Le Grand Raid 2008 : plus qu’un objectif, c’était devenu une affaire personnelle, entre ces sacrés rochers et moi !
Rappel des épisodes précédents : une préparation 2007 tronquée par les pépins physiques, un GRR 2007 abandonné à Cilaos à cause d’un genou récalcitrant, une préparation beaucoup plus scientifique et professionnelle en 2008 grâce à toute l’équipe A2R : physique (sorties nombreuses et soutenues), physiologique (méso, ostéo), mentale (invitation de dalons de métropole pour me mettre la pression), bref, plus droit à l’erreur !
A part un petit stress dans la dernière semaine pour des douleurs au dos (résolues par une visite à l’ostéo le mercredi du jeudi, pardon le doc, je ne t’ai pas écouté !), j’étais plutôt serein en prenant le départ : dodo l’après-midi du départ, ravitos étalés sur l’ensemble du parcours grâce à la formidable machine de guerre qu’est A2R, pas de fatigue des jambes, un camel plein, une petite tempête qui semble s’éloigner, que demander de plus ?
Rien, donc on y va !
Le départ habituel, une mer de coureurs, impossible de retrouver qui que ce soit, on a bien le temps…
Je retrouve à la fin de la route forestière Matthieu Brunet, un des 3 métros venus m’épauler sur ce beau raid. On attaque le sentier après un ravito très rapide, et là, divine surprise, on avance mieux que l’an dernier. Simple inconfort, je n’arrive pas à manger, mais je ne m’inquiète pas trop. Je ne m’inquiète pas non plus quand je croise Florent, assis sur le bord du chantier, tout sourire. Je ne remarque pas qu’il a le cœur au bord des lèvres, et qu’il va lui falloir du temps pour repartir. On peut appeler cela de l’égoïsme… Je me centre de plus en plus sur moi-même, car rien ne passe toujours, je n’ai pas une grosse pêche. Je laisse Matt partir dans la nuit, je ne le reverrai qu’à l’arrivée !
Volcan à 6h15, 680è (ça, je ne le sais pas !), cohérent avec mon plan de marche. Je récupère mon premier ravito auprès de Luciano, mais ne suis pas trop heureux, un peu nauséeux.
Je repars tranquillement, en petites foulées, et là, mon genou gauche se réveille (suivez bien, il n’est pas seul, le bougre !). En gros, comme l’an dernier. Super la préparation, me dis-je, en me faisant doubler, au pas, par tout le monde. Le moral est au beau fixe, mon 2è pote Martin Kerhuel me reprend, m’attend, puis s’en va. En fait, la douleur se stabilise, je ne peux pas courir, mais la marche passe sans trop de problème.
Arrivé à Mare à Boue à 9h1/2, j’ai quand même perdu 130 places dans l’affaire. Rien de problématique, du moment que j’arrive ! Les parents de Sandrine m’installent comme un roi, je troue une ampoule, j’essaie de manger, le seul truc qui passe est une tranche de cake de Flore, abandonnée par Stéphane. Le fourbe, la voilà, sa botte secrète. Et il a fait exprès, j’en suis sûr, de ne pas m’apporter le cake que Flore m’avait confectionné. C’est beau l’esprit d’équipe… Un coup de fil à Sandrine et Raph qui, à l’abri de leur couette, me pourrissent de rester trop longtemps au ravito, et on repart tranquillement.
La montée passe bien, je passe au refuge du piton 756è, et attaque le premier vrai test : la descente du bloc, de sinistre mémoire pour moi. Aucune surprise dans cette descente : je me fais doubler par une quarantaine de coureurs, et mes 2 genoux me font mal : le gauche, c’est du classique, et le droit, à force de bosser plus que l’autre, manifeste logiquement sa désapprobation. Mais j’arrive à Cilaos décidé à continuer, malgré le crachin, un peu de fatigue, les genoux et ce ventre qui continue à faire grève. Les parents de Seb m’accueillent en pleine forme, j’apprends que Yann a abandonné, aïe, mais que Seb va super, et que Florent revient comme une balle. D’ailleurs, je le vois au moment de partir. Du très grand Florent, avec un mental en acier trempé. J’avale une soupe chaude au ravito, bof, un yab de yoplait (berk !!), et je repars. Bonne opération comptable de ne rester que 20 minutes, car je gagne 150 places ! Facile…
La suite l’est moins, car j’arrive au pied du taibit avec 2 genoux douloureux, mais surtout une vraie hypo (à force…). Là, je rends grâce aux pointeuses du taïbit (pas de mauvais jeu de mots, merci), qui m’installent au chaud, et me forcent à manger, manger, manger… Florent passe en coup de vent, me donne son médoc, et moi, je m’enfonce dans cette ambiance chaleureuse… La fracture au moral n’est pas loin, quand un bus se présente pour redescendre un concurrent qui abandonne. Mais les pointeuses ont une arme secrète : « tu peux rester là jusqu’à 5h du mat’ demain matin ! ». J’aurai bien le temps de me refaire une santé, non ? Et tant qu’à faire, autant y aller tout de suite ! Et sans trop comprendre, je remets mon coupe-vent trempé, et j’attaque le taibit, pas si mal ! J’ai dû rester ¾ d’h au pied, mais c’était nécessaire. Je rejoins un petit groupe, me mets à sa tête, et en avant. Puis je commence à entendre parler dans les rangs, derrière moi. Qui se permet ? C’est Jaja, et surtout son copain, qui n’arrête pas. Je durcis, ils suivent, mais se taisent enfin. Non mais !
Arrivé à Marla 702è, (Jaja m’a lâché dans la descente, genoux oblige), je ne reste que 5 minutes pour remplir mon camel et attraper une soupe, ça caille dur !
Je repars, suivi de quelques uns dont Jaja, qui commence à trouver que c’est dur, mais qui s’accroche sans rien dire. Une soupe à Trois roches, dans le brouillard, et on attaque les 3 ravines pour Roche plate. Je ne reconnais quasiment rien, commence à avoir envie de dormir, mais le ravito est à Roche plate, hors de question de faire une pause avant. J’arrive 628è à 2h à Roche plate, j’ai repris tout le retard laissé au pied du taibit, tout va bien ! Jean-Louis me cocoone, je mets des affaires chaudes pour dormir une heure, et repars vers 3h20, tout rebiscoulé par cette sieste 5 étoiles. Ce fourbe de Jaja a foutu le camp avant, mais je ne suis pas seul pour autant. La roche ancrée passe bien, le jour se lève, c’est la vie de château, s’il n’y avait pas ces genoux qui m’empêchent d’avancer. Mais le moral est plutôt bon, je ne vois pas comment je pourrais abandonner. 647è à Grand place, un sandwich au pâté, une soupe, je ne m’attarde pas. J’attaque le tour des ilets, et me fais passer par 2 avions, Jaja et son pote. Tiens, il y a un truc que j’ai loupé au ravito ou quoi ? Moi, je continue à mon petit rythme, il fait beau, je suis dans mon élément, tout va bien, à part les genoux, bien sûr. Et je reprends Jaja et son pote à ilet à malheur, complètement scotchés, séchés. J’arrive à Aurère, tenu par mon assoc d’escalade, c’est sympa de retrouvé 15 visages connus qui tiennent à s’occuper de moi malgré l’odeur ! Sans oublier le ravito A2R. Bref, je repars vite, laissant Jaja et son pote assis ; je ne les reverrai pas.
Descente toute douce à Deux Bras, toute en gestion chaloupée, pour une quinzaine de places perdues : pas grand chose, je signe !
Et surtout, à Deux-bras, le carry me fait envie ! Sensation tout nouvelle, je me précipite ça fait du bien ! J’attaque donc la montée de dos d’ane serein, ça passe bien, mais la pluie revient. Le genou commence à me faire mal aussi en montée, ça m’ennuie : à Dos d’ane, je me fais poser une bande, et en oublie le ravito A2R ! Pardon, pardon… Je commence à faire le timing d’arrivée, j’aimerais y être avant la nuit. Ca peut tenir, mais j’avance de plus en plus doucement, sous les effets conjugués de la fatigue et du genou, si bien que j’arrive à Affouches à petit rythme. Ca caille, j’ai mal, or je ne veux plus me faire mal ! Mais dans le chemin boueux, ça recommence à être rigolo de glisser partout, je suis pris dans un groupe qui avance bien, donc j’emboite leur pas, et arrive plutôt bien au colorado, à 18h15, 562è ! Là, je crois que ça commence à être gagné. Mais j’attaque la seule portion jamais reconnue, et, entre les réunionnais qui passent comme des balles, la nuit qui est maintenant tombée, je mets du temps à m’y retrouver. Finalement, un réunionnais m’accompagne sur les 200 derniers mètres, on arrive au stade, je trottine tranquillement, je n’ai plus mal nulle part, c’est GENIAL !!
Arrivé en 44h, 570è, je crois bien que le contrat est rempli ! Merci A2R, et à bientôt !