Christelle nous prépare un bon repas, et nous mangeons sur une table et des bancs de l’aire de camping, bien emmitouflés. Je profite de ce dernier confort, car cela ne va pas durer. On a le droit à un feu de camp, mais il faut qu’on le fasse nous-mêmes. Marco en deviendra le spécialiste.

Le lendemain est consacré aux contrôles, ce qui va prendre toute la journée. C’est longuet pour si peu de coureurs. Je passe l’avant-dernière dans l’après-midi. On doit remettre notre sac d’affaires personnelles que nous ne prenons pas pour la course lors de cette vérification, je garde donc à ma disposition une tenue normale et surtout un bouquin pour la journée. Je ne m’en tire pas si mal. Je m’installe dans le sable avec mon livre, un peu à l’écart du camp, sous un arbre particulièrement affectionné par les galahs. Il fait bon dans la journée à l’abri du vent. Je visite aussi le coin, le petit lac de la crique coincé entre 2 montagnes est très joli, mais froid. Des gens s’y baignent, pas moi. Je me contente de m’y laver.

 

Mon tour pour le contrôle vient enfin. Je suis en tenue de course désormais, tout le reste n’est plus disponible à partir de ce moment, le sac personnel étant rendu.

Le matériel obligatoire est passé en revue, Laurianne ira même jusqu’à compter les pastilles de sel ! Il en faut 20, j’en ai 20 juste. Je transpire peu, je n’en ai pas besoin. Les fameuses calories des repas sont pointées, chaque portion doit être repérée par jour. Les 2 lots de nourriture sont pesés. Il y a une différence de 10% entre mes 2 paquets. Je dois revoir ma copie. J’inverse 2 repas, les petits déjeuners du 1° et du 6° jour n’étant pas à porter, je me suis octroyée un gros paquet de biscuits pour chaque. Je m’en tire avec 2,2kg pour 5 jours. Le sac complet est également pesé. Je vais porter 6,4 kg au départ sans l’eau. Puis au fur et au mesure qu’on mange, ça s’allège, jusqu’à reprendre le 2° lot de nourriture le 6° jour.

Côté pharmacie, j’ai confondu bande de compression et de contention. Je n’ai pas la bonne. La mienne est adhésive, c’est ce qu’on demande sur toutes les courses, mais pas cette fois. Il ne faut pas une bande pour strapper une entorse ou une tendinite, mais pour les morsures de serpent. L’Australie compte des serpents parmi les plus mortels de la planète, et je passe pour les araignées. Je ne suis pas spécialiste des morsures de serpent. Je suis autorisée à ramener la bonne bande ultérieurement. Doris m’en prêtera une.

Puis je passe au médical. Je présente mon certificat à Maxime, l’un des médecins.  Il connaît le mien ! Il est venu faire une mission à la Réunion et ils étaient ensemble.

J’ai le droit à un petit cours de première urgence en cas de morsure de serpent.

1° S’arrêter et attendre les secours.

2° Ne pas faire de garrot.

3° Enrouler la bande de compression serrée autour du membre mordu, jambe ou bras, sur toute sa longueur.

Avec ça, je suis parée pour toute rencontre intempestive.

Je vais courir en tenue longue pour me protéger du soleil : casquette saharienne, maillot à manches courtes + manchettes, collant long, chaussettes en mérinos, baskets de trail en montagne de Décathlon, petites guêtres sur les chaussures. Les chaussettes ont prouvé leur efficacité de confort et de protection des pieds sur longue distance dans le sable de la Mauritanie. Les baskets Décathlon suffisent, il n’y a que 2 étapes de montagne sur 9.

Je prends un sac de 35 litres, qui ne sera pas plein mais qui ne me donne pas de frottements, et qui contient : un maillot léger à manches longues, un mini short et des petits chaussons pour se changer au campement, un petit gilet en laine très léger et chaud, une veste coupe-vent, un buff, une seconde paire de chaussettes, une mini serviette de toilette 20x20cm, un vrai mouchoir, un sac de couchage, un matelas gonflable, une poche à eau de 2 litres, 2 lampes frontales et leurs piles, des lunettes de soleil, un petit réchaud Esbit que je n’utiliserai pas et ses 20 pastilles de comburant solide, une barquette qui me servira d’assiette, une cuillère, 10000 kcal de nourriture pour 5 jours, 20 pastilles de sel, un mini tube de crème solaire, un mini tube de crème antifrottement, 2 bandes d’élastoplast, quelques comprimés de paracétamol, un petit couteau et ciseaux, une couverture de survie, une mini boussole. Je n’ai pas de bâtons. Avec ça je suis parée pour 10 jours.

En fin d’après-midi, le froid arrive à grand pas. Je me couvre avec ce qui me reste sous la main : collant, gilet et veste. Nous profitons de chaises et table et Christelle nous régale une dernière fois.

 

L’intérieur de la tente se pare immanquablement de sable. J’en fais la chasse si on ne veut pas en avoir partout. Marisa est moins assidue que moi sur ce sujet.

 

Le départ est donné le lendemain matin à 8h. Marisa et moi n’avons pas les mêmes horaires de lever, mais on s’en accommodera mutuellement. Elle se réveille à 5h30 et se prépare à la frontale dans le froid. Très peu pour moi. Je préfère sortir du sac de couchage à 6h30 au lever du jour, et encore, si tôt parce que l’organisation nous demande de libérer la tente pour 7h, histoire de poireauter 1 heure dans le froid.  Surtout que j’ai des biscuits au petit déjeuner ce matin, donc rien à cuisiner.

Passons aux choses sérieuses.

Nous allons suivre le très réputé Larapinta Trail pour les 3 premiers jours, qui est bien balisé. La première étape est la plus courte et la plus montagnarde : 30km et 700m de dénivelé. Il ne fait pas chaud et j’enlève veste et gilet au dernier moment.

Ca part tout de suite en montée par un petit sentier très caillouteux qui serpente au milieu des herbes et des buissons. Chouette, je suis tout de suite dans mon élément. J’y cours allègrement. Quelques coureurs me distancent lentement devant, le gros de la troupe est derrière. Pour l’instant, c’est cap plein ouest, au pied de la chaîne de Heavitree, à 250m au-dessus de ma tête, culminant à 900m d’altitude.

 

Dans un virage, je vois une pierre plate recouverte de grandes tâches écarlates. Je cherche vainement au-dessus un arbre qui aurait pu donner des fruits rouges à point venant s’éclater sur le sol. Il y a là un mystère de la nature. Je descends vers le CP1 au bout de 15km, dans la gorge Serpentine. Christelle me demande si j’ai vu du sang sur une pierre. Giuseppe a fait une belle chute et s’est profondément ouvert la main. L’énigme est résolue, c’est du sang frais italien que j’ai repéré.

 

Je n’ai pas besoin de prendre de l’eau, j’en ai encore assez, mais comme c’est obligatoire, je n’ai pas le choix que de remplir ma poche à eau pour la vider sitôt le CP dépassé. C’est quand même dommage. Bon, j’arroserai la flore.

J’emprunte une ravine. J’y bondis de pierre en pierre. Je tombe sur Shame, le photographe de l’organisation, qui me serre de près pour me mitrailler. Puis j’oblique sur la droite pour attaquer la montée de la journée. C’est raide mais pas très long, que du plaisir pour moi. Au sommet, je suis la crête. Le sentier n’est que cailloux et je dois bien regarder mes pieds. Ca ne m’empêche pas de profiter du paysage. Je surplombe une vallée de chaque côté, couverte d’une petite végétation de zone sèche, avec la chaîne des MacDonell sur ma droite toute rouge de grès. C’est très beau.

 

Après 7 ou 8 km, un panneau indique un point de vue tout droit. Jérôme nous a bien dit qu’il ne faut pas y aller. Je tourne à gauche pour la descente dans la vallée. J’y double allègrement Grégory. En bas il me talonne une fois le terrain moins escarpé. Nous restons ensemble un petit moment, puis il finit par partir devant. Je cherche désespérément des wallabies, ces petits kangourous, mais je n’en vois aucun.

 

Grégory arrivera 7 minutes avant moi. Marco est loin devant. Giuseppe, Marc et René finissent juste à ma suite. Je les croyais aux avant-postes, mais ils sont allés faire un tour au point de vue par mégarde. Marisa pointe 20 minutes plus tard.

C’est avec une grande surprise que je termine donc 3° de cette étape en 5h02. Je vais avoir tout l’après-midi pour me reposer, ce qui est toujours appréciable dans les courses à étapes. Le campement est près de Serpentine Chalet Dam, dans le sable. Il fait très chaud au soleil, il y a heureusement quelques arbres aux alentours car c’est intenable dans la tente. Le repas purée à l’eau froide est vite englouti. J’ai suffisamment d’eau dans ma ration quotidienne pour me laver, et cela s’avère une vraie gymnastique pour se doucher avec une poche à eau sans se mettre du sable partout. De son côté Marisa est une adepte des lingettes et ne touchera pas une goutte d’eau de toute la course.

Le camp se peuple progressivement tout au long de l’après-midi. Les autres filles marchent. Un groupe a profité du point de vue par inadvertance et débarque bonnes dernières. Quant aux 2 américains, ils jettent l’éponge définitivement, on ne les reverra plus. Il y a déjà des prétendants à la tente médicale. Ampoules et tendinites font leur apparition pour certains, la priorité revenant à Giuseppe qui écope de 5 points de suture à la main.

Marisa et moi n’auront pas non plus les mêmes habitudes le soir. Elle mange tôt et dort tôt, à 18h30 dès qu’il fait nuit. J’attends 19h pour me sustenter, histoire de garder un rythme de vie normal. On se fait de longues nuits, et je dors très bien.

Le lendemain le départ est donné à 7h pour la 2° étape, pour 40km et 1000m de dénivelé. Cela devrait me plaire encore plus. J’ai quelques courbatures dans les cuisses au réveil, certainement dues au poids du sac, ce qui n’est pas gênant. Il faut libérer la tente à 6h, dans la nuit et le froid. Heureusement Marco nous a concocté un feu de grand matin.

Nous partons d’abord sur une piste sableuse. Je me retrouve à l’avant du peloton. Puis nous remontons une ravine, il n’y a plus de sentier, il faut progresser au milieu de gros rochers. J’y caracole à l’aise et je largue mon groupe rapidement. Une petite grimpette s’annonce, vite franchie, et me voilà déjà au CP1 où exceptionnellement il n’y a pas de ravitaillement en eau. J’ai ce qu’il faut pour continuer.

 

J’attaque la grande montée de la journée, toujours dans les cailloux. J’y suis seule et la franchis allègrement, le poids du sac ne me gêne pas. Au sommet, je suis la crête plein ouest. La vue est magnifique, plongeant sur les vallées adjacentes et les chaînes de grès rouge parallèles des 2 côtés. Je dois tout de même rester vigilante au milieu de toutes ces pierres.

 

Je finis par redescendre dans la vallée, parsemée de petits arbustes. Je rattrape et double le groupe des garçons partis vite, Mark, René et Giuseppe. J’arrive au CP2 où je fais le plein d’eau obligatoire. Je n’ai pas besoin de tout ça, et je revide l’excédent après l’arrêt. Les gars en profitent pour pointer et me doubler. Il faut dire aussi qu’ils ont tous des bidons d’eau, plus rapides à remplir que ma poche. Mais je n’aime pas les bidons à porter devant. Bruno le médecin est tout excité de me voir aux avant-postes.

Le sentier est agréable et serpente dans de petites collines. Je croise un petit lézard, mais toujours pas de wallaby en vue.

 

 

Je mets 8h pour cette étape, 20 mn de plus que le sympathique groupe des 3 gars. Filippo et surtout Marco sont loin devant. Gregory, que je n’ai pas vu de la journée, me talonne à 1 mn. Je suis donc 6° cette fois. Bruno est déçu que je n’aie pas coursé les gars. Marisa surgit 50 mn plus tard.

Le camp est superbe, à Finke river camp. Nous sommes bien sûr dans le sable, près d’un petit lac. Il fait encore suffisamment chaud pour une vraie douche fraîche. Je ne me le fais pas dire deux fois.

 

Les abandons se poursuivent, Dominique débarque la tête bandée. A son tour d’avoir chuté dans la première grimpette, ce qui lui vaudra 8 points de suture. Tout le monde repartira le lendemain, c’est autorisé, même quand on ne va pas au bout d’une étape.

Pour la suite, ce sera tout plat, et je serai moins à mon affaire, je le sais bien, et cela surprendra tout le monde. La 3° étape est courte, elle annonce 38km. On rejoint rapidement une route à emprunter sur 4km près d’un village aborigène, suffisamment pour que les coureurs de plat me devancent : Marisa, Doug, Jürgen, Rolf. Sur le bord de la chaussée il y des panneaux : « Attention chevaux », ou du moins un cheval représenté dans un losange jaune, comme toutes les signalisations en Australie de rencontre animalière possible. Il paraît qu’il y a des chevaux sauvages dans le coin. Puis nous reprenons un chemin sablonneux où je rattrape le groupe, sauf Marisa.

On arrive au bord d’un beau lac, entouré de hautes falaises. Les couleurs sont splendides, bleu et rouge. Là un petit bateau gonflable genre grosse bouée nous attend pour franchir l’obstacle lacustre, à défaut de nager. Il navigue, tiré par une corde par 2 personnes de l’organisation, permettant d’aller dans les 2 sens. Je me déchausse pour prendre place la première dans le frêle esquif avec les 3 autres coureurs, et je mets malencontreusement les pieds au milieu de l’embarcation, ce qu’il ne fallait pas faire. Je me retrouve les petons trempés, ce qui n’est pas top en environnement sableux.

 

Après avoir bien râlé, je débarque sur la rive abrupte, je me rechausse, et j’ai le droit à une progression genre escalade pour rejoindre le sable. La suite de la journée sera dans le lit sec de la rivière, dans les gorges de Glen Helen, avec une succession de zones sableuses et pierreuses. A ce petit jeu, je devance mes dalons dans le sable mou et les pierres, et ils me rattrapent dès que cela devient moins technique. Nous passons ensemble le CP1.

Soudain surgissent Mark, René et Giuseppe, qui devraient être loin devant. Ils ont loupé l’embranchement menant au lac et se sont retrouvés dans un camping. Ils s’éloignent rapidement.

Ca y est, j’ai largué mes corrélégionnaires et je me retrouve seule. Pas pour longtemps car Marisa apparaît à l’horizon. Elle a du mal avec le sable mou et les cailloux, alors que j’y jubile. Elle disparaît rapidement derrière.

Je profite pleinement du paysage, fond sec de la rivière Finke avec un peu de végétation, enserrée entre 2 belles parois rouges.  Je croise un arbre couvert de galahs, il y a longtemps que je n’en avais pas vus. Je me régale. Plus loin, un petit lac se présente sur ma droite. Un rapace me survole. Puis je découvre de grands oiseaux genre grue. Je suis aux anges.

 

On quitte la rivière pour reprendre un chemin plus classique et Doug m’y rejoint. Il finira par passer devant sur ce terrain moins technique.

 

Le CP2 est vite avalé. Easer m’y accueille, elle a toujours un mot gentil et est très souriante, c’est agréable. Je comprends facilement son anglais. Il reste 8km sur la route qui mène au village de Hermannsburg, où il n’y a guère de circulation. Elle est goudronnée depuis peu paraît-il. Régulièrement des panneaux annoncent une submersion de la chaussée possible avec une échelle graduée de hauteur d’eau de plus d’un mètre. Il ne pleut pas souvent par ici, mais quand ça se décide, ça y va !

 

Je réalise cette étape en 5h30, en 7° position. Marco et Filippo sont toujours en tête. Mark, René et Giuseppe ne sont qu’à 3 mn devant moi et Doug 1 mn. Bonne journée ! Gregory est juste derrière et Marisa met 15 mn de plus.

Cette dernière apparaît, la tête enturbannée. Elle a fait une chute bête dans un des pierriers.

J’ai de nouveau un après-midi de repos fort agréable dans une tente à l’ombre et à l’abri du vent fort. Il se calmera avec à la tombée de la nuit. Je peux manger tranquillement mes plats vite prêts. On a le temps de papoter avec Marisa qui est très stressée en attendant ses 6 points de suture programmés en soirée.

Le 4° jour compte 49km, ça s’allonge. Comme je prévois de manger une fois arrivée, je modifie l’ordre des menus. Je préfère la purée au petit déjeuner, qui tient mieux au corps que les céréales. Je les garde pour « midi » au campement suivant.

Peu avant le départ, Jacob s’aperçoit qu’il transporte trop de nourriture et me donne un petit paquet de chips. Je les mange tout-de-suite pour ne pas avoir à les porter moi non plus. Et… j’y perds une dent. Je garde précieusement le pivot pour rendre une petite visite à mon dentiste plus tard.

De nouveau quelques km de route avant de reprendre une piste très large. Je me fais rapidement doubler par les coureurs de plat. Il n’y a plus de partie technique, nous sommes sur un bon terrain, à part un peu de sable mou de temps en temps. Je devrai vider mes chaussures en fin de parcours. Mon sac s’allège au fur et à mesure des repas passés, mais je le trouve toujours trop lourd pour courir à l’aise sur le plat, alors qu’en dénivelé cela ne me gêne pas. Direction plein sud maintenant, dans le parc national des gorges Finke pour toute la journée. Dans l’hémisphère sud, cela signifie un max de soleil dans le dos.

 

Dans les parties un peu sableuses, je repère des traces de chameaux sauvages, mais je n’en verrai pas. Ils ont été importés d’Afghanistan et se plaisent beaucoup dans le centre sec de l’Australie. Il y en aurait plus d’un million.

 

Le dernier CP se trouve à la sortie du parc, à Boggy Hole où se trouve un petit étang. Un couple d’australiens pas très jeunes est affalé sur leur chaise, prenant le soleil. Ils m’encouragent et on plaisante un peu. J’y croise un beau lézard. Il ne me reste que 5km avant l’arrivée.

 

Je suis au campement à 15h15, il fait encore bien chaud. Le site est magnifique, grande esplanade de sable blanc, petit lac qui ne se fait pas attendre pour faire trempette et délasser les jambes, gros arbres pour s’ombrager.

 

Il n’y a que les mouches qui viennent m’importuner, comme à chaque halte. Elles sont bien connues dans cette région australienne, et j’ai confectionné une voilette maison avec de la moustiquaire que je pose au-dessus de ma casquette pour m’en protéger.

 

Je suis de nouveau 7°. Marco, Filippo, Mark, René, Giuseppe sont devant, ainsi que Grégory à 15 mn. Suivent Jürgen et Rolf, puis Marisa à 25 mn. Les autres filles sont loin derrière. J’ai maintenant plus de 2 heures d’avance sur Marisa, mais ce n’est pas assez sécuritaire par rapport à ce qu’il nous reste à faire, surtout sur terrain plat.

Le matin, l’organisation nous oblige toujours à libérer les tentes 1 heure avant le départ. Ce matin, le 4x4 de Shame s’ensable. Quand nous partons à 8h, ils sont toujours dessus, ou plutôt dessous. C’est bien la peine de nous presser pour ne pas pouvoir transporter le matériel dans la foulée.

C’est parti pour 59km.

On sort définitivement des gorges, le paysage et l’horizon s’élargissent.

Je cours bien sûr tout le temps, mais à mon petit rythme bien régulier. Maintenant que les étapes s’allongent, je dois casser la croûte en route. C’est le seul moment où je ralentis. Pas facile de manger des céréales écrasées dans le vent en marchant.

 

Aujourd’hui Marisa part tout-de suite en avant. Doug me double rapidement. Il porte en permanence un buff sur le nez et la bouche, en course et au campement, incognito. Bref, on ne connaît pas son visage. Je croise régulièrement Rolf et Jürgen.

Les kilomètres s’étendent au milieu d’une belle et haute graminée qui ondule dans le vent. En milieu de journée sous la lumière ardente du soleil, cette Spinifex prend un reflet bleu doré magnifique. Je ne m’en lasse pas. C’est une herbe très dure qui pousse en grosses touffes. Les aborigènes font du pain avec les graines. Elle est parsemée d’arbres isolés, dont beaucoup de filaos du désert avec leurs longues feuilles effilées. Car je rappelle que les filaos sont des feuillus, et pas des conifères comme on pourrait le croire. Ils sont plus petits que les nôtres à la Réunion. Leur forme juvénile donne des petits arbres élancés qui développent d’abord leur racine en profondeur pour trouver l’eau, avant de s’étoffer plus en boule et en hauteur. Cela donne un paysage très spécifique, sur fond de terre rouge. Leurs fruits sont beaucoup plus gros que les réunionnais, mais on reconnaît bien la forme.

 

 

 

C’est toujours Easer qui tient le dernier CP.  J’y sors mon petit gobelet bleu pliable estampillé Grand Raid de la Réunion. Cela me permet d’étancher ma soif avec une plus grande quantité d’un coup, comme je bois peu en course. Elle le trouve très mignon, et surtout pas comme les autres. Elle me fera bien rire avec ça à chaque CP3 où je le sortirai systématiquement.

 

Mon sac n’a jamais été aussi léger, je ne porte plus que 2 repas pour la journée. Mais il va malheureusement de nouveau s’alourdir comme nous récupérons ce soir la 2° partie de notre ravitaillement. Ce n’est pas pour autant que j’ai des extras alimentaires.

Cette étape me prend 9h, j’y suis 8°. Marisa est passée 20mn avant et Doug 30mn. Rolf et Jürgen me suivent à 3mn, puis Grégory dans la foulée. Ce qui fait que je commence à arriver en fin d’après-midi à ce camp de Palmer River, et que je n’ai plus beaucoup de temps de profiter de la chaleur. Notamment je ne traîne pas pour me laver.

 

Cela fait plusieurs jours qu’il n’y a pas d’accès au réseau téléphonique, donc personne ne peut passer des heures scotché sur son petit appareil, et c’est très plaisant dans les contacts et les échanges entre nous. J’apprécie beaucoup. Marisa arbore maintenant un œil violacé et gonflé, outre son pansement sur le front.

Nous repartons avec un sac lourd chargé de nourriture pour 58km. Rapidement une foule de coureurs me dépasse. Les habituels, Marisa fonce devant, Doug s’avère rapide. Je fais route un moment avec Jürgen et Rolf qui finissent par me larguer. Je ne ressens aucune difficulté, je ne vais pas vite, c’est tout. C’est vraiment tout plat maintenant, sans relief aux alentours.

Je continue sur la même piste jusqu’au CP1, qui en rejoint une autre très large : Ernest Giles Road, plein ouest maintenant.

 

Je traverse une zone de prairies d’élevage extensif. Le CP2 est au niveau d’une « outback station », une dépendance de ferme isolée, avec son éolienne reliée à une station de pompage d’eau. Exactement comme dans les westerns. Néanmoins je ne vois pas la moindre corne à l’horizon.

 

Sur une belle portion toute droite, je croise un long serpent, malheureusement écrasé par un véhicule. J’aimerais bien en voir un vivant, même s’il est dangereux, cela ne me fait pas peur du tout.

 

Un peu plus loin un gros engin de chantier me double. Cela me donne un peu de distraction au vu de la circulation nulle rencontrée, certes agrémentée de poussière. Il repassera dans l’autre sens en fin d’après-midi, rentrant de sa journée de travail dans les pâturages.

Le soleil tape vraiment à partir de 11h, m’obligeant à mettre les manchettes pour m’en protéger.

 

J’arrive en fin d’après-midi au camp. J’ai mis 5 mn de plus qu’hier, et je suis 10°. Jürgen et Rolf sont à 5mn devant et Marisa me met 1h10 !

Et, surprise, Laurianne me fait un contrôle de sac. On s’installe dans le sable et je déballe tout pour vérifier le matériel obligatoire. J’aurais préféré profiter des dernières chaleurs pour souffler, car le froid tombe très vite. Il paraît qu’on retrouve trop de choses à la poubelle dont les coureurs se débarrassent pour s’alléger et l’organisation, qui a l’air de faire les poubelles, donc, veut s’assurer que j’ai encore le matériel obligatoire. Impossible de mettre la main sur ma boussole, qui est très petite et qui a dû s’échapper du sachet ziplock où elle est rangée avec les autres petites choses inutiles que nous devons trimballer. Laurianne me laisse la chercher au fond de mon sac. J’emprunte celle de Doris qui est une grosse boussole et peux la présenter à la contrôleuse du jour. Je retrouverai la mienne peu après traînant dans une poche improbable du sac. Je ne sais pas comment elle a pu se retrouver là.

Je sens un sol un peu dur au milieu de la nuit. Mon matelas serait-il dégonflé, voire crevé ? Il n’est pas totalement à plat en tout cas. J’aviserai demain. En attendant je passe une 2° moitié de nuit plutôt inconfortable. Heureusement que j’ai du sable sous les fesses.

Je retrouve aussi le matin une petite mare sous ma poche à eau. Elle aussi serait percée ? Je ne repère pas de goutte qui perle sur le plastique. Au moins ça ne coule pas à flot.

Je redoute l’étape du jour pour ses 66km. Non pas sur la distance, mais sur le temps limite. Nous avons 11h pour la parcourir, et je ne suis pas rapide rapide sur le tout plat avec un sac lourd sur le dos. Pourtant je cours tout le temps.

La piste rejoint une route goudronnée au CP1, Luritja Road, que j’emprunte sur 1km. Je me fais tout de suite doubler par la plupart de ceux qui courent encore. Néanmoins je vois régulièrement Rolf et Jürgen. Puis je prends la direction plein sud sur une petite piste parallèle à la grand-route, avec de nombreux passages dans du sable plus mou.

 

Je traverse une zone de prairies d’élevage extensif. Un abreuvoir à bétail signale le CP2, avec son éolienne pour la pompe à eau.

 

La distance prenant de l’ampleur, la durée de course également, et je dois me ravitailler en route, à midi pile. Je sors mon sachet de chips écrasés que je mange à la cuillère, en marchant. Et donc si je marche, je suis immédiatement attaquée par les mouches, alors qu’elles ne m’embêtent pas quand je cours. Le repas ne s’avère pas très agréable.

Les CP sont longs, jusqu’à 18km, mais la piste serpente, ce qui rompt la monotonie du trajet. Et peu m’importe puisqu’il faut avancer et les faire. Heureusement le paysage me ravit toujours avec ses filaos et ses spinifex.

 

Je ne vois toujours pas d’animaux. Je cherche vainement les kangourous. Quant aux koalas, il ne risque pas de se pointer, il n’y pas d’eucalyptus en vue.

Après le CP3 je me retrouve même avec Hervé, qui ne court pas beaucoup mais veut arriver dans les temps sur cette étape, c’est son défi du jour, car il a déjà abandonné sur cette course. Il accélère même, et je ne le suis pas.

 

18h s’annonce, et la tombée de la nuit approche. Arriverai-je sans avoir besoin de sortir la lampe ? Que nenni. Me voilà assise par terre au milieu de la piste à fouiller mon sac pour la trouver, car trop optimiste, je ne l’avais pas préparée. Un quart d’heure plus tard, je vois le camp de Angus Downs et j’ai le droit à un comité d’accueil. Car j’ai mis 10h56, ouf ! Passée à temps ! Brigit derrière moi n’aura pas ma chance, elle est encore à 15km de l’arrivée à l’heure fatidique. Tous les autres derrière débarquent en 4x4 plus tard.

Je finis 11° et dernière des arrivants, 5 mn après Hervé. Marisa est là depuis 1 heure. Ce n’est pas du tout agréable d’arriver de nuit, dans le froid. Je ne fais pas long feu, je me couvre, mange et me couche illico. Pas de bavardage avec les autres ce soir.

 

Je prends néanmoins le temps d’inspecter la valve du matelas. Je ne relève pas de défaut. Et de nouveau au milieu de la nuit je me réveille sur le dur. Cette fois je regarde l’heure pour savoir en combien de temps le matelas se dégonfle. Il est minuit. Ca vaut le coup que je le regonfle, il tiendra jusqu’au matin. Quant à la poche à eau, maintenue bien verticale, elle est sèche.

L’avant-dernière étape se profile : 46km de piste facile m’attendent.

Je longe des petites collines, qui diversifient le paysage. Et soudain le sommet d’un monolithe tout plat apparaît au loin devant moi, au-dessus de la cime des arbres. Tout rouge, il est magnifique. C’est le mont Conner, et je m’en rapproche doucement au fur et à mesure de ma progression. Mon regard s’y accroche, en fonction de l’angle dans lequel il apparaît.

 

Le CP2 est situé au croisement avec la grand-route vers Uluru, Lasseter Highway. Les 17 derniers km se font sur le bitume, avec de la circulation. Jérôme nous a demandé de rester sur le bas-côté, mais c’est impossible, surtout pour courir. La petite végétation gêne l’avancement. Je me remets rapidement sur la chaussée et ne m’en écarte qu’au passage des véhicules. Ce n’est pas marrant.

J’arrive 8° au campement après 7h15 de course, entre Jürgen et Rolf et30 mn après Marisa.

Nous sommes installés dans un vrai camping, ombragé. Il y a un kiosque avec table et bancs et une citerne d’eau non potable. Voilà de quoi pouvoir se laver correctement et rincer ma brassière, avant la longue étape de demain.

Mais avant le brin de toilette, un nouveau contrôle du sac me tombe dessus. Cela devient une habitude ! Laurianne ne tique même pas sur la boussole différente du contrôle précédent.

Les coureurs se débarrassent de leurs dernières charges excessives à porter, je me délecte de quelques barres.

J’ai identifié la fuite de ma poche à eau : un minuscule trou sur le bord tout en haut, bien placé pour ne plus m’embêter, un morceau d’élastoplast fera l’affaire pour l’étancher. La plupart des coureurs ont des bidons, et beaucoup ont des ennuis de casse non réparable.

Nous croisons une Française qui fait le tour du monde en vélo couché, transportant sa wingsuit, son objectif premier étant de voler sur son parcours. Belle rencontre !

Ce soir, Marisa a mal partout, les pieds, le dos, le ventre. Et moi je n’ai mal nulle part.

Et c’est parti pour les 137 derniers km le lendemain matin, qui seront encore tout plat. Nous sommes répartis en 3 groupes, les plus lents partant en premier. Je suis dans celui du milieu, donc je devrais me retrouver logiquement la dernière. Mais les plus rapides seront encore derrière moi, du moins le temps qu’ils me rattrapent. Pour une fois, je verrai passer Marco.

Il y a une barrière horaire au km 45, CP3, et il ne faut pas traîner pour la passer. Je commence une longue journée de course ininterrompue pour ne pas la subir. Mon sac qui s’est bien allégé me semble néanmoins toujours trop lourd.

Nous partons sur la grand-route goudronnée Lasseter Highway qui mène tout droit à Ayers Rock et je me retrouve assez vite en queue de mon groupe. Puis je bifurque sur la piste très large d’un terrain privé, en direction du mont Conner. Je longe un grand lac, le paysage est magnifique, l’eau d’un côté et la montagne de l’autre.

 

J’arrive déjà au CP1, situé près d’un abreuvoir à vache avec son éolienne. Il y a des kangourous dans le coin, mais je n’en verrai pas. J’y retrouve du monde, un groupe du premier départ et… Marisa. Elle souffre. Elle repart avant moi.

La piste est maintenant parallèle à la longueur du mont Conner. Comme il est beau ! Marco en profite pour me doubler comme une fusée, avec maints encouragements mutuels. Maintenant je m’éloigne progressivement du mont pour rejoindre la route au CP2. La bagatelle de 90km de bitume me mènera désormais plein ouest direct à Uluru.

 

Nous sommes en territoire aborigène protégé, et il est interdit de fouler leur terre, donc interdit de quitter la route. C’est pourquoi il n’y aura plus de piste jusqu’à l’arrivée

Je me cale sur le bord de la route, mais les voitures et surtout les camions passent vite et ne quittent pas leur voie, c’est à moi de basculer sur le bas-côté à chaque fois, dans les hautes herbes. Cela me freine beaucoup. C’est une highway, mais la circulation reste tout de même faible.

J’arrive au CP3 dans les temps, à Curtin Springs, il est 18h, devant un restaurant. Comme certains coureurs s’y sont arrêtés, j’y rejoins Rolf et Marisa. Pour ma part ma gestion alimentaire est bien cadrée, je déguste ma portion de ravitaillement toutes les 5h exactement. Je n’ai pas besoin de restaurant. D’ailleurs je n’ai pas d’argent sur moi.

 

Nous repartons ensemble sur une courte portion de piste avant de reprendre le bitume. Marisa me propose de faire route conjointement. Oh non ! D’abord c’est l’heure de mon repas. Je vais donc marcher en mangeant des chips à la cuillère. Et nous n’allons pas à la même allure. Marisa et Rolf partent donc devant.

Je vois enfin des vaches ! Cela égaye ma soirée. Jusqu’ici je n’avais vu que leurs abreuvoirs.

Je suis désormais la dernière sur le parcours. Tout le groupe des « rapides » m’a doublée, et les « lents » qui ont abandonné sont avancés en véhicule. Ce qui veut dire que je vais me taper la voiture balai… Ce qui n’est pas joyeux.

Il fait nuit maintenant et ça se rafraichit. Je sors la veste. Courir ne présente aucune difficulté. Il n’y a plus de circulation, je peux me caler sur la route. Je n’ai pas besoin de regarder mes pieds, ce qui est confortable de nuit.

De retour sur la grand-route, je suis suivie par le 4x4 balai. Il y en a 2, qui se relaient à chaque CP, avec 2 tactiques différentes. Avec Laurianne et Lucas, c’est l’horreur. Ils me collent aux basques. Je ne sais pas comment ils font pour rouler aussi doucement que moi. Je ne peux même pas faire d’arrêt pipi tranquille. Alors je ne me gêne pas, je me mets les fesses à l’air à leur vue sans vergogne, comme il n’y a pas de buisson dans les parages. Avec Maxime et Vivien, c’est le bonheur. Ils s’arrêtent 20 minutes et en profitent pour dormir, puis ils me rattrapent. Dès qu’ils me voient, ils repiquent un roupillon de 20 minutes. Au moins je profite de courir dans la solitude, comme je l’aime.

 

Il n’y a pas de lune, le ciel est très étoilé, c’est très beau. Je distingue la silhouette des arbres. Je m’imprègne de cette tranquillité nocturne.  Mais il fait de plus en plus froid. Je me couvre de tout ce que j’ai dans mon sac, c’est-à-dire pas grand-chose, de la tête aux pieds. Buff en cagoule sous la capuche, mon maillot léger de rechange au-dessus du maillot de course, le petit gilet, la veste. Que me reste-t-il ? Ah oui, des chaussettes sales. Elles feront une parfaite superbe paire de moufles, je ne suis plus à ça près en matière de propreté. La température descend à 3° dans la nuit. Seule consolation, maintenant mon sac est léger.

Une espèce de souris traverse la route devant moi. Ce serait bien un dunnart. Si je n’ai pas vu de gros marsupial, j’en aurai vu au moins un petit.

Je vois une lampe devant moi, qui ne va pas vite et qui a des bâtons. C’est Marisa. Elle marche à petits pas, ce n’est pas bon signe.  Je cours toujours.  Je la double mais ne discute pas, emmitouflée sous ma capuche. Et je lui laisse la voiture balai avec plaisir, chacun son tour.

Le CP5, km 86, n’est pas loin. Je fais le plein d’eau et ne traîne pas à cause de froid. Marisa arrive et… ne repart pas. Elle abandonne pour cause de problèmes digestifs. Me voilà donc seule fille encore en lice. Comme je suis en pleine forme, aucun doute pour moi, je gagne. Malheureusement, je me retape la voiture balai.

Je passe au pas pour manger, des biscuits pour dénutris au menu. J’ai tout mon temps maintenant, je fais tout le CP en marchant. Je découvre un grand serpent écrasé au milieu de la route. Je le détaille sans hésiter.


Je reprends la course au CP6, km 102. Le jour pointe et va me réchauffer. Et que vois-je ? Uluru dans le sommeil levant ! Magnifique. Je sais qu’on le voit au dernier moment. C’est pour ce moment que j’ai choisi cette course. Je n’aurais pas aimé arriver de nuit.

 

Je longe quelques sites de camping autorisé avant d’arriver au CP7 où il y a des tentes où on peut se reposer. Il y a aussi du monde, tout le groupe des « lents » est là, et un bon feu. Les autres partent quand je profite de m’allonger 10 minutes pour reposer les jambes. Laurianne croit que je vais pioncer un moment. Pas du tout, il n’est pas question de dormir à 20 km du final.

Je m’apprête à partir quand Shame me propose un repas lyophilisé laissé par un coureur. Pourquoi pas, je n’ai pas encore mangé et c’est mon heure. Mais Laurianne intervient pour me l’interdire car ce n’est pas une nourriture que j’ai portée. Je préfère m’enfuir du CP pour ne plus la voir.

Je sors donc mon dernier sachet de chips pour me sustenter. Et comme je suis de nouveau dernière, la voiture balai me suit pas à pas une fois de plus. Je repars après en courant, et en forme. En approchant de Yulara, la ville spécialement construite où les touristes doivent obligatoirement loger, la circulation augmente, ce qui n’est pas très agréable. Heureusement le rocher rouge d’Uluru s’approche lui aussi, il est magnifique.

 

Soudain j’aperçois une file de piétons qui progressent comme moi au bord de la route. Ce sont les marcheurs du groupe lent. Une petite côte suffit à les doubler. Je vois tout d’abord les derniers, dont Hervé qui est toujours dans la course au temps. Il est en très mauvais état et va très lentement. Il se tient complètement penché vers la droite, sans doute dû à un décalage du bassin, ce qui est fréquent chez les coureurs lors des longues distances.

Puis je quitte le bitume pour une belle piste très sableuse et sinueuse pour les 10 derniers km, qui pique droit sur Uluru. J’y double Brigit, affalée par terre, pieds nus. Elle aussi était dans le groupe lent. Je lui fais confiance, elle va s’en sortir pour le petit peu qui reste.

Peu après je rejoins Rolf qui marche, exténué. Allez Rolf, suis-moi ! Et il repart en courant à mes côtés. Je profite des derniers instants avec cette superbe vue sur Uluru. Je passe devant un hôtel *****. Tiens, ce n’est pas là que nous allons ? Nous nous contenterons d’un vaste champ au bout pour l’arrivée, que je passe donc avec Rolf. Il est 9h45, j’ai mis 26h45, je suis en forme et je GAGNE !

Il y a quelques tentes pour se reposer, mais aussi tellement de vent qu’elles s’envolent et sont inutilisables. J’aspire à enlever mes chaussures, mais je n’ai plus les petits chaussons, et à une douche, mais il n’y en pas dans notre camping. Heureusement, je peux profiter de la vue d’Uluru tout proche, et je m’en délecte à max.

 

Les derniers groupes arrivent progressivement. L’ambiance est joyeuse, bien que l’épuisement soit très présent et quelques-uns dorment même. Pour ma part, je reste toujours calme et je ne ressens pas de fatigue particulière.

Une fois tout le monde débarqué, vers midi, Christelle nous concocte un petit déjeuner pantagruélique. J’improvise un sandwich œuf – bacon – beurre de cacahuètes – miel, un délice. Que dis-je, pas un sandwich, mais un certain nombre.

Nous sommes enfin transportés à l’hôtel à Yulara, une douche, des vêtements propres, un vrai lit. Je partage ma chambre avec Brigit. Je retrouve les galahs, il y a longtemps que je ne les avais pas croisés. Je ne me sens pas trop fatiguée et pendant que la plupart font la sieste, je vais en « ville » pour organiser les 2 jours que je vais y passer. Enfin je rencontre des aborigènes. Je pensais en croiser sur la course, mais ce ne fut pas le cas, l’organisateur ne travaillant pas avec des locaux.

Le soir nous avons le repas de fin de course au restaurant de l’hôtel. Tiens tiens, les pieds ne font plus souffrir grand monde pour danser.

Le lendemain matin c’est la remise des récompenses au sommet d’une petite colline surplombant l’hôtel, face à Uluru. Il y a beaucoup de vent et il ne fait pas si chaud que ça. La virée de 520km m’a pris la bagatelle de 89h et je termine à la 8° place, 1° et seule féminine à terminer. Je gagne un panneau de circulation « attention kangourou ». Bof, je n’en ai pas vu un seul. Je donne ma petite tasse pliable à Easer comme souvenir.

 

Puis je prends le bus pour aller au pied du rocher. Uluru est une formation rocheuse de grès rouge de 3km de long. Il culmine à 350m, mais il est interdit de le gravir car c’est un site spirituel pour les aborigènes Anangus. Il paraît posé au milieu de la brousse buissonneuse toute plate. Un sentier sableux de 10km en fait le tour. Voilà ce qu’il me faut puisque je suis en pleine forme physique. Je suis la seule de notre groupe à y aller. J’y découvre quelques peintures rupestres et des sources. J’y passe un après-midi tranquille et fascinant.

 

Je reprends le dernier bus pour rentrer et j’y retrouve quelques coureurs qui se contentent du tour en bus après leur sieste. Et ô surprise, il y a un arrêt obligatoire à un point de vue coucher de soleil. Uluru se pare de rouge encore plus rouge. Bon, il y a un peu de monde. Néanmoins je tombe par hasard sur une dégustation offerte de vins et champagnes australiens avec petits fours. Voilà de quoi fêter ma victoire ! En plus la sommelière est française. J’en profite pour avoir un petit cours sur la viticulture locale, avec force comparaison de la nôtre. Je ne suis pas du tout spécialiste en la matière.

Presque tous les coureurs repartent le lendemain. Je reste encore un jour pour aller voir un autre monolithe à 50km : Kata Tjuta, également en grès rouge et très beau, et découvrir un peu plus la culture des Anangus.

 

 

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